La Résilience

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été totalement imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona

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Auteur : Eric LEMAITRE 

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été en partie imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona.

Cette reine Corona comme ces têtes brûlées, rebelles casqués et revêtus de casques de morts est venue semer la pagaille, le désordre au sein de toutes nos cités. Ces cités qui vaquaient à leurs vies marchandes, des vies tranquilles ou placides, quand soudainement la Reine virale et sa légion sont venus « silencieusement », en semant partout la peur sans pourtant jamais pétarader. Jamais autant le son du silence n’a fait autant fureur, si bien que même les milices les plus extrêmes se sont réfugiées dans leurs quatre murs. En revanche de cette crise pandémique, il nous faudra retenir la grande leçon de l’écologie intégrale, celle qui touche à la dimension de l’habitat et de ses habitants, de l’humanité et de son environnement.  Cette crise laissera probablement des traces indélébiles et chahutera pour longtemps la vie occidentale, bousculera toutes les nations qui ont souhaité emboiter le pas d’un monde frappé par la déréliction et la désolation morale. Ce sont les repères d’un monde qui a effacé la transcendance, qui découvre toute la finitude du genre humain. La force de cette crise nous montre en définitive que la valeur humaine est la plus importante, celle notamment de la relation aux autres. Nous avons même été claquemurés militari, avec des mesures draconiennes, interdisant à ceux qui souhaitaient pratiquer leur culte de se retrouver. Au soulagement de plusieurs, le Conseil d’État, la plus haute instance administrative a retoqué ce décret liberticide qui était une atteinte aux libertés les plus fondamentales de renouer avec l’incarnation, de cette vie authentique et relationnelle entre croyants.

Alors que le monde dans sa chair a été comme fracturé, je veux garder finalement l’espoir d’une reconstruction possible tandis que l’habitat en miettes signait définitivement la fin de toute espérance. Si le monde avait été en miettes, il aurait été littéralement atomisé tandis qu’à ce jour, et avec prudence, le diagnostic serait plutôt aujourd’hui celui d’un environnement social, morcelé, disloqué, mais non en débris. Un monde fractionné, en tout cas en apparence aujourd’hui, car il nous faudra rester, circonspect. Si dans notre imprudence, nous décidions de reconstruire le monde d’avant, consumériste et mondialiste, ce monde-là, nous imposera une fois de plus les seules lois technicistes de son marché. Nous propagerions alors une nouvelle fois, une forme de déshumanisation avec ses artefacts, ses productions d’objets toujours augmentés. Ainsi nous faudra-t-il relire le passé, écouter ce « messager virus », relire attentivement les enseignements qu’en ont tirés les victimes des pandémies qui sont venues ravager le monde au commencement de notre humanité et au fil de l’histoire de nos civilisations.

La pandémie de coronavirus n’est pas un évènement viral sans précédent dans l’histoire. Depuis le commencement de l’humanité, nous avons connu des épisodes de pandémie, la lèpre qui longtemps a été une maladie infectieuse chronique a été décrite très largement dans le livre du lévitique comme je l’avais déjà rappelé dans un autre texte.  Nous ne connaissons cependant pas l’importance morbide de cette maladie infectieuse, mais en revanche la stigmatisation sociale de la lèpre a été elle brutale et fulgurante. Un autre fléau d’une autre nature, décrit dans le livre d’Exode frappa tous les premiers nés d’Égypte[1] et marqua alors toute l’Égypte au point que le pharaon se résigna enfin à libérer les esclaves hébreux. Ce fut pour l’Égypte pharaonique une leçon à apprendre, une leçon à tirer de cette épidémie[2], il fallait définitivement lâcher prise, lâcher l’emprise sur les hommes et les femmes réduits à n’être que des machines corvéables. Toute l’histoire de l’humanité semble en conséquence, avoir été traversée par de graves épidémies, peste bubonique, choléras, fièvre typhoïde, grippe espagnole et plus récemment le sida et le virus Ebola. Toutes ces épidémies peuvent nous dire quelque chose de notre société et sans doute, en sont elles-mêmes les reflets, les messagers. Toutes ces épidémies ont été dévastatrices, en créant le plus souvent des situations irréparables là où la pandémie a frappé. Les sociétés alors ont été profondément chamboulées, mais ont retenu la nécessité d’une hygiène corporelle nécessaire pour endiguer la propagation et la diffusion de la peste.  L’odeur pestilentielle, puante, cloaque conduisirent les souverains comme Philippe Auguste et Louis IX à prendre des mesures drastiques, pour transférer notamment certaines activités à la périphérie des agglomérations, et « des systèmes de curage ont été par exemple mis en place pour les rivières et les canaux »[3]. Quelles leçons, allons-nous tirer de cette pandémie pour le monde de demain à la lumière des pandémies passées ? Ne conviendra-t-il pas d’avoir une lecture plus systémique ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause cette géographie mondialiste induisant des modes de propagation via les routes terrestres et les navigations qui s’opèrent dans le ciel ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause les idéologies du progrès technologique et leurs effets délétères sur le plan social ? Ces technologies qui nous ont fait rêver et permis les apéros virtuels, mais freinent les véritables socialités.

À ce jour, le nombre de victimes de covid19 ne se compare ni à la peste noire, ni même à la grippe espagnole. Il n’en demeure pas moins que les autorités sanitaires restent prudentes, demeurent sur le qui-vive redoutant les effets possibles d’une seconde vague si l’insouciance, venait à gagner certains, trop heureux de reprendre leurs habitudes sociales guidées par le seul instinct grégaire. Souvenons-nous ainsi de cette seconde vague grippale résultant de ce germe pathogène que l’on nomma la grippe espagnole vécue comme une véritable pandémie totalisant 50 millions de victimes en à peine une année. Cette grippe espagnole fut un véritable cataclysme humain s’ajoutant aux victimes d’une autre secousse planétaire résultant elle de l’effroyable guerre qui traumatisa alors toute l’Europe. Sans aucun doute qu’au cours de ce XXe siècle, l’évocation d’un cataclysme apocalyptique ne fut nullement ni exagérée, ni excessive. Cette nouvelle pandémie qui affecte notre siècle n’a cependant ni les caractéristiques ni les particularismes d’une morbidité comparable à la peste noire de 1347 ou à la grippe espagnole de 1918 ni même à d’autres épidémies plus récentes dont les ravages ont mis également en péril des millions de personnes de par le monde. Nous savons aujourd’hui que d’autres épidémies exhumées récemment par nos historiens ont été comme effacées de notre mémoire collective, comme la grippe de Hong Kong qui surgit à la fin de l’hiver en 1968. Cette grippe provoqua la mort d’un million de personnes de par le monde et avait également déclenché aux États-Unis une vague importante de décès. Les autorités sanitaires américaines avaient dénombré à l’époque près de 50 000 morts. Se souvient-on de cette grippe ? En tout cas, elle a été peu évoquée et s’intéresse-ton d’ailleurs à l’histoire, je n’ai pas vu beaucoup de philosophes interviewés, ni d’historiens, pourquoi ?

Pourtant cette pandémie du covid19 par ses effets, a quelque chose qui n’a pas de précédent dans notre histoire. Plus de la moitié de notre humanité s’est en effet retrouvée, confinée en l’espace de quelques semaines, les frontières fermées, les déplacements contrôlés, les voyageurs en provenance de pays suspectés d’être contaminés, mis en quarantaine. Au-delà de cette maladie extrêmement grave, suscitée par un germe pathogène, naturel ou manipulé accidentellement, c’est toute une dimension systémique qui a impacté la totalité du genre humain. Les conséquences culturelles, sociales, économiques, sont ou pourraient être d’une extrême gravité. Cette crise majeure a également créé de graves dommages, de véritables traumatismes psychologiques de par l’isolement des familles, la séparation des liens d’affection avec notamment les personnes les plus avancées dans l’âge. Le confinement a conduit également à une forme de désocialisation et parfois de repli sur soi, avec le stress pour plusieurs, de retrouver une vie sociale normalisée ou de penser un tant soit peu que l’avenir est seulement écrit en pointillé et sans filets.

Les pouvoirs publics, les médias ont joué un rôle déterminant dans cette crise des mentalités, en ne jouant pas sur la responsabilisation, mais sur la dimension de l’infantilisation des publics, en assénant des messages essentiellement morbides, fondés sur la dimension d’un choc émotionnel, accompagné d’une mise en garde paternaliste, une dimension insuffisamment fondée sur la responsabilisation sociale et ne préparant pas les publics à un retour progressif, se faisant pas après pas. Il est évident que les nations jusqu’à aujourd’hui n’ont pas su préparer leurs populations à l’éventualité, d’un tel choc civilisationnel. Nous avons été comme habitués aux actes de terrorisme, mais nous n’avons pas voulu prendre conscience de la possibilité d’une pandémie qui viendrait en quelque sorte fracasser la marche de notre monde.

Mais ce que Corona a brisé ce n’est pas tant la dimension économique que nous avons déjà évoquée et que nous évoquerons à nouveau, mais bien la dimension du lien, ce qui relève de nos maillages affectifs, tissés avec des parents, des amis, des membres d’une communauté, d’un territoire, d’un quartier, de nos vies au quotidien avec nos engagements auprès des autres.

Au cours d’une émission radiophonique[4], le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui a échappé à Bordeaux, à une rafle contre les juifs en 1944[5],  a exprimé son inquiétude, « l’inquiétude d’une exacerbation des inégalités de résistance psychologique aggravées par les inégalités sociales et culturelles ». Certains amis, et des membres de mon entourage ont ainsi partagé leurs peurs, des parents angoissés n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école. Ces proches qui n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école sont pourtant des gens infiniment éprouvés et courageux, qui ont été les victimes d’atrocités commises en Centre-Afrique, ils ont été tous traqués, pourchassés, et l’un d’entre eux, a même été mitraillé et laissé comme mort près du fleuve Bangui. Mais plus que l’épreuve de la guerre, des djihadistes qui les ont menacés physiquement, c’est le virus qui leur semble encore plus dangereux. Aussi nous pouvons parfaitement saisir leur souci de ne pas être soumis à une nouvelle épreuve, à une nouvelle souffrance. Je crois que chacun d’entre nous, nous serons conduits à manifester plus que de l’empathie, pour comprendre que ce déconfinement ne sera pas simple pour tous, quant au dehors, le coronavirus n’a pas littéralement déguerpi. A l’heure de la distanciation sociale, et lorsque nous ne sommes pas obligés d’emprunter les transports en commun, comment alors ne pas songer à ceux et celles qui seront conduits à dépasser leur espace calfeutré, et protégé pour se confronter à nouveau à autrui sans la distanciation sociale et après avoir martelé que nous sommes nous-mêmes de potentiels agents agressifs.

Le déconfinement reste selon moi une mesure qui n’a pas été suffisamment réfléchie. Une réflexion insuffisamment conduite en amont, associant étroitement le collectif des corps intermédiaires, les associations familiales, les syndicats, les communes. La prétention d’un « État instituteur de la société » est devenue cette réalité dont se sont plaints les maires des villes, les premiers échelons de la vie sociale. Cet état « instituteur » a également sacrifié en quelques décennies, d’autres piliers comme la famille, tout ce qui constitue au fond la subsidiarité d’une société. Or aujourd’hui cette religion jacobine fait face à une crise majeure au plan social, qui nécessite une refondation, une reformulation du modèle social, qui ne sera pas seulement une résilience ; mais une remise en cause d’une certaine idéologie, d’une conception métaphysique de l’homme et de la société.

Le déconfinement ne s’ordonne pas d’un coup de baguette, d’un trait de plume et en une date décrétée, il nécessitait d’être préparé, de rassurer et d’accompagner. Nous connaissons de nombreuses personnes qui ont été dévastées par l’épreuve infligée par la pandémie, des deuils qui n’ont pas été faits, des familles brisées par la mort d’un proche, l’avenir pour eux est comme inhabitable, comme impossible, car la peine à surmonter, leur fait comprendre le poids immense de leur fragilité, de leur vulnérabilité. Songer à l’avenir pour ces personnes est inimaginable quand elles perçoivent ce qui a été littéralement détruit autour d’elles. Outre les effets psychologiques destructeurs, morbides, pour ceux qui n’ont plus les ressources pour relever le défi de la résilience, il faut aussi ajouter toutes ces personnes qui demain seront privées d’emplois, et seront confrontées à l’inquiétude d’un État-nation en déliquescence et qui pour partie est en train de perdre la boussole, en ne prenant pas la mesure des priorités essentielles. Il ne s’agira plus de sauver la finance selon moi, ni les grands groupes industriels, mais de préparer la restauration d’un pays non en injectant des milliards dans une économie consumériste et qui porte elle aussi en responsabilité le catastrophisme économique sous-jacent. Cette perfusion à coups d’interventions surendettera de façon irraisonnable les capacités d’une nation considérablement affaiblie par l’arrêt brutal du fonctionnement de toutes les activités. Au fond, gouverner demain, ce sera avant tout puiser dans l’intelligence collective, industrieuse et solidaire. Il me semble que le messager viral porte avec lui un message de véritable résilience face à l’agression germicide qui a renversé toutes les tables d’une insouciance qui n’avait pas envisagé l’ampleur du mal qui a assombri notre avenir social.  Mais effectuons à nouveau un voyage dans le temps, quelques temps après la peste noire, des mesures draconiennes ont été prises. Ainsi en 1374, Marguerite de Bourgogne la petite-fille de Saint-Louis et épouse du fils aîné de Philippe le Bel, Louis X le Hutin, demande que soit nettoyée sa ville[6]. Qu’allons-nous nettoyer, qu’allons-nous assainir en 2020 ? Quelles mesures draconiennes allons nous prendre pour anticiper les épidémies qui comme des messagers sociaux, nous disent ce qui au fond dysfonctionne au sein de nos sociétés ? Qu’allons-nous remettre en cause ? Allons-nous construire le prétendu Nouveau Monde, ou changer réellement de cap pour réorienter l’humain vers une dimension de sens ? Le sens ancré dans la sacralité, le bien commun, la proximité, le restaurant dans la dimension d’un monde réel dont on aura et je le souhaite, expurgé le fantasme et l’idolâtrie de l’objet.

Or comment dans ces contextes, faire résilience ?  Mais de quelle résilience, parlons-nous ? S’agit-il de résilience écologique, ou de résilience psychologique ? L’une en effet offre la capacité à un écosystème de reprendre forme après une grave perturbation, tandis que l’autre, est celle où l’aptitude à se relever après le vécu d’un véritable traumatisme, prend à nouveau rendez-vous avec la vie ! Vais-je faire également l’impasse de la résilience de l’économie, dont les structures mercantiles ont été soumises à un véritable choc ?

Dans les trois domaines de l’écologie, de l’économie et de la personne, toutes les lectures que l’on peut faire ici et là, convergent, tous les commentateurs avisés, s’attendent à l’intervention « omnipotente » de l’appareil de l’état pour intervenir sur ces trois champs ! Or ce serait une terrible erreur sociale de considérer que la toute-puissance de l’état est suffisante pour reconstruire, rebâtir, restaurer. Pour ma part et je l’ai déjà écrit, l’état ne pourra rien faire, s’il ne s’adosse pas à toutes les micro structures qui sont au plus près des réalités, au plus près des vécus. Une société est réellement résiliente lorsqu’elle est réellement capable d’activer réseaux de solidarité, de les développer. Au plus fort de la crise économique en 2008, nous avons relevé des initiatives fortes, où des hommes et des femmes se sont organisés pour réinventer l’économie solidaire. L’économie solidaire est une multiplication d’initiatives pour créer et échanger, faire de la richesse autrement. L’économie solidaire est une économie de proximité, soucieuse d’équité et de développement durable, soucieux de ne discriminer personne et encourageant l’initiative de tous. Partout nous avons vu se développer sur le territoire des maillages et des réseaux d’hommes et de femmes qui se sont levés pour témoigner envers les soignants des gestes de solidarité, ainsi des restaurants fermés, ont fait fonctionner leurs cuisines pour offrir des repas qui ont été comme une somme de réconforts, pour les personnels médicaux qui était au front et sous pression sanitaire, des associations de bénévoles se sont serrés les coudes pour apporter les repas auprès de personnes malades ou en souffrance. Une vie humaine s’est organisée également pour porter secours aux personnes confrontées à la solitude et ne la supportant pas. Toutes les combinaisons de ces gestes participent de la résilience. Et la résilience écologique tiendra en grande partie à cette culture de l’économie locale, l’économie de proximité. Dans cette dimension de résilience écologique, il faut se souvenir des travaux effectués par le chercheur David Thilman, qui fit cette observation riche d’enseignement touchant à la dimension de la biodiversité. Il fit ainsi le constat « que seules les parcelles abritant le plus de biodiversité avaient résisté à la grande sécheresse de 1988 qui avait causé la perte de toutes les récoltes dans les prairies du Minnesota. Dès lors, il semblait que seuls les écosystèmes présentant la plus grande variété d’espèces pouvaient encaisser une perturbation grave et se régénérer [7]». Le phénomène de résilience écologique dans son expression symbolique touchant à la biodiversité montre ceci, plus on croisera les énergies, les compétences, à la plus petite échelle, c’est-à-dire le niveau d’une parcelle, plus on sera en mesure de régénérer la vie sociale avec toutes ses formes d’interdépendance, d’entraide, de vie sociale et de solidarité économique. Cette biodiversité et qui touche également à l’écologie humaine me renvoie au texte de Saint Paul dans l’épitre aux corinthiens [8]: « Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps.  L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires … ». Le chardon, l’ortie, le lierre sont parfois les mal aimés des jardins mais remplissent bien souvent une fonction utile. On apprend ainsi que certaines plantes soignent d’autres plantes comme l’ortie, que certaines nourrissent les oiseaux comme le lierre, que le chardon possède un vrai potentiel thérapeutique. Le chardon, l’ortie et le lierre ne sont pas une nouvelle fable, mais constitue bel et bien une nouvelle parabole, L’ortie et le chardon ne sont pas sans rappeler le personnel soignant, le symbole de la défense périphérique, nous protégeant contre les assauts pernicieux du dehors : « Qui s’y frotte s’y pique » nous rappelle l’adage. Le lierre d’intérieur, est un agent dépolluant et nos éboueurs ont été comme ces invisibles indispensables, dépolluant nos chaussées. Non seulement dépolluant le lierre possède aussi cette fonction nourricière et c’est autant un hommage à toutes ces personnes qui dans les champs ou les magasins ont continué à approvisionner nos placards. Ils ne sont pas l’élite de la nation, mais sans eux, nous nous serions effondrés.

Le bien commun et sa sauvegarde tiendra ainsi à cette capacité de favoriser la biodiversité, de se serrer les coudes et d’entrevoir ainsi un horizon où l’on pourra rapprocher les pièces d’un monde disloqué et en considérant que nul ne pourra dire « Je n’ai pas besoin de toi ». Mais alors qu’en sera-t-il de nos élites, de nos ingénieurs, plusieurs milliers déjà en poste seront demain sans emplois. Je ne désespère pas qu’ils formeront une nouvelle cohorte industrieuse mettant leurs talents au service d’une collectivité soucieuse non plus d’efficience mais de qualité de vie et c’est à ce prix que l’on recollera les morceaux pour espérer une vie sociale plus humaine et plus proche des gens. Mais s’agit-il d’un rêve utopique ? C’est hélas fort probable, car l’homme augmenté ne choisira pas si facilement de courber l’échine considérant que ce serait trop humiliant de ne pas être porté en triomphe. Mais si l’humanité choisit de s’en remettre à ses instruments, elle passera alors, de leurs côtés ; la mécanisation de la conscience[1] sera alors en marche.

 

[1] La mécanisation de la conscience publiée le 31 décembre 2019 aux éditions Librinova

[1] L’Équipée sauvage est un film américain réalisé par László Benedek, sorti en 1953. Une description de jeunes rebelles qui vont semer le trouble dans une cité américaine.

[2] Bible : Exode 12 : 29-36

[3] Des types d’infections sont rapportés dans un vieux papyrus égyptien, qui remonte à 1.300 av. J.-C., le manuscrit mentionne une maladie de peau épidémique qui aurait touché les sujets du Pharaon. Le papyrus Ebers serait également l’un des plus anciens traités médicaux qui nous soient parvenus : il est daté du XVIe siècle av. J.-C Le papyrus Ebers mentionne et décrit entre autres quatre grands facteurs pathogènes circulants.

[4] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[5] https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/boris-cyrulnik-on-est-dans-la-resistance-pas-encore-dans-la-resilience

[6] Les parents, du neuropsychiatre, meurent en déportation. Son père est déporté par le Convoi No. 64, en date du 7 décembre 1943, du Camp de Drancy vers Auschwitz. Sa mère est déportée par le Convoi No. 7, en date du 19 juillet 1942, du Camp de Drancy vers Auschwitz.

[7] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[8] https://www.latribune.fr/green-business/l-actualite/20120612trib000703435/de-la-necessite-d-une-economie-de-la-resilience.html

[9] Texte de Paul ; 1 Corinthiens 12 :20-22

Pour une économie de proximité ….

Auteur Eric LEMAITRE

La mondialisation a agi comme un mirage, une forme de chimère nous laissant penser à une croissance exponentielle et infinie or la libéralisation des échanges de biens, de capitaux et des hommes, conjuguée à un environnement envahi de plus en plus par la dimension du gain à tout prix a inévitablement favorisé les délocalisations massives du monde industriel à forts capitaux, vers les pays à plus faible coût de main-d’œuvre. Ce monde nous a ainsi entraînés vers des circuits longs, a jeté à la périphérie bon nombre d’activités économiques, entraînant une polarisation et une concentration des capitaux qui déséquilibrent les écosystèmes de nos territoires notamment nos bourgs ruraux. Nous sommes ainsi passés d’un rapport à la personne, à l’économie des masses, du sacré à la matérialité, du bien être à la consommation débridée.

Les années 60

Ce constat m’a de fait plongé dans mes souvenirs d’enfant, un enfant de la campagne, un enfant du monde rural, je me souviens que nous avions une maison et un grand jardin, nos parents nous avaient confiés un lopin, une parcelle de leur jardin afin d’y cultiver nos carottes, nos radis et tomates. Nos parents souhaitaient nous transmettre l’amour de la terre et des plantes. Nous avions peu de déchets et aucune consommation d’emballage, le seul emballage que nous consommions était le papier paraffiné du boucher qui nous emballait la viande. Notre lait nous allions le chercher à la ferme dans des bidons et l’eau nous étions nombreux dans le village à le puiser au puits. Nous étions à deux mille lieues de cette société hyper consommatrice qui est venu finalement entacher, souiller une qualité de vie.

Dans ce même village, il y avait plusieurs corps de métiers, un charpentier, un forgeron, des épiciers, une boulangerie, un cordonnier et bien entendu des fermiers, plusieurs fermiers, éleveurs ou cultivateurs. Nos villages étaient peuplés, la vie était animée, aucun habitant ne connaissait non plus le chômage, non la vie de notre village n’était pas l’ennui, n’anéantissait pas non plus nos rêves d’enfants épris de liberté. A ce propos personne ne semble souligner finalement que ces années-là, ces années 60, nul n’éprouvait dans les villages le non-emploi. La terre de ces villages produisait une qualité de vie et de véritables richesses, ces richesses étaient humaines, les églises étaient aussi pleines le dimanche à la messe.

Dans ces villages, la vie sociale conduisait à nous mêler, riches et pauvres, il n’y avait pas de différences, nous avions les mêmes terrains de jeux, les mêmes centres d’intérêt. « On ne gagnait rien, on ne vivait de rien, on était heureux. Il ne s’agit pas là-dessus de se livrer à des arithmétiques de sociologue. C’est un fait, un des rares faits que nous connaissions, que nous ayons pu embrasser, un des rares faits dont nous puissions témoigner, un des rares faits qui soit incontestable »[1]. Notre monde était celui de la proximité, or en quelques décennies, nous sommes entrés dans une forme de nouveau modèle sociale, une mutation qui subrepticement est venue bouleverser les conditions de la vie dans nos campagnes.

Le bouleversement  

Nos villages se sont dépouillés des richesses artisanales, dépeuplés de ces métiers, les artisans ont disparu, les épiciers ont été absorbés par les géants de la distribution qui se sont installés à la périphérie des villes, les paysans n’ont plus vécu largement de leurs revenus, devenus entre-temps les sujets des contraintes imposés par le marché Européen et aujourd’hui pour beaucoup d’entre eux ne vivent plus de leurs ressources.  Il y a à nouveau, ces mots prophétiques de Charles Péguy[2] qui résonnent en moi et qui illustrent les sentiments qui me traversent à propos des mutations de ce nouveau monde et de son Dieu Mamon « Il y a eu la révolution chrétienne. Et il y a eu la révolution moderne. Voilà les deux qu’il faut compter. Un artisan de mon temps était un artisan de n’importe quel temps chrétien. Et sans doute peut-être de n’importe quel temps antique. Un artisan d’aujourd’hui n’est plus un artisan. »

Dans ces contextes, l’évolution du monde de l’éducation porte aussi cette responsabilité de détourner les élèves talentueux en leur enseignant comme une forme de régression, de recul honteux d’embrasser les carrières orientées sur les savoir-faire manuels. Les élèves peu doués étaient finalement orientés dans ces classes dites de transition. Ces élèves en classe de transition, furent préparés à des métiers que l’on ne voulait plus honorer. Certains parents dans leur amour-propre n’auraient pas aimé une orientation dans cet univers des manuels persuadés qu’il n’y avait pas là d’avenir social pour leurs enfants ni de valorisation possible de leur talent. Le système éducatif est ainsi responsable d’une mise en distanciation des élites et des hommes et des femmes qui forment ce que l’on a communément appelé le « peuple » Ce monde élitiste mais dévoyé a brisé le lien, la relation pour créer des classes, ceux qui réussissent et ceux que « l’on croise dans les gares »[3].

Nous avons été gagnés par les mirages de l’argent, de l’économie du gain, de la compétitivité, de la performance, de la conquête mondiale. Cette économie-là a mis de la distance en s’éloignant définitivement de la dimension de l’humain, en mettant également à l’écart la proximité où les ressources locales constituaient l’essentiel des richesses. Ces richesses locales qui promouvaient un échange garantissant les équilibres de nos écosystèmes.

Or ce sont nos écosystèmes qui ont été abîmés par l’industrialisation des multinationales, la mondialisation, les idéologies du progrès, le consumérisme et ses miroirs qui ont désenchanté finalement la socialité des villages, de ces bourgs à taille humaine.

La tendance du monde moderne épris d’argent, de consommation et de progrès technologique, le porte naturellement vers une globalisation croissante, écartant l’être humain de tout rapport à la proximité, de toute agora, tout enracinement à sa terre mais aussi à ses humus, lui faisant miroiter les appâts d’un bien-être ancré dans la seule et suffisante matérialité s’enfermant dans la consommation individualiste devenue  aujourd’hui virtuelle, cette  consommation qui apparaît  comme étant la principale responsable de nos maux comme une empreinte toxique abîmant le milieu humain et toute un pan de l’écologie humaine.

La remise en cause

Or après avoir chéri l’économie mondiale, les pouvoirs publics remettent en cause les modèles qui sont venus conditionner les nouvelles habitudes qui ont dessiné à ce jour nos modes de vie. Or le discours politique qui nous enjoint à vivre un autre modèle, nous ordonne d’adopter d’autres mœurs, ne passe pas, ce discours-là est rejeté. L’orientation proposée, celui de la transition énergétique est tout simplement décalée par rapport au modèle économique qui s’est installé via l’invasion consumériste, qui s’est aujourd’hui profondément amarrée dans les univers de notre vie sociale et éducative.

Le refus de se laisser entraîner dans une forme de renonciation de l’aisance sociale tient sans doute de ce décalage entre les paradoxes et les signaux transmis par une élite totalement déconnectée du réel et qui elle-même n’est absolument pas prête à embrasser le modèle qu’elle nous propose. C’est ce décalage qui est devenu insupportable pour les gens pauvres, ceux qui vivent dans la précarité, ceux qui ont été mis à distance et se déplacent avec leur voiture émettrice de pollutions, alors que leurs élites au pouvoir se déplacent en grosses cylindrées pour rejoindre la préfecture de Paris en pleine manifestation des gilets jaune sans avoir fait eux-mêmes usage du bus pour assurer leur déplacement. Le contraste est ici saisissant et interpellant et conduit à encore davantage d’incompréhension entre le « faites ce que je vous dis et ne faites pas ce que je fais » !

Pourtant les élus politiques qui se sont engagés dans une réflexion sur l’élaboration d’un nouveau modèle de développement face à l’urgence écologique, n’ont absolument pas tort. Mais il nous semble que l’absence d’exemplarité et de vécus témoignés n’amènera pas les changements nécessaires. Les changements nécessitent des réformes structurelles et culturelles, de la pédagogie mais aussi la renonciation à l’envahissement de la technologie dans nos espaces de vie. Le changement est aussi un changement de comportement de nos élites dont les paradoxes de vie, ne témoignent pas de cohérence et d’intégrité morale et ne donnent pas envie d’adhérer à leurs programmes. Ma mère me disait toujours que l’exemple vient d’en haut et nécessairement je pense à la personne de Christ qui est venu pour servir et non être servi. L’enseignement évangélique de ce point de vue devrait inspirer nos élites qui se laissent griser, puis caressés par l’amour de la richesse et du pouvoir. Jésus a su résister aux propositions du diable, à ce monde de la toute-puissance et de l’argent facile. Jacques ELLUL évoquait dans ses discours la nécessité de fuir l’emprise du monde, celle de l’argent facile. Jacques ELLUL en 1946 dans la revue le semeur et dans un livre à paraître en Janvier 2019 estimait qu’«il convient que l’homme ait le strict nécessaire pour vivre (et il faut lutter pour que tous les hommes l’obtiennent), mais il faut que l’homme cesse d’avoir pour idéal de toujours gagner plus et vivre dans plus de confort. On peut être assuré que lorsque l’abondance totale régnera, l’homme connaîtra la plus grande tentation de reniement de Dieu qu’il n’a jamais connue. D’autant plus qu’il faut savoir à quel prix l’homme achètera cette abondance. [4] »

Les incohérences de ces nouveaux programmes écologiques

Or il me semble qu’il existe une forme d’incohérence entre le discours hypertechnologique promouvant l’avènement d’un monde pollué par les drones, les IA, les automates, les robots et la transition écologique à laquelle ce monde nouveau nous appelle. Il ne va donc pas de soi de conduire une idéologie de progrès et des programmes qui fondent l’espérance sur le progrès technique sans curseur. Il ne va pas de soi d’aller vers une transition écologique sans la fonder sur une économie respectueuse de l’homme et de son écosystème. Il ne va pas de soi de fonder la transition énergétique sans renonciation aux tentations et aux sirènes de la monétisation de la vie, de la modernité et sa consommation de masse. Il me semble qu’aucun programme en soi de transformation du monde n’est en réalité possible, sans conversion du cœur, sans éveil de la conscience.

L’économie de proximité est à notre sens à rebours d’un environnement qui appellerait à la modernisation de la vie sociale qui s’articulerait sur une aspiration à toujours posséder plus de technologie.

Oui à une économie de proximité affranchie de l’idéologie matérialiste

Il est urgent de revenir à la dimension de la proximité, la proximité affranchie de l’idéologie matérialiste, de revenir à la seule liberté contre la logique des mondes virtuels, de la marchandisation de la vie et du pouvoir de l’argent. Il est enfin urgent de reconstruire la proximité, d’abord en revenant à ses origines fondées sur la dimension du lien, du face-à-face, de l’économie fondée sur l’échange, la relation et dans sa dimension économique, revenir à des circuits courts sans intermédiation complexe.

Or oui, il est nécessaire d’endiguer les excès des pollutions émanant des activités consuméristes et polymères qui ont recours à l’usage des fossiles savamment enterrés par la nature et que l’homme s’est employé en quelques décennies à déterrer pour satisfaire ses nouveaux besoins. Or le monde économique est tenaillé par son envie de croissance et sa crainte de ne plus fonder son espérance dans une croissance exponentielle qui le conduira tôt ou tard face à un mur infranchissable, car les ressources ne sont pas épuisables dans cette croyance d’un progrès technologique qui n’aurait pas de fin.

Cette mutation majeure demandera du temps car elle dépend aussi pour partie de l’évolution du cœur, de nos attitudes et de nos gestes incarnés dans le quotidien. Mais il s’agit, sur le long terme, de promouvoir non un programme idéologique mais d’encourager l’initiative à la plus petite échelle, celle par exemple de la commune ou de l’intercommunalité.  Il faut en effet non seulement encourager une économie de proximité mais surtout une économie de subsidiarité favorisant des initiatives humaines et non en les barrant par le poids des palissades administratives. Ne bridons ni nos maires, ni la petite entreprise, ni les citoyens épris de socialité et qui entendent être libérés des carcans et du joug de la bureaucratie tatillonne et déshumanisée. A ce propos il conviendrait aussi d’humaniser nos administrations et de réapprendre le lien avec le citoyen, d’être là aussi en proximité et non correspondre avec l’administration sur ses sites internet, ce qui ajoute encore de la distance et ceci devient insupportable.

L’économie qui permette d’éviter au maximum la mise en distance des activités sociales, professionnelles, familiales et de privilégier la vie économique strictement locale, la consommation et le recours aux services et produits locaux, de faire  renaître les activités artisanales honorées par un système éducatif, de remettre en cause les conceptions promues par Adam Smith qui promouvaient la parcellisation et l’hyper spécialisation des tâches amenant plus tard l’avènement d’une société robotique. L’efficacité économique a été au détriment de l’humain, mais qui veut l’entendre et le comprendre. A ce propos, même Adam Smith prit conscience des travers d’une activité réduite à l’hyper spécialisation, ainsi l’économiste confessait qu’« Un homme qui passe toute sa vie à remplir un petit nombre d’opérations simples, […] n’a pas lieu de développer son intelligence ni d’exercer son imagination à chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se rencontrent jamais ; il perd donc naturellement l’habitude de déployer ou d’exercer ces facultés et devient, en général, aussi stupide et aussi ignorant qu’il soit possible à une créature humaine de le devenir ; l’engourdissement de ses facultés morales le rend non seulement incapable de goûter aucune conversation raisonnable ni d’y prendre part, mais même d’éprouver aucune affection noble, généreuse ou tendre et, par conséquent, de former aucun jugement un peu juste sur la plupart des devoirs même les plus ordinaires de la vie privée. Quant aux grands intérêts, aux grandes affaires de son pays, il est totalement hors d’état d’en juger, et à moins qu’on n’ait pris quelques peines très particulières pour l’y préparer… »[5]

L’économie de proximité ne peut dès lors fonctionner sans redonner du sens à l’artisanat la subsidiarité, à l’intelligence locale, aux maires et à leurs habitants libérés des carcans de l’administration qui paralysent les initiatives capables d’apporter des solutions locales aux plus proches des besoins des habitants. L’économie de proximité est une économie de l’écoute des besoins non pour viser le désir mais le bien-être attaché au bien commun, l’économie de proximité est celle de l’humain et de l’intelligence qu’il peut produire dans ses relations et dans son travail. Il est temps non de développer non un programme mais d’éveiller une prise de conscience et de susciter l’initiative des hommes et non d’imposer des idéologies sans rencontrer la personne et de l’amener ainsi au changement consenti et volontaire.

[1] Citation du livre écrit en 1913 par Charles Péguy « L’argent »

[2] Citation du livre écrit en 1913 par Charles Péguy « L’argent »

[3] Dans une gare, on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien » Le Président de la république : Emmanuel Macron

[4] Citation de Jacques Ellul extraite d’un livre posthume à paraître en Janvier 2019 « Vivre et Penser la Liberté » aux Edition Labor et Fides (L’extrait est page 235)

[5] Extrait  Les causes de la richesse des nations https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Smith_-_Recherches_sur_la_nature_et_les_causes_de_la_richesse_des_nations,_Blanqui,_1843,_II.djvu/454

Le grand penseur de l’écologie : Bernard Charbonneau …

Auteur Bernard Charbonneau

L’Émeute et le Plan

(1968)

Le monde où nous vivons se caractérise par deux aspects superficiellement contradictoires, mais profondément liés : un désordre et un ordre extrêmes. Des sociétés libérales où les religions et les morales traditionnelles sont contestées au nom de la liberté de l’individu coexistent avec des régimes totalitaires. Et à l’intérieur même des sociétés industrielles de type occidental, le désordre contraste avec l’ordre. Tandis que la critique et l’imagination poussées jusqu’au bout mettent en cause la raison et le langage dans le domaine littéraire, dans le domaine scientifique la logique la plus rigoureuse règne, et elle s’exprime dans un langage mathématique encore plus abstrait et contraignant que l’ancien. Les vérités religieuses et morales qui avaient jusqu’ici fondé les sociétés sont mises en cause à la fois par les progrès des sciences et le besoin de liberté, les mœurs semblent infiniment plus libres que dans le passé ; mais le conformisme recule au moment où les mœurs s’uniformisent ; et si l’enfant et la femme s’émancipent de la famille, ils n’en sont que d’autant plus soumis à l’État ou au métier.

L’ordre industriel progresse dans le chaos qu’il engendre ; comme une armée disciplinée s’avance dans la nuée des explosions et des ruines, notre société avance en détruisant les équilibres naturels ou sociaux. Dans la France du pouvoir personnel et de la technocratie, les événements de mai ont fait éclater ce contraste au grand jour. D’une part le renforcement de l’État, le Plan sous le signe des ordinateurs, de l’autre le vide et la négation : la révolte pure ; jamais émeute ne fut aussi irrationnelle dans une société aussi rationnelle. Mais si de Gaulle aboutit aux barricades, les barricades ramènent à de Gaulle.

L’ordre et le désordre sont liés, comme la thèse à l’antithèse. En prenant pour exemple la crise de mai, je vais maintenant m’efforcer de montrer comment, et pourquoi ….

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https://lagrandemue.wordpress.com/2018/06/18/lemeute-et-le-plan/#more-1286

La terre brûle !

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Alors que le GIEC a rendu son rapport ce lundi 8 octobre 2018 sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C des températures mondiales, soulignant notamment la distorsion des équilibres vitaux résultant du réchauffement climatique. Réchauffement climatique dont la source ou l’une des sources, est bien d’origine anthropique résultant d’une activité industrieuse toujours croissante.

Dans ces contextes de dérèglement climatique, rappelons-nous ou remémorons-nous ce texte magistral de Ivan Illich écrit en 1973, texte qui tonnait comme une forme d’alarme, un avertissement sans appel. Ivan Illich dans un livre grave « La convivialité » s’inquiétait alors, 45 ans plus tôt, des pollutions urbaines qui envahissaient la ville de Mexico. Ivan Illich écrivait ceci « La terre est notre demeure et voici que l’homme menace sa demeure ».

En 1973 le propos de l’auteur du livre « La convivialité » n’avait pas pris cette ampleur planétaire que connait aujourd’hui le rapport du GIEC publié voici quelques jours et remettant en cause nos modèles de croissance !

Or je reste stupéfait par les commentaires des hommes ou femmes épousant les idéologies progressistes qui ont relayé le rapport de ce groupe d’experts  qui est une émanation de l’Organisation météorologique mondiale, et ces mêmes progressistes de se joindre ainsi aux propos alarmistes du GIEC, lançant la même alerte mais nullement ne remettent en question et en profondeur, le système technicien coupable aujourd’hui de fragiliser nos éco systèmes.

Ivan Illich s’insurgeait déjà en 1973 contre la perversion de l’outil et le déterminisme  du progrès technologique qui a malmené notre terre (j’emploie le terme de déterminisme à dessein, dans le sens où la technologie contribue largement à façonner nos modes de vie). Ce déterminisme technologique qui est donc en vogue, soutenu par l’idéologie du progrès et les tenants d’un transhumanisme, en appelle au développement des outils services pour augmenter les bienfaits du confort, réduisant toutes la corvéabilité, source de fatigue ou de charges, pour l’homme, mais qui paradoxalement engendre son isolement et saccage les sols.

Comme le soulignait une thèse de doctorat, « La prise de conscience d’une crise environnementale majeure ainsi que la numérisation croissante de nos modes de vie ne constituent-ils pas deux éléments saillants des transformations actuelles de notre société ».  Or qui osera comprendre que la nature du lien entre ces deux facettes de notre société doit sérieusement nous questionner sur les enjeux écologiques des technologies numériques qui à terme seront de nature à perturber les écosystèmes humains comme ceux concernant la faune et la flore .

Pour l’essayiste Ivan Illich, l’industrialisation du monde et notre modèle économique sont responsables de la dégradation de l’environnement. Le problème n’est pas la démographie mais bien la surabondance de consommation, la délectation que nous avons de consommer les biens. Nous sommes dispendieux et si insouciants entraînes par la folie du progrès, le dérèglement dément de ce néo libéralisme sauvage qui nous invite à posséder ce qui n’est pas nécessaire en réalité à notre existence et à la relation entre les hommes.

Ainsi comme l’écrit Ivan Illich « la surabondance oblige chacun à dépenser plus d’énergie, et l’outil destructeur dégrade sans bienfait cette énergie ».

Selon l’auteur de l’essai sur la Convivialité, la seule solution à la crise écologique serait que nous prenions soin des uns et des autres. « Une telle inversion de vue réclame de qui l’opère du courage intellectuel. En effet pour Ivan Illich, celui qui défendrait un tel point de vue, s’exposerait aux plus virulentes et violentes critiques, insinuant notre obscurantisme et absence totale d’éclairage. « Il sera traité d’obscurantiste opposé à l’école, au savoir et au progrès »

Ainsi la restauration d’un rééquilibrage de notre environnement, de notre habitat (oïkos en grec) de notre  « maison » dépendra de la capacité que nous aurons à résister selon Ivan illich contre « la progressive matérialisation des valeurs, leur transformation en tâches techniques ».

Face aux grands périls économiques, climatiques, sociaux, est-il encore temps de changer de modèle de vie ?

Auteur
Eric LEMAITRE

« Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Pape françois »

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La fin possible de l’humanité n’est plus une simple hypothèse envisagée de façon théorique. Cette fin est d’autant plus envisageable qu’elle est la résultante de phénomènes climatiques combinés avec l’existence d’un système productiviste et économique mortifère, qui tendent au fil de ces dernières décennies à s’accentuer et s’aggraver.

Certains experts annoncent la fin d’une partie de l’humanité dans les très prochaines décennies ou le prochain siècle, si d’ici-là nous ne changeons pas de modèle économique !

Entre délitement européen et basculement de l’ordre mondial, une nouvelle voie semble être à trouver, un nouvel équilibre à réinventer, mais autour de quel dénominateur commun : locaux, globaux, à l’échelle de l’homme ou à l’échelle planétaire ? Aujourd’hui aucune décision ne semble pouvoir être prise sans prendre conscience de ces deux échelons. Ces phénomènes climatiques intrinsèquement associés à l’expansion de la mondialisation de l’industrie et du commerce, semblent annoncer un véritable tsunami. Un péril réel du fait de l’élévation du niveau de la mer, qui impacte de nombreux pays notamment les villes côtières, auquel il convient d’ajouter une autre forme de péril, suscité par des troubles sociaux qui naissent des inégalités de plus en plus criantes entre le monde occidental et l’Afrique. A cela s’ajoute la surexploitation des ressources en eau, ainsi, la consommation aux Etats-Unis puise dangereusement dans les réserves : un américain utilise 700 litres d’eau par jour en moyenne. Les réserves se vident plus vite qu’elles ne se remplissent. Selon le site Agir pour la planète,

« C’est le cas de l’aquifère d’Ogallala qui, en approvisionnant la ville de Phoenix en Arizona, est prélevé 14 fois plus vite que son renouvellement naturel. »

Les changements climatiques affectent toute la planète

Les sécheresses gagnent l’Afrique subsaharienne et tropicale. Les changements climatiques affectent toute la planète et particulièrement l’ensemble du continent Africain. Il est inévitable, que les coûts économiques seront considérables, entraînant dans leurs sillages des migrations majeures, ce qui est le cas aujourd’hui en raison des situations extrêmes vécues par l’Afrique. Certes les migrations des hommes et des femmes en provenance d’Afrique ne sont pas seulement la conséquence des transformations climatiques, mais sont aussi en partie liées aux tensions politiques voire djihadistes qui fragilisent considérablement leurs pays.

Ce changement climatique, qui survient partout dans le monde, est aujourd’hui communément attribué et nous en sommes convaincus, à un modèle économique fondé sur une dimension de conquête outrancière du progrès. Nous assistons depuis la révolution industrielle à une mécanisation démesurée de la planète dans son intégralité. Tant et si bien que ce type de modèle fondé sur une confiance aveugle dans le ‘tout technologique’ risque inévitablement de compromettre le bien-être des générations à venir.

Les résultats écologiques de ce progrès sans conscience et sans solidarités, ont des effets désastreux pour l’ensemble de notre planète. L’industrialisation occidentale a délocalisé, puis exporté les dommages industriels, puis colonisé les nuisances dans les pays où elle est allée piller les ressources.

Nous avons créé des dépendances

Nous avons créé des dépendances via des dispositifs agroalimentaires fondés sur une dimension intensive en pensant que l’agriculture faisant usage, d’intrants chimiques fongicides, pesticides, serait en mesure de satisfaire les besoins de toute l’humanité… Longtemps, ainsi nous avons pensé que ce modèle était le seul à répondre aux besoins de l’humanité, or l’usage massif et productiviste de ce mode agricole a mis en péril les grands équilibres naturels et sanitaires, les grands équilibres des écosystèmes. Nous avons par ailleurs élargi les distances pour favoriser puis démultiplier les importations de marchandises au lieu de rendre possible les solidarités, en favorisant les productions locales.

Le monde « occidental »

mais également la Chine et le Brésil ont été soucieux et à bon compte d’exploiter les ressources

Le monde « occidental » mais également la Chine et le Brésil ont été soucieux et à bon compte d’exploiter les ressources. Ils n’ont nullement songé à tisser les coopérations nécessaires avec l’Afrique et parfois avec leurs propres populations comme au Brésil, à transférer les expertises, les compétences pour autonomiser les régions sous développées. En accélérant ainsi les processus d’échanges et une forme de mondialisation d’un modèle économique fondé sur la conquête et l’expansion, nous avons été les auteurs d’une forme d’injustice environnementale, sociale et économique. Nous avons appauvri l’humanité, nous avons contraint aujourd’hui ces populations à migrer, nous portons collectivement une lourde responsabilité en faisant apparaître les inégalités de plus en plus criantes entre le Nord et le Sud. Pour asseoir notre propos et nous ne serons pas exhaustifs sur ce sujet, nous pouvons citer le Brésil qui a joué un rôle destructeur et particulièrement mortifère en saccageant sa propre terre par l’extraction de minerais et de ressources forestières. Le même Brésil n’hésitant pas à briser des vies humaines, à écraser l’écologie, déraciner, puis réduire en poussière l’habitat des communautés autochtones.

À ce modèle agricole

aux effets finalement désastreux s’est ajouté notre adulation pour l’or noir

À ce modèle agricole aux effets finalement désastreux s’est ajouté notre adulation pour l’or noir, la consommation de pétrole, de tous les fossiles polluants. L’usage généralisé des fossiles savamment enterrés par la nature et déterré par les activités de l’homme, a conduit à l’émission de CO2 qui s’accumule dans l’atmosphère. Ainsi le monde industriel en surexploitant la nature a été responsable en grande partie des émissions de gaz à effet de serre, retenant la chaleur solaire et bouleversant en partie les conditions climatiques. Ce changement de paradigme climatique est connu sous le nom de réchauffement planétaire. Ce réchauffement planétaire a des incidences sur les chutes de pluies et autres phénomènes atmosphériques et climatiques, mettant en danger la vie humaine, animale et végétale du fait des conséquences potentiellement catastrophiques associées à ces changements.

Georges Bernanos dans son fameux livre « la France contre » les robots » publié en 1947, fustigeait la civilisation moderne responsable aujourd’hui des graves mutations connues à ce jour. Pour l’écrivain cette civilisation moderne s’est inscrite comme « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure », nous pourrions ajouter une conspiration intégrale, une conspiration écologique contre l’homme et la nature.

En critiquant le choix civilisationnel du progrès, c’est l’esprit de ce monde qui doit être interrogé selon Georges Bernanos. Pour l’écrivain, c’est ce monde industriel qui n’a été rendu possible que par un long processus idéologique et économique qui ensuite a fait émerger cette mécanisation envahissante dans tous les processus de vie. L’humanité dans son ensemble a été ainsi bercée par l’idée du progrès non pas que cette idée soit en soi négative, mais elle a occulté la dimension de la proximité, des solidarités, des liens relationnels au profit des notions de performance, de compétitivité et du bien-être individuel.

L’humanité a voulu s’affranchir de l’échelle du jardin

Cette humanité a voulu s’affranchir de l’échelle du jardin, de la norme biblique du partage solidaire pour gagner coûte que coûte le bien-être individuel au détriment du bien commun. Au lieu de servir l’humanité, le capitalisme sauvage (libéral vs social) a préféré s’engouffrer dans l’économie de la rentabilité et de la dépendance plutôt que de favoriser les solidarités, les liens de fraternité et l’autonomie qui sont le gage de la liberté.

Depuis des décennies, il semblerait que l’industrie se soit employée à fragiliser la biodiversité, à épuiser les ressources du sol, à dérégler les climats, à dévaster les grands équilibres de la planète.

Il serait tout à fait sot de ne pas partager ce constat. Notre civilisation humaine est en effet malade, elle est menacée, menacée d’un péril grave en raison de la surexploitation chronique des ressources de la terre. Plusieurs chercheurs de différentes grandes universités américaines ont fait ce constat alarmant : « la demande de l’humanité en ressources écologiques exigerait une fois et demie la capacité de la Terre pour être satisfaite », or nous ne sommes pas loin d’avoir atteint les limites en termes de ressources, des ressources en nourritures et en eau.

Est-ce sans espoir ?

Allons-nous vers cette catastrophe annoncée, c’est-à-dire la disparition ou la fin de l’humanité comme il y a plusieurs millénaires, la terre avait connu la fin des dinosaures.

C’est inéluctable, d’autant que certains mettent une confiance absolue dans la technologie. S’il est vrai que la technologie a augmenté l’efficacité pour produire mieux et plus. Paradoxalement la même technologie n’est pas en mesure d’éviter l’échéance d’une catastrophe. Nous avons créé un modèle technologique fondé sur le progrès, mais c’est une technologie énergivore, orientée sur la surconsommation dépensière. C’est cette surconsommation qui aggrave les grands équilibres qui touchent la biodiversité, qui épuise la terre. Nous avons adoré la société de confort et nous avons chéri son standing, mais l’obtention du bien être fonctionnel s’est faite au prix de dégâts toujours plus croissants sur les écosystèmes de la planète.

La crise identitaire de peuples en colère à la fois contre leurs élites et contre les modèles économiques qui privilégient la mondialisation, et les fermetures notamment de sites industriels ( favorisant le chômage), pose également la question du modèle de vie. Les “cahiers du développement durable” posent cette question:

“En 2050, la population mondiale atteindra probablement les 9,3 milliards d’individus. Comment nourrir tout ce monde et répondre à leurs envies de consommation, alors que les ressources se raréfient et que l’état de l’environnement se dégrade ?”

Existe-t-il un autre modèle économique qui permettrait d’endiguer les catastrophes annoncées ?

Le Film « Demain » souligne avec force que dénoncer n’est pas suffisant, il faut aujourd’hui retrousser nos manches et investir de nouvelles solutions qui réconcilient par ailleurs l’écologie humaine qui crée du lien et l’écologie qui protège les ressources naturelles. Pierre Rabhi fait partie probablement de ces pionniers qui entendent préserver et promouvoir des techniques agricoles qui protègent l’humain, le vivant et la biodiversité. Oui, il existe ainsi des modèles agricoles, économiques et des exemples qui nous viennent également de Détroit aux Etats-Unis, de Todmorden en Angleterre et de France, qui vont à l’encontre des conceptions libérales de l’économie…

À partir de quels modèles économiques,

pourrons-nous sauver l’humanité et notre terre ?

Ces modèles remettent en question ou renversent la table des organisations industrielles productivistes qui envahissent les sols et les épuisent

Il faut ainsi comme l’exprime Coline Serreau “rétablir le lien honnête entre le champ cultivé et l’assiette de chacun”. La santé et la fertilité doivent notamment être améliorées en ayant recours à la plus grande biodiversité qui est la clé d’un véritable renouveau agricole. Cette agriculture doit se diversifier en reproduisant des mécanismes naturels à petite échelle qu’inspire par exemple la permaculture. Aujourd’hui un certain nombre de chercheurs et d’agronomes tendent à démontrer l’efficience du jardin agricole, des mini-fermes ou de champs à l’échelle d’une organisation sociale et solidaire améliorant considérablement les ressources. L’efficience se traduit par le fruit des récoltes issues d’une démarche respectueuse de la nature, tout en ayant un impact significatif sur une gestion qui n’a pas eu recours à une mécanisation outrancière. Les fruits d’une telle démarche ont pour conséquence d’activer une proximité avec le monde des villes en rapprochant les approches d’une agriculture qui facilitent les accès des friches industrielles auprès des habitants, ces mêmes friches qui pourraient être aménagés par les paysans faisant ainsi le lien entre le monde rural et le monde urbain.

À Détroit, des hommes et des femmes ont ainsi investi des zones industrielles abandonnées pour cultiver la terre et ont inventé des mini-fermes urbaines. Ces hommes et ces femmes ont ainsi démontré qu’en rapprochant les ressources nourritures dans les villes, ils réduisaient de façon significative la consommation de C02.

A Todmodern en Angleterre, est né le mouvement des Incroyables comestibles, des habitants ont transformé des rues en massifs potagers, ils y ont fait pousser partout dans la ville des jardinières de légumes des poireaux, des concombres, des radis pour rendre la nourriture gratuite et accessible à tous.

En France, des paysans ont expérimenté une agriculture sans pesticides et sans mécanisation outrancière qui démontre une rentabilité qui passionne les chercheurs de l’INRA. Ces paysans ont inventé un modèle qui serait de nature à répondre aux besoins de l’humanité, si l’expérimentation de ces mini-fermes s’étendait aussi à l’Afrique.
“Socialement équitable, économiquement viable et environnementalement vivable”

Il est important de réfléchir à un autre modèle économique à l’échelle de l’homme, qui serait un vrai grain de sel pour toute l’humanité, si elle cessait de croire aux lubies d’un progrès technologique exponentiel mais sans conscience. Un développement qui serait réellement “durable” déjà défini comme “socialement équitable, économiquement viable et environnementalement vivable”, semble être une voie possible, prenant en compte ces trois piliers, et dessinant ainsi une nouvelle feuille de route pour l’humanité et les marchés.

 Nous rejoignons

parfaitement l’appel du pape François :

« Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! »

Ainsi comme chrétiens, nous devons viser au travers de nos vies une absolue cohérence avec ce mandat de prendre soin de l’homme, mais également de prendre soin de la création. Nos actes ont des effets papillon et ces derniers peuvent avoir des incidences positives ou négatives selon que nous avons été attentifs à gérer ce capital de vie avec l’attention qui nous a été demandée comme témoin de l’évangile.

Remerciements :

Nous tenons vivement à remercier Bérengère Séries pour sa contribution et ses apports riches.

Ces penseurs avaient critiqué le Système technicien bien avant nous …

Le livre « la déconstruction de l’homme » a été largement influencé par la pensée philosophique et théologique de deux auteurs, respectivement Ivan Illich et Jacques Ellul qui ont su appréhender les menaces que faisaient peser d’une certaine façon une société industrielle envahie par la norme, la technicité et la dimension des outils susceptibles d’aliéner la convivialité, des outils capables de priver l’homme de leurs libertés.

Le livre « la déconstruction de l’homme » a été largement influencé par la pensée philosophique et théologique de deux auteurs, respectivement Ivan Illich et Jacques Ellul qui ont su appréhender les menaces que faisaient peser d’une certaine façon une société industrielle envahie par la norme, la technicité et la dimension des outils susceptibles d’aliéner la convivialité, des outils capables de priver l’homme de leurs libertés.

C’est Ivan Illich qui dénonçait la société moderne qui selon lui était d’une certaine façon une contrefaçon du Christianisme, le penseur de l’écologie politique évoquait ainsi la dimension de la perversion par le monde moderne, des idéaux chrétiens.

Quant à Jacques Ellul, le philosophe Chrétien, ce dernier avait su découvrir dans le monde informatique, le milieu qui donnerait l’illusion de créer du bien-être, mais dont la réalité aliénante est toute autre. Une réalité qui est gouvernée par l’appétit du gain, le profit susceptible de déposséder l’homme de toute autonomie et le bonheur d’être réellement libre, le souci de l’arracher définitivement à son sol pour l’emmener dans les mondes du virtuel.

Le livre que nous avons coécrit avec un certain nombre d’amis, ne se réduit donc pas à la critique des seuls avatars et des sous-produits issus de la techno science : numérisation, intelligence artificielle, robotisation, mécanisation du monde…

Ce livre aborde l’idéologie, comme le paroxysme d’une pensée affranchie de l’idée de finitude dans une ultime vision progressiste et eugéniste incarnée par le rêve transhumaniste qui achèvera selon nous le système technicien aux mains d’une société entièrement numérisée et gouvernée par le nombre.

Cette vision progressiste est portée par les vagues d’une société consumériste aveuglée par la consommation des produits numériques et la soif d’un progrès d’une science sans curseurs, sans limites. Vision eugéniste car cette société est guidée par le souci de la performance et tant pis pour les plus faibles, soit écartés, soit demain éliminés par une société qui ne s’accommodera pas de ce qui serait comme un coût, une charge sociale.

Ainsi dans ce livre nous allons en réalité beaucoup plus loin qu’une lecture critique des constats, nous débusquons en réalité les idéologies sous-jacentes, comme les appareils bureaucratiques ou non au service d’un asservissement des êtres humains privés de leur autonomie. Nous dénonçons également un glissement d’une société techniciste qui est conduite à codifier de plus en plus les comportements, à conditionner, par la norme les individus en les faisant rentrer dans une forme de moule sous le contrôle des IA qui demain seront programmés pour détecter les subversifs, les comportements déviants, les insoumis, les anti systèmes, ceux qui ne veulent pas se soumettre à l’emprise d’un monde déshumanisé par l’envahissement de la seule technique dénaturant et déconstruisant finalement tout ce qui fait l’homme dans toutes ses dimensions biologiques, spirituelles et sociales.

Eric LEMAITRE

 

La dématérialisation de la monnaie, une quadruple menace géopolitique, économique, écologique et sociale

Dans cette dimension de crise sociale, c’est aussi la dimension du lien social qui doit être relevée : le monde virtuel contribue à assécher définitivement les rapports, les transactions se font par la seule entremise des machines et des robots virtuels, des algorithmes ; c’est la fin des guichetiers, voici maintenant le sourire de « l’aRgent ». Dans cette création de monnaies virtuelles, les hommes, avec une grande ingéniosité, ont ainsi inventé un contre-système non pour déployer de nouvelles solidarités mais en refaçonnant les échanges financiers ; ils ont asséché puis gommé les vertus associées à la philanthropie et l’altruisme pour un goût immédiat du gain. Au fond, la monnaie virtuelle est le reflet, d’un monde virtuel déconnecté de la relation avec le réel, le miroir  inversé de la dimension incarnée de l’échange visant le bonheur des uns et des autres ; ici l’enjeu est une affaire de prospérité, et tant pis si la maison devait brûler.

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Un texte de Eric LEMAITRE 

La dématérialisation de la monnaie,

une quadruple menace

géopolitique, économique, écologique et sociale

Nous sommes peu à être réellement familiers avec les arcanes de la nouvelle finance dématérialisée, avec ces concepts qui pullulent et fourmillent sur la toile mondiale de l’Internet, qui transite dans les mondes des algorithmes.

Or un véritable engouement saisit un nombre de plus en plus important d’usagers pour les gains ou les attraits, les séductions de facilité et de confort, apportées par ces monnaies virtuelles appelées cryptomonnaies ou monnaies numériques. Les chalands appâtés par ce monde virtuel méconnaissent en réalité les menaces que font peser ces pratiques d’échanges de liquidités électroniques. La plupart d’entre nous en ignorent les risques, comme nous ne conscientisons pas la quadruple menace géopolitique, économique, écologique et sociale.

La monnaie virtuelle a été lancée à la suite de la crise financière de 2008 comme une forme de protestation sociale pour ne pas subir le diktat des autorités monétaires publiques et des grandes banques privées, pour échapper à l’intermédiation (la promesse du monde virtuel) qui casse toutes les verticalités. Mais d’une contestation sociale, d’antisystème, cette monnaie virtuelle dont le bitcoin fut le porte-drapeau est aujourd’hui l’objet de toutes les frénésies et convoitises et devient même un sujet spéculatif augurant de risques équivalents à ceux connus en 2008 et sans doute bien pires.

Le monde mystérieux de la cryptomonnaie et des monnaies virtuelles

En quelques siècles le monde est passé du troc aux cryptomonnaies, de l’économie réelle à l’économie virtuelle. Le troc était l’incarnation d’une économie peu sophistiquée, primitive, une transaction que nous « visualisons » ; en revanche, la cryptomonnaie est bien une transaction qui est le fruit de la mathématisation de l’économie et pour de nombreux néophytes, opaque, voire invisible avec un brin d’ironie. Toutes ces monnaies virtuelles empruntent des réseaux, des routes dessinées par le monde des algorithmes crayonnés par ce qui est communément appelé la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations), une forme de support et d’infrastructure informatique qui assure la circulation des monnaies en utilisant la toile Internet.

La blockchain se présente comme une technologie de chaînage et de stockage d’informations dans une forme d’espace, un serveur à distance accessible sur Internet. La blockchain est donc un espace qui permet le transfert des données et l’établissement entre des personnes ou des agents un rapport de confiance concernant la transaction de ces mêmes données, ici en l’occurrence une transaction de monnaie non fiduciaire (pièces et billets de banques), une monnaie virtuelle. L’ensemble de la transaction virtuelle (une monnaie numérisée) est ainsi sécurisé par de nombreux codes d’accès, un chiffrage, un algorithme, par cryptographie, et formant ainsi une chaîne garantissant l’opération commerciale en laissant cependant une trace qui authentifie le « troc. »

Ainsi pour résumer notre propos, au fil de l’histoire de la monnaie nous avons relevé une mutation majeure, dans les moyens et les modes de paiement. Il y a plusieurs millénaires, le troc constituait le moyen d’échange, l’échange de marchandises contre des marchandises, la négociation de biens contre des biens, puis la monnaie est venue simplifier les systèmes de transaction, faciliter les échanges, attribuant une valeur, un prix à toutes les marchandises.

Mais la monnaie fiduciaire s’est par la suite sophistiquée prenant des formes multiples jusqu’à ses formes nouvelles qui sont celles d’une monnaie électronique ou sensiblement dématérialisée avec sa configuration la plus connue qui est celle de la carte bancaire que nous avons tous dans notre portefeuille. Mais depuis le début de ce XXIe siècle, de nouvelles formes de monnaie ont cours avec l’émergence des paiements dits virtuels, PayPal, Bitcoin, Ripple (l’étoile montante) et d’autres formes de paiement électronique et numérique.

On compte à ce jour plus d’un millier de monnaies virtuelles dans l’ombre du bitcoin, totalisant ensemble des centaines de milliards de transactions. Nous ne définirons pas ici le contenu de ces nouvelles pratiques monétaires, pas plus que nous n’expliquerons, en les détaillant, les spécificités de ces nouvelles formes de monnaies, car ce n’est pas ici notre propos. Chacun peut ici consulter les sites spécialisés qui déclineront les caractéristiques propres à ces nouveaux moyens d’échanges qui accompagnent finalement la révolution numérique telle que nous la connaissons à ce jour.

Alerte sur les pratiques d’une économie virtuelle capable de fragiliser des pans entiers de l’économie réelle.

Notre démarche est tout autre et dans l’esprit de ce livre « Critique du système technicien, » nous souhaitons plutôt anticiper et lancer une forme d’alerte concernant ces pratiques qui peuvent demain fragiliser les socles de toute vie sociale en raison d’un système apparemment libre mais qui défient l’économie réelle, les institutions, contrôlant et régulant les marchés économiques. Les apparences flexibles d’une transaction confortable et facile peuvent en effet cacher une forme de « loup » et demain renverser durablement les grands équilibres économiques en raison de transactions qui auraient échappé au contrôle des états.

Néanmoins, pour comprendre notre démarche réflexive et vous permettre d’appréhender les problématiques de la sphère de la monnaie virtuelle, de la cryptomonnaie, il importe de rappeler en premier lieu la définition de la Banque centrale européenne qui définit la monnaie virtuelle comme « un type de monnaie numérique non réglementée, émise et généralement contrôlée par ses développeurs, utilisée et acceptée par les membres d’une communauté virtuelle spécifique. »

La monnaie virtuelle est donc une monnaie non réglementée, émise par ses développeurs et acceptée par les membres d’une communauté, mais elle s’appuie, il importe de le préciser, sur des moyens de traçage, de chiffrage qui authentifie les transactions ; cependant, cette notion de non-réglementation présente bel et bien un risque, un risque notamment fiscal pour les nations pour qui l’imposition n’a pas été exercée sur ces échanges, mais également social en raison des dimensions cachées, dont les conséquences écologiques devront être aussi dévoilées.

Ces monnaies virtuelles constituent également des monnaies alternatives qui n’ont de cours légal dans aucun pays et peuvent échapper au contrôle même des états ; inversement, certains états peuvent également y avoir recours pour contrecarrer les puissances mondiales qui régulent, sur l’ensemble de la planète, les marchés financiers. Pour Jean Tirole, prix Nobel d’économie, citant une de ces monnaies virtuelles, « le rôle social du bitcoin est « insaisissable. » Les bitcoins sont concentrés dans des mains privées notamment pour la fraude en général et l’évasion fiscale en particulier, » ce qui est incontestablement un manque à gagner pour les états.

Depuis les années 2010 et plus récemment encore, il convient de noter la montée croissante, l’utilisation quasi généralisée de la monnaie virtuelle, l’emploi progressif de cette monnaie constitue incontestablement un nouveau défi relativement à la régulation et au contrôle des politiques monétaires et de changes qui ont cours au sein des états, mais ce défi ne concerne pas seulement la sphère monétaire, il nous semble également que ce défi touche aussi les dimensions sociale et écologique.

Les menaces sociales et écologiques que fait peser la dématérialisation des monnaies

Ainsi, au-delà de la dimension de la dématérialisation de la monnaie, il y a bien des enjeux et des risques géopolitiques, sociaux et écologiques qu’il convient d’appréhender, dont beaucoup n’ont probablement pas pris conscience en considérant les seuls bénéfices touchant à la dimension du confort, de la facilité, de la disparition des intermédiaires financiers. Nous cédons une fois de plus à la facilité en évitant les processus d’intermédiation, les circuits longs touchant au contrôle de la circulation de la monnaie. Un exemple d’avantage ou de privilège apporté par ce type de monnaie est celui que propose la Banque Assurance AXA qui dédouane immédiatement ses sociétaires pénalisés par un retard d’avion en les créditant d’un remboursement quasi immédiat et instantané sur leurs comptes et ce sans intermédiation. Ce service proposé par l’assureur est basé sur un contrat dit intelligent hébergé dans la blockchain Ethereum, ce service facilite le remboursement immédiat des voyageurs assurés en cas de retard sur un vol. Nous prenons de fait conscience de l’attrait qu’exerce ce type de procédé monétaire apportant une transaction immédiate et sans intermédiaire. L’attrait de ce procédé est donc sans équivalent sur le marché de l’assurance traditionnelle.

Si la monnaie virtuelle, la cryptomonnaie, fait figure d’un service quasi participatif et convivial pour ses usagers, du fait qu’elle permet des transactions digitales, un versement de compte à compte, elle se développe nonobstant indépendamment des institutions financières quelles qu’elles soient.

Or, derrière l’attrait de ces transactions et du succès que connaissent les monnaies virtuelles comme le bitcoin,  Ethereum et bien d’autres monnaies antisystème (plus d’un millier, rappelons-le), les menaces ou les périls ne sauraient être demain occultés. Les périls sont géopolitiques, puisque, nous l’avons bien compris, les transactions échappent aux circuits des institutions bancaires, des banques centrales, des états. Inévitablement cela peut représenter un dégrèvement dans les recettes fiscales de l’état, ce sont en effet de nombreuses transactions qui échappent au contrôle de l’État, du fait de l’opacité fiscale de ces transactions qui circulent sur les routes du Net.

Une opacité qui pourrait aussi cacher de véritables menaces touchant notamment à la cybercriminalité et inévitablement en toile de fond à la déstabilisation des nations. Ainsi, les risques liés aux monnaies virtuelles sont également et dès lors les possibles instabilités financières en raison du caractère spéculatif et volatil (ce que Christine Lagarde, directrice générale du FMI, soulignait lors d’une de ses interventions sur la cryptomonnaie[1]) de ces nouvelles plateformes et des séductions qu’elles opèrent sur les publics, mais les risques connus concernent le blanchiment d’argent ou bien ceux qui concernant la dimension écologique.

La monnaie virtuelle est d’ores et déjà annoncée comme une catastrophe écologique et sociale[2]

La menace est en effet environnementale et touche à la dimension énergivore de ces plateformes financières qui sont consommatrices d’électricité. En effet, la blockchain qui est un support informatique repose sur une multitude d’opérations et des empreintes informatiques laissées lors des transactions, des traces fragmentées et disséminées et hébergés dans les « silos virtuels. » Selon le site The digiconomist s’appuyant sur des données relevant de l’analyse d’experts, « l’archivage des transactions nécessite chaque année une moyenne de plus de 30 milliards de kWh, soit la production énergétique annuelle de 4 centrales nucléaires[3]. »

Ainsi, la consommation totale d’énergie du réseau bitcoin a atteint des proportions homériques. L’ensemble du réseau bitcoin consomme maintenant plus d’énergie qu’un certain nombre de pays, ce que confirme le rapport publié par l’Agence internationale de l’énergie. Si bitcoin était un pays, le réseau de cryptomonnaie se classerait devant la Suisse et la république tchèque (voir le graphe le démontrant sur le site The digiconomist auquel nous vous renvoyons²).

La dépense énergétique, du fait des usages électroniques des centres de données, est ainsi de plus en plus impactée par la chaîne de blocs générée par l’ensemble des transactions informatiques effectuées. Les usages sont en forte croissance non pas en raison de la croissance de l’utilisation ou de la valeur de la monnaie électronique elle-même mais en raison de la mécanique informatique même liée à la chaîne de blocs. À titre d’illustration, fin 2017, comme l’illustre le site que nous avons consulté[4], 159 pays consommaient moins d’électricité que celle nécessaire à l’écosystème bitcoin.

La menace est également sociale et pour la simple bonne raison que toute crise financière est nécessairement corrélée à une crise sociale, l’effondrement d’une bulle financière aura de fait nécessairement des impacts sociaux, augmentant des risques de précarité et de pauvreté. Avec l’utilisation croissante des cryptomonnaies entachée de frénésies et de fièvres spéculatives, les banques centrales craignent l’avènement possible de crises financières. Le bitcoin qui est une cryptomonnaie parmi d’autres a vu ainsi sa valeur augmenter de manière totalement artificielle et avec la croissance des usagers, l’effet de mode passé, il se pourrait que les retentissements du fait d’investissement inconsidérés aient des effets néfastes sur l’ensemble de l’économie et contribuent par conséquent à une crise majeure et sans précédent, comme le fut en 2008 la crise des subprimes qui toucha le secteur des prêts hypothécaires à risque.

Fin des guichetiers, voici maintenant le sourire de « l’aRgent »

Dans cette dimension de crise sociale, c’est aussi la dimension du lien social qui doit être relevée : le monde virtuel contribue à assécher définitivement les rapports, les transactions se font par la seule entremise des machines et des robots virtuels, des algorithmes ; c’est la fin des guichetiers, voici maintenant le sourire de « l’aRgent ». Dans cette création de monnaies virtuelles, les hommes, avec une grande ingéniosité, ont ainsi inventé un contre-système non pour déployer de nouvelles solidarités mais en refaçonnant les échanges financiers ; ils ont asséché puis gommé les vertus associées à la philanthropie et l’altruisme pour un goût immédiat du gain. Au fond, la monnaie virtuelle est le reflet, d’un monde virtuel déconnecté de la relation avec le réel, le miroir  inversé de la dimension incarnée de l’échange visant le bonheur des uns et des autres ; ici l’enjeu est une affaire de prospérité, et tant pis si la maison devait brûler.

Une fois de plus nous attirons l’attention sur le mirage d’un monde virtuel qui plonge bien notre humanité dans un marasme possible, car l’on n’a pas pris garde à la nécessité de mettre des curseurs à la folie technique qui envahit à ce jour l’environnement humain, et face à une crise majeure, nous pourrions bel et bien entrevoir demain l’avènement d’un système de contrôle universel, une forme d’ordre régulant et supervisant tous les modèles de transactions afin que rien n’échappe à l’emprise d’un système technicien autoritaire s’appuyant demain et entre autres sur l’intelligence artificielle pour prévenir dans le futur d’autres crises financières.

[1] http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/514215/analyse

[2] https://www.lesechos.fr/infographie/bitcoin/

[3] https://digiconomist.net/bitcoin-energy-consumption

[4] https://acteursdeleconomie.latribune.fr/debats/opinion/2018-03-27/le-bitcoin-entre-menaces-et-perspectives-773285.html

 

« la situation est grave et désespérée, mais rassurez-vous, on gère ! »

Face à une crise écologique sans précédent comment ne pas songer à ce texte du Pentateuque  qui évoque les conséquences de la désobéissance et de l’infidélité du peuple de Dieu, décrite dans ces versets de Deutéronome 28 v 23-24 : « Le ciel sur ta tête sera d’airain, et la terre sous toi sera de fer. L’Éternel enverra pour pluie à ton pays de la poussière et de la poudre ; il en descendra du ciel sur toi jusqu’à ce que tu sois détruit ». Nous vous renvoyons à ce blog partenaire Pep’s café pour découvrir une réflexion étayée s’appuyant sur un film sorti en 2014, cela date un peu, mais le contenu décliné n’a jamais été aussi proche de notre réalité.. Un texte à lire et à méditer que vous lirez dans sa complétude sur le blog de Pep’s café….

https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2014/12/17/interstellar-la-situation-est-grave-et-desesperee-mais-rassurez-vous-on-gere/

Face à une crise écologique sans précédent comment ne pas songer à ce texte du Pentateuque  qui évoque les conséquences de la désobéissance et de l’infidélité du peuple de Dieu, décrite dans ces versets de Deutéronome 28 v 23-24 : « Le ciel sur ta tête sera d’airain, et la terre sous toi sera de fer. L’Éternel enverra pour pluie à ton pays de la poussière et de la poudre ; il en descendra du ciel sur toi jusqu’à ce que tu sois détruit ». Nous vous renvoyons à ce blog partenaire Pep’s café pour découvrir une réflexion étayée s’appuyant sur un film sorti en 2014, cela date un peu, mais le contenu décliné n’a jamais été aussi proche de notre réalité.. Un texte à lire et à méditer que vous lirez dans sa complétude sur le blog de Pep’s café….

https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2014/12/17/interstellar-la-situation-est-grave-et-desesperee-mais-rassurez-vous-on-gere/

Vision urbaine, sociale et économique dans une perspective biblique

« Le système technicien » s’est constitué selon Jacques Ellul comme véritable milieu, comme déterminant en regard d’un environnement de plus en plus déshumanisant. L’homme s’est affranchi au fil de son histoire, de son jardin, de ce modèle social dans lequel il est né pour aller conquérir tour à tour la matière et fonder la ville. Peu à peu l’homme s’est asservi à la technique en perdant de vue le sens de l’autre, de sa proximité avec la nature, en embrassant le monde technique.

C’est tout une dimension de l’être qui s’est alors trouvée aliénée. Les préjudices de la techno science et du système technicien n’affectent pas seulement la nature mais les préjudices sont également et avant tout d’ordre relationnel.

Ainsi La ville , est le lieu même où la technique devient au fil de ses progrès un méga système entremêlant capteurs, intelligence artificielle, robots, bornes reliant usagers et urbanisme, détournant l’homme de sa vraie vocation d’homme fait à l’image de son créateur en lien avec les autres.

 

« Le système technicien » s’est constitué selon Jacques Ellul comme véritable milieu, comme déterminant en regard d’un environnement de plus en plus déshumanisant. L’homme s’est affranchi au fil de son histoire, de son jardin, de ce modèle social dans lequel il est né pour aller conquérir tour à tour la matière et fonder la ville. Peu à peu l’homme s’est asservi à la technique en perdant de vue le sens de l’autre, de sa proximité avec la nature, en embrassant le monde technique.

C’est tout une dimension de l’être qui s’est alors trouvée aliénée. Les préjudices de la techno science et du système technicien n’affectent pas seulement la nature mais les préjudices sont également et avant tout d’ordre relationnel.

Ainsi La ville est le lieu même où la technique au fil de ses progrès, devient un méga système entremêlant capteurs, intelligence artificielle, robots, bornes reliant usagers et urbanisme, détournant l’homme de sa vraie vocation d’homme fait à l’image de son créateur en lien avec les autres.

Au lieu de cela tout est fait pour l’atomiser et l’isoler comme pour le rendre dépendant à cette machinerie de la « Smart City », de la ville intelligente.  Or dans un futur proche comme je l’écrivais sur mon blog à propos de la ville intelligente, ce sont les connexions citoyens et ville qui vont s’intriquer, s’accentuer, s’amplifier. C’est bel et bien toute une architecture quasi organique qui se dessine intriquant demain les usagers et le système numérisé de la ville, unifiant connectant, reliant toutes les composantes de la ville, associant habitants et habitat au risque de piétiner l’écologie, en prétendant artificiellement la défendre via ses artefacts promouvant de prétendues énergies durables. Outre cet aspect que je souligne dans ce préambule, il convient aussi de relever les dimensions toujours croissantes de la ville dont l’ambition demeure l’expansion impliquant a fortiori l’étalement urbain et l’éloignement de tout cet espace vital que constitue la nature.

Dieu avait pourtant dans sa sagesse donner des bornes à la ville

La ville est ainsi devenue une création de l’homme à l’envers du jardin où l’homme avait été pourtant placé, or ce projet d’urbanisme préfigure l’éloignement de l’homme de tout projet en contact avec la création, de tout projet en relation avec son créateur, pourtant dans les écritures, il convient de relever ce passage étonnant et méconnu par beaucoup indiquant que Dieu préconisa de fixer, de borner la ville d’une « ceinture verte ».

Il est ainsi explicitement recommandé aux Hébreux de créer des lieux ouverts à la périphérie de la ville, un espace pour tout ce qui est vital en dehors de l’habitat humain « Ordonne aux fils d’Israël de donner aux Lévites, sur leur part de leurs possessions, des villes pour y habiter outre un espace ouvert autour de ces villes, vous en donnerez aux Lévites. Les villes leur serviront pour l’habitation et leur espace ouvert sera pour leurs animaux et pour leurs biens et pour tout ce qui est vital. » (Nombres 35 :2-3)

Il faut également souligner ce passage comme une autre recommandation à l’endroit des habitants prescrivant l’inaliénabilité de cet espace ouvert « Et l’espace ouvert aux abords de leurs villes ne peut être vendu ; elle est leur propriété inaliénable’ (Lévitique 25 :34). Ceci devait constituer un modèle fondamental pour préserver les qualités d’une échelle urbaine à hauteur d’homme. Toute augmentation d’habitants supposait de fait la nécessité d’une migration vers d’autres espaces pour créer de nouvelles villes toujours à hauteur d’hommes.

Ainsi toujours selon l’enseignement de la Torah, les cités doivent permettre à leurs habitants d’être en proximité avec la nature et leur donner l’occasion de cultiver la terre, de disposer d’un espace vital. Les habitants de la cité se devaient de mettre en pratique la bénédiction messianique suivante : « Et chacun demeurera sous sa vigne et sous son figuier. » (Michée 4 :4)

Or de nos jours les villes sont confrontées à l’artificialisation des sols à l’étalement. Les nombreux problèmes que ce phénomène cause (insécurisation des villes du fait de l’accroissement des populations, de l’allongement des distances entre habitat et travail ou toute autre vie sociale, pertes de terres agricoles, destructions des milieux naturels et de la biodiversité…).

Tout progrès est vain, sans vision solidaire et collective

Or les mutations profondes associées à ce système technicien, amènent de nombreux dysfonctionnements économiques et sociaux, obligent ainsi à repenser le monde, la cité, selon d’autres perspectives et dans une vision de proximité, la vision du prochain.

Ces dysfonctionnements ne s’arrangent pas avec la montée en puissance de la codification au sein de la cité, la vie économique et de la vie sociale (la législation de plus en plus pesante, les normes), la fragmentation ou l’hyperspécialisation des tâches qui rend possible l’avènement des robots et des IA, l’effacement des responsabilités individuelles se reportant sur d’autres et sur des dimensions toujours plus collectives, la multiplication d’outils formatés et artificiels du dialogue social, substitut de la rencontre, de l’échange, de l’ouverture aux autres.

Comment de fait créer les conditions de l’épanouissement dans sa cité et sa vie sociale ? Quelles alternatives économiques sont possibles ? Existe-t-il des modèles qui prennent leur source dans une réelle dimension spirituelle et revalorise l’homme au sein de la cité, de son quartier et d’une plus grande proximité se rapprochant de l’échelle du jardin ?

Ainsi le progrès est vain, sans vision solidaire et collective, sans la vision de la proximité…Il n’y a d’enchantement que dans la dimension spirituelle, l’enrichissement croisé, partagé, fertilisé dans une communion de services que donne la capacité à un corps pleinement proche et solidaire de s’épanouir et d’inventer pour le bien-être de tous au-dedans et à l’extérieur…

L’essence de cette dimension sociale est à trouver dans les Évangiles, les écritures dans leur totalité, les promesses d’une incarnation de Dieu dans la réalité quotidienne…

La crise qui ne limite pas à l’économie est endémique, elle s’étend aujourd’hui à toute la planète, à toutes les nations riches ou pauvres. La crise sociale vécue par le monde urbain n’est-elle pas la résultante finalement de multiples transgressions, violations de lois fondées sur la compassion, la justice, sur la miséricorde fondement d’une économie de partages. Or j’entends trop souvent des prédications qui dénoncent le monde, or nous sommes le monde et nous l’alimentons si nous ne changeons pas nos habitudes, si nous ne le modifions pas en les construisant à partir d’un nouveau souffle qui nous transforme de l’intérieur et de facto changera notre environnement. N’oublions jamais que nos gestes ont une part de responsabilité dans la déconstruction de notre humanité, je le rappelle chaque fois qu’une personne à table qui plutôt de parler à son proche, se connecte à son portable.

La Bible est une source d’inspiration pour la vie sociale et économique

Sans vouloir se livrer à une exégèse fouillée et à des développements théologiques, la profondeur de quelques textes bibliques, mettent en évidence des réponses concernant l’éthique de la vie économique et sociale qui touche à de multiples dimensions comme l’urbanisme, production, les dettes, les emprunts, la propriété foncière, les échanges, de distribution équilibrée, de la répartition des richesses, d’exploitation même de la terre, dans une perspective d’équité, de justice sociale pour répondre aux besoins de tous et notamment des plus pauvres, des plus démunis.

Même le développement durable y est abordé, ce qui signifie que « rien n’est nouveau sous le soleil » et que bon nombre d’enseignements bibliques feraient bien d’inspirer les nations de ce monde. Ainsi toute culture intensive est proscrite dans le premier testament (Lévitique 25), les israélites sont encouragés à vivre exactement comme des intendants économes, des gérants habités par l’éthique, l’amour du prochain.

Lorsque les textes des écritures, notamment du premier testament sont analysés, mis en perspective, apposés et comparés entre eux, nous voyons se dessiner ou poindre l’existence bien réelle, d’une économie normative (la règle biblique), un ensemble de recommandations relativement à la bonne conduite économique et de facto à la bonne gestion qui devrait découler d’une gouvernance juste de la nation.

La lecture du Livre de Genèse évoque un épisode de crise qui plonge toute l’Égypte dans la famine et de l’intelligence dont a fait preuve Joseph dans sa gouvernance pour organiser une réponse anticipée et préventive afin d’affronter la famine. Ce texte en référence se trouve dans Genèse 41.56.

À la suite de l’interprétation d’un rêve, Joseph va déduire que sept années de surproduction vont précéder sept années de crise.

Il conseille alors au Pharaon de prélever une certaine proportion sur les surproductions des récoltes emmagasinées et accumulées en Égypte (La vision des sept vaches grasses).

« La famine régnait dans tout le pays. Joseph ouvrit tous les lieux d’approvisionnements, et vendit du blé aux Egyptiens… »

Joseph avait su à l’époque anticiper et avait organisé des lieux de stockage pour faire face, avait organisé la logistique de stockage, créé des lieux d’approvisionnement… Or nous voyons bien les caractéristiques d’une économie qui n’épargne plus et qui est prise en défaut par la dévastation sans précédent qu’impacte l’endettement abyssal des nations…

Il y a une attention toute particulière que portent les écritures à la situation des plus précaires… Ainsi les écritures révèlent un véritable code de bonne gestion, de gouvernance économique… Si nous lisons les textes d’Exode 23 (v. 10 à 11) et le Lévitique 25.22. Nous avons là un enseignement sur la prévention de la pauvreté. Un théologien évoque à propos de ce livre « Une solution rationnelle que propose le livre du lévitique pour sauver la prospérité d’Israël de l’âpreté au gain, de l’avarice et de la cupidité de ceux qui savent mieux que les autres tirer profit des produits de la grâce auxquels chacun, même le plus endetté, contribue et peut encore contribuer par son activité. Faute de cela, l’or s’accumule dans les coffres, le blé pourrit dans les greniers et il n’y a plus personne pour renforcer les digues le jour où la tempête menace de les emporter. ».

Lévitique 25.22 « …Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu abandonneras cela au pauvre et à l’étranger. Je suis l’Éternel, votre Dieu »… Ce texte de Lévitique révèle l’économie normative et codifiée, l’économie juste et en quelque sorte compatissante.

Outre la mise en Jachère des terres et la mise à disposition de ce reste aux plus démunis « tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner », le texte de Deutéronome 15 (1-2) aborde toute la dimension de la dette « 1 …Au bout de sept ans tu feras remise. Voici en quoi consiste la remise. Tout détenteur d’un gage personnel qu’il aura obtenu de son prochain, lui en fera remise ; il n’exploitera pas son prochain ni son frère, quand celui-ci en aura appelé à l’Éternel pour remise. 2 Tu pourras exploiter l’étranger, mais tu libéreras ton frère de ton droit sur lui. Qu’il n’y ait donc pas de pauvre chez toi. Car l’Éternel ne t’accordera sa bénédiction dans le pays que ton Dieu te donne en héritage pour le posséder. »

Les écritures encouragent la vie sociale et la solidarité envers tous

Concernant la vie sociale, Il y a dans le discours biblique une manière pressante de ne pas fermer notre cœur à notre prochain, les écritures notamment les Évangiles donnent la même exhortation et invite à pratiquer la miséricorde.

Ainsi dans les proverbes il est fait mention dans les domaines qui touchent la précarité, du traitement fait aux plus démunis « Celui qui opprime le pauvre pour réaliser un gain, ou qui fait des cadeaux aux riches, finira dans la pauvreté » (22.16). Deux dimensions dans ce verset qui nous sont ainsi révélées, d’une part celui qui opprime le pauvre le fait dans le but de s’enrichir encore, comme Il semble insensé de donner davantage au riche à rebours de la miséricorde. La sanction est immédiate pour ces postures qualifiées d’absurdes, elles aboutissent à la déchéance matérielle de celui qui pratique de manière insensée de tels actes.

Dans la tradition de l’église, Basile un des pères et docteurs de l’Église proscrit la pratique du prêt à intérêt, il condamne franchement une forme de cupidité, en dénonçant comme comble d’inhumanité le fait de ne point se « contenter du capital » et « de profiter de la détresse de ce qui est dépourvu du nécessaire pour recueillir, revenus et ressources… » Basile évêque de Césarée était entre autre très engagé contre la famine qui sévissait à son époque, il s’était inscrit littéralement dans les recommandations du lévitique 25 ; « Quand un de vos compatriotes, tombé dans la misère, ne pourra plus tenir ses engagements à votre égard, vous devrez lui venir en aide, afin qu’il puisse continuer à vivre à vos côtés….Vous agirez de cette manière même envers un étranger, un hôte résidant votre pays. Vous ne lui demanderez pas d’intérêt sous quelques formes que ce soit… Montrez par votre comportement que vous me respectez et permettez-lui ainsi de vivre à vos côtés… »

Je suis également frappé par cette autre dimension de justice sociale, d’équité et de non-gaspillage, très présent dans l’ancien Testament, ces règles d’équité, d’égalité, de juste traitement, de non-gaspillage, d’éthique sociale. Examinons ce texte étonnant d’Exodes 16 versets 14-15.  » Le soir, il survint des cailles qui couvrirent le camp ; et, au matin, il y eut une couche de rosée autour du camp. Quand cette rosée fut dissipée, il y avait à la surface du désert quelque chose de menu comme des grains, quelque chose de menu comme la gelée blanche sur la terre. Les enfants d’Israël regardèrent et ils se dirent l’un à l’autre : Qu’est-ce que cela ? Car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : C’est le pain que L’Éternel vous donne pour nourriture. Voici ce que l’Éternel a ordonné : Que chacun de vous en ramasse ce qu’il faut pour sa nourriture, un omer par tête, suivant le nombre de vos personnes ; chacun en prendra pour ceux qui sont dans sa tente. Les Israélites firent ainsi ; et ils en ramassèrent les uns plus, les autres moins. On mesurait ensuite avec l’omer; celui qui avait ramassé plus n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé moins n’en manquait pas. Chacun ramassait ce qu’il fallait pour sa nourriture. Moïse leur dit : Que personne n’en laisse jusqu’au matin. »

Ainsi l’économie normative inspirée des écritures prenant sa source dans une loi de justice, manifeste une forme de prévention contre les effets liés à l’accumulation des richesses, des phénomènes de thésaurisation contre-productive, d’inégalité et d’exploitation qui en résultent – « Malheur, s’écrie Isaïe, à ceux qui ajoutent maison à maison et joignent champ à champ, au point de prendre toute la place et de rester les seuls habitants du pays » (Isaïe 5, 8).  L’expropriation spéculative dont la cupidité est ici l’enjeu est clairement dénoncée, condamnée dans les écritures.

Cette règle d’égalité prévaut également dans le nouveau Testament, ainsi nous lisons dans Romains 8.13-15 : « … Car il s’agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d’égalité : dans la circonstance présente votre superflu pourvoira à leurs besoins, afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres, en sorte qu’il y ait égalité, selon qu’il est écrit : Celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé peu n’en manquait pas. »

En conséquence l’économie normative telle qu’elle est affichée et décrite dans le premier testament a également ses prolongements dans les débuts de l’église comme le confirme par ailleurs Actes 2.48… « La mise en commun des ressources, en termes de travail comme de rétribution directe ».

La mise en commun n’est-elle pas aussi la mise en commun des talents, des intelligences. Comme nous le rappelions plus haut, le progrès est vain, sans l’aventure humaine et collective…Il n’y a d’enchantement que dans la dimension spirituelle, l’enrichissement croisé, partagé, fertilisé dans une communion de services que donne la capacité à un corps pleinement solidaire de se performer et d’inventer pour le bien-être de tous au-dedans et à l’extérieur… Ainsi cette conclusion est également à mettre en perspective avec ce texte de Corinthiens, pour faire de nos entreprises ces communautés de talent inspirées par le souffle des écritures…

1 Corinthiens v12-27 : « Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ. Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit. Ainsi le corps n’est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait : Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, ne serait-il pas du corps pour cela ? Et si l’oreille disait : Parce que je ne suis pas un œil, je ne suis pas du corps, ne serait-elle pas du corps pour cela ? Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? S’il était tout ouïe, où serait l’odorat ? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu. Si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps.

L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires ; et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d’un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d’honneur, tandis que ceux qui sont honnêtes n’en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d’honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »

 

Ecologie et transhumanisme

L’oxymore
Rapprocher les termes Ecologie et Transhumanisme apparait d’emblée comme un oxymore. Deux termes antinomiques qui s’entrechoquent, d’un côté la nature, un monde réel, de l’autre un environnement de matières et d’algorithmes, un monde virtuel, il est d’ailleurs plutôt rare que les transhumanistes aient à s’exprimer sur cette thématique touchant les domaines de l’écologie, pourtant les technos progressistes pourraient rencontrer la faveur des écologistes si ces derniers contribuent par leurs recherches à sauvegarder le vivant, soyons précis et avec un brin d’ironie, les organisme génétiquement modifiés.

Pourtant comme l’affirme Michel Henry dans son livre la Barbarie : « l’homme de l’ère technique ne sait plus prendre le temps de vivre. Ni goûter la beauté d’un paysage. Ni apprécier la valeur d’un acte. Ni saisir le sacré de la vie. Il ne sait plus se sentir vivre, s’éprouver vivant dans l’immanence ».

Nous sommes nonobstant réservés sur la probabilité que les transhumanistes réalisent à terme que pour la première fois dans l’Histoire de l’Humanité, selon Rony Akrich – professeur d’étude juive – « l’homme peut prendre conscience de l’unité de la Vie, de l’unité du genre humain, du lien qui unit l’Homme avec la Terre, dans une perspective qui est une véritable préoccupation, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les siècles précédents ».

Jamais le monde en effet, n’a connu autant de signaux d’alertes, jamais l’homme n’a pris autant conscience d’un péril majeur qui concerne la pérennité même de son existence :

la biodiversité est en danger ;
les écosystèmes sont menacés dans leurs équilibres ;
« la société» dans ses valeurs « est devenue liquide »,
Les digues lâchent et ce sont parfois de véritables tsunamis qui amènent à des mutations sociales profondes du fait de la vacuité morale, de la déréliction, de l’isolement des hommes entre eux, loin des solidarités nécessaires à leur protection. Le réel pourrait ainsi se rappeler très vite aux rêves les plus fous caressés par les progressistes du transhumanisme.

L’oxymore

Rapprocher les termes Ecologie et Transhumanisme apparait d’emblée comme un oxymore. Deux termes antinomiques qui s’entrechoquent, d’un côté la nature, un monde réel, de l’autre un environnement de matières et d’algorithmes, un monde virtuel, il est d’ailleurs plutôt rare que les transhumanistes aient à s’exprimer sur cette thématique touchant les domaines de l’écologie, pourtant les technos progressistes pourraient rencontrer la faveur des écologistes si ces derniers contribuent par leurs recherches à sauvegarder le vivant, soyons précis et avec un brin d’ironie, les organisme génétiquement modifiés.

Pourtant comme l’affirme Michel Henry dans son livre la Barbarie : « l’homme de l’ère technique ne sait plus prendre le temps de vivre. Ni goûter la beauté d’un paysage. Ni apprécier la valeur d’un acte. Ni saisir le sacré de la vie. Il ne sait plus se sentir vivre, s’éprouver vivant dans l’immanence ».

Nous sommes nonobstant réservés sur la probabilité que les transhumanistes réalisent à terme que pour la première fois dans l’Histoire de l’Humanité, selon Rony Akrich – professeur d’étude juive –

« l’homme peut prendre conscience de l’unité de la Vie, de l’unité du genre humain, du lien qui unit l’Homme avec la Terre, dans une perspective qui est une véritable préoccupation, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les siècles précédents ».

Jamais le monde en effet, n’a connu autant de signaux d’alertes, jamais l’homme n’a pris autant conscience d’un péril majeur qui concerne la pérennité même de son existence :

  • la biodiversité est en danger ;
  • les écosystèmes sont menacés dans leurs équilibres ;
  • « la société» dans ses valeurs « est devenue liquide »,

Les digues lâchent et ce sont parfois de véritables tsunamis qui amènent à des mutations sociales profondes du fait de la vacuité morale, de la déréliction, de l’isolement des hommes entre eux, loin des solidarités nécessaires à leur protection. Le réel pourrait ainsi se rappeler très vite aux rêves les plus fous caressés par les progressistes du transhumanisme.

La biodiversité,

un message fort contre une technicité sauvage et radicale 

Les idéologies mortifères ou de mort gagnent du terrain partout dans le monde, dévastant parfois des traditions millénaires ; la dimension anthropologique d’un être humain né d’un rapport sexué est remise en question et demain l’être humain sera n’importe quelle marchandise que l’on commandera sur Internet comme cela se pratique aujourd’hui aux USA ;

Le changement climatique interroge nos modes de consommation et nos modèles de croissances ; le consumérisme et les endettements des états font également craindre de véritables tempêtes sociales, car les sociétés ne sont pas prêtes à modifier les comportements et à accepter les dictats de la finance.

Ces éléments constitutifs d’un changement de paradigme sont en réalité intriqués, interdépendants et interagissent entre eux sur l’ensemble de la biodiversité. L’écologie ne se réduit donc pas à la seule nature mais l’écologie est autant environnementale qu’humaine. Le jardinier qui cultive la terre est une composante lui-même de l’écosystème. En entretenant le sol, le jardinier contribue à la floraison, à l’émergence des fruits qui émaneront du sol dont il a pris soin. Si ce jardinier ne prend pas soin du sol, s’il choisit d’intensifier son exploitation, il peut aussi ruiner la vie qui découle même de son jardin. Or à une échelle plus grande que le jardin, celle de notre planète, c’est bien l’ensemble des écosystèmes qui sont menacés et cette citation extraite du blog du magazine La vie confirme la problématique à l’aune d’un jardin :

« Sans la biodiversité, l’homme n’est rien ; sans la biodiversité, l’homme disparaît. » (Mahaut Hermann)

A travers ces éléments que nous avons énumérés précédemment, nous prenons conscience que nous ne sommes pas loin d’une faillite généralisée. Cette faillite est autant économique, culturelle, anthropologique, sociale et climatique. Jamais, il n’y a eu autant de corrélations entre différents phénomènes qui par leur conjugaison peuvent entrainer des maux irréversibles pour une grande partie de notre humanité.

Ainsi des pans entiers de notre environnement se délitent, s’étiolent, disparaissent. Tous les instruments qui examinent la terre, l’auscultent, la mesurent, convergent avec le même diagnostic, la planète s’est embrasée.

Les catastrophes même les plus apocalyptiques ne sont plus inenvisageables.

C’est dans ce contexte que ce chapitre aborde le thème de l’écologie et plus précisément quelle écologie pour demain ?

Quand on parle d’écologie, de quoi parle-t-on ?

Le mot écologie comme vous le savez sans doute, est formé de deux racines grecques :

  • « éco » qui correspond au nom « oikos» désignant « la maison »,
  • « logos» signifiant la parole, le discours, la raison, la science.

Ainsi la dimension écologique couvre largement une notion d’habitat, de milieu. Un habitat qui n’exclut pas l’homme mais l’inclut nécessairement, puisque l’homme est une partie intégrante de cette maison que forme notre planète.

Il est regrettable que le mot écologie ait dérivé, ait été également amalgamé par des courants de pensées politiques. Car l’écologie par définition est une dimension amplement transversale et dépasse les clivages droite/gauche. Nous habitons tous la même maison, nous sommes tous concernés par son architecture quand notamment, les colonnes, les piliers, les pans de cette maison sont menacés de s’effondrer.

Cette dimension de l’écologie est dès lors nécessairement universelle. Implicitement l’écologie est l’évocation d’un patrimoine commun ; un bien commun, puisque à partir de l’étymologie il s’agit bien de l’habitat, de notre maison, d’une maison commune ou la coexistence harmonieuse devrait être un principe qui s’impose à tous.

Il est également fâcheux de noter cette approche segmentant la vision écologique, qui met par ailleurs la focale sur le seul aspect de l’environnement. Cette vision de l’écologie est parfois étriquée, parcellaire, elle en occulte toutes les facettes. Il convient selon nous de ne pas avoir de vision réductrice ou caricaturale du mot écologie.

L’écologie dans son acceptation sémantique la plus large couvre des champs comme l’humain et l’environnement, l’homme et son milieu.

La dernière encyclique du pape François doit être considérée comme une œuvre magistrale. Cette pensée majeure inspire largement mon propos, tout comme le livre « Nos limites » de Gaultier Bès[1].

A travers l’approche du Pape François, du jeune philosophe Gauthier Bès, l’un des initiateurs de ce formidable mouvement des Veilleurs, reconnaissons une démarche de réflexion, une avancée forte sur tous les aspects que devraient couvrir l’écologie qui touche autant à l’humain, aux conditions de vie et à la gestion même de la planète.

Ainsi la notion même d’écologie devrait avoir une dimension universelle sans céder :

  • à une forme de religion panthéiste et idolâtre fascinée par la nature qui nie la différence, l’ascendance et la spécificité de l’identité humaine dans l’univers,
  • encore moins à l’idéologie anthropophobe, une conception malthusienne qui se représente l’expansion de l’humanité, la multiplication des êtres humains comme une menace.

L’interdépendance

de la biodiversité et des écosystèmes

Au fond nous percevons là deux grandes dérives extrêmes de l’écologie dans sa vision justement réductrice, celle :

  • d’une forme de philosophie panthéiste fascinée par la nature qui relativiserait l’existence humaine. L’homme selon cette approche est une espèce comme les autres. Chaque chose dans la Nature serait alors digne d’un culte.
  • et une conception eugéniste hostile à la croissance des populations, prônant le contrôle des naissances.

Nous considérons nonobstant qu’à juste titre, l’homme dès sa conception évoluant au sein d’un écosystème en est étroitement lié sans être assimilable à une forme d’immanence qui écraserait son identité et sa spécificité. Pour autant nous considérons que nous sommes liés à notre planète. Nos actes et nos gestes, notre activé « bien » ou « mal » a des effets non contestables ; tout est dès lors interdépendant.

C’est bien le vivant qu’il faut alors s’efforcer de préserver, de sauvegarder. Or nous voyons bien que si l’homme est minimisé dans une approche de l’écologie, il y aurait là comme un non-sens, une incohérence d’un point de vue philosophique ou sinon moral.

Dès lors la vision écologique devrait être intégrale ; elle devrait mettre en perspective les interdépendances entre l’homme et son milieu et non isoler les approches, leurs conséquences.

Dans cette vision d’interdépendance de la biodiversité et des écosystèmes, nous ne devrions pas seulement nous préoccuper des OGM, Organismes Génétiquement Modifiés ; mais nous devrions aussi nous soucier des Organismes Humains Génétiquement Modifiés, c’est-à-dire des OHGM. L’écologie qui se définit étymologiquement comme la maison inclut dès lors les habitants de cette maison, du stade embryonnaire à la fin de vie de l’homme. L’homme est une âme vivante et non n’importe quelle matière que l’on pourrait malmener, transformer, modifier, performer, améliorer.

Nous sommes ainsi frappés du paradoxe entre les efforts mis en œuvre pour préserver les habitats naturels menacés de dévastation et le manque parfois d’intérêt, de sensibilisation portée pour promouvoir les « conditions morales » sans lesquelles l’homme lui-même court à sa propre fin, sa propre destruction.

Nous ne pouvons dès lors ne pas comprendre la notion d’écologie sans cette dimension d’interdépendance morale, interdépendance morale entre l’homme et son milieu, l’humain et l’urbain, l’espèce humaine et son environnement. Vous notez le terme « morale » utilisé. Je ne crois pas ainsi que l’on puisse dissocier écologie et éthique, la morale, la dimension du bien dans une approche raisonnée de la gestion de notre planète, de notre environnement.

Habiter, cohabiter avec son milieu suppose l’impérieuse nécessité :

  • de savoir cohabiter harmonieusement,
  • d’assurer la cohésion respectueuse et solidaire,
  • de protéger la pérennité de l’existence humaine, loin d’un horizon menaçant.

La pérennité suppose que sur ce champ, nous intégrions cette dimension d’éthique qui pose les conditions morales d’une vie commune, j’évoque bien les conditions morales et non normatives.

Les conditions morales mettent en valeur l’éveil de la conscience, la part réflexive, au fond cette capacité à toucher notre esprit, à l’amener à se sentir concerné, c’est l’ambition même, la finalité de l’encyclique de toucher le cœur même de notre humanité.

La morale en matière d’écologie souligne les notions de frugalité, de sobriété, de maitrise à l’envers d’un rapport boulimique, d’une consommation qui ne se freine pas, d’achat compulsif où la carte bleue agit parfois comme un véritable antidépresseur.

Une société

consumériste devenue dévorante

La société consumériste est devenue dévorante, elle entend assouvir tous les appétits, ne mesure pas les conséquences d’une vie qui ne se donne pas de limites dans ses rapports éthique avec la nature. Dans un monde consumériste qui impose une lecture des besoins artificiels comme reposant sur une nécessité nous fait dès lors perdre de vue la dimension responsable que devrait être la relation du consommateur avec cette même nature.

Nous ne percevons pas que nos excès impactent notre environnement proche et lointain, nos voisinages et les autres habitants de la planète. Mais nos outrances technicistes, scientistes et boulimiques amènent et conduisent à une profonde déréliction en nous enfermant aujourd’hui dans un système matérialiste et un système de consommation et de consommation virtuelle nous isolant les uns des autres. Nous perdons de vue ainsi les notions de solidarité et de partages, de partages des biens, de frugalité et de capacité à secourir ceux qui sont dans le besoin.

Or la dimension normative vient comme s’imposer, contraindre, elle est forcément coercitive et non participative. Or aujourd’hui c’est bien la conscience qu’il convient d’éveiller, de toucher et pour l’atteindre, nous voyons bien que la norme s’avère impuissante, incapable de modifier les comportements transgressifs, modifier durablement ce rapport avec notre environnement.

Les défis

de l’écologie repensée

Nous avons perdu de vue notre relation à la nature et notre intime interdépendance avec tout ce qui constitue la maison commune, ce qui fait notre habitat.

Notre humanité s’est fourvoyée dans le technicisme et ce qui l’accompagne, une hyper consommation, gage de croissance. Notre humanité dans son appétit dévorant, a mis :

  • sa confiance absolue dans les dogmes du libéralisme, de la mondialisation, du libre-échange,
  • sa certitude dans le progrès technologique comme une réparation de son infirmité lié aux limites biologiques qui font l’homme,
  • sa foi dans la science au service du confort absolu de l’homme. Cette croyance discrétionnaire qui est en passe de devenir une religion de l’homme pour les tenants de l’idéologie transhumaniste,

Nous sommes dans des contextes :

  • de crise économique,
  • de crise climatique,
  • de crise sociale,
  • de crise culturelle.

Nous sommes en quelque sorte mis au défi de repenser l’écologie, nos modes d’habiter, et d’habiter autrement notre rapport à la création et à la nature. Mais il ne s’agit pas comme je l’ai souligné en préambule de souligner notre seul rapport à la nature, il s’agit bien de mettre l’accent sur notre rapport aux autres, sur notre façon de vivre la relation aux autres, ce respect dû à chacun, cette nécessité de savoir tendre la main, d’entraider, de secourir.

Nous ne pouvons pas dissocier les rapports d’interdépendances entre les humains d’une part et les rapports d’interdépendance avec notre milieu, il s’agit bien d’un tout, d’un ensemble, nous sommes tous une des composantes de cet ensemble. Nos gestes, nos actes, notre façon d’agir ont une incidence, l’adage ne dit-il pas que « c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Chacun dès lors doit avoir cette conviction qu’il n’agit pas de manière isolée et indépendante des autres sans conséquences.

Nous faisons un. « En détruisant l’environnement, l’humanité se détruit elle-même ; en le préservant, nous nous préservons nous-mêmes, nous préservons notre prochain et les générations futures ».

Notre conscience morale doit dès lors être éveillée relativement à nos rapports avec les autres sur nos rapports de domination et d’exploitation de notre environnement. Au-delà de la conscience morale c’est aussi la conscience spirituelle.

La démarche écologique que nous prônons comme intégrale doit reposer sur un mouvement ontologique fondé sur la relation, l’échange, la participation, la conscience à rebours d’un monde « prométhéen » faiseur d’un homme nouveau.

Ce mouvement de l’écologie intégrale qui replace l’homme comme une composante essentielle de son milieu est enfin un formidable réveil de l’esprit qui est l’expression d’un refus, celui d’être encarté, celui d’être formaté, protestation légitime de se laisser enfermer dans le monde des idéologies et des univers virtuels, des univers désincarnés.

« Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » – Bossuet

François Huguenin Maillot commentant l’encyclique du pape François (Laudato Si) écrivait à propos du consumérisme « qu’il aliène l’homme par un matérialisme qui lui donne l’illusion de la liberté et l’empêche de voir qu’il est prisonnier de ce que Charles Taylor a nommé « désirs inauthentiques ». »

Il est facile ajoute François Huguenin « de fabriquer des désirs factices que l’homme s’approprie en lieu et place des désirs naturels plus exigeants, plus difficiles à atteindre, mais plus épanouissants et humanisant que sont le désir de la vertu et du bien, du donner et du recevoir. Comme si l’accumulation des biens de consommation ensevelissait le cœur de l’homme sous une masse de détritus recouvrant la perle qui est en chacun. »

« L’abondance, la profusion ont rétréci notre horizon, ont barré l’accès à la profondeur intérieure où se fait la rencontre avec l’autre ou avec Dieu ». D’où cet éloge de la sobriété que souligne François Huguenin, « une vertu tellement étrangère à notre époque ».

Or les tenants d’une écologie politique ont une approche normative dénonçant surtout les effets mais ne s’attaquant pas directement aux racines du mal, aux origines mêmes d’une société consumériste qui ne s’est donné aucun frein à son appétit, à ses convoitises. N’est-il pas frappant de noter qu’aucun discours ne vient ici valoriser les notions de frugalité, de sobriété ? Ainsi un certain discours ambiant « déplore les effets mais en chérit les causes en ne les dénonçant pas ».

Cette écologie intégrale, défendue, que nous promouvons, n’est pas une idolâtrie de la nature mais elle est en revanche à rebours du désir de dénaturation de l’homme.

L’écologie intégrale que nous valorisons vise plutôt :

  • à prendre soin de la nature faune et flore,
  • à éviter cette tentative de déconstruire l’homme tel qu’il est, de défaire l’homme relativement à la réalité de son identité biologique…

Or toute tentative de dénaturation a forcément un impact sur son environnement… dont l’un des effets produit est celui d’un consumérisme sauvage ; l’un des avatars, le désir sans limites !

C’est pourquoi la conception de l’écologie que je partage est celle d’un « bio conservateur » qui est une anti thèse du transhumanisme. Il n’y a donc pas en effet d’écologie sans anthropologie qui replace l’homme comme le devoir de prendre soin de lui et du plus fragile, de respecter la nature et la nature de l’homme tel qu’il est sans chercher à le modifier pour le performer, l’améliorer ou l’augmenter.

L’écologie

dans une perspective biblique

Rappelons-nous que le premier habitat de l’homme après la création est un jardin, l’Eden. Il est frappant de noter que cet habitat n’est pas surdimensionné, n’est pas non plus une prison dorée, le jardin est à hauteur d’homme, l’homme n’est ni confiné, ni écrasé par le gigantisme, une mise en distance, c’est la proximité, le proche, le prochain qui constituent la matrice du jardin.

Dans ce jardin, l’Eden, l’homme est dans un espace de liberté, un espace également de libre arbitre, un espace qui n’est pas dans la démesure, la disproportion. Ce jardin est dans une échelle de proximité, de relations à trois dimensions, le créateur, la créature, la création.

Dans cette dimension de la création, il semble bon de rappeler que la création est d’abord un acte d’amour : Dieu crée pour se donner un autre à aimer. La création relève avant tout d’un acte relationnel. Avec la dimension de la relation, Dieu crée la liberté et non des pantins déterminés, la création serait ainsi contre nature, puisque la création procède d’un don, d’une grâce, d’une liberté, de l’amour et ne relève aucunement d’un hasard ou d’un déterminisme.

Rappelons que Dieu fait émerger au début de cette création libre, la lumière puis l’univers du chaos, du « tohu bohu »[2] des ténèbres. Dieu sépare comme le rappelle Alain LEDAIN auteur du livre « Regards d’un chrétien sur la société » ; Dieu différencie, distingue ; il sépare les éléments constitutifs de l’univers, en commençant par les corps célestes pour achever avec la création sexuée de l’homme ; Dieu pose le principe de l’altérité et de la différenciation ; il crée des espèces et confère à la flore et à la faune « un espace d’existence » en leur attribuant des fonctions et un rôle. Dieu n’est pas non plus un tout dans la création. Il transcende la création, il s’en distingue, il en est le Créateur.

Dieu crée l’Univers pour qu’il soit habité comme le rappelle le livre d’Esaïe chapitre 40 verset 22. A l’origine de la création, l’homme vit dans un cadre harmonieux, un lieu d’absolu bien être, qui est qualifié dans les Ecritures comme un jardin de délices. En effet l’Eden signifie en hébreu un jardin de délices, un lieu d’harmonie.

Non seulement l’être humain homme et femme est en harmonie avec lui-même mais il l’est avec les animaux et il est également en communion avec son Créateur, avec qui il échange, avec qui il parle. Dieu ne lui est pas caché, il lui est pleinement révélé. La transcendance coexiste avec l’homme et non une immanence dont l’homme rendrait un culte. La nature n’est pas divinisée ; la nature est au service d’un dessein, d’un projet à partit duquel l’homme créera, organisera, structurera, aménagera, transformera.

Genèse 2 : 8-10 « L’Eternel Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait modelé. L’Eternel Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de Vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. »

Or nous prenons conscience que notre monde évacue aujourd’hui toute idée de transcendance, tout rapport avec la transcendance, comme si Dieu n’existait pas, ou n’avait jamais existé.

Débarrassé de l’idée de Dieu, l’homme devient pour lui-même, la mesure de toutes choses. Dans le récit de la Genèse, la première inversion du rapport à la proximité, du rapport à la relation s’inscrit dans la création d’une ville : au-lieu de se disperser, de dupliquer l’échelle du jardin, les hommes se déploient, s’empilent sur un espace confiné, ils croient atteindre la liberté en voulant conquérir le ciel. Ils s’inscrivent même dans une contre diversité en fabriquant leurs villes avec des matériaux non différenciés, du bitume et des briques, là où Dieu avait pourtant créé la diversité et mis à sa disposition les ressources infiniment riches et variées.

Il convient aussi d’avoir en perspective que Babel et Babylone sont sémantiquement équivalents, ont les mêmes racines étymologiques, Babylone affichant l’image d’un empire marchand et totalitaire, Babel la ville uniforme, étant l’affichage d’une ambition démesurée de l’homme, celui d’atteindre la « porte du ciel ». L’Eden, le jardin est l’échelle de la proximité. La première société conviviale qui prône l’altérité, la différenciation complémentaire est soudainement balayée par le rêve de la démesure : atteindre les sommets, les cimes sans les racines, ces racines qui fondent, ancrent les sociétés afin que ces dernières ne chancellent pas.

« La nature

n’a d’autre raison d’existence que d’être au service de l’homme »,

une vision technicienne et dévastatrice à terme

Il est ainsi curieux que l’historien Lynn White dans « Les racines historiques de notre crise écologique » affirme de façon quasi péremptoire que les origines de nos crises sont « largement religieuses », que « la crise écologique que nous connaissons s’approfondira tant que nous n’aurons pas rejeté l’axiome chrétien selon lequel la nature n’a d’autre raison d’existence que d’être au service de l’homme ». Mais dans cette assertion brutale, l’auteur semble méconnaitre l’épisode du pêché, cette soif manifestée par l’homme de se libérer de ce qu’il pensait être comme une servitude de ne pas être l’égal de Dieu.

A travers le livre de la Genèse, s’exprime également la façon dont Dieu structure, organise l’univers et lui a donné un ordre, en procédant à une série de distinctions, de terme à terme : Dieu/l’homme ; l’ordre/ le Tohu Bohu, le jour/la nuit, l’homme Mâle/femelle, l’homme/les animaux ; les animaux/les végétaux ; la terre/l’eau/le ciel.

Dans le livre de la Genèse, la création du monde procède par éléments séparés. Pour respecter l’ordre introduit par Dieu, il convient de maintenir cette séparation, au risque de retourner au chaos, au Tohu Bohu, à une forme de confusion. Or, implicitement selon les Ecritures, l’un des enseignements majeurs que l’on peut ici extraire en partant de la lecture du livre de la Genèse, montrant définitivement la vision écologique de la création, ce qui a été différencié ne saurait être mélangé. La création ne saurait faire l’objet de transgressions en mêlant à nouveau ou en confondant ce qui a été à l’origine de la création, « séparé », ce qui entrainerait la confusion, celle de « ne pas distinguer la main droite et la main gauche », tel que le rapporte le livre du prophète Jonas qui décrit une ville plongée dans la confusion.

Livre de Jonas chapitre 4 verset 11 « Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche… »

Or nous voyons clairement que le génie génétique transgresse ces différenciations qui sonnent comme autant d’interdits, rapprocher, fondre ce qui a été séparé. Nous voyons ainsi poindre ces forçages de la technoscience qui entend rapprocher le vivant et la matière, le végétal et le vivant. Il est utile de rappeler que l’Ancien Testament mentionne un grand nombre d’interdits concernant les mélanges, les unions tirées du milieu naturel ; la Bible rappelle par exemple l’interdiction de tisser ensemble le lin et la laine (végétal et animal).

Quelle écologie pour demain ?

Pour revenir au livre de la Genèse nous notons dans l’hébreu l’emploi du verbe shamar, shamar qui signifie garder, veiller sur, protéger, conserver. L’homme est ainsi appelé à veiller avec soin sur la nature, à l’image d’un jardinier qui cultive son jardin.

En usant de techniques pour aménager son environnement, l’homme s’emploie à aménager, à organiser et à structurer la terre, à cultiver comme le jardinier entretient, prend soin de son jardin. En binant, bêchant, sarclant la terre, le jardinier entretient le sol, le fertilise, fait prospérer le sol pour nourrir et bien au-delà de ses seuls proches.

Ce travail d’organisation et de transformation est une vocation à laquelle l’homme est appelé mais il est appelé à prendre soin c’est le sens même de shamar. Il veille et il protège afin de ne pas abîmer en surexploitant le sol. D’ailleurs la Bible, dans l’un des cinq livres du pentateuque, dans le livre du lévitique, ne parle-t-elle pas du repos de la terre, d’une mise en jachère qui est une pratique courante chez les agriculteurs, pour autant l’intensité du progrès peut impacter de manière négative et se faire au détriment du bien commun.

Nous vivons une forme de révolution concernant la civilisation humaine : Nous assistons à une inversion accélérée des rapports de force entre la civilisation humaine et  l’environnement naturel : Durant des millénaires, l’homme a développé une activité de transformation en apprenant à surmonter la pénibilité, les menaces liées l’environnement naturel, à limiter la peine, et à tirer profit des ressources que la nature lui a mis à sa disposition ; mais aujourd’hui, ce rapport à la nature où il convenait pour l’homme de tenter de dominer, devient un rapport de puissance. Il y a comme un effet de bascule déraisonnable. Le développement s’est fait sans conscience et souvent au détriment des plus pauvres et des plus fragiles faisant ici et là naître d’autres cataclysmes écologiques résultant de conflits, de guerres, d’exclusions ethniques ou religieuses, se traduisant également par des déplacements de populations fragilisées et pauvres vers les continents riches.

Aujourd’hui, la croissance de la civilisation a atteint un degré critique, il devient prégnant que l’épopée du progrès technique s’est de nos jours, accompagnée d’une tragédie humaine sans précédent.

Il s’agit dès lors de protéger la nature des effets néfastes d’une technologie sans conscience. Le progrès de notre civilisation doit donc être repensé et adapté en vue d’une meilleure intégration à long terme dans la biosphère.

Les pistes de ce changement peuvent être engagées à différentes échelles :

Une prise de conscience planétaire : en partant de la nécessité pour les nations riches d’être solidaires des nations les plus pauvres en contribuant à apporter les ressources nécessaires à la survie et au bien-être sans pour autant reconstruire un modèle consumériste et matérialiste, l’inspiration d’une démarche de type permaculture nous semble l’organisation la plus idoine, la plus satisfaisante.

Une prise de conscience locale : à la plus petite échelle, dans le cadre de la vie associative et c’est aussi un sujet d’espérance, des initiatives citoyennes sont portées par des hommes et des femmes qui par leurs gestes insignifiants (la goutte d’eau) peuvent changer le monde. Je pense à ces associations de permaculture, de jardins partagés, de lutte contre les gaspillages alimentaires, de réseaux de solidarité, de coopératives citoyennes.

Il existe des réponses concrètes pour inverser ce rapport à une technicité sauvage, un consumérisme sans éthique. Ainsi des hommes et des femmes inventent de nouveaux rapports à la nature dans une dimension de respect des écosystèmes, mais également d’équité dans les rapports aux autres en partant d’une échelle locale, en s’appropriant un lieu comme nous l’avons fait à l’Ilot Saint Gilles (à Reims) ou nous inventons une forme de vie sociale. La socialité d’un lieu est aussi importante que l’entretien du lieu proprement dit. Notre espace est un lieu ouvert, voulant ainsi éviter « l’entre nous », nous voulons affirmer ce lieu comme un espace de convivialité, de bienveillance, de relations avec les voisins au-delà de leurs croyances, de leurs convictions, de leurs positions sociales, de leurs statuts. C’est la création d’un monde commun dépassant les clivages qui anéantissent l’urgence de nous réunir pour sauvegarder l’idée d’un patrimoine social et naturel commun.

A partir d’un jardin partagé avec les habitants d’un quartier de la ville de Reims, nous nous sommes employés à valoriser la vie d’un lieu qui était en friche. Après avoir débroussaillé puis transformé cette friche, nous avons créé un jardin ; installé un compost, récupéré l’eau de pluie, mis en place des toilettes sèches, pratiqué le paillage afin de gêner le développement des mauvaises herbes, bref une somme de petits gestes qui définissent ce que l’on appelle la permaculture. Le mot est un peu savant,  le concept a été à l’initiative des australiens Bill Mollison et David Holmgren qui ont considéré que la dimension sociale est aussi importante qu’un dispositif écologique qui veut s’inscrire dans la durée. Pour les initiateurs la permaculture est bien plus qu’une agriculture permanente mais « c’est de la culture permanente ».

La permaculture s’inscrit ainsi comme une nouvelle conception de l’habitat, une nouvelle pratique de vie inspirée de l’éthique, de l’écologie naturelle, de valeurs transmises par la tradition.

La permaculture n’est pas un mode de pensée mais un mode d’agir qui prend en considération la biodiversité. L’objectif des associations qui fondent un principe de gouvernance autour de la permaculture est de permettre à des habitants de concevoir une forme de société conviviale, un habitat durable, une forme de résistance, de résilience à la modernité ou le tout techniciste triomphe.

La permaculture ne relève pas d’une démarche idéologique mais s’inscrit dans le réel, dans le paysage, le quotidien, une autre façon de vivre avec les autres une autre alternative de vie dans l’environnement d’une cité, d’un village. Voilà une piste concrète d’une autre écologie pour demain. Une forme d’économie de la bienveillance, de la relation aux autres, une autre forme de jardin qui a inspiré l’association Cultures à l’ilot Saint Gilles à Reims qui au-delà des clivages sociaux, idéologiques, décide de réinventer une société conviviale reposant sur l’envie de partager des biens en commun qui ne sont pas seulement les fruits, les légumes, mais aussi la culture, l’habitat en faisant émerger un projet de béguinage pour lutter contre l’isolement des personnes avançant dans l’âge, ainsi la dimension d’interdépendance l’homme dans son milieu est  mis en valeur. Le projet des jardins partagés que nous voyons fleurir partout en France, prennent alors tout leur sens, une forme d’utopie mais dont la dimension incarnée est nécessaire pour amener un peu de rêve dans un monde gagné par le technicisme et l’urbanisme occultant le paysage, la nature verdoyante et apaisante, la relation aux autres.

 

[1] Gaultier Bès, est professeur agrégé de Lettres, il est le coauteur du livre Nos Limites avec Marianne Durano et Axel Rokvam. Le livre partage le manifeste d’une écologie intégrale.

[2] tohu bohu terme hébraïque issu de la Torah et désignant le chaos originel.