qu’est ce que la liberté ?

Auteur Eric LEMAITRE

Qu’est-ce que la liberté ?

La liberté c’est Charlie ? C’est Zemmour ? C’est Dieudonné ? C’est Houellebecq ?

La liberté n’est-ce pas plutôt le respect de l’autre ? Elle n’est ni l’injonction qui soumet, ni l’injure qui offense, ni la blessure qui agresse … ! Ces mots libres qui sont aussi des blessures, cette liberté de dire, de caricaturer, mais qui mortifie.

Au nom de la liberté peut-on offenser librement, choquer, provoquer ?

Mais peut-on aussi dénoncer, déranger, interpeller sans être limogé, censuré comme cela se fait de plus en plus dans nos médias qui censurent leurs lecteurs y compris chez ceux ou celles qui expriment des avis pourtant modérés ? Le mot liberté est plein de nuances, mais il semble qu’elle s’affranchit en effet de la contrainte, de l’empêchement de dire, de penser, de s’exprimer.

Or cette liberté ne se construit-elle pas à ce jour sur des dérives ou de nouvelles dérives qui résultent d’un modèle libéral, libertaire qui préfère à la réflexion, la légèreté de la provocation parfois sans nuances ? Il est ainsi permis d’insulter, de blâmer les religions et l’obligation pour les croyants d’accepter l’offense au nom justement de la liberté ! La république française dans ce contexte de dérive libertaire, n’a pas promu comme règle le respect mais encourage l’outrance de la caricature mais prévoit en revanche dans ses textes de lois, le délit d’opinion. C’est ici l’incohérence qui me frappe et qui m’interroge ! Avoir la liberté de dire, certes mais sous certaines conditions et caricaturer sans fixer les moindres bornes à l’offense. Quelle hypocrisie et celle là me frappe particulièrement !

Existe-t-il une définition globale et absolue de la liberté ou une définition selon l’usage que l’on fait du mot liberté ? La société est formée d’hommes libres mais cette liberté doit être adossée à des valeurs qui doivent viser la seule dimension du respect de l’autre. Ne pas faire à autrui, ce que l’on n’aimerait pas produire comme image de moi ? Que penserait tel ou tel personnage de notre vie publique et au plus haut niveau, si ce dernier était dans la posture d’avilissement et de dépréciation, de dégradation de son image. Ne viendrait-il pas à porter plainte à cause d’une caricature où ignominie aurait été érigée pour blesser, rabaisser publiquement la personne !

Le respect est selon moi la seule matrice intelligible pour fonder un monde commun acceptant nos nuances, nos différences, en faisant attention que les extrêmes ne viennent pas provoquer les déséquilibres et les souffrances qui conduisent au mal. La liberté nous oblige à la décence, au devoir de prendre en considération la sensibilité, celle qui est associée à la communauté du prochain.

Le Président Mandela partageait qu’« Etre libre ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaines, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ». Au fond la liberté c’est savoir désarmer la haine, les menaces en offrant à l’autre sa capacité à le reconnaître dans sa différence sans chercher à lui imposer une conception idéologique de quelque ordre que ce soit ! 

Une citation dont je n’ai pas l’auteur en mémoire…mais il me semble qu’elle est assez juste… « La liberté n’est pas au commencement, mais à la fin. La liberté est le fruit du bon ordre. » Mais en revanche je ne suis pas Saint Just qui fut en son temps l’incarnation du totalitarisme…. Nous savons où conduisit la posture du révolutionnaire et sa définition qu’il donna de la liberté « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

La liberté doit être aimée et parce que nous l’aimons, la chérissons, nous devons prendre soin de ne pas heurter et injurier le prochain en raison de ses croyances, de ses convictions, de sa religion, de ses orientations ! Ma définition de la liberté est ainsi à contre-courant de ce temps qui galvaude le mot liberté et voit en elle l’absence d’opposition, ne nuançant pas le sens qui pourrait fonder une société apaisée qui accepte la différence et donc les désaccords possibles mais qui peuvent aussi enrichir ce qui fait notre relation à l’autre.

La liberté est donc une anti négation ( savoir affirmer la réalité, savoir dire la vérité), et non une libre expression qui provoque les autres. La liberté est un rapport bienveillant au monde qui annonce le sens que lui en donne Mandela, renforcer la liberté des autres ! La liberté est une exigence, bien plus qu’une posture, bien plus que la libre expression.

Or à travers les postures de quatre expressions que sont Charlie, Zemmour, Dieudonné, Houellebecq, nous prenons la mesure des formes de liberté, des manières de penser la société, des problématiques que pose la liberté et du risque de les exposer. Nous voyons bien les dérives d’une société qui est prête à valoriser certaines expressions de la liberté, mais qui en condamne d’autres.

La société libérale-libertaire entend ainsi donner un « visage » à cette liberté, mais ce faisant, cette liberté libertaire devient paradoxalement aussi totalitaire puisqu’elle en exclut les autres manifestations ; ce qu’on a vu dans les propos d’une journaliste prête à « traquer » ceux qui « ne sont pas Charlie », alors qu’ils n’ont fait qu’user différemment de leur propre liberté ! Il n’est pas sûr que ce « visage » soit celui de la liberté à laquelle nous aspirons, d’une liberté libérée des chaînes de l’oppression, d’une liberté fondée sur le respect et qui ne heurte pas la liberté de conscience ou la liberté de penser !

le nouvel essai D’ÉRIC lemaitre : Chroniques d’un monde en PIÈCES

Vient de paraître :

Chroniques d’un monde en pièces

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Être humain, c’est se confronter à ce que nous ne connaissons pas, c’est nous débattre avec des idées que nous ne connaissons pas, c’est dialoguer avec des affirmations que nous ne partageons pas. C’est un exercice redoutable, que d’être humain! Ces chroniques d’un monde en pièces peuvent nous y aider. Dans tous les sujets abordés, Éric Lemaître ne se laisse pas déterminer par des affirmations «prêt-à-penser», malgré les désaccords qui peuvent exister, il demande que nous gardions les yeux, et l’esprit, ouvert. Ainsi, même si je ne crois pas que le gouvernement entretienne une idéologie du contrôle de la population, je me demande moi aussi si la situation sanitaire pourrait conduire à des pratiques sociales inacceptables. Et si je ne suis pas convaincu que l’impact social soit plus dramatique que l ‘ impact sanitaire, je partage l’opinion de l’auteur: la crise actuelle a marqué à un amoindrissement des relations sociales et à une diminution de notre capacité à l’empathie, en d’autres termes, à un effacement de notre incarnation. Je crois aussi que la technologie est de plus en plus intégrée, non seulement à notre société, mais à nos corps, avec des conséquences que nous ne pouvons qu’imaginer. Un jour, elles viendront demander leurs dus. Les sujets abordés dans ces vingt-une, chroniques sont nombreux, et déterminants. Ils comportent des questions difficiles … Le monde qui se reconstruit peut-être déjà sous nos yeux porte-t-il les germes de l’espérance d’un monde meilleur? Est-ce que la propagation du Covid-19 ne nourrit pas en chacun de nous une anxiété, une méfiance, et un soupçon des autres? Les réponses apportées sembleront parfois extrêmes. Elles ne convaincront peut-être pas. Mais même alors, ces réponses ne sont qu’un éclair passager illuminant les questions que nous devons absolument poser.

Yannick IMBERT théologien, Professeur d’apologétique et d’histoire de l’Église, doyen de la faculté Jean CALVIN

Conséquences de la loi bio éthique sur la famille et répercussions sur la nation

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité.

Auteur Eric LEMAITRE

La ville de Reims dans le cadre des ateliers santé ville, il y a 15 ans de cela me confiait plusieurs études orientées principalement sur les quartiers en difficulté.

Plusieurs thématiques de santé étaient abordées et au fil de nos enquêtes, une problématique émergeait et concernait la figure du père. L’un de mes interlocuteurs m’avait invité à approfondir le sujet qui selon lui, allait constituer un enjeu majeur de société. Quand cette personne aborda avec moi, la figure du Père, elle précisa sa pensée et me partagea que cette figure semblait disparaître et que ses répercussions pourraient formellement être dramatiques pour les prochaines décennies. Quand je vous évoque ici la disparition du père, ce n’est pas le père en soi, c’est la disparition d’un ensemble qui permet de le définir. Le père cet homme, n’existe pas sans la mère cette femme, et la mère cette femme n’existe pas sans le Père cet homme. Les deux figures interagissent ensemble, elles sont essentielles, nécessaires à la vie de l’enfant.

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité. Mais ce point qui concerne la transmission, le lien et la solidarité, je l’aborderais dans un instant.

Je reviens à nouveau à cette mission d’étude des Ateliers Santé Ville, dans le cadre de ces enquêtes, nous avions alors pris conscience que des enfants laissés à leur compte en l’absence de père assumant leurs responsabilités éducatives menaient leurs enfants à rechercher inexorablement la figure d’un Papa qui incarnerait l’autorité, la dimension d’un cadre éducatif. Les enquêtes santé m’ont alors conduit vers les jeunes pré-ados et ados   qui vivent dans des quartiers où l’on dénombre une quantité de femmes seules, de foyers monoparentaux et des enfants en proie à des addictions alcool, cannabis et voire drogues. Ce que nous observions dans le cadre de ces enquêtes auprès de ces pré-ados, et ados, ce fut chez eux la recherche de pères de substitutions, des pères par procuration, le clan formerait alors le Père de remplacement, faute d’un vrai Père. 

Il est criant dans notre société et de façon beaucoup plus générale qu’un enfant passe beaucoup plus de temps avec ses écrans cathodiques ou numériques qu’avec son Père comme avec sa mère. Que deviendra alors une société où le Père est absent où la figure paternelle disparaît, voire « éliminée » et si la mère ne se révèle pas à travers la figure du Père !

Quel signal nous renvoie, alors ces lois bioéthiques qui signent l’effacement du Père, la dissipation, voire l’élimination de la figure paternelle. Chaque enfant a besoin d’un père et d’une mère. Chaque Père et chaque mère présentent une relation d’affection différente à son enfant. L’amour d’un père est une présence qui n’est pas celle d’une mère.

Les fils ou les filles, ont besoin du regard de leur Père, de la fierté de leur Père pour se construire, grandir. C’est la relation tacite passée entre un père et un fils ou sa fille, une mère et un fils ou sa fille. Or, cette source de motivation qui est l’essence même de notre humanité, est en train de se débiliter, de s’effacer subrepticement, de s’affaiblir inexorablement.

Il est évident que le vide émotionnel ne concerne pas uniquement la figure paternelle, ce vide émotionnel concerne aussi la figure maternelle, quand l’enfant en a été privé.

Ces lois bioéthiques sont pour moi le miroir et le reflet d’une tragédie qui se déroule sous nos yeux, qui couve sûrement, sur le point d’enfanter demain, les prochaines barbaries et révoltes des enfants devenus adultes qui ne supporteront plus l’égoïsme d’une génération qui les a privés d’une réelle affection, préférant le désir plutôt que l’accueil, choisissant l’envie, plutôt que le don d’une vie qui s’offre à eux naturellement et sans recours à une solution démiurgique.

Les lois bioéthiques approuvent ceci : en accédant à des désirs pour soi et des désirs auxquels ne peut répondre la loi naturelle, on ne répond pas aux attentes immenses de tout le genre humain qui a ce droit absolu de connaître les deux figures nécessaires et complémentaires d’un homme et d’une femme offrant une relation singulière et absolument nécessaire à la vie d’un enfant.

En m’interrogeant sur les répercussions des lois bioéthiques qui participent à la disparition des figures paternelles et ses effets sur la nation, je songeais à ce texte fameux de l’historien Ernest Renan lu à la Sorbonne le 11 mars 1882. À propos de la nation qui n’est ni l’état, ni en soi un peuple, mais plutôt une communauté de transmissions, héritière d’un passé, d’un legs et dont la dimension même de nation est incarnée par la solidarité. Je vous décline les éléments essentiels de ce texte partagé par l’historien Renan et je vous le commente ensuite :

« La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre-ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. [] Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »

Implicitement nous comprenons que la famille représente une des cellules et une des composantes indissociables de cette idée de nation qu’elle en représente nécessairement l’essence.

Nous pourrions à l’instar de cette citation de Renan, affirmer que la famille loge aussi une âme, un principe spirituel, un principe même sacré. Ce qui caractérise en effet la famille et l’enfant qu’elle accueille, c’est l’héritage naturel qu’elle lui transmet, la filiation de l’enfant, son origine, ses origines puisque la naissance de l’enfant découle d’un principe naturel, un legs spirituel : une parturition qui découle de la rencontre d’un homme et d’une femme et qu’il accède à la richesse de ses deux parents.

De la différence entre son père et sa mère, l’enfant apprend alors la solidarité, et même s’il n’y a pas de famille en soi idéale, l’enfant s’instruit de par la richesse des différences de ces deux visages qui forment un même cœur, sa famille.

Lorsque la famille éclate, car il n’y a pas de famille qui ne connaît pas de mésentente, l’enfant en est troublé, perturbé et cela touchera aux dimensions du lien et de la solidarité. Lorsque les lois bioéthiques lui assignent qu’il n’a pas de Père et je songe à la PMA et ce que cette réification biologique autorise, elle efface du coup le legs, le patrimoine d’un Père, d’une figure complémentaire.

La loi bioéthique exprime des revendications de désirs d’adultes qui ne prennent pas en compte les liens complémentaires et essentiels à la croissance de l’enfant pour devenir eux-mêmes adultes : d’une part le lien entre conjugalité et filiation, le lien entre enfantement et transmission, d’autre part.

La loi bioéthique omet sciemment, mais gravement l’intelligibilité de la filiation, exclue la relation père et mère, et consacre institutionnellement le déni d’un des deux parents, supprime le père, sans se préoccuper des besoins de l’enfant pour grandir. C’est une atteinte grave, un crime contre l’humanité, une blessure causée à la vie de l’enfant que ces hommes et femmes, élus de la nation, mais sans conscience, auront définitivement ruiné. Nous sommes ici ce 11 octobre 2020 pour être ce petit caillou dans la chaussure de nos élus, pour protester vigoureusement contre ces lois iniques qui déconstruisent l’homme et la femme.

Éric LEMAITRE

La barbarie moderne

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal.

Texte de Eric LEMAITRE

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal. Ainsi il sera plausible avec l’aval du législateur d’introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal. En implantant L’embryon dans l’utérus d’un animal, les chercheurs espèrent ainsi développer des organes humains chez des animaux en vue d’une transplantation dans un corps malade. Ces organes pourraient être, en effet, prélevés pour être à nouveau greffés sur des patients humains malades. Il y invariablement dans l’avancée des progrès scientifiques encouragés par la loi, une coloration très humaniste pour nous faire avaler la pilule puis reléguer les opposants à ces lois mortifères, dans le camp de radicaux malfaisants, empêchant la marche du progrès transhumaniste.  

Notre époque assiste à une forme d’accélération de la déconstruction de l’homme ; le pire est le rapprochement d’une dissolution totale de ces civilisations, civilisations qui fuient vers le consumérisme, le nihilisme, l’eugénisme, le technicisme, ou le fondamentalisme. Il est frappant que dans ces périodes de crise, de relever la propagation de la violence, de l’empilement des maux qui viennent submerger les nations. Ouvrons le journal et c’est l’étalement de l’horreur qui se répand sur la terre. Même l’Europe à ses portes est en proie à des exactions et à des déchirements qui lui font craindre le pire. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020 à Reims, un quartier Rémois a été confronté à des violences urbaines, à des tirs de mortiers et à une série d’incendies, il n’y a pas eu de blessés, mais on relève comme une forme « d’ensauvagement[3] » généralisée de la société, une jeunesse qui transgresse tous les interdits et ne se prive pas de braver les lois, d’enfreindre la tranquillité des quartiers. Dans le même département et quelques jours plus tôt précédant les événements vécus à Reims, la ville de Saint-Dizier était également en proie à des tensions urbaines. L’année 2020 est ainsi traversée par des épisodes de brutalités, d’exactions parfois communautaires comme nous si nous vivions à une forme de dérèglement de la planète impactant toutes les dimensions sociales, comme climatiques ou sanitaires. Le monde en délogeant le Dieu du ciel et toutes ses lois a finalement engendré le lit de la « barbarie » en abandonnant les valeurs prétendues civilisationnelles et morales, les repères, les attaches, les piliers qui nous faisaient discerner le Bien et le Mal. L’occident au cours de son histoire s’est longuement, fait le chantre de la civilisation, en s’identifiant à ce processus des nations civilisatrices, considérant les autres nations comme primitives rassemblant des barbares, dans le sens d’êtres attachés à une vie archaïque, de personnes qui ne connaissent pas ou sont demeurées dans l’ignorance des références qui qualifient la civilisation. Le mot même de barbare était entaché par une notion d’inculture avant d’embrasser plus tard celui de cruauté, pendant longtemps le corollaire de la cruauté fut ainsi associé à celui de barbarie.   

Cette époque de relativisation qui caractérise les dernières décennies précédant le XXIe siècle, a accouché les idéologies les plus extrêmes, celles de déconstruire l’homme, en enfantant les lois les plus radicales, l’aliénant. Ce constat contemporain nous renvoie plusieurs millénaires en arrière à ce récit de la Genèse qui depuis la chute de l’homme, cette rupture avec Dieu est entrée dans un cycle de violence. Cycle qui commença avec Caïn : ce dernier assassine son frère. Pourtant, Dieu entend casser ce cycle pour ne pas engendrer des générations de meurtriers ; Il protège Caïn comme la manifestation d’un premier signe de sa grâce. La violence telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse, est devenue l’un des maux qui couronne les autres calamités traversant l’humanité. Mais qui en est responsable ? La Bible déclare que toute chair porte cette responsabilité : c’est le commentaire extrait du livre de la Genèse au chapitre 6, verset 11. « Toute chair est corrompue, la terre s’est remplie de violence ». La violence ne résulte pas ainsi et en soi d’une catégorie d’hommes. Intrinsèquement et structurellement toute chair porte en elle cette dimension de corruption et de violence qui en représente l’aboutissement. La violence est quelque part destructrice et les traumatismes l’accompagnant, dévastateurs. La violence est autant du fait d’individus que d’organisations ou d’états. Avortements, crimes, terrorisme, génocide constituent les illustrations de la violence menée à son paroxysme, et ce à différentes échelles, de l’individu à l’état. La violence demeure une forme de corollaire de la barbarie. Les sociétés violentes sont imprégnées d’une forme de nihilisme de la pitié, une contre-humanité. La violence, est-elle lors la traduction de la barbarie ou le retour à la barbarie primitive ? La dimension même de la barbarie est devenue une expression qui a été au cours des dernières années, utilisée à de nombreuses reprises par les médias et sur réseaux sociaux, pour évoquer la cruauté de l’Etat Islamique (L’EI), la monstruosité, l’inhumanité d’hommes qui sous couvert d’une idéologie s’emploie à imposer une conception religieuse et ultra-légaliste de leur monde au mépris des cultures, des valeurs, des croyances d’autres peuples, d’autres humains.

L’expression de cette barbarie brutale, atroce secoue l’entendement et les consciences à l’aune d’un XXIe siècle en proie à de profondes mutations culturelles, sociétales, écologiques, politiques. Siècle soudainement secoué par des images féroces qui traduisent l’insensibilité et la bestialité d’hommes qui s’excluent du coup du genre humain, tant les actes commis nous font horreur, abîment et blessent l’image même de l’homme lui-même image de Dieu, d’un Dieu compassionnel. Le mot barbare ou d’autres mots similaires reviennent sur toutes les lèvres, mais les mots mêmes sont impuissants et révèlent parfois leurs limites. L’emploi du mot barbare couvre comme nous l’avions déjà rappelé deux notions que déclinent la cruauté et l’archaïsme. Cette cruauté est devenue une forme même d’inculture poussée à son paroxysme, mais associée le plus souvent à l’archaïsme. Pourtant, l’absence de culture n’a pas toujours caractérisé ceux que l’on qualifiait de barbares. Contrairement à l’idée reçue la Barbarie n’est pas systématiquement l’inculture L’histoire récente, nous renvoie ainsi et pour mémoire à l’idéologie nazie, où certaines figures cruelles de cette idéologie inhumaine ont été éprises de cultures. Ces mêmes nazis ont porté au pinacle des œuvres qui ont marqué l’humanité, voire jusqu’à les protéger. Le savoir civilisé, soi-disant policé de l’Europe n’engendra-t-il pas d’une certaine manière un monstre, le monstre lui-même célébré par le philosophe Heidegger qui ne se dissimula pas, de partager les thèses nazies. Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » nous évoque avec stupeur un paradoxe sur la culture anthropologique : Le plus barbare n’est pas nécessairement celui que l’on se figure. Ainsi le plus sauvage n’est pas nécessairement celui que l’on a coutume de caractériser à l’aune de nos constructions culturelles et des représentations de notre civilisation qui impactent et influent ces mêmes représentations. Le cannibalisme n’est pas ainsi l’exclusivité ou l’apanage des hommes que l’on qualifie habituellement de primitifs, une forme de « cannibalisme » peut aussi caractériser les civilisations dites les plus avancées. Dans sa vision critique, Montaigne juge en évoquant sa propre civilisation que les cannibales du royaume s’avèrent bien plus barbares que ceux du royaume des cannibales. « Les cannibales du royaume sont spécialistes en trahison, tyrannie, cruauté et déloyauté, accusant les « barbares » d’attitudes qui se révèlent pourtant moins graves que les leurs, et ceci sans démarche d’introspection. » Pour poursuivre son analyse Montaigne juge les guerres de religion notamment l’inquisition et fait valoir qu’elles ne sont pas plus civilisées que les rituels d’anthropophagie des cannibales, « mangeurs de chairs humaines ». La barbarie participe d’une forme d’aliénation de l’être humain comme différence. Nous osons en effet aborder la notion de barbarie comme l’expression même de la violence, une violence qui est le mépris de l’autre, de l’humain, le mépris de la différence, une violence qui est tout simplement la négation de l’autre, l’aliénation de l’être humain comme l’expression de la diversité. La barbarie qui est une forme de puissance aliénante est une façon de gommer les disparités, d’imposer une forme de totalitarisme nivelant les autres au nom même d’une croyance, d’une idéologie. Il faut alors exécuter le bouc émissaire qui porte en lui ce que je hais comme symbole de l’altérité ou de la dissemblance. L’eugénisme est en soi une forme de barbarie, quand elle dicte qui doit vivre ou est digne d’être. La barbarie se traduit ainsi par une forme totalitaire de rejet absolu, une stigmatisation des populations voire même des êtres parmi les plus vulnérables, les plus fragiles, une exclusion violente de l’être humain dans ce qu’il peut incarner à travers son histoire, son identité, sa croyance, sa naissance, ses infirmités, son handicap. Comme l’exprime Fabrice Hadjad dans le livre la foi des démons, cette forme de barbarie atroce « gît dans le mal et a l’angoisse du bien ».

Le monde occidental a coutume de pointer la barbarie des autres civilisations, mais sa civilisation n’est pas en soi exempte d’en porter également les germes ou même de manifester les symptômes d’une société mortifère. Je reprends ici l’intégralité d’un texte écrit par Fabrice Hadjadj  : « Après Auschwitz et Hiroshima : le pire de notre époque est l’imminence de la destruction totale. Peut-on encore parler d’un Dieu bon et puissant ? S’il est bon, il est faible, vu qu’il n’a pas pu empêcher la catastrophe (position de philosophe juif Hans Jonas). Mais dans ce cas, si Dieu n’est plus celui qui intervient dans l’Histoire, Hitler n’a-t-il pas détruit le Dieu de la Bible ? Si la religion de David est invalidée, il ne reste plus que le culte de la Shoah. C’est ce que reproche Benny Lévy à ses frères lorsqu’il les accuse d’avoir fait une idole d’Auschwitz. Ce qui interroge avec la Shoah et le Goulag, c’est la forme prise par le mal, sa banalité comme dit Hannah Arendt.Ces destructions ne sont pas le fruit d’un accès de rage barbare, mais d’une froide planification pour obéir à de prétendues lois de l’Histoire ou de la nature. Ceci démontre que l’idéologie du progrès mène à la catastrophe et que le libéralisme a engendré d’une manière indéniable le totalitarisme, ils éprouvent la même volonté d’exploitation de l’homme. A cela s’ajoute la possibilité pour l’homme d’anéantir l’espèce humaine. La spécificité de la crise actuelle et notamment de la pandémie est la conscience de notre disparition probable, pas seulement en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’espèce. « L’humanisme a fait long feu et les lendemains ne chanteront pas ».La barbarie occidentale de la prétendue civilisation, est de la sorte un anti prochain une forme de contre idéologie de l’amourLa Barbarie est en soi la manifestation possible d’une puissance démoniaque en ce sens qu’elle est une haine de l’autre, le contraire de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il est parfaitement concevable de supposer une volonté démoniaque d’être le contre-pied de l’amour du prochain : L’amour du prochain dans toute sa dimension relationnelle est à combattre dans la pensée qui incarne « le monde de demain », il ne saurait faire sens. Combien de religions se sont finalement fourvoyées y compris celles d’inspiration chrétienne en occultant le message fondamental qui est l’amour de l’autre, un amour de l’autre qui est sans condition. L’amour de l’autre est en effet sans dogmatisme, sans hypocrisie, c’est un amour christique. « Tu aimes ton prochain » dans ce qu’il a de différent. Ce qui ne plait pas en lui y compris sa vulnérabilité insupportable, ne doit pas nous conduire l’avorter[4] ou à le supprimer, même sous prétexte même d’humanisme.Le livre d’Ézéchiel évoque la violence du Prince de Tyr rappelant qu’initialement il siégeait auprès de Dieu « Tu as été intègre dans tes voies, depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. Par la grandeur de ton commerce, tu as été rempli de violence, et tu as péché ; Je te précipite de la montagne de Dieu, Et, je te fais disparaître, chérubin protecteur, Du milieu des pierres étincelantes. » Ezéchiel 28 : 11-15 ». L’expression « tu as été rempli de violence », d’une certaine manière orchestre l’influence qu’exerce Satan dans le monde faisant de l’humanité empreinte divine, l’ennemi à abattre.Ce constat de cette violence envers la notion du prochain a été décrit par le philosophe espagnol Ortega qui dépeint un autre trait de la barbarie à travers la haine, « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel – non pas un assassinat qui se fait d’un coup ; haïr, c’est assassiner sans relâche, effacer l’être haï de l’existence ».Un étudiant posa un jour cette question à Hannah Arendt « pourquoi appelez-vous « crime contre l’humanité un crime contre le peuple juif ? », elle répondit : « parce que les Juifs sont d’abord des hommes ». Je crois tout simplement que Hannah Arendt résumait parfaitement le propos que nous souhaitons défendre : la Barbarie ne s’inscrit pas comme un crime contre un groupe, une entité ou une catégorie d’hommes, c’est avant tout un crime contre l’homme. Les barbaries que nous dénonçons, en témoignant au cours de nos veillées, sur les places publiques où nous nous rassemblons, sont la manifestation de notre attachement à l’être humain, à tout l’être humain. C’est pourquoi nous sommes aussi solidaires à nos frères non seulement chrétiens, mais tous ceux qui doivent souffrir au nom de leur foi, de leurs croyances. Cette expression de l’amour est aussi pour les plus vulnérables, les plus fragiles, les enfants, ceux qui sont à naître également, les plus âgés également, les plus dépendants parmi eux.Dans cette revue de l’humanité haïe pour des raisons d’identité, Hannah Arendt inscrit le problème du mal radical advenu avec la Shoah dans la perspective de l’universalisme humain.

La nouvelle Barbarie occidentale est un habillage humaniste. Le barbare n’est pas seulement l’expression d’une violence d’un individu, ou d’un groupe d’individus, elle peut résulter d’une organisation qui peut habiller sa barbarie en la justifiant de concepts humanistes. Comme nous l’avons par ailleurs rappelé, la notion même de barbarie n’est pas nécessairement l’antithèse de la civilisation. La barbarie peut être le produit de la civilisation, Montaigne ne dit pas autre chose. Notre civilisation, n’est-elle pas entrée dans une crise profonde. Cette crise qui annonce une forme de délitement des valeurs morales peut générer comme le décrit Montaigne « le cannibalisme du Royaume » de nouvelles violences non nécessairement produit par les fanatismes religieux, mais par des dogmatismes idéologiques, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le marxisme-léniniste, le nazisme. Il est étrange que l’Europe démocrate qui a combattu les idéologies barbares caresse aujourd’hui les idéologies mortifères, malthusiennes qu’elle voulait combattre jadis.  Comme me le partageait un ami « Nous, dénonçons, à juste titre, la barbarie de certains fondamentalistes musulmans, mais que leur répondre quand, à leur tour, ils dénoncent la barbarie de certaines pratiques occidentales comme celle consistant à aspirer l’enfant dans le ventre de sa mère, comme c’est le cas lors d’un avortement ? Cet acte est-il plus « digne » que l’excision que nous dénonçons chez eux… ». Mais nous le réécrivons : rien ne vient gommer ou légitimer tout acte de violence, et ce, quelle que soit la culture qui la promeut, occidentale ou non. Cette civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudents sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des « leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète ». Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie (Génocide, camps de concentration, Euthanasie, Eugénisme, les Lebensborn …), mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer les lois mortifères du Nazisme, ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain et n’ose qualifier par exemple de barbarie l’atteinte à l’enfant conçu dans le ventre d’une mère ou l’eugénisme en sélectionnant l’enfant à naître si ce dernier correspond aux dimensions normatives de la société occidentale. La GPA qui tôt ou tard sera adoptée après la PMA (commençons par habituer l’opinion) réintroduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs l’actualité ne l’a-t-elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfants ? La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera demain le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s’il n’est pas « conforme » aux normes en vigueur, comme on l’a déjà vu par le passé.

Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement « économiques ». L’avortement (quoi de plus barbare qu’un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n’a pas le choix ?), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême le « queer » (qui conduira comme nous le développons plus loin à une sexualisation de l’enfance s’il est vrai que l’identité sexuelle est déconnectée de tout rapport au « corps sexué »), tout cela témoigne alors d’une plongée dans la barbarie. Ainsi la « Queer theory » de Judith Butler, fait du travesti la norme moderne venant se substituer à l’hétérosexualité, déconstruite comme pure convention sociale, et dont on peut craindre qu’elle ne conduise, à terme, à cautionner des pratiques comme celles de la pédophilie puisque si le « corps sexué » ne signifie plus rien, il ne faudra bientôt plus attendre la puberté pour admettre une forme de « sexualité » aux enfants et abuser d’eux sous couvert d’un consentement qu’il leur sera bien difficile de refuser aux adultes, comme l’a illustré une affaire récente en Italie ». C’est sûr que c’est assez crû, mais mieux vaut prévenir et alerter que guérir ! Comme nous l’avons écrit à propos et à l’instar de Montaigne, la barbarie n’est pas l’apanage des seuls extrémistes, la barbarie des civilisés, des cols blancs peut s’avérer aussi abject que la barbarie des fondamentalistes qu’elle condamne. Nous condamnons explicitement ces deux barbaries, ces deux tyrannies qui aliènent l’être humain. Sans oublier que les incivilités les plus insignifiantes sont les premiers pas vers la barbarie. Or, qui parmi nous pourrait affirmer qu’il est exempt de toute ignominie, qu’aucune flétrissure ne l’a jamais atteint ? Les Écritures (la Bible) évoquent que toute chair est corrompue et que nous portons tous des germes de barbarie.

Mais face à la barbarie occidentale, faut-il encourager la bienveillance ou dénoncer l’iniquité de ces lois mortifères ? Face à la barbarie, la prière évoquée dans le Psaume 63 respectivement aux versets 10-12 : « Qu’ils aillent à la ruine ceux qui en veulent à ma vie ! Qu’ils rentrent dans les profondeurs de la terre ! Qu’on les passe au fil de l’épée… » ne revêt-elle pas une forme de légitimité ? N’y-a-t-il pas une forme d’imprécation angélique que d’en appeler à aimer malgré tout, ses ennemis ? Mais ne serions-nous pas les reflets, les miroirs des barbares que nous accusons ? Mettons fin cependant au cycle de la violence ! Face à la barbarie, la vengeance (se faire justice) est d’emblée totalement inadaptée ; elle serait même amplificatrice de la cruauté. La réponse adaptée est celle de la justice (rendre justice), une réponse pour mettre fin au cycle de la violence. La justice est un principe moral qui relève même d’une dimension de transcendance ; elle fait appel à des valeurs universelles. Enclencher la guerre, déclarer la guerre pour mettre fin à la guerre, à la barbarie, nous comprenons que cela fut légitime au cours de notre histoire ; c’est la tentation de toujours, c’est cette logique de pensée qui a amené le déluge. Le déluge est décidé par Dieu, mais il ne résout en réalité rien. La pédagogie du déluge, s’est avérée inadaptée, inefficace, le mal est sans doute beaucoup plus grave et nécessite une transformation volontaire et non une destruction subie de l’homme. Lisons cette déclaration étonnante dans le livre de Genèse « Je ne recommencerai plus à maudire le sol à cause de l’homme, car le produit du cœur de l’homme est le mal, dès sa jeunesse. Plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ! ». Dieu décide d’abolir à jamais le déluge et envoie le signe d’un arc-en-ciel qui annonce la fin de toute destruction. L’arc en ciel préfigure la croix qui annonce le pardon et par son pardon, la transformation de l’homme. Voilà la justice de Dieu, le choix de Dieu de sauver l’homme, malgré la barbarie, le cœur corrompu, la violence de son âme. Dieu choisit le salut de quiconque afin que celui qui croit ne périsse pas (Jean 3 : 16). Pour conclure, comment ne pourrais-je pas penser à cette conclusion de ce texte admirable écrit en 2014 par Natalia TROUILLER « Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué…. » « L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai revu quelques jours après être rentrée, sur une photo entourée de roses envoyée par ses parents : c’était sa dernière image vivant, souriant, beau, endimanché. Il avait été coupé en deux par un tir de mortier lors de la prise de Qaraqosh. L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai cherché, pleine d’angoisse, parmi les centaines de photos prises là-bas pour savoir s’il était de ceux qui ont ri avec moi – la réponse importe peu. L’enfant que j’ai vu en Irak, j’ai reçu la photo de lui, coupé en deux avec du sang partout, envoyée par un djihadiste sur mon compte Twitter. Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué. »

Cette prière qui semble insignifiante est finalement celle qui a le pouvoir de mettre fin au cycle de la barbarie. Et si nous osions finalement répondre à l’appel de Jésus, aimer nos ennemis.  Matthieu 5.43-45 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.… »


[1] En des termes édulcorés Les députés ont adopté un amendement pour clarifier le fait que la « détresse psychosociale » peut être une cause de « péril grave », justifiant une interruption médicale de grossesse.

[2] Expression reprise de l’archevêque de Paris, Michel Aupetit lors d’une interview accordée à France Info.

[3] Ensauvagement : Terme utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité.  

[4] Une grossesse sur cinq environ aboutit à une IVG. Source : L’avortement en chiffres [FRED DUFOUR / AFP]

Le monde crépusculaire

Cette période pandémique devrait nous conduire à une réflexion intense sur le sens même que nous donnons à la vie, or cela ne semble pas être la priorité de nos gouvernements. Il nous faut à nouveau faire fonctionner le business du monde, le remettre en marche grâce à nos nouveaux superhéros masqués, nos Batman et consorts. Alors nous attarder sur le monde crépusculaire est une pure gageure, penser un instant que l’homme pourrait changer après cet épisode épidémique est un pari bien hasardeux auquel nous ne devrions pas nous attarder dans cette nouvelle chronique. Mais arrêtons-nous ici, il est impératif comme je l’ai écrit dans une précédente chronique, de ralentir notre marche pour comprendre que vouloir le monde qui va de l’avant est une utopie, une aporie, une incohérence.

Blaise Pascal : « On ne voit presque rien de juste ou d’injuste, qui ne change de qualité, en changeant de climat. Trois degrés d’élévation du Pôle renversent toute la Jurisprudence. Un Méridien décide de la vérité, ou peu d’années de possession. Les lois fondamentales changent. Le droit a ses époques. Plaisante justice qu’une rivière ou une Montaigne borne ! Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »

Cette période pandémique devrait nous conduire à une réflexion intense sur le sens même que nous donnons à la vie, or cela ne semble pas être la priorité de nos gouvernements. Il nous faut à nouveau faire fonctionner le business du monde, le remettre en marche grâce à nos nouveaux superhéros masqués, nos Batman et consorts. Alors nous attarder sur le monde crépusculaire est une pure gageure, penser un instant que l’homme pourrait changer après cet épisode épidémique est un pari bien hasardeux auquel nous ne devrions pas nous attarder dans cette nouvelle chronique. Mais arrêtons-nous ici, il est impératif comme je l’ai écrit dans une précédente chronique, de ralentir notre marche pour comprendre que vouloir le monde qui va de l’avant est une utopie, une aporie, une incohérence. La vision d’un monde conduit par le prétendu progrès continu relève d’un monde imaginaire, d’une fiction, d’une aventure sans lendemains. Comme je le partageais à un ami, je préfère les grimpeurs aux sprinteurs, l’escaladeur au skieur alpin, dans l’effort et la peine, même au bord de l’épuisement, le bénéfice du grimpeur ou de l’alpiniste est celui du dépassement de lui-même, il est dans la recherche du dosage de son effort et finalement de l’excellence dans la prise de risque. A contrario le sprinteur ou le skieur, grisé par l’élan, la vitesse, recherche coûte que coûte la performance, mais la chute n’est jamais loin, du fait de la perte de l’équilibre ou de la puissance mal dosée. Le monde atteint par la pandémie ne semble pas vouloir se donner la peine de réfléchir au dosage de son effort, prétextant que nous devons sauvegarder la raison et la performance, comme si en effet la raison, la performance, rattraper le temps perdu, devenaient les seules sources de salut de l’humanité. Pourtant face à la pandémie, même la pensée stoïcienne nous est refusée, celle de penser les événements et d’agir en conséquence. La pandémie nous a tous rappelés à l’heure de l’homme augmenté que nous étions tous des êtres vulnérables. Mais tout est entrepris pour nous dispenser de penser ou de songer à cette vulnérabilité, d’aspirer à cette faculté de discerner ce qui doit être remis en cause. J’ai noté dans les réflexions partagées que l’écologie connaissait un nouveau regain, qu’il fallait voir dans les événements, le réveil de la nature comme si la nature remplaçait la divinité judéo-chrétienne d’hier et se suffisait à elle-même pour enseigner l’autosuffisance de l’homme. Mais n’allez pas non plus évoquer Dieu pas même la transcendance, d’ailleurs qui a osé s’aventurer sur ce terrain. L’Église est en effet la grande absente des débats, comme si toute réflexion théologique à propos de la pandémie qui émanerait des croyants, annoncerait un retour menaçant de la théodicée, soit les marginaliserait ou les reléguerait à la condition de purs illuminés. Il me semble que dans cette période de pandémie, tout est en réalité fait pour intimider l’Église et la réduire au silence. D’ailleurs le silence de l’Église est assourdissant ; peu veulent relayer en réalité le message universel de l’Évangile, peu osent prendre la parole pour évoquer la vérité. Notre époque est celle qui a choisi de mettre sous le boisseau la lumière et dans sa salière le sel et tout ce qui dérange est prié de se taire, de faire silence.

En quelques décennies, notre monde a changé, et les structures des sociétés occidentales se démantèlent pour faire place à une déconstruction de tous les socles, à l’effondrement des valeurs qui ont forgé la vie commune. Avec la pandémie qui vient frapper ce nouveau siècle, nous entrons dans une période de relativisme moral, de relativisme anesthésiant qui finit par empêcher tout réel discernement et qui mène furtivement à la déshumanisation. Le relativisme était déjà bien engagé plusieurs siècles plus tôt, depuis l’antiquité, un relativisme qui promeut en définitive la subjectivité. Cette période qui marque « une société devenue liquide [1] » souligne une conception sans différencier ce qui relève du bien ou du mal, où il n’y a définitivement ni absolu ni universel. En quelques siècles et sans doute aggravé depuis les « Lumières » ; nous sommes entrés dans le monde du sophiste Protagoras qui affirmait à l’époque de Platon que « l’homme est la mesure de toutes choses »[2] faisant ainsi éloge à la seule raison humaine et délogerait tout recours à une quelconque divinité.

Le sophiste Protagoras serait à son aise dans cette vision du monde relativiste, que lui-même avait soutenue dans ce célèbre dialogue engagé avec Socrate, rapporté par Platon dans le Théétète. Protagoras se conformerait sans nul doute à l’esprit de notre siècle qui est amené en somme à considérer que toutes les normes se valent, qu’il n’existe en soi aucunes références qui seraient transcendantes, aucune forme de hiérarchie ni même de principe divin, ni différence entre le bien et le mal et « s’il n’y a pas de bien alors tout est permis ». Nous sommes dans un processus permanent, de révision de l’universalité morale et même d’une prétendue vérité scientifique qui a été mise à jour par ailleurs au cours de cette pandémie. Notre siècle a vu finalement le triomphe de la doxa du subjectivisme moral défendue plusieurs siècles plus tôt sur l’agora où se disputaient Socrate et le sophiste. Pourtant le triomphe de cette thèse relativiste ne signifie en rien qu’elle soit vraie. Une telle opinion démontrerait plutôt qu’un monde fondé sur des idéologies non ancrées dans la réalité tendrait plutôt à faire chanceler une société dans l’incertitude des valeurs. Le subjectivisme moral incarne irrémédiablement une dimension en soi toxique, puisqu’il s’agirait si on ne considère strictement que la chose en question que d’abattre l’héritage culturel. En ces temps crépusculaires, notre héritage culturel est en soi soupçonné de n’être que la manifestation déterministe d’une volonté de domination, d’une classe sur une autre ou d’une autre idéologie sur une autre, partant du principe finalement que toutes les idéologies se valent également. En écrivant ces lignes, je me mets à rêver d’un échange épistolaire entre C.S Lewis et le sophiste Protagoras, l’échange aurait quelque chose en soin d’intemporel, mais sans doute de passionnant, mettant en exergue la vision d’un monde réel entamé par l’idéologie nihiliste qui s’épuise à vouloir faire effondrer le principe d’un « TAO[1] », ce principe fondé sur les lois naturelles pourtant défendu par Aristote et Platon puis plus tard par Thomas d’Aquin. Le monde idéologique relativiste s’emploie finalement à priver l’humanité de la capacité vraie de répondre émotionnellement aux expériences de l’amour universel et véritable, de la beauté, du bien et du vrai.


Or nous le percevons bien, nous assistons à ce processus permanent de révision de la pensée. Ce processus de révision concerne toutes les sphères de la vie humaine. Aujourd’hui l’idéologie relativiste vient même à infecter la vie sociale, renverser de façon éruptive toutes les tables. La fétidité idéologique dont l’apogée prolonge la pensée progressiste résulte probablement de l’arbitraire nihiliste, d’une culture discrétionnaire et de toutes les formes d’injustices et de mépris qui ont régné dans ce monde ou l’ont en revanche imprégné. Nous sommes dans un changement radical de métaphysique bafouant l’universel, le bien et le mal et notamment tout ce qui touche au domaine de l’anthropologie. Hier avec quelques amis, nous réfléchissions à la manière d’alerter les députés qui en catimini s’apprêtent à voter une loi dont les conséquences biologiques et éthiques seront redoutables pour l’avenir même de notre humanité. Une loi jugée prioritaire alors que la dette publique augmente brusquement, les faillites des entreprises s’enchaînent, le chômage s’amplifie, mais pour le projet de révision des lois de bioéthique, il n’est pas question de retarder le vote, comme s’il y avait là une véritable urgence. Tout est devenu relatif dans ce monde qui ne discerne ni le bien, ni le mal, qui ne hiérarchise plus rien.   

Ces changements qui viennent en quelque sorte muter la conception anthropologique de l’homme résultent sans aucun doute de cette corruption des équilibres liée aux identités homme et femme. Cette même corruption est venue atteindre la dignité humaine en s’attaquant même au plus faible, au plus fragile, loin également de partager l’idée de défendre l’homme et tout l’homme, d’en prendre soin. Dans la même veine, là où l’altérité démontrait la complémentarité sans domination d’un sexe sur un autre sexe, nous assistons aujourd’hui et de façon consternante à une opposition brutale des hommes et des femmes, une revanche des femmes contre le genre masculin qui par ses outrances d’hier paie aujourd’hui une forme de tribut, de dénonciation radicale et permanente faisant du sexe masculin, un prédateur potentiel, un suspect par nature. Nous entrons manifestement là dans une forme de déséquilibre des rapports homme femme, là où l’enjeu devrait être l’identification des complémentarités des deux moitiés égales d’une même humanité. Mais les oppositions ne se réduisent pas seulement à la guerre des sexes, mais aujourd’hui à d’autres discriminations virulentes et qui opposent les couleurs qui caractérisent la pigmentation associée à la peau. Pour ma part différencier les hommes par la suite de la couleur de peau ou discriminer les hommes et les femmes en raison de leur sexe est évidemment insupportable. Mais aujourd’hui nous entrons dans une nouvelle expression, un mouvement de balancier avec ses excès, avec une forme de démesure des révoltes nihilistes, doublée d’une forme de relativisme du bien et du mal. Mais selon moi les révoltes sont nées de l’abandon des valeurs de l’Évangile qui ont imprégné les fondements universels des lois naturelles[4] de la société. Nous faisons face en fin de compte à une forme de dérèglement absolu des fondements moraux de la vie morale et sociale qui avaient déjà été pensés dans le décalogue et notamment dans les livres des Lévitique et Deutéronome pour vivre une société connaissant en fin de compte le bien-être si celle-ci consent à vivre selon des principes qui ont leur source dans une loi qui transcende l’humanité.

La manifestation soudaine de la pandémie vient comme accentuer le relativisme comme les crises sociales que nous avons traversées en France. Nous sommes assurément à l’aube d’un point de bascule d’une époque qui s’affranchit de ses lois morales, de ses valeurs cardinales fondatrices d’une société reposant sur des socles partagés qui visaient hier à consolider l’identité même d’une nation. Une frange de notre humanité appartenant à ce monde occidental fait voler en éclats tout ce qui se rapportait à une dimension morale et universelle d’une société forgée que l’on veuille ou non par des lois qui la transcende. Nous ne sommes pas loin de fait d’une société fragilisée par l’avènement de désordres et d’une forme réelle d’anarchie où s’apposent frontalement des cultures aux antipodes d’une société fondée sur le bien commun, la res publica ou autrement dit la chose publique. Je vous fais ici la confession d’avoir été bouleversé par la remarque faite au président de la République par un manifestant qui l’a alpagué, apostrophé lors d’une promenade aux jardins des tuileries, lui faisant savoir que le Président « était son employé » et qu’il avait immédiatement à répondre à son injonction. Ce qui me désole en soi dans cette attitude de rébellion, c’est-à-dire vrai la désacralisation de la fonction présidentielle. Le concept de « Président normal » introduit par le précédent président français, François Hollande, vient en fait jeter comme une forme de trouble sur la dimension réservée à nos institutions. Lorsque le monde est en dehors de toute règle, de toute loi forgeant le respect dû à la fonction, ne serions-nous pas au bord d’une forme d’anomie sociale. Dans son livre, le suicide, le Philosophe Émile Durkheim mettait en évidence une forme de dérèglement, d’effacement des valeurs morales comme l’annihilation du sentiment moral, l’aliénation du discernement, une existence dépourvue de sens. Une société est concernée par l’anomie lorsque cette dernière promeut une forme de prédation en quelque sorte l’instinct plutôt que de coopération. Ainsi un manifestant agit comme un prédateur lorsqu’il se met en quelque sorte à poursuivre le président de la République, le sommant de lui répondre, sans aucune forme d’égard, de considération. Ce manifestant vient à bousculer cette règle admise par tous de respecter nos institutions. L’interpellation en soi est une chose, mais d’y répondre et de se mettre à un niveau de simple citoyen comme l’a fait le président Emmanuel Macron, répondant à un autre citoyen, abaisse finalement la sacralisation de la fonction. Dans ces contextes, l’anomie pour Émile Durkheim provient finalement d’un manque de régulation de la société sur l’individu. C’est un cas type d’anomie, un individu s’affranchit de toutes les bornes, de toutes les limites pour apostropher la fonction hors des champs d’une institution qui par ses principes devait régler la parole citoyenne via l’intermédiation. En fait cette forme d’injonction n’est en soi pas une première, la gouvernance des derniers présidents de la République, a au fil de l’eau accepté l’altercation directe. Or ces escarmouches répétées viennent entacher la fonction et conduisent à une forme de délitement du respect liée à l’incarnation de l’intérêt national. N’est-il pas écrit dans l’épître aux Romains[5] « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes ». Or notre époque ne se caractérise-t-elle pas une forme d’effondrement du respect, qui vient à chahuter de manière permanente l’ordre. Il s’ensuit des révoltes, une sorte de rébellion généralisée contre l’autorité.

L’année 2019 en France fut ainsi caractérisée par une forme d’émeute quasi anarchiste sans leader [Le refus de tout chef, d’un quelconque porte-voix], où les attitudes furent manifestement l’expression de vouloir en découdre avec les autorités, de déboulonner les symboles des tutelles qui gouvernent le pays. De tous les observateurs, l’idée est partagée que notre monde est aujourd’hui traversé par une forme de nihilisme généralisé. Le nihilisme se caractérisait hier par le fait de nier toute possibilité d’accéder à des vérités ultimes, après avoir dénoncé les fondements de la croyance en Dieu, il s’agit aujourd’hui dans ce monde crépusculaire de décaper les figures de notre humanité [Les statues], de fustiger l’histoire, de renverser toutes les valeurs, de mettre à sac la société, de dévoiler toutes les formes d’injustices mais sans pour autant la faire reposer sur d’autres fondements. Nous sommes en permanence sur des logiques de dénonciation, de mise en accusation sans rechercher la vérité, la bienveillance, renonçant au beau, au bien et au vrai. Le monde nihiliste comme relativiste ne semble obéir qu’à ses pulsions et étrangement en appelle à un messie capable de répondre à tous ses désirs. Il est étrange que les cycles de l’histoire se répètent finalement, nous sommes à l’aube d’accueillir le nouveau messie issu d’un monde anti contact, anti relationnel, un messie qui sera à l’envers de l’incarnation relationnel. En écrivant ces lignes, je pense forcément à  Friedrich Nietzsche auteur de ce livre finalement prophétique qui est l’auteur de cet essai « La volonté de puissance », le contenu du livre exprime une nouvelle métaphysique et une nouvelle vision anthropologique de l’homme, le devenir du nouvel homme émergera d’une  hiérarchie d’instincts, de pulsions et d’affects, qui formeront la nouvelle  perspective de l’humanité accueillant les promesses d’un nouveau monde qui aura détruit l’ancien et forcément détruira le christianisme. La cathédrale de Nantes qui brûla ce 18 juillet préfigure-t-elle l’énoncé d’une nouvelle révolte, et comme je le partageais à un ami au cours de cette matinée du 18 juillet, ils se sont attaqués à un bâtiment ce matin, demain ils viendront à brûler le corps. Comme l’écrit le professeur Laurent Jenny « Le crépusculaire se dérobe à une reconnaissance claire parce qu’il recouvre à la fois une dissolution de l’événement et un embrumement de sa perception ». Le même auteur à propos de Baudelaire ajoute : « ce n’est probablement pas la fin du monde mais le monde de la fin, pas l’Apocalypse mais l’avènement des temps crépusculaires. « Ces temps sont peut-être bien proches.» Il se peut même qu’ils soient déjà venus. Notre impuissance à le reconnaître est elle-même crépusculaire [6]».


[1] Le concept de société liquide a été pensé dans les années 1990 par le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman professeur à la London School of Economics.   Pour Zygmunt Bauman, la vie liquide se caractérise à travers des êtres humains qui perdent tout repère, toute attache. Notre humanité selon l’essayiste est entrée dans un monde de confusion sans repères.

[2] « L’homme est la mesure de toute chose » est une citation du sophiste Protagoras reprise par le philosophe Platon dans son Théétète qui forme une trilogie de dialogues dits socratiques. Le premier dialogue concerna la science et sa définition suivi d’un second « Le sophiste » et troisième dialogue « Le Politique ». Cette pensée exprimée par le sophiste Protagoras est une critique sévère des vérités dites « universelles ». Socrate dans le même dialogue rapporté par Platon réfute la pensée du sophiste en s’interrogeant sur le relativisme de Protagoras et lui demandant alors qu’est-ce qui mesurerait alors l’homme ?

.[4] Cicéron homme d’État romain et écrivain définit la loi naturelle, cette idée a été reprise également par Thomas d’Aquin « Il est, en effet, une loi véritable, la droite raison conforme à la nature, immuable et éternelle, qui appelle l’homme au devoir par ses commandements et le détourne du mal par ses défenses et dont les commandements ni les défenses ne restent jamais sans effet sur les bons, ni sans action sur les méchants. On ne peut ni l’infirmer par d’autres lois, ni déroger à quelques-uns de ses préceptes, ni l’abroger tout entière. Ni le sénat, ni le peuple ne peuvent nous soustraire à son empire ; elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique. Il n’y en aura pas une à Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre demain, mais une seule et même loi éternelle, inaltérable qui dans tous les temps régit à la fois tous les peuples. Et l’univers entier est soumis à un seul maître, à un seul roi suprême, au Dieu tout-puissant qui a conçu et médité cette loi. La méconnaître, pour un homme, c’est se fuir soi-même, renier sa nature et par là même subir les plus cruels châtiments, alors même qu’on échapperait à tout ce qu’on regarde comme des supplices. »

[5] Épitre aux Romains 13 : 1-2. L’épitre est écrite par l’apôtre Paul.

[6] La citation est extraite : https://po-et-sie.fr/wp-content/uploads/2018/10/55_1991_p124_129.pdf

Chronique du Covid : Des chiffres et des hommes

Depuis le mois de Mars, nous avons pu suivre d’heure en heure l’évolution de l’épidémie avec des données chiffrées sur le nombre de personnes contaminées, admises à l’hôpital et celles qui en sont ressorties ; le nombre de personnes en réanimation et celles qui sont décédées. Pour ces dernières en faisant progressivement le distinguo entre les personnes mortes à l’hôpital et les personnes mortes en EHPAD ou maisons de retraite encore appelées « résidences ». Ou encore celles, mal repérées, mortes à domicile.
Grâce à la conférence de presse quotidienne tenue par Jérôme Salomon, Directeur Général de la
Santé, nous avons pu suivre les progrès – et les régrès – de l’épidémie. Chaque soir ou presque, il
donnait (à l’imparfait parce qu’il est désormais silencieux) un point presse devant les caméras pour commenter l’évolution de l’épidémie dans le pays et donner le nombre de décès, d’entrées en réanimation et d’hospitalisations, moults chiffres et graphiques à l’appui. En dehors de ces
communiqués, nous ne manquions pas d’informations. Tous les médias ont tenu à nous en donner.

Le Philosophe Didier Martz
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Depuis le mois de Mars, nous avons pu suivre d’heure en heure l’évolution de l’épidémie avec des données chiffrées sur le nombre de personnes contaminées, admises à l’hôpital et celles qui en sont ressorties ; le nombre de personnes en réanimation et celles qui sont décédées. Pour ces dernières en faisant progressivement le distinguo entre les personnes mortes à l’hôpital et les personnes mortes en EHPAD ou maisons de retraite encore appelées « résidences ». Ou encore celles, mal repérées, mortes à domicile.
Grâce à la conférence de presse quotidienne tenue par Jérôme Salomon, Directeur Général de la
Santé, nous avons pu suivre les progrès – et les régrès – de l’épidémie. Chaque soir ou presque, il
donnait (à l’imparfait parce qu’il est désormais silencieux) un point presse devant les caméras pour commenter l’évolution de l’épidémie dans le pays et donner le nombre de décès, d’entrées en réanimation et d’hospitalisations, moults chiffres et graphiques à l’appui. En dehors de ces
communiqués, nous ne manquions pas d’informations. Tous les médias ont tenu à nous en donner.
Voici quelques exemples pris au hasard en France, certains datent un peu :
En Île-de-France, le nombre de patients entrant en réanimation baisse, tandis que le nombre de
ceux qui sortent augmente : 138 le 2 avril, dont 58 sont décédés ; L’INSEE a noté ces dernières
semaines une hausse de + 63 % des décès en Seine-Saint-Denis par rapport à la même période en 2019 C’est l’augmentation la plus forte derrière celle constatée dans le Haut-Rhin (+ 84 %) ; Un
plateau semble atteint dans le nombre de réanimations » mais il faut attendre encore un peu pour observer ce plateau pour les décès » ; à terme, la mortalité sera autour de 30 % en réanimation ; nous atteignons un record avec quelques 12000 décès… L’AFP, publie le dimanche 26 avril 2020 à 20h14 : un chiffre en baisse (242 morts en 24h) bien qu’il ne prenne pas en compte les maisons de retraite où plusieurs milliers de personnes âgées sont mortes ; 26/04 à 19:02 BILAN FRANCE : 28.217 personnes sont toujours hospitalisées, soit 5 de moins qu’hier. 4.682 patients sont en réanimation, en baisse de 43. Et à 18 h 24 : 52 personnes sont mortes ces 24 dernières heures en France, pour un total de 22.856. 14.202 sont décédées à l’hôpital
et 8.654 en Ehpad.
Un tour vers l’Espagne quand même où s’annonce une bonne nouvelle. En effet le pays recense
dimanche seulement 87 morts du coronavirus en 24 heures, passant sous la barre des 100 décès pour la première fois en deux mois….etc., etc. Je relève dans le vocabulaire : baisse, hausse, plateau, record, passer la barre, pourcentage, statistiques, « en moins, en plus », comparaison entre pays. On attend presque l’attribution du maillot jaune ou noir au meilleur pays…. Il me revient ce passage du livre de Charles Dickens dans son roman Les temps difficiles. Le professeur utilitariste Monsieur Mac-Choakumchild tente d’enseigner la statistique à Sissy. Il prend comme exemple la statistique des accidents arrivés en mer et indique que sur cent mille personnes qui se sont embarquées pour des voyages au long cours, il n’y en a que cinq cents de noyées ou de
brûlées. « Quel pourcentage agréablement bas » se dit-il. Et il pose la question à Sissy : « combien
cela fait-il de « pour cent » ? Et Sissy de répondre que cela ne faisait rien… « Comment cela ? »
s’indigne le professeur utilitariste. « Oui, poursuit une Sissy en pleurs, cela ne fait rien du tout aux
parents et aux amis de ceux qui avaient été tués ». C’est que, comme dit Martha Nussbaum, sans
doute philosophe, les chiffres ne rachètent pas les morts et ne contiennent aucune valeur que
quantitative. Et sûrement pas la valeur de la mort d’une personne.
Gageons que la peine sera apaisée grâce aux prochains algorithmes qui dessineront à l’avance le
chemin le plus sûr qui conduit fatalement à la mort. Ainsi ira tranquillement le monde !

Le Messager

Nous sommes le 25 mai 2020 et ce texte que je produis, écrit comme une rétrospective, introduira un ensemble de chroniques qui ont jalonné cette période de confinement et de déconfinement depuis la présence de la pandémie dans ce doux pays comme le chantait naguère Charles Trenet, le « Pays de mon enfance ». Pour beaucoup d’entre nous en basculant dans l’année 2020, première année d’une nouvelle décennie, nous étions à deux mille lieux d’imaginer dans quel monde nous entrions, le séisme civilisationnel que nous allions vivre. Ce qui était arrivé fut soudain, brutal. L’événement inattendu ne fut pas le déclenchement d’une guerre ou d’un tremblement de terre d’une vaste amplitude planétaire, mais sans doute les deux à la fois, un séisme au sens social et un bouleversement à l’échelle planétaire qui allait fracturer le monde, le mettre littéralement en pièces. Les structures sociales ont connu là un véritable choc planétaire, puisque quasiment à l’échelle mondiale, c’est l’ensemble du globe qui entra en confinement, un mot nouveau que je n’avais probablement jamais prononcé de ma vie. Dès le mois de décembre 2019, les autorités sanitaires sont informées et mettent sous surveillance une redoutable infection pulmonaire, dont la cause est un virus à couronne, le coronavirus. Ce virus, je l’ai nommé « la Reine Corona », cette reine sera l’une des trames de ce nouvel essai, comme un recueil de pensées, un journal de bord, une veille sur le déroulement d’une pandémie et ses implications sociales

Auteur

Eric LEMAITRE

Nous sommes le 25 mai 2020 et ce texte que je produis, écrit comme une rétrospective, introduira un ensemble de chroniques qui ont jalonné cette période de confinement et de déconfinement depuis la présence de la pandémie dans ce doux pays comme le chantait naguère Charles Trenet, le « Pays de mon enfance ». Pour beaucoup d’entre nous en basculant dans l’année 2020, première année d’une nouvelle décennie, nous étions à deux mille lieux d’imaginer dans quel monde nous entrions, le séisme civilisationnel que nous allions vivre. Ce qui était arrivé fut soudain, brutal. L’événement inattendu ne fut pas le déclenchement d’une guerre ou d’un tremblement de terre d’une vaste amplitude planétaire, mais sans doute les deux à la fois, un séisme au sens social et un bouleversement à l’échelle planétaire qui allait fracturer le monde, le mettre littéralement en pièces. Les structures sociales ont connu là un véritable choc planétaire, puisque quasiment à l’échelle mondiale, c’est l’ensemble du globe qui entra en confinement, un mot nouveau que je n’avais probablement jamais prononcé de ma vie. Dès le mois de décembre 2019, les autorités sanitaires sont informées et mettent sous surveillance une redoutable infection pulmonaire, dont la cause est un virus à couronne, le coronavirus. Ce virus, je l’ai nommé « la Reine Corona », cette reine sera l’une des trames de ce nouvel essai, comme un recueil de pensées, un journal de bord, une veille sur le déroulement d’une pandémie et ses implications sociales. Nous savons depuis ce mois de Mars 2020, que les effets de la pandémie seront redoutables, les conséquences dépasseront les seules étendues sanitaires. Les prolongements de la crise sanitaire embrasseront sans aucun doute la dimension interpersonnelle et tout ce qui touche aux interactions quotidiennes et dans toutes les sphères de la vie et ce qu’elle peut embrasser. Cette nouvelle dimension sociale issue de la crise sanitaire nous affectera pour longtemps et annonce pour chacun d’entre nous, un changement de paradigme, impactant l’ordonnancement civilisationnel.

Le coronavirus semble avoir émergé à Wuhan en Chine en 2019, son origine est un mystère entouré d’une chape de plomb : origine naturelle par transmission animale ou résultat d’un accident suite à une malencontreuse manipulation ? Nous ne le serons sans doute jamais, dans un pays où la liberté d’enquêter ne sera jamais autorisée. En janvier, je n’ai plus l’exact souvenir de la date, mais il m’a semblé avoir entendu parler vaguement d’un coronavirus qui sévissait dans la ville de Wuhan. Un virus qui semblait alerter les premiers lanceurs d’alerte chinois, mais n’inquiétait pas semble-t-il les autorités sanitaires européennes, la chine c’est si loin de nous, le nuage viral n’allait sans doute pas franchir nos frontières tel un certain nuage nucléaire. Mais le postillon viral lui se fiche pas mal de la géographie et de nos prétendus barbelés sanitaires malgré la ferme assurance de l’autorité mondiale de la santé qui affirmait en janvier qu’ « il n’y avait pas d’urgence de santé publique de portée internationale[1] ». Alors moi le lambda, l’inculte en matière de santé publique, je regardais ça de bien loin et cette affaire de postillon létal était comme une lettre non affranchie sans destinataire. Et donc cette lettre-là resterait à Wuhan, pourquoi s’en inquiéter quand bien même cette lettre, eût-elle été recommandée, cette lettre virale ne nous était pas destinée après tout. Mais les jours s’égrenaient avec des nouvelles plus inquiétantes. La portée létale de ce virus pathogène était bientôt tapie à toutes les portes des nations, mais pour être très honnête, ce fut le 16 mars 2020 et lors de l’allocution du président de la République que je prenais franchement conscience de l’ampleur mondiale de l’épidémie. Le verbatim anxiogène du président et le discours de nous enjoindre à nous claquemurer, me fit alors comprendre, qu’un événement sans pareil était en train de se dessiner. Pourtant le 16 mars 2020, à 13 h, peu avant le discours attendu du président Emmanuel Macron, je publiais une première chronique suivie plus tard[2] par d’autres textes, leurs compilations allaient donner ce nouveau livre, fruit d’une longue méditation autour d’un événement qui n’a pas eu d’équivalent dans l’histoire du monde au moins sur un seul aspect, son impact social. Car l’impact social a été certainement plus redoutable que l’impact sanitaire et les conséquences économiques augurent des lendemains d’une extrême gravité. L’histoire de l’humanité a connu des épisodes de contagions depuis les récits de l’Iliade en passant par les lectures des livres formant le pentateuque[3] et ce que nous rapporte l’histoire des pandémies, avec la peste noire en 1347, la grippe espagnole à partir de 1918 et d’autres pandémies plus récentes. Comme je l’écrivais dans l’une de mes chroniques, des mots soufflés par une amie, cette pandémie est un messager. Nous savons bien que notre époque est entachée de rationalité et que le mot fléau a été rarement employé, trop connoté sans doute. Pourtant que nous le voulions ou non cette nouvelle pandémie n’est pas dénuée de signes et de sens, en soi, cette pandémie porte bel et bien un message. Toute pandémie est en soi un révélateur, une image miroir de l’éco système que nous incarnons. D’ailleurs le livre du lévitique, un des livres de la Torah est étonnant à plus d’un titre puisqu’il insiste sur la dimension de l’assainissement, l’insalubrité ne faisant qu’aggraver les contaminations. En faisant systématiquement référence à un Dieu Saint, le lévitique impose aux Hébreux de se conduire avec sagesse et de s’accommoder des précautions sanitaires pour éviter toute propagation de la lèpre. Aussi cette pandémie du Coronavirus, ne nous interroge-t-elle pas sur nos rapports avec la nature, sur nos modes de consommation, sur nos choix en matière de production industrielle, sur nos conceptions concernant la vie urbaine, la mondialisation. La vitesse de propagation de la contamination virale du coronavirus, à plus d’un titre la pandémie, nous renvoie à nos modes de vie. N’y-a-t-il pas à travers le prisme de cette crise, quelque chose à assainir, à penser autrement ? N’avons-nous pas avec cette crise sanitaire, à remettre en cause notre façon de concevoir cette consommation qui est finalement responsable d’étalement urbain, de déforestation, de la dévastation écologique.  

Je fais ainsi mienne cette citation d’Aristote qui formula en ces termes une réflexion que nous pourrions bien nous approprier en ces temps d’épidémie mondiale : « C’est, en effet, l’étonnement qui poussa comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. [4]» et c’est pourquoi comme Monsieur Jourdain [Sourire], je fais de la philosophie, j’emprunte les paroles du sage Aristote pour questionner à mon tour, le sens de cette épidémie, sur son message touchant aux orientations écologiques, économiques, idéologiques. Ne nous sommes-nous pas tous fourvoyés dans cette marche sans limites, engagée depuis l’aube de notre humanité, depuis que nous avons été chassés en quelque sort du jardin d’Eden, décidé d’aller aux confins de l’univers pour aller à la quête d’un salut sans Dieu, jusqu’à tendre vers notre propre auto-divinisation. Citant toujours Aristote « apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance », la quête du philosophe n’est-elle pas en effet la quête de la sagesse. Une quête qui est celle « d’abord d’apercevoir une difficulté [puis] de s’étonner », qui se traduit également par cette capacité de discerner les temps, de lire les signes qui nous tétanisent.  Ces signes qui font irruption et viennent perturber le cours d’une vie, nous interrogent.  Quels sont les motifs de cette irruption de la Reine Corona, les causes explicites comme celles qu’il nous appartiendra de fouiller encore ?

Je lisais récemment l’Iliade, cette lecture de l’épopée légendaire liée à la civilisation grecque. Le premier chapitre [chant1] a une certaine résonance avec cette quête qui est de comprendre ce qui nous arrive. Nous apprenons toujours des mythes qui ont jalonné l’histoire de l’humanité, qui constituent en quelque sorte cette mémoire enfouie. Cette mémoire enterrée, renferme un trésor de sagesse et d’infinie intelligence, cette mémoire doit nous nous permettre tel un Graal arthurien, de saisir le message, de posséder en fin de compte une lecture qui nous fera avancer dans une période de questionnements. Dans le l’Iliade : épopée de la Grèce antique attribuée à Homère, « le dieu Apollon » envoie une peste meurtrière sur toute l’armée achéenne. L’un des personnages de Homère « Atréide », dans la première partie du récit, s’en inquiète, s’interroge et se questionne sur le sens de cette contagion qu’il interprète comme l’expression d’une irritation, celle du Dieu Apollon : « nous reproche-t-il des vœux négligés ? [5]». Dans une époque de désacralisation, toute référence et évocation spirituelle, suscite agacements, colère, et irritation.  Mais reprendre cette citation du poète, personnage conceptuel ou réel, est en soi intéressant, car le but ici est bel et bien de nous emmener au-delà de la légende, à nous requestionner sur le sens même de l’existence, le sens même des malheurs que nous traversons « nous reproche-t-il des vœux négligés ? ». Avec l’avènement du Coronavirus, nous vivons beaucoup plus qu’une mutation dans laquelle le monde d’autrefois se modifie, nous vivons surtout comme une remise en cause de nos négligences passées. Accepterons-nous alors de prendre en compte cette dimension de négligences, d’insouciances et d’irresponsabilités qui ont jalonné l’homme technicien, l’homme prométhéen tout au long de son histoire. Et si nous regardions de près la déclinaison des messages adressés par la Reine Corona :

Son premier message ne serait-il pas d’ordre anthropologique, celui qui s’inscrit dans la dimension relationnelle. Ne venons-nous pas en effet de vivre, et ce à l’échelle mondiale, un événement qualifié de « rupture anthropologique majeure » ? Cette rupture qui remet en cause l’instinct relationnel et grégaire, tout un pan de notre vie sociale. Ne vivons-nous pas également un défi certes pluriel : écologique, économique, mais surtout de dimension sociale. Cette dimension qui forme l’empreinte de la civilisation, c’est dire vivre ensemble, nouer des rapports aux autres ? Nous venons en effet de vivre au cours de cette crise sanitaire, une remise en question des interactions interpersonnelles, des libertés les plus fondamentales, via des mesures liberticides dont il a fallu s’accommoder et nous accommoder dans ce temps de déconfinement. La logorrhée guerrière employée par le président de la République a amplifié l’acceptation de ces mesures nous privant de rencontres collectives, d’échanges et de vies communautaires. Nous avons ainsi été gouvernés par la peur. En inquiétant ces populations au travers d’un verbatim intentionnellement comminatoire, les autorités du monde démocratique ont laissé finalement des traces psychologiques dans les mentalités, des traces délétères dans l’esprit de leurs citoyens. Le confinement a ainsi exacerbé l’envie de ne pas rompre les liens et nous a poussés à l’usage des applicatifs de vie sociale, comme ces plateformes de messageries, de vidéo conférence. Nous avons alors utilisé ces mondes d’écrans, d’empilements d’images « visages » comme les morceaux d’un puzzle mis côte à côte, simulant une vie sociale, mais une vie qui reste virtuelle. Nous nous sommes vite lassés de ces usages, en tout cas, pour ma part j’en suis fatigué. Ne faudrait-il pas ainsi entendre que la dimension relationnelle est le bien le plus précieux bien plus que la consommation du monde googlelisé ou de toutes ces plateformes virtuelles. 

Le deuxième message, corolaire du premier est celui qui touche à notre organisation sociale. La vie sociale est régentée bien souvent par le haut, omettant une gestion de dimension locale. Jamais dans l’histoire du monde, une telle pandémie n’a autant mobilisé les pouvoirs étatiques qui ont agi comme les protecteurs de leurs habitants. En regard d’épidémies passées, ce qui a été sans commune mesure, c’est bien en France, l’échelle de la décision qui est l’exact miroir d’un état jacobin qui ne fait aucune différence entre les territoires. La lecture du château[6] n’a pas ainsi mobilisé les lectures subsidiaires, plus proches des réalités locales. Les mesures administratives n’ont été ni étagées, ni proportionnées, ni adaptées aux réalités locales. Cette approche de la crise sanitaire et de sa gestion bureaucratique notamment celles concernant nos libertés est sans commune mesure avec les pandémies du passé. De la sorte que la grippe espagnole qui pourtant a fait cinquante millions de morts, n’a pas entrainée de mesures identiques à l’échelle de tous les territoires. Le confinement ; les mises en quarantaine n’avaient concerné que quelques régions.   

Le troisième message est celui de nos déplacements qui interagissent avec le climat, la pollution : Les modes de déplacements ont considérablement évolué, les mesures prises se calent finalement à l’ère d’une époque infiniment plus mobile et citadine qu’elle ne l’avait été hier. Aussi la propagation du Coronavirus vient en quelque sorte questionner ce monde de déplacements : mondialisés, ouverts, sans frontières, avec des impacts climatiques et un étalement considérable de sols minéralisés. Le coronavirus par ses effets, vient requestionner cette technologie des biens toujours augmentés, ces biens qui prétendent de permettre à l’homme de s’affranchir des distances. Mais l’obstination de l’homme consiste à enjamber justement ces distances. La crise a vu l’accélération du modèle numérique, les processus de digitalisation, de télétravail, de communications virtuelles, de services à la carte rendus par les applicatifs de la future smart city ne se sont jamais autant développés. Le coronavirus en nous reléguant au fond de nos quatre murs, nous a littéralement jeté dans les bras de nos artefacts, en nous plongeant dans le monde digital, nous obligeant, nous contraignant paradoxalement à davantage de distance sociale.

Le quatrième message nous montre le défaut patent d’une économie qui n’est plus fondée sur la proximité. Au fil de son histoire, l’humanité a bâti des empires, mais peu d’empires ont résisté, les empires d’hier sont relayés aujourd’hui par les empires mercantiles et cupides des multinationales, qui se sont octroyées le droit d’imposer les lois de leurs marchés. La crise économique sous-jacente se promet d’être effrayante pour toutes ces entreprises emblèmes et figures d’un monde ouvert et sans limites aucunes. Les multinationales se moquent parfois de l’éthique et préfèrent l’exploitation sans vergogne des états nations les plus pauvres, exploitant leurs ressources humaines, les richesses de leurs sols. Les multinationales comme les états les plus riches de la planète se croyaient à l’abri, mais très vite les milieux de l’automobile, de l’informatique, des politiques sanitaires […] découvrent la fragilité des interdépendances mondiales, un accroc dans une usine chinoise confinée induit nécessairement des perturbations en chaîne pour une myriade d’entreprises dans le monde pour l’acheminement de médicaments, de protections médicales. Les frontières fermées dans tel pays impacté par le covid19 conduit également à des pertes d’emplois dans telle autre nation. Nous sommes face à des jeux de dominos, et des fragilisations en cascade.  La crise pandémique obligeant l’arrêt des productions mondiales, faute de consommateurs, et l’on prétend pourtant que les entreprises qui sauront résister à cette pandémie mondiale, ce krach test, sont celles qui ont été les mieux préparées aux mutations digitales de notre époque. Celles-là dit-on, ont pu poursuivre le déploiement de leurs activités et les pérenniseront. Sauf que cette résistance est artificielle et masque une autre réalité, celle d’états en quasi-faillite, confrontés à un endettement écrasant, et dont la seule alternative sera d’articuler leurs survies avec une remise à flot qui passera par l’impôt, l’impôt que pourrait bien ne pas supporter les populations. Or le Covid19 agit comme un messager mettant en évidence qu’une seconde vague aurait alors des effets terribles sur le plan social.  Les lendemains d’une seconde vague annonceraient un climat qui pourrait conduire à une crise définitive de civilisation.  

Alors ce covid19 « nous reprocherait-il alors des vœux négligés ? ».  Les chroniques de ce livre pointent ces négligences, les détaillent, décrivent les travers de nos sociétés, anticipent même le monde dystopique qui s’organise sous nos yeux, si nous acceptions finalement la mécanisation de nos consciences et l’ultra sécurité sanitaire pour vivre à toutes fins le monde augmenté promis, la vie artificielle et « siliconée ». Le pire pourrait atteindre à nouveau l’âme humaine, si nous ne changions pas de voie, si obstinément nous décidions de poursuivre un monde sans écologie humaine, sans la proximité, sans la dimension relationnelle. Pour rebâtir un monde en pièces, c’est possible, mais il faut définitivement accepter de vivre davantage en proximité et mettre l’amour du prochain au cœur de la vie sociale, et en rétablissant notre relation avec celui qui est le créateur des cieux et de la terre.


[1] Extrait de la déclaration de l’OMS : https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Coronavirus-lepidemie-10-dates-cles-2020-02-07-1201077010

[2] Le titre de cette chronique, la deuxième de l’ouvrage est l’ennemi, première chronique écrite le 16 mars 2016 à 13 h.

[3] Les cinq livres qui constituent la Torah. La tradition en attribue la paternité à Moïse

[4] Extrait de la citation : https://bjpphilo.wordpress.com/2016/09/03/aristote-origine-et-fin-de-la-philosophie-2/

[5] Œuvre de l’Iliade du domaine Public : Citation extraite du texte de l’Iliade Chant 1 https://www.atramenta.net/lire/oeuvre1507-chapitre-1.html

[6] Le château en référence à Kafka : Le Château aborde l’aliénation de l’individu face à une pesante bureaucratie qui n’entretient pas de relations avec la population

La Résilience

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été totalement imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona

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Auteur : Eric LEMAITRE 

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été en partie imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona.

Cette reine Corona comme ces têtes brûlées, rebelles casqués et revêtus de casques de morts est venue semer la pagaille, le désordre au sein de toutes nos cités. Ces cités qui vaquaient à leurs vies marchandes, des vies tranquilles ou placides, quand soudainement la Reine virale et sa légion sont venus « silencieusement », en semant partout la peur sans pourtant jamais pétarader. Jamais autant le son du silence n’a fait autant fureur, si bien que même les milices les plus extrêmes se sont réfugiées dans leurs quatre murs. En revanche de cette crise pandémique, il nous faudra retenir la grande leçon de l’écologie intégrale, celle qui touche à la dimension de l’habitat et de ses habitants, de l’humanité et de son environnement.  Cette crise laissera probablement des traces indélébiles et chahutera pour longtemps la vie occidentale, bousculera toutes les nations qui ont souhaité emboiter le pas d’un monde frappé par la déréliction et la désolation morale. Ce sont les repères d’un monde qui a effacé la transcendance, qui découvre toute la finitude du genre humain. La force de cette crise nous montre en définitive que la valeur humaine est la plus importante, celle notamment de la relation aux autres. Nous avons même été claquemurés militari, avec des mesures draconiennes, interdisant à ceux qui souhaitaient pratiquer leur culte de se retrouver. Au soulagement de plusieurs, le Conseil d’État, la plus haute instance administrative a retoqué ce décret liberticide qui était une atteinte aux libertés les plus fondamentales de renouer avec l’incarnation, de cette vie authentique et relationnelle entre croyants.

Alors que le monde dans sa chair a été comme fracturé, je veux garder finalement l’espoir d’une reconstruction possible tandis que l’habitat en miettes signait définitivement la fin de toute espérance. Si le monde avait été en miettes, il aurait été littéralement atomisé tandis qu’à ce jour, et avec prudence, le diagnostic serait plutôt aujourd’hui celui d’un environnement social, morcelé, disloqué, mais non en débris. Un monde fractionné, en tout cas en apparence aujourd’hui, car il nous faudra rester, circonspect. Si dans notre imprudence, nous décidions de reconstruire le monde d’avant, consumériste et mondialiste, ce monde-là, nous imposera une fois de plus les seules lois technicistes de son marché. Nous propagerions alors une nouvelle fois, une forme de déshumanisation avec ses artefacts, ses productions d’objets toujours augmentés. Ainsi nous faudra-t-il relire le passé, écouter ce « messager virus », relire attentivement les enseignements qu’en ont tirés les victimes des pandémies qui sont venues ravager le monde au commencement de notre humanité et au fil de l’histoire de nos civilisations.

La pandémie de coronavirus n’est pas un évènement viral sans précédent dans l’histoire. Depuis le commencement de l’humanité, nous avons connu des épisodes de pandémie, la lèpre qui longtemps a été une maladie infectieuse chronique a été décrite très largement dans le livre du lévitique comme je l’avais déjà rappelé dans un autre texte.  Nous ne connaissons cependant pas l’importance morbide de cette maladie infectieuse, mais en revanche la stigmatisation sociale de la lèpre a été elle brutale et fulgurante. Un autre fléau d’une autre nature, décrit dans le livre d’Exode frappa tous les premiers nés d’Égypte[1] et marqua alors toute l’Égypte au point que le pharaon se résigna enfin à libérer les esclaves hébreux. Ce fut pour l’Égypte pharaonique une leçon à apprendre, une leçon à tirer de cette épidémie[2], il fallait définitivement lâcher prise, lâcher l’emprise sur les hommes et les femmes réduits à n’être que des machines corvéables. Toute l’histoire de l’humanité semble en conséquence, avoir été traversée par de graves épidémies, peste bubonique, choléras, fièvre typhoïde, grippe espagnole et plus récemment le sida et le virus Ebola. Toutes ces épidémies peuvent nous dire quelque chose de notre société et sans doute, en sont elles-mêmes les reflets, les messagers. Toutes ces épidémies ont été dévastatrices, en créant le plus souvent des situations irréparables là où la pandémie a frappé. Les sociétés alors ont été profondément chamboulées, mais ont retenu la nécessité d’une hygiène corporelle nécessaire pour endiguer la propagation et la diffusion de la peste.  L’odeur pestilentielle, puante, cloaque conduisirent les souverains comme Philippe Auguste et Louis IX à prendre des mesures drastiques, pour transférer notamment certaines activités à la périphérie des agglomérations, et « des systèmes de curage ont été par exemple mis en place pour les rivières et les canaux »[3]. Quelles leçons, allons-nous tirer de cette pandémie pour le monde de demain à la lumière des pandémies passées ? Ne conviendra-t-il pas d’avoir une lecture plus systémique ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause cette géographie mondialiste induisant des modes de propagation via les routes terrestres et les navigations qui s’opèrent dans le ciel ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause les idéologies du progrès technologique et leurs effets délétères sur le plan social ? Ces technologies qui nous ont fait rêver et permis les apéros virtuels, mais freinent les véritables socialités.

À ce jour, le nombre de victimes de covid19 ne se compare ni à la peste noire, ni même à la grippe espagnole. Il n’en demeure pas moins que les autorités sanitaires restent prudentes, demeurent sur le qui-vive redoutant les effets possibles d’une seconde vague si l’insouciance, venait à gagner certains, trop heureux de reprendre leurs habitudes sociales guidées par le seul instinct grégaire. Souvenons-nous ainsi de cette seconde vague grippale résultant de ce germe pathogène que l’on nomma la grippe espagnole vécue comme une véritable pandémie totalisant 50 millions de victimes en à peine une année. Cette grippe espagnole fut un véritable cataclysme humain s’ajoutant aux victimes d’une autre secousse planétaire résultant elle de l’effroyable guerre qui traumatisa alors toute l’Europe. Sans aucun doute qu’au cours de ce XXe siècle, l’évocation d’un cataclysme apocalyptique ne fut nullement ni exagérée, ni excessive. Cette nouvelle pandémie qui affecte notre siècle n’a cependant ni les caractéristiques ni les particularismes d’une morbidité comparable à la peste noire de 1347 ou à la grippe espagnole de 1918 ni même à d’autres épidémies plus récentes dont les ravages ont mis également en péril des millions de personnes de par le monde. Nous savons aujourd’hui que d’autres épidémies exhumées récemment par nos historiens ont été comme effacées de notre mémoire collective, comme la grippe de Hong Kong qui surgit à la fin de l’hiver en 1968. Cette grippe provoqua la mort d’un million de personnes de par le monde et avait également déclenché aux États-Unis une vague importante de décès. Les autorités sanitaires américaines avaient dénombré à l’époque près de 50 000 morts. Se souvient-on de cette grippe ? En tout cas, elle a été peu évoquée et s’intéresse-ton d’ailleurs à l’histoire, je n’ai pas vu beaucoup de philosophes interviewés, ni d’historiens, pourquoi ?

Pourtant cette pandémie du covid19 par ses effets, a quelque chose qui n’a pas de précédent dans notre histoire. Plus de la moitié de notre humanité s’est en effet retrouvée, confinée en l’espace de quelques semaines, les frontières fermées, les déplacements contrôlés, les voyageurs en provenance de pays suspectés d’être contaminés, mis en quarantaine. Au-delà de cette maladie extrêmement grave, suscitée par un germe pathogène, naturel ou manipulé accidentellement, c’est toute une dimension systémique qui a impacté la totalité du genre humain. Les conséquences culturelles, sociales, économiques, sont ou pourraient être d’une extrême gravité. Cette crise majeure a également créé de graves dommages, de véritables traumatismes psychologiques de par l’isolement des familles, la séparation des liens d’affection avec notamment les personnes les plus avancées dans l’âge. Le confinement a conduit également à une forme de désocialisation et parfois de repli sur soi, avec le stress pour plusieurs, de retrouver une vie sociale normalisée ou de penser un tant soit peu que l’avenir est seulement écrit en pointillé et sans filets.

Les pouvoirs publics, les médias ont joué un rôle déterminant dans cette crise des mentalités, en ne jouant pas sur la responsabilisation, mais sur la dimension de l’infantilisation des publics, en assénant des messages essentiellement morbides, fondés sur la dimension d’un choc émotionnel, accompagné d’une mise en garde paternaliste, une dimension insuffisamment fondée sur la responsabilisation sociale et ne préparant pas les publics à un retour progressif, se faisant pas après pas. Il est évident que les nations jusqu’à aujourd’hui n’ont pas su préparer leurs populations à l’éventualité, d’un tel choc civilisationnel. Nous avons été comme habitués aux actes de terrorisme, mais nous n’avons pas voulu prendre conscience de la possibilité d’une pandémie qui viendrait en quelque sorte fracasser la marche de notre monde.

Mais ce que Corona a brisé ce n’est pas tant la dimension économique que nous avons déjà évoquée et que nous évoquerons à nouveau, mais bien la dimension du lien, ce qui relève de nos maillages affectifs, tissés avec des parents, des amis, des membres d’une communauté, d’un territoire, d’un quartier, de nos vies au quotidien avec nos engagements auprès des autres.

Au cours d’une émission radiophonique[4], le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui a échappé à Bordeaux, à une rafle contre les juifs en 1944[5],  a exprimé son inquiétude, « l’inquiétude d’une exacerbation des inégalités de résistance psychologique aggravées par les inégalités sociales et culturelles ». Certains amis, et des membres de mon entourage ont ainsi partagé leurs peurs, des parents angoissés n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école. Ces proches qui n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école sont pourtant des gens infiniment éprouvés et courageux, qui ont été les victimes d’atrocités commises en Centre-Afrique, ils ont été tous traqués, pourchassés, et l’un d’entre eux, a même été mitraillé et laissé comme mort près du fleuve Bangui. Mais plus que l’épreuve de la guerre, des djihadistes qui les ont menacés physiquement, c’est le virus qui leur semble encore plus dangereux. Aussi nous pouvons parfaitement saisir leur souci de ne pas être soumis à une nouvelle épreuve, à une nouvelle souffrance. Je crois que chacun d’entre nous, nous serons conduits à manifester plus que de l’empathie, pour comprendre que ce déconfinement ne sera pas simple pour tous, quant au dehors, le coronavirus n’a pas littéralement déguerpi. A l’heure de la distanciation sociale, et lorsque nous ne sommes pas obligés d’emprunter les transports en commun, comment alors ne pas songer à ceux et celles qui seront conduits à dépasser leur espace calfeutré, et protégé pour se confronter à nouveau à autrui sans la distanciation sociale et après avoir martelé que nous sommes nous-mêmes de potentiels agents agressifs.

Le déconfinement reste selon moi une mesure qui n’a pas été suffisamment réfléchie. Une réflexion insuffisamment conduite en amont, associant étroitement le collectif des corps intermédiaires, les associations familiales, les syndicats, les communes. La prétention d’un « État instituteur de la société » est devenue cette réalité dont se sont plaints les maires des villes, les premiers échelons de la vie sociale. Cet état « instituteur » a également sacrifié en quelques décennies, d’autres piliers comme la famille, tout ce qui constitue au fond la subsidiarité d’une société. Or aujourd’hui cette religion jacobine fait face à une crise majeure au plan social, qui nécessite une refondation, une reformulation du modèle social, qui ne sera pas seulement une résilience ; mais une remise en cause d’une certaine idéologie, d’une conception métaphysique de l’homme et de la société.

Le déconfinement ne s’ordonne pas d’un coup de baguette, d’un trait de plume et en une date décrétée, il nécessitait d’être préparé, de rassurer et d’accompagner. Nous connaissons de nombreuses personnes qui ont été dévastées par l’épreuve infligée par la pandémie, des deuils qui n’ont pas été faits, des familles brisées par la mort d’un proche, l’avenir pour eux est comme inhabitable, comme impossible, car la peine à surmonter, leur fait comprendre le poids immense de leur fragilité, de leur vulnérabilité. Songer à l’avenir pour ces personnes est inimaginable quand elles perçoivent ce qui a été littéralement détruit autour d’elles. Outre les effets psychologiques destructeurs, morbides, pour ceux qui n’ont plus les ressources pour relever le défi de la résilience, il faut aussi ajouter toutes ces personnes qui demain seront privées d’emplois, et seront confrontées à l’inquiétude d’un État-nation en déliquescence et qui pour partie est en train de perdre la boussole, en ne prenant pas la mesure des priorités essentielles. Il ne s’agira plus de sauver la finance selon moi, ni les grands groupes industriels, mais de préparer la restauration d’un pays non en injectant des milliards dans une économie consumériste et qui porte elle aussi en responsabilité le catastrophisme économique sous-jacent. Cette perfusion à coups d’interventions surendettera de façon irraisonnable les capacités d’une nation considérablement affaiblie par l’arrêt brutal du fonctionnement de toutes les activités. Au fond, gouverner demain, ce sera avant tout puiser dans l’intelligence collective, industrieuse et solidaire. Il me semble que le messager viral porte avec lui un message de véritable résilience face à l’agression germicide qui a renversé toutes les tables d’une insouciance qui n’avait pas envisagé l’ampleur du mal qui a assombri notre avenir social.  Mais effectuons à nouveau un voyage dans le temps, quelques temps après la peste noire, des mesures draconiennes ont été prises. Ainsi en 1374, Marguerite de Bourgogne la petite-fille de Saint-Louis et épouse du fils aîné de Philippe le Bel, Louis X le Hutin, demande que soit nettoyée sa ville[6]. Qu’allons-nous nettoyer, qu’allons-nous assainir en 2020 ? Quelles mesures draconiennes allons nous prendre pour anticiper les épidémies qui comme des messagers sociaux, nous disent ce qui au fond dysfonctionne au sein de nos sociétés ? Qu’allons-nous remettre en cause ? Allons-nous construire le prétendu Nouveau Monde, ou changer réellement de cap pour réorienter l’humain vers une dimension de sens ? Le sens ancré dans la sacralité, le bien commun, la proximité, le restaurant dans la dimension d’un monde réel dont on aura et je le souhaite, expurgé le fantasme et l’idolâtrie de l’objet.

Or comment dans ces contextes, faire résilience ?  Mais de quelle résilience, parlons-nous ? S’agit-il de résilience écologique, ou de résilience psychologique ? L’une en effet offre la capacité à un écosystème de reprendre forme après une grave perturbation, tandis que l’autre, est celle où l’aptitude à se relever après le vécu d’un véritable traumatisme, prend à nouveau rendez-vous avec la vie ! Vais-je faire également l’impasse de la résilience de l’économie, dont les structures mercantiles ont été soumises à un véritable choc ?

Dans les trois domaines de l’écologie, de l’économie et de la personne, toutes les lectures que l’on peut faire ici et là, convergent, tous les commentateurs avisés, s’attendent à l’intervention « omnipotente » de l’appareil de l’état pour intervenir sur ces trois champs ! Or ce serait une terrible erreur sociale de considérer que la toute-puissance de l’état est suffisante pour reconstruire, rebâtir, restaurer. Pour ma part et je l’ai déjà écrit, l’état ne pourra rien faire, s’il ne s’adosse pas à toutes les micro structures qui sont au plus près des réalités, au plus près des vécus. Une société est réellement résiliente lorsqu’elle est réellement capable d’activer réseaux de solidarité, de les développer. Au plus fort de la crise économique en 2008, nous avons relevé des initiatives fortes, où des hommes et des femmes se sont organisés pour réinventer l’économie solidaire. L’économie solidaire est une multiplication d’initiatives pour créer et échanger, faire de la richesse autrement. L’économie solidaire est une économie de proximité, soucieuse d’équité et de développement durable, soucieux de ne discriminer personne et encourageant l’initiative de tous. Partout nous avons vu se développer sur le territoire des maillages et des réseaux d’hommes et de femmes qui se sont levés pour témoigner envers les soignants des gestes de solidarité, ainsi des restaurants fermés, ont fait fonctionner leurs cuisines pour offrir des repas qui ont été comme une somme de réconforts, pour les personnels médicaux qui était au front et sous pression sanitaire, des associations de bénévoles se sont serrés les coudes pour apporter les repas auprès de personnes malades ou en souffrance. Une vie humaine s’est organisée également pour porter secours aux personnes confrontées à la solitude et ne la supportant pas. Toutes les combinaisons de ces gestes participent de la résilience. Et la résilience écologique tiendra en grande partie à cette culture de l’économie locale, l’économie de proximité. Dans cette dimension de résilience écologique, il faut se souvenir des travaux effectués par le chercheur David Thilman, qui fit cette observation riche d’enseignement touchant à la dimension de la biodiversité. Il fit ainsi le constat « que seules les parcelles abritant le plus de biodiversité avaient résisté à la grande sécheresse de 1988 qui avait causé la perte de toutes les récoltes dans les prairies du Minnesota. Dès lors, il semblait que seuls les écosystèmes présentant la plus grande variété d’espèces pouvaient encaisser une perturbation grave et se régénérer [7]». Le phénomène de résilience écologique dans son expression symbolique touchant à la biodiversité montre ceci, plus on croisera les énergies, les compétences, à la plus petite échelle, c’est-à-dire le niveau d’une parcelle, plus on sera en mesure de régénérer la vie sociale avec toutes ses formes d’interdépendance, d’entraide, de vie sociale et de solidarité économique. Cette biodiversité et qui touche également à l’écologie humaine me renvoie au texte de Saint Paul dans l’épitre aux corinthiens [8]: « Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps.  L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires … ». Le chardon, l’ortie, le lierre sont parfois les mal aimés des jardins mais remplissent bien souvent une fonction utile. On apprend ainsi que certaines plantes soignent d’autres plantes comme l’ortie, que certaines nourrissent les oiseaux comme le lierre, que le chardon possède un vrai potentiel thérapeutique. Le chardon, l’ortie et le lierre ne sont pas une nouvelle fable, mais constitue bel et bien une nouvelle parabole, L’ortie et le chardon ne sont pas sans rappeler le personnel soignant, le symbole de la défense périphérique, nous protégeant contre les assauts pernicieux du dehors : « Qui s’y frotte s’y pique » nous rappelle l’adage. Le lierre d’intérieur, est un agent dépolluant et nos éboueurs ont été comme ces invisibles indispensables, dépolluant nos chaussées. Non seulement dépolluant le lierre possède aussi cette fonction nourricière et c’est autant un hommage à toutes ces personnes qui dans les champs ou les magasins ont continué à approvisionner nos placards. Ils ne sont pas l’élite de la nation, mais sans eux, nous nous serions effondrés.

Le bien commun et sa sauvegarde tiendra ainsi à cette capacité de favoriser la biodiversité, de se serrer les coudes et d’entrevoir ainsi un horizon où l’on pourra rapprocher les pièces d’un monde disloqué et en considérant que nul ne pourra dire « Je n’ai pas besoin de toi ». Mais alors qu’en sera-t-il de nos élites, de nos ingénieurs, plusieurs milliers déjà en poste seront demain sans emplois. Je ne désespère pas qu’ils formeront une nouvelle cohorte industrieuse mettant leurs talents au service d’une collectivité soucieuse non plus d’efficience mais de qualité de vie et c’est à ce prix que l’on recollera les morceaux pour espérer une vie sociale plus humaine et plus proche des gens. Mais s’agit-il d’un rêve utopique ? C’est hélas fort probable, car l’homme augmenté ne choisira pas si facilement de courber l’échine considérant que ce serait trop humiliant de ne pas être porté en triomphe. Mais si l’humanité choisit de s’en remettre à ses instruments, elle passera alors, de leurs côtés ; la mécanisation de la conscience[1] sera alors en marche.

 

[1] La mécanisation de la conscience publiée le 31 décembre 2019 aux éditions Librinova

[1] L’Équipée sauvage est un film américain réalisé par László Benedek, sorti en 1953. Une description de jeunes rebelles qui vont semer le trouble dans une cité américaine.

[2] Bible : Exode 12 : 29-36

[3] Des types d’infections sont rapportés dans un vieux papyrus égyptien, qui remonte à 1.300 av. J.-C., le manuscrit mentionne une maladie de peau épidémique qui aurait touché les sujets du Pharaon. Le papyrus Ebers serait également l’un des plus anciens traités médicaux qui nous soient parvenus : il est daté du XVIe siècle av. J.-C Le papyrus Ebers mentionne et décrit entre autres quatre grands facteurs pathogènes circulants.

[4] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[5] https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/boris-cyrulnik-on-est-dans-la-resistance-pas-encore-dans-la-resilience

[6] Les parents, du neuropsychiatre, meurent en déportation. Son père est déporté par le Convoi No. 64, en date du 7 décembre 1943, du Camp de Drancy vers Auschwitz. Sa mère est déportée par le Convoi No. 7, en date du 19 juillet 1942, du Camp de Drancy vers Auschwitz.

[7] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[8] https://www.latribune.fr/green-business/l-actualite/20120612trib000703435/de-la-necessite-d-une-economie-de-la-resilience.html

[9] Texte de Paul ; 1 Corinthiens 12 :20-22

LA VERTU

En des temps de confinement, où brutalement les relations ont cessé, où nous apprîmes un nouveau langage corporel, celui de la distanciation sociale ; nous sommes entrés dans le temps du déconfinement, où nous avons été initiés à une autre obligation celle du masque. Masques et distanciations sont aujourd’hui les gestes et postures imposées, les gestes d’une vie finalement antisociale en des temps où nous avions appris à saluer de la main ou à nous embrasser. Le geste courtois est aujourd’hui répréhensible et gare à celui qui s’aventure dans une poignée de main. Alors le coude ou le pied deviennent les nouvelles modalités de nos salutations. Les relations humaines ont été comme impactées, bouleversées, obligées d’apprendre de nouveaux codes de la civilité, de la courtoisie. Derrière nos masques nous avons à peine à esquisser un sourire, à dévoiler le visage, voilà que le visage ne dit plus, ne dit plus tout haut, ce que nous pensions tout bas. Le visage est en partie voilé, condamné à ne faire exprimer que les yeux, mais voici que l’on apprend que les postillons de Corona peuvent atteindre les yeux, alors certains s’équipent de lunettes et se transforment en chauve-souris. Ah la chauve-souris, ceux-là passeraient-ils dans le camp de l’ennemi ? Corona se jouant de nos nouveaux styles, ne manque vraiment pas d’humour ! Il nous faut alors apprendre à vivre masqués. La distanciation, le sourire absent condamnent-ils alors la dimension de l’amour, la rencontre avec le prochain, où nous faut-il apprendre à aimer différemment. La religion chrétienne parle des trois vertus théologales que sont l’amour, l’espérance et la foi, l’amour qui est la première vertu semble comme bousculé ! Résistera-t-elle ?

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Auteur : Eric LEMAITRE

En des temps de confinement, où brutalement les relations ont cessé, où nous apprîmes un nouveau langage corporel, celui de la distanciation sociale ; nous sommes entrés dans le temps du déconfinement, où nous avons été initiés à une autre obligation celle du masque. Masques et distanciations sont aujourd’hui les gestes et postures imposés, les gestes d’une vie finalement anti sociale en des temps où nous avions appris à saluer de la main ou à nous embrasser. Le geste courtois en ces « temps crépusculaires » est aujourd’hui répréhensible et gare à celui qui s’aventure dans une poignée de main ou la bise furtive. Alors le coude ou le pied deviennent les nouvelles modalités de nos salutations. Les relations humaines ont été comme impactées, bouleversées, obligées d’apprendre de nouveaux codes de la civilité, de la courtoisie. Derrière nos masques nous avons à peine à esquisser un sourire, à dévoiler le visage, voilà que le visage ne dit plus, ne dit plus tout haut, ce que nous pensions tout bas. Le visage est en partie voilé, condamné à ne faire exprimer que les yeux, mais voici que l’on apprend que les postillons de Corona peuvent atteindre les yeux, alors certains s’équipent de lunettes et se transforment en chauve-souris. Ah la chauve-souris, ceux-là passeraient-ils dans le camp de l’ennemi ? Corona se jouant de nos nouveaux styles, ne manque vraiment pas d’humour ! Il nous faut alors apprendre à vivre masqués et à nous prendre en nouveaux Zorro venant sauver notre cité. La distanciation, le sourire absent condamnent-ils alors la dimension de l’amour, la rencontre avec le prochain, où nous faut-il apprendre à aimer différemment ? La religion chrétienne parle des trois vertus théologales que sont l’amour, l’espérance et la foi. L’amour qui est la première vertu semble aujourd’hui comme bousculé ! Résistera-t-elle ? Hier soir, nous avions une assemblée virtuelle, une rencontre fraternelle et une amie au téléphone, nous déclare avec sa joie, vous êtes ma famille. Se pourrait-il cependant que nous vivions une fraternité sans rencontres incarnées, sans relations vivantes, sans gestes de fraternités ? Je reconnais que tout ceci nous bouscule, nous remet en cause, et je perçois là une forme de vie antisociale qui se dessine. Pourtant l’amour n’est qu’apparemment vaincu, car partout des gestes qui l’incarnent sont témoignés dans le quotidien, l’entraide a su résister, dépasser les distances et les masques. La résistance de l’amour est bien plus forte que toutes les barrières érigées, lui seul est capable de surmonter sans peine les précautions prises pour casser la chaîne virale. La chaîne de l’amour, elle comme un lien invisible n’a pas été vue par la Reine Corona et ne sera jamais vaincue.  Mais qu’en est-il alors des autres vertus, elles aussi ont été comme molestées, maltraitées, mais non, elles ne se sont pas avouées vaincues ! Sans doute ces vertus oubliées, donneront-elles partout des leçons aux pouvoirs jacobins qui devront bien compter sur les engagements, les dévouements de nos médecins, de nos infirmières, aides-soignantes, de nos éboueurs, de nos maires, de tous ces ouvriers silencieux et agissants mais aussi des familles. Les vertus du courage, du sacrifice, de l’humilité, de la vérité, de l’amour voilà les valeurs cardinales, essentielles que nous serons appelés à vivre comme une nouvelle contagion pour abattre une société de distanciation qui est devenue la norme imposée. J’ajouterai à ces vertus, celle de la subsidiarité, cette capacité à la plus petite échelle, de prendre les décisions qui s’imposent, celle que le médecin emploie quand il s’agit de tenter un traitement ultime pour permettre à son patient de vivre malgré tout ; nous voyons, bien que là aussi cette vertu est encadrée, brimée, malmenée, car il faut attendre que les protocoles technicistes de la bureaucratie valident le secours qu’entend apporter le médecin à son malade. Mais loin de moi d’instruire un procès, puis de monter une forme de bûcher pour juger l’état en plein désarroi. L’état est en réalité incarné par des hommes et des femmes parfois inhabités par ces vertus essentielles. Car sans doute qu’au-delà des procédures techniques, des mesures administratives, les vertus ont été les grandes absentes. Les vertus ont été tellement malmenées par les pouvoirs successifs, elles ont été de tout temps, combattues : la famille moquée, les églises chahutées et parfois conspuées, les maires de nos villes regardés avec une certaine condescendance alors qu’ils incarnent aujourd’hui une autorité de proximité et souvent bienveillante.

Dans une époque tordue comme celle que nous vivons, où les autorités ont dû mal à se confronter à la vérité, manipulent parfois l’information, il semble que nous entrons également dans une quête d’authenticité qui s’exprimera demain au-delà de tout conformisme social, une authenticité qui est l’expression elle aussi  de la vérité, qui ne supporte ni la manipulation, ni le mensonge, nous engagera dans une dimension de courage, d’intégrité avec soi, d’intégrité avec les autres. Et j’aimerais que vous preniez connaissance de ce vieux conte africain qui nous parle de vérité, une vérité, une autre vertu cardinale qui puise sa source dans l’humilité : « Le Royaume de Sabou avait un puissant chef du nom de Moro. […]. Un jour, Moro sentit la fin de sa vie arriver. Il fit venir ses enfants afin de leur parler : – Mes fils, écoutez-moi ! Je suis devenu faible, il faut que le plus courageux d’entre vous me remplace. Pour que je choisisse mon successeur, il faut que chacun me conte son œuvre la plus fantastique.  Le premier de ses fils pris alors la parole : – Père, tu te souviens lorsque les envahisseurs ont attaqué notre Royaume. Moi seul les ai combattus et les ai mis en déroute avec pour seule arme mes mains alors qu’ils étaient fortement armés et nombreux.  Le deuxième fils parla à son tour : – Père, tu te souviens lorsque les lions de la grande forêt ont attaqué notre peuple. Moi seul ai osé les combattre et les ai mis à mort avec comme seule arme mes poings.  Ce fut alors au tour du troisième enfant de Moro : – Il est vrai que nous avons été attaqués par des envahisseurs et par des lions. Moi, je ne les ai pas combattus seul et ni avec mes mains. J’ai pris mes meilleures armes et appelé l’armée ce qui a permis de vaincre les lions et de repousser nos agresseurs.  Le vieux chef, après l’audition de ses trois enfants réfléchit pendant longtemps et déduit que l’enfant le plus courageux était celui qui avait dit la vérité c’était à dire son troisième fils. Moro l’appela et lui dit : – Puisque tu as dit la vérité, tu es le plus courageux. Je te remets le sceptre de Viziok qui te permettra de diriger le royaume de Sabou une fois ma fin venue. Ses deux autres enfants apprirent alors à leurs dépens que dire la vérité est souvent l’acte le plus courageux qui existe en ce monde. » Le vieux sage salue finalement dans le cœur de l’un de ses trois fils, plusieurs vertus, la vérité, le courage, l’humilité, et sa capacité à mobiliser toute une armée sur qui il a pu compter pour vaincre l’ennemi. Ce conte infiniment simple, enfantin, en dit pourtant très long sur la vanité de nos pouvoirs. Ces pouvoirs ont encore beaucoup à apprendre de cette sagesse populaire, sagesse qui n’est pas enseignée dans les plus hautes sphères des universités, des grandes écoles. L’autorité s’exerce toujours avec humilité, en convoquant le plus grand nombre de conseillers, et surtout cette autorité s’adosse à la vérité en n’oubliant pas le courage qui s’allie au dévouement sans désinvolture, ni mépris pour quiconque voudra s’associer à la victoire d’un ennemi extérieur qui est aussi un ennemi intérieur, si la dimension intérieure n’est pas habitée par la vérité.

À partir de ce conte, ne nous faudrait-il pas tirer dès ce jour, un enseignement concernant l’époque, ce nouveau siècle qui est en crise, qui n’est pas seulement et finalement une crise sanitaire, climatique, mais qui met à jour une autre crise, bien plus grave, celle de l’abandon de toute forme de référence à la dimension de la vérité comme de la vertu. À la vertu, il faut ajouter l’humilité qui oublie les certitudes et s’oblige à écouter les points de vue divergents. Il nous faut aussi adjoindre les vertus liées à l’authenticité, la morale non normative, mais celle qui s’inscrit, qui est gravé dans les cœurs, comme celle, touchant, la dimension sacrificielle dont le pilier est le courage. Le courage d’oser l’affrontement pour sauver celui ou celle qui est en péril au détriment de sa propre vie.

La crise pandémique doit être vécue comme une remise en question de toutes les idéologies néo-libérales et de l’homme prétendument augmenté qui ont façonné jusqu’à aujourd’hui le monde au cours de ces dernières décennies. Cette idéologie néo-libérale s’est hélas imposée au monde avec l’ensemble de ses représentations fondées sur l’appétence du progrès matérialiste comme seul horizon, sur la seule appétence consumériste comme seul code moral. Notre environnement occidental gouverné par son idéologie capitaliste a tenté de construire le monde de l’éden artificiel avec toutes ses valeurs factices et artificielles, nous promettant paix et sécurité. Aujourd’hui le monde est confronté à la pire des crises et ne semble plus en capacité de se donner un cap, un avenir, tant le changement que nous subissons est d’une rare violence même si en apparence les beaux jours sont arrivés, le déconfinement est à l’œuvre et l’insouciance se donne à nouveau, rendez-vous avec les rayons, la chaleur de l’été dans les agoras, les plages et les lieux publics à l’exception des allées des jardins qui nous sont encore interdits en ce beau mois de mai 2020.

Nous espérons finalement beaucoup de ces rayons estivaux qu’ils portent avec eux l’espoir qu’ils terrasseront la violente chevauchée virale lancée par la Reine Corona contre notre monde humain. Mais si Corona veut nous accorder une mise en parenthèse, une forme de trêve, nous pourrions alors vaquer de nouveau à ce « monde d’avant ». Nous avons probablement en tête, le secret espoir, la conviction intime que tout ceci ne relèvera en fin de compte que d’un mauvais moment, un mauvais rêve qui ne s’inscrira pas dans la durée. Nous restons tellement persuadés que l’histoire nous enseigne que dans toutes ces épreuves, les crises ne seront bientôt que de mauvais souvenirs. Mais voilà l’oiseau de mauvais augure, vous savez celui qui hante la ville hitchcockienne, l’Organisme Mondial de la Santé, ce cassandre a rafraichi notre folle assurance, plombant l’ambiance, en nous annonçant finalement que nous devrons vivre pour longtemps sous le joug de la souveraine Corona.

Cette souveraine a mis le monde économique littéralement à genoux. Certains économistes avaient au départ comparé la crise de 2020 à celle de 2008 puis les jours s’égrenant, la crise de 1929 devenait finalement la référence. Mais le point de départ de la crise de 2008 comme celle de 1929 n’ont pas grand-chose à voir avec celle de 2020. Les crises économiques respectives de 1929 et 2008 dont les relances avaient été imaginées et pensées par Keynes ou résorbées grâce aux mécanismes d’autorégulation des marchés, ou de l’interventionnisme de l’état protecteur, ne pourront endiguer celle de 2020. Le marasme qui se prépare en 2020 est bien plus profond, bien plus grave. Les théories keynésiennes ou les planches magiques de ce nouveau siècle, fabriquant des billets virtuels ne suffiront pas à dénouer la profondeur d’un mal économique qui s’installera de façon endémique et durablement au sein de toutes les nations. La crise sociale qui se dessine à l’horizon déclenchera un véritable tsunami affectant les nations les plus faibles et en leur sein les populations les plus précaires.

La Reine Corona bien plus terrifiante que les cuirassiers des premières armées au monde, a emporté et dissout la mondialisation, non pas sur plusieurs décennies, mais quelques semaines lui ont suffi pour casser l’édifice de l’universalisation terrestre, de l’économie planétaire où nous avons cru bon de confier nos corvées. Ces corvées que nous ne voulions plus, qui ont été transmises en quelques sorte à ces nouvelles colonies sociales, composées par les pays déclarés comme en voie de développement.

C’est le monde multiculturel, ouvert, inclusif, porteur de nouvelles valeurs d’autosuffisance et rêvant sa propre transcendance qui disparait ainsi sous nos yeux, mais l’appétit dévorant de Corona s’en est pris aussi à toutes les institutions politiques, comme ces nouvelles institutions pseudo familiales et pseudo religieuses, le monde de nos représentations s’effondre tel un jeu de cartes, un jeu de dominos montrant de la sorte les immenses fragilités de ce qui nous relie à tout ce qui faisait le dogme des croyances humaines.  Le monde est ainsi sur le point de perdre définitivement sa boussole.  Ce monde qui perd la boussole me fait songer à ce texte du prophète Esaïe[1] : « La terre chancelle comme un homme ivre, Elle vacille comme une cabane ; Son péché pèse sur elle, Elle tombe, et ne se relève plus »

Il y quelques décennies de cela, dans les années 80, lors d’une course d’orientation, de jeux de piste en pleine forêt des landes, notre boussole dysfonctionna. Avec mes coreligionnaires infortunés égarés dans ce massif forestier, nous cherchions vainement notre chemin, posant la carte en fonction de l’orientation donnée par la boussole dont on espérait que cette fois-ci, tout rentrerait dans l’ordre. Mais le secours de la boussole fut en vain, nous étions sur le point de perdre tous nos repères et fébrilement nous appréhendions la nuit tombante, quand le collectif a repris le dessus et la somme des intelligences s’organisa en écoutant posément, les talents des uns et des autres pour poursuivre notre chemin. Dans les situations extrêmes, il faudra dorénavant compter sur l’intelligence collective et ne plus espérer dans celle d’un prétendu chef messianique ou charismatique. Comme dans ce conte africain que nous avons précédemment narré, l’un des trois fils a pu espérer l’appui d’une armée d’intelligences, de cette dimension collective pour nous conduire à identifier un nouveau cap mais supposant alors une remise en cause de cette culture de l’hyper individualisme qui a rejeté le bien commun.

Concernant le cap, j’évoquais précédemment celui de l’authenticité, mais je ne songeais nullement aux valeurs des années hippies incarnées par l’immense festival de de Woodstock rassemblant une jeunesse éprise d’un nouvel idéal et pour qui l’affichage de l’authenticité correspondait à une forme d’harmonie de soi et de la nature. Pour ma part je crois que la recherche de l’authenticité ne relève pas de cette dimension, même si au fond de moi-même, je reste persuadé que nous avons été carrément oublieux de ces écosystèmes qui touchent à notre relation avec notre environnement naturel. Le mal est hélas bien plus profond que cet oubli et celui concernant la recherche d’une harmonie perdue. La quête de l’authenticité est en réalité celle d’un retour à nos sources, le retour à un principe universel qui est l’amour du prochain et qui suppose en soi une dimension sacrificielle.

La société contemporaine rejette la dimension sacrificielle et pourtant elle y est aujourd’hui exposée, comme confrontée avec cette capacité que les soignants démontrent par leur dévouement, leur engagement pour les malades en souffrance et atteints du covid19.

Ces soignants bizarrement sont qualifiés comme ces militaires face à l’affrontement de l’ennemi, au plus près du danger, au cœur du combat. Les termes de première ligne pour qualifier ces personnels soignants ont été abondamment utilisés par nos médias qui avaient emboité le pas du président de la république qui dans son intervention en mars 2020, utilisait le terme de guerre.  Mais aujourd’hui nous savons bien que l’expression « premières lignes » embrasse aussi nos éboueurs, comme les caissières des hypermarchés ou bien les personnels exerçant une activité funéraire. Au-delà de leurs obligations, nous leur devons une fière chandelle, ne pas se porter aux abonnés absents. Nous les confinés, nous étions bien heureux d’être les protégés d’un système qui avantage certaines catégories de nos populations, tandis que les autres ont été exposés, plus gravement avec la pandémie virale. À la dimension de l’authenticité, il faut sans doute revaloriser celle du courage, une vertu qui n’était plus en vogue quand le monde évoluait dans la vacuité de l’hyper consommation indolente et négligente, attendant de la bonne mère hyper protectrice de l’institution jacobine qui pensait jusqu’alors la société à notre place.

Le courage est l’équivalent de cette capacité sacrificielle qui ne pense pas le monde en fonction de la peur et pour reprendre les propos du philosophe Platon, dans deux de ses dialogues de jeunesse, le Lâchés et le Protagoras : Le courage « […] ne se laisse pas ébranler par la crainte «  Le courage c’est la « … hardiesse au combat ; [la] science des choses relatives à la guerre ; [la] fermeté de l’âme face à ce qui est effrayant et terrible ; [l’]audace au service de la tempérance ; [l’] intrépidité dans l’attente de la mort ; [l’] état d’une âme qui garde sa capacité de juger correctement dans les périls ; [la] force qui fait contrepoids au péril ; [la] force de persévérer dans la vertu ; [le] calme de l’âme en présence de ce qui, suivant la droite raison, paraît devoir déclencher terreur ou confiance ; [la] capacité de ne pas se laisser aller à la lâcheté sous l’effet de la terreur que fait naître l’épreuve de la guerre ; [l’] état de fidélité constante à la foi[2] ». Il en a fallu du courage pour tous ces soignants, ces éboueurs, ces caissières, ces personnels de première ligne, mais nous ne devons pas pour autant les transformer en héros, car je ne crois nullement qu’ils désirent en endosser l’habit. Je pense que les actes produits par ces premières lignes sont une invitation pour nous tous, à oser l’affrontement demain à d’autres niveaux face aux périls économiques qui abattront les équilibres et les édifices sociaux.

Nous allons faire face à une crise sans précédent qui n’épargnera aucun d’entre nous et exigera de chacun les mêmes vaillances que ceux témoignés par ces innombrables blouses blanches et la multitude des ouvriers de l’ombre. Il nous faudra alors du courage et nous aussi être en premières lignes au travers d’une multiplication de gestes de solidarités, des gestes allant des plus insignifiants aux plus significatifs.  Nous n’attendrons plus rien de l’état, car l’état ne pourra plus rien pour nous.

Si nous avons fait preuve d’inventivité et de créativité dans les temps de confinement, nous devrons certainement faire preuve d’inventivités et de créativités pour poursuivre la vie en société en la sécurisant et en l’organisation de telle sorte que personne ne soit oublié. La vertu sera sans aucun doute l’unique bien, sur laquelle tout restera à bâtir, la vertu guidée par le sens du bien. La vertu supposera l’action comme le définissait la sagesse grecque, l’action adossée à une attitude exemplaire, c’est-à-dire une attitude qui manifeste le degré le plus élevé du sacrifice pour le bien commun et sans doute que chacun redécouvrira la dimension de l’amour, l’amour authentique, l’amou

[1] Texte biblique : Esaïe 24.21

[2] Platon d’après Luc Brisson (dir.) (trad. du grec ancien), Définitions, Paris, Éditions Gallimard, 2008 (1re éd. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9), p. 287, 289. A propos du courage lire également les réflexions sur le courage chez Thucydide et chez Platon [article] sem-linkJacqueline de Romilly. https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1980_num_93_442_4285

Le bien, le beau, le vrai

Le général de Villiers donne ici des pistes concernant le monde à rebâtir… Il faut peut être retrouver le sens de l’authenticité et des valeurs lorsque tout semble être définitivement perdu, l’héroïsme tient sans doute aux capacités sacrificielles à consentir pour sortir de notre zone de peur. Le vrai leadership est un don de soi qui revient à la dimension su sacré, du bien, du beau et du vrai. Il faut vraiment l’écouter …. ! 

 

 

Le général de Villiers donne ici des pistes concernant le monde à rebâtir… Il faut peut être retrouver le sens de l’authenticité et des valeurs lorsque tout semble être définitivement perdu, l’héroïsme tient sans doute aux capacités sacrificielles à consentir pour sortir de notre zone de peur. Le vrai leadership est un don de soi qui revient à la dimension su sacré, du bien, du beau et du vrai. Il faut vraiment l’écouter …. !