à la Une

Réflexions sur la 5 g, dernière vague de l’emballement techno dans le monde machine

Nos lecteurs savent que nous ne faisons pas partie de la Société des Amis du Monde, l’organe central de la technocratie. Nous ne quémandons jamais la faveur d’une tribune dans ses pages « Débats », mais nous avons accepté pour la troisième fois en vingt ans, de répondre aux questions d’un de ses journalistes. Les deux premières fois, il s’agissait des nanotechnologies et de la tyrannie technologique ; cette fois de la 5G et du monde-machine.
L’article du Monde (« Protection de la santé, lutte contre le consumérisme… Pourquoi une partie de la gauche s’oppose à la 5G », 18/08/20 – à lire ici) vise essentiellement à valoriser les parasites et récupérateurs du type Piolle et Ruffin. Il n’était pas question que notre entretien paraisse in extenso. Raison de plus pour le publier nous-mêmes en ligne.

Article extrait et à lire sur : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1344

Nos lecteurs savent que nous ne faisons pas partie de la Société des Amis du Monde, l’organe central de la technocratie. Nous ne quémandons jamais la faveur d’une tribune dans ses pages « Débats », mais nous avons accepté pour la troisième fois en vingt ans, de répondre aux questions d’un de ses journalistes. Les deux premières fois, il s’agissait des nanotechnologies et de la tyrannie technologique ; cette fois de la 5G et du monde-machine.
L’article du Monde (« Protection de la santé, lutte contre le consumérisme… Pourquoi une partie de la gauche s’oppose à la 5G », 18/08/20 – à lire ici) vise essentiellement à valoriser les parasites et récupérateurs du type Piolle et Ruffin. Il n’était pas question que notre entretien paraisse in extenso. Raison de plus pour le publier nous-mêmes en ligne.

Le Monde : Comment expliquez vous l’opposition croissante à la 5G et que des partis de gouvernement se joignent à ce combat qui était encore marginal il y a quelques mois ?

Pièces et main d’œuvre : La 5G est la dernière vague de l’emballement technologique qui, depuis 50 ans, accélère l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine. Comme à chaque étape, une minorité refuse l’injonction à « vivre avec son temps », ainsi que la déshumanisation et la dépossession par l’automatisation.
Cette minorité – méprisée par la technocratie et ses porte-paroles médiatiques – s’est fait entendre plus que d’ordinaire à l’occasion du déploiement à marche forcée des compteurs-capteurs Linky. Nous avons animé des dizaines de réunions publiques à travers la France, réunissant des publics de plus de 100 personnes (avec des pointes à 300), même dans des villages, où s’exprimait ce refus du premier objet connecté imposé (voir ici). Si la presse nationale a longtemps ignoré ce mouvement démarré en 2016, puis l’a tourné en dérision (en gros, un mouvement de « ploucs » ignorants), une revue de la presse locale entre 2016 et 2019 donne un aperçu de l’ampleur et de l’intensité de ces débats avec des « gens normaux », non militants – d’abord surtout des retraités, puis de plus en plus de jeunes.
Après des années d’enquête sur la smart city, la ville-machine et la société de contrainte , nous, Pièces et main d’œuvre, avons été les premiers surpris par ce mouvement de fond. Lequel ne s’est pas arrêté avec le déploiement de Linky, mais a élargi sa réflexion au gaspillage énergétique de la société électrique, à la société-machine et à la 5G, indispensable à l’interconnexion des milliards d’objets connectés censés fonctionner à notre place.

Cette opposition s’enracine dans des décennies de contestation de la société industrielle – au moins depuis les luttes anti-nucléaires des années 1970, lorsque des dizaines de milliers de manifestants scandaient : « société nucléaire, société policière » (cf. Malville, 31/07/1977). Défense de la nature et de la liberté : les deux sont indissociables et se conjuguent également dans le refus du monde-machine et de la 5G. C’est qu’en cinquante ans, bien des esprits ont pu mesurer les dégâts du progrès technologique sur la nature et la liberté.

Les Verts d’EELV ont méprisé cette vague, avant d’en mesurer l’ampleur et de tenter de s’y raccrocher. Eric Piolle, maire EELV de Grenoble et ingénieur, tient un discours anti-5G opportuniste, en contradiction avec le soutien de sa municipalité et de la métropole aux projets de smart city et d’Internet des Objets, ou avec l’implantation sur son territoire d’un centre de recherche de Huawei, champion chinois de la 5G, dont les élus se félicitent (voir ici) . Ils ne sont pas écologistes mais technologistes, et comptent sur la « planète intelligente » interconnectée pour rationaliser/rationner les ressources résiduelles : c’est l’Enfer Vert .
Quant à la gauche, y compris le fakir Ruffin, elle tente de surfer sur la vague verte pour mieux la dévier vers son anticapitalisme foncier. Les centrales nucléaires, la cybernétique et la 5G, d’accord, mais « entre les mains des travailleurs » et du service public. Ils n’ont jamais renoncé au projet « CyberSyn » (Synergie cybernétique) du Chili socialiste d’Allende.

Notez que la base sociale de cette gauche progressiste et d’EELV, c’est la classe technocratique (ingénieurs, chercheurs, cadres, entrepreneurs, etc), qui n’a aucun intérêt à la remise en cause de l’organisation techno-scientifique du monde. Voilà pourquoi ses critiques de la 5G se bornent aux « risques sur la santé » et à la « fracture numérique ». Elle s’accommoderait fort bien d’une 5G « saine » et accessible à tous.
Quant à nous, nous ne voulons pas seulement supprimer les nuisances (écologiques et sanitaires), encore moins les « encadrer » à l’aide de « normes », mais combattre l’expansion du techno-totalitarisme.

Malgré les différences de fond que vous soulignez, les prises de positions des Verts ou de Ruffin peuvent-elles servir un discours et une méthode plus radicale comme celle que vous prônez ?
Subsidiaire : beaucoup de cadres écolos se réclament d’Ellul, est-ce du « braconnage » ?

Les oscillations d’EELV et des partis de gauche ne servent au mieux que de baromètre et de symptômes. Quand la température monte et que l’opinion prête l’oreille à la critique radicale des anti-industriels (alias luddites, naturiens, naturistes, décroissants, etc.), les politiciens arrivistes (type Brice Lalonde, Noël Mamère, Dominique Voynet, Dufflot-Placé, etc.), et les petits appareils récupérateurs (vous avez le carnet d’adresses), s’accaparent leurs thèmes pour les détourner au profit de leurs carrières personnelles et de leur projet technocratique collectif. « Green New Deal » (EELV), « planification écologique » (France Insoumise), « alliance rouge-verte », etc.
L’histoire du mouvement écologiste – c’est-à-dire anti-industriel – est criblée de ces pillages, déjà dénoncés en leur temps par Ellul et Charbonneau. Voyez Le Feu Vert. Autocritique du mouvement écologique de Bernard Charbonneau (1980) : « Le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition très minoritaire, dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra faire autrement. » Opinion partagée par André Gorz dans Ecologie et liberté (1977).

Les cadres Verts (Bové, Mamère ou le néo-maire de Bordeaux) qui se réclament d’Ellul le falsifient à temps plein – ne serait-ce qu’en prétendant exercer le pouvoir : « L’écologie n’a rien à gagner à se transformer en parti politique et à se livrer au combat électoral (…) Il manque aux écologistes une analyse globale du phénomène technique et de la société technicienne » (J. Ellul, P. Chastenet, A contre-courant. Entretiens (1994)).
Et encore : « Il faut radicalement refuser de participer au jeu politique, qui ne peut rien changer d’important dans notre société. Je crois que l’anarchie implique d’abord l’ »objection de conscience » (…) qui doit s’étendre à toutes les contraintes et obligations imposées par notre société. » (J. Ellul, Anarchie et christianisme (1988))
Ils sont « elluliens » comme Guy Mollet était « marxiste ».

Loin de servir nos idées – les idées écologistes – ces piratages politiciens sont un obstacle : ils brouillent les idées et embrouillent les esprits. Sur les nanotechnologies, que nous avons dès l’abord dénoncées (nous, Pièces et main d’œuvre) comme l’entrée dans le nanomonde et le transhumanisme (une rupture anthropologique, tout de même, que tout confirme à vitesse accélérée ), les Verts ont falsifié nos alertes et nos enquêtes pour les réduire aux sempiternels « risques sanitaires » et réclamer un encadrement de la pollution aux nanoparticules – tout en votant à Grenoble les délibérations pour la construction de Minatec (voir ici et ), premier pôle européen des nanotechnologies (inauguré en 2006). Ils nous expliquaient alors que « les gens seraient plus sensibles aux arguments de la santé et du coût financier ». Même calcul pour la 5G. Nous refusons ce mépris des « gens » : nous leur faisons confiance pour saisir le mouvement profond de machination de nos vies, de nos corps, du monde et de la société – dont ils se plaignent d’ailleurs chaque fois qu’on les écoute vraiment, avec patience et attention.

Quant à Ruffin, nous le connaissons assez pour jauger sa sincérité écologiste (voir ici). Après avoir défendu l’industrie du PVC (contre la fermeture de sites Arkema), productrice de cancers en masse chez les salariés et le voisinage de notre vallée du Grésivaudan, il est revenu à Grenoble soutenir l’usine Ecopla dont nous demandions la fermeture, en dépit des ravages que l’aluminium inflige aux vallées alpines et à leurs habitants depuis des décennies. Maintenant que monte la marée verte, notre surfeur tente de chevaucher la vague de la décroissance et d’embobiner les bonnes volontés au service de son fabuleux destin. Croire que sa notoriété et son chalutage médiatique serviraient la cause de la nature et de la liberté, reviendrait à confier au chasseur la défense du loup.

Voilà pourquoi nous n’avons jamais compté que sur nos propres forces, et sur celle de nos idées, pour exposer les motifs de notre insoumission au monde-machine. Et nombre de vos lecteurs le savent parce qu’ils les partagent plus ou moins : nos idées circulent de façon incomparablement large au regard de nos forces (enfin, de notre faiblesse), hors de toute organisation, de tout parti, de tout réseau d’influences, de toute connivence des mass media. C’est la vie.

Propos recueillis par Abel Mestre
août 2020

Lire aussi :

à la Une

La barbarie moderne

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal.

Texte de Eric LEMAITRE

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal. Ainsi il sera plausible avec l’aval du législateur d’introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal. En implantant L’embryon dans l’utérus d’un animal, les chercheurs espèrent ainsi développer des organes humains chez des animaux en vue d’une transplantation dans un corps malade. Ces organes pourraient être, en effet, prélevés pour être à nouveau greffés sur des patients humains malades. Il y invariablement dans l’avancée des progrès scientifiques encouragés par la loi, une coloration très humaniste pour nous faire avaler la pilule puis reléguer les opposants à ces lois mortifères, dans le camp de radicaux malfaisants, empêchant la marche du progrès transhumaniste.  

Notre époque assiste à une forme d’accélération de la déconstruction de l’homme ; le pire est le rapprochement d’une dissolution totale de ces civilisations, civilisations qui fuient vers le consumérisme, le nihilisme, l’eugénisme, le technicisme, ou le fondamentalisme. Il est frappant que dans ces périodes de crise, de relever la propagation de la violence, de l’empilement des maux qui viennent submerger les nations. Ouvrons le journal et c’est l’étalement de l’horreur qui se répand sur la terre. Même l’Europe à ses portes est en proie à des exactions et à des déchirements qui lui font craindre le pire. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020 à Reims, un quartier Rémois a été confronté à des violences urbaines, à des tirs de mortiers et à une série d’incendies, il n’y a pas eu de blessés, mais on relève comme une forme « d’ensauvagement[3] » généralisée de la société, une jeunesse qui transgresse tous les interdits et ne se prive pas de braver les lois, d’enfreindre la tranquillité des quartiers. Dans le même département et quelques jours plus tôt précédant les événements vécus à Reims, la ville de Saint-Dizier était également en proie à des tensions urbaines. L’année 2020 est ainsi traversée par des épisodes de brutalités, d’exactions parfois communautaires comme nous si nous vivions à une forme de dérèglement de la planète impactant toutes les dimensions sociales, comme climatiques ou sanitaires. Le monde en délogeant le Dieu du ciel et toutes ses lois a finalement engendré le lit de la « barbarie » en abandonnant les valeurs prétendues civilisationnelles et morales, les repères, les attaches, les piliers qui nous faisaient discerner le Bien et le Mal. L’occident au cours de son histoire s’est longuement, fait le chantre de la civilisation, en s’identifiant à ce processus des nations civilisatrices, considérant les autres nations comme primitives rassemblant des barbares, dans le sens d’êtres attachés à une vie archaïque, de personnes qui ne connaissent pas ou sont demeurées dans l’ignorance des références qui qualifient la civilisation. Le mot même de barbare était entaché par une notion d’inculture avant d’embrasser plus tard celui de cruauté, pendant longtemps le corollaire de la cruauté fut ainsi associé à celui de barbarie.   

Cette époque de relativisation qui caractérise les dernières décennies précédant le XXIe siècle, a accouché les idéologies les plus extrêmes, celles de déconstruire l’homme, en enfantant les lois les plus radicales, l’aliénant. Ce constat contemporain nous renvoie plusieurs millénaires en arrière à ce récit de la Genèse qui depuis la chute de l’homme, cette rupture avec Dieu est entrée dans un cycle de violence. Cycle qui commença avec Caïn : ce dernier assassine son frère. Pourtant, Dieu entend casser ce cycle pour ne pas engendrer des générations de meurtriers ; Il protège Caïn comme la manifestation d’un premier signe de sa grâce. La violence telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse, est devenue l’un des maux qui couronne les autres calamités traversant l’humanité. Mais qui en est responsable ? La Bible déclare que toute chair porte cette responsabilité : c’est le commentaire extrait du livre de la Genèse au chapitre 6, verset 11. « Toute chair est corrompue, la terre s’est remplie de violence ». La violence ne résulte pas ainsi et en soi d’une catégorie d’hommes. Intrinsèquement et structurellement toute chair porte en elle cette dimension de corruption et de violence qui en représente l’aboutissement. La violence est quelque part destructrice et les traumatismes l’accompagnant, dévastateurs. La violence est autant du fait d’individus que d’organisations ou d’états. Avortements, crimes, terrorisme, génocide constituent les illustrations de la violence menée à son paroxysme, et ce à différentes échelles, de l’individu à l’état. La violence demeure une forme de corollaire de la barbarie. Les sociétés violentes sont imprégnées d’une forme de nihilisme de la pitié, une contre-humanité. La violence, est-elle lors la traduction de la barbarie ou le retour à la barbarie primitive ? La dimension même de la barbarie est devenue une expression qui a été au cours des dernières années, utilisée à de nombreuses reprises par les médias et sur réseaux sociaux, pour évoquer la cruauté de l’Etat Islamique (L’EI), la monstruosité, l’inhumanité d’hommes qui sous couvert d’une idéologie s’emploie à imposer une conception religieuse et ultra-légaliste de leur monde au mépris des cultures, des valeurs, des croyances d’autres peuples, d’autres humains.

L’expression de cette barbarie brutale, atroce secoue l’entendement et les consciences à l’aune d’un XXIe siècle en proie à de profondes mutations culturelles, sociétales, écologiques, politiques. Siècle soudainement secoué par des images féroces qui traduisent l’insensibilité et la bestialité d’hommes qui s’excluent du coup du genre humain, tant les actes commis nous font horreur, abîment et blessent l’image même de l’homme lui-même image de Dieu, d’un Dieu compassionnel. Le mot barbare ou d’autres mots similaires reviennent sur toutes les lèvres, mais les mots mêmes sont impuissants et révèlent parfois leurs limites. L’emploi du mot barbare couvre comme nous l’avions déjà rappelé deux notions que déclinent la cruauté et l’archaïsme. Cette cruauté est devenue une forme même d’inculture poussée à son paroxysme, mais associée le plus souvent à l’archaïsme. Pourtant, l’absence de culture n’a pas toujours caractérisé ceux que l’on qualifiait de barbares. Contrairement à l’idée reçue la Barbarie n’est pas systématiquement l’inculture L’histoire récente, nous renvoie ainsi et pour mémoire à l’idéologie nazie, où certaines figures cruelles de cette idéologie inhumaine ont été éprises de cultures. Ces mêmes nazis ont porté au pinacle des œuvres qui ont marqué l’humanité, voire jusqu’à les protéger. Le savoir civilisé, soi-disant policé de l’Europe n’engendra-t-il pas d’une certaine manière un monstre, le monstre lui-même célébré par le philosophe Heidegger qui ne se dissimula pas, de partager les thèses nazies. Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » nous évoque avec stupeur un paradoxe sur la culture anthropologique : Le plus barbare n’est pas nécessairement celui que l’on se figure. Ainsi le plus sauvage n’est pas nécessairement celui que l’on a coutume de caractériser à l’aune de nos constructions culturelles et des représentations de notre civilisation qui impactent et influent ces mêmes représentations. Le cannibalisme n’est pas ainsi l’exclusivité ou l’apanage des hommes que l’on qualifie habituellement de primitifs, une forme de « cannibalisme » peut aussi caractériser les civilisations dites les plus avancées. Dans sa vision critique, Montaigne juge en évoquant sa propre civilisation que les cannibales du royaume s’avèrent bien plus barbares que ceux du royaume des cannibales. « Les cannibales du royaume sont spécialistes en trahison, tyrannie, cruauté et déloyauté, accusant les « barbares » d’attitudes qui se révèlent pourtant moins graves que les leurs, et ceci sans démarche d’introspection. » Pour poursuivre son analyse Montaigne juge les guerres de religion notamment l’inquisition et fait valoir qu’elles ne sont pas plus civilisées que les rituels d’anthropophagie des cannibales, « mangeurs de chairs humaines ». La barbarie participe d’une forme d’aliénation de l’être humain comme différence. Nous osons en effet aborder la notion de barbarie comme l’expression même de la violence, une violence qui est le mépris de l’autre, de l’humain, le mépris de la différence, une violence qui est tout simplement la négation de l’autre, l’aliénation de l’être humain comme l’expression de la diversité. La barbarie qui est une forme de puissance aliénante est une façon de gommer les disparités, d’imposer une forme de totalitarisme nivelant les autres au nom même d’une croyance, d’une idéologie. Il faut alors exécuter le bouc émissaire qui porte en lui ce que je hais comme symbole de l’altérité ou de la dissemblance. L’eugénisme est en soi une forme de barbarie, quand elle dicte qui doit vivre ou est digne d’être. La barbarie se traduit ainsi par une forme totalitaire de rejet absolu, une stigmatisation des populations voire même des êtres parmi les plus vulnérables, les plus fragiles, une exclusion violente de l’être humain dans ce qu’il peut incarner à travers son histoire, son identité, sa croyance, sa naissance, ses infirmités, son handicap. Comme l’exprime Fabrice Hadjad dans le livre la foi des démons, cette forme de barbarie atroce « gît dans le mal et a l’angoisse du bien ».

Le monde occidental a coutume de pointer la barbarie des autres civilisations, mais sa civilisation n’est pas en soi exempte d’en porter également les germes ou même de manifester les symptômes d’une société mortifère. Je reprends ici l’intégralité d’un texte écrit par Fabrice Hadjadj  : « Après Auschwitz et Hiroshima : le pire de notre époque est l’imminence de la destruction totale. Peut-on encore parler d’un Dieu bon et puissant ? S’il est bon, il est faible, vu qu’il n’a pas pu empêcher la catastrophe (position de philosophe juif Hans Jonas). Mais dans ce cas, si Dieu n’est plus celui qui intervient dans l’Histoire, Hitler n’a-t-il pas détruit le Dieu de la Bible ? Si la religion de David est invalidée, il ne reste plus que le culte de la Shoah. C’est ce que reproche Benny Lévy à ses frères lorsqu’il les accuse d’avoir fait une idole d’Auschwitz. Ce qui interroge avec la Shoah et le Goulag, c’est la forme prise par le mal, sa banalité comme dit Hannah Arendt.Ces destructions ne sont pas le fruit d’un accès de rage barbare, mais d’une froide planification pour obéir à de prétendues lois de l’Histoire ou de la nature. Ceci démontre que l’idéologie du progrès mène à la catastrophe et que le libéralisme a engendré d’une manière indéniable le totalitarisme, ils éprouvent la même volonté d’exploitation de l’homme. A cela s’ajoute la possibilité pour l’homme d’anéantir l’espèce humaine. La spécificité de la crise actuelle et notamment de la pandémie est la conscience de notre disparition probable, pas seulement en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’espèce. « L’humanisme a fait long feu et les lendemains ne chanteront pas ».La barbarie occidentale de la prétendue civilisation, est de la sorte un anti prochain une forme de contre idéologie de l’amourLa Barbarie est en soi la manifestation possible d’une puissance démoniaque en ce sens qu’elle est une haine de l’autre, le contraire de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il est parfaitement concevable de supposer une volonté démoniaque d’être le contre-pied de l’amour du prochain : L’amour du prochain dans toute sa dimension relationnelle est à combattre dans la pensée qui incarne « le monde de demain », il ne saurait faire sens. Combien de religions se sont finalement fourvoyées y compris celles d’inspiration chrétienne en occultant le message fondamental qui est l’amour de l’autre, un amour de l’autre qui est sans condition. L’amour de l’autre est en effet sans dogmatisme, sans hypocrisie, c’est un amour christique. « Tu aimes ton prochain » dans ce qu’il a de différent. Ce qui ne plait pas en lui y compris sa vulnérabilité insupportable, ne doit pas nous conduire l’avorter[4] ou à le supprimer, même sous prétexte même d’humanisme.Le livre d’Ézéchiel évoque la violence du Prince de Tyr rappelant qu’initialement il siégeait auprès de Dieu « Tu as été intègre dans tes voies, depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. Par la grandeur de ton commerce, tu as été rempli de violence, et tu as péché ; Je te précipite de la montagne de Dieu, Et, je te fais disparaître, chérubin protecteur, Du milieu des pierres étincelantes. » Ezéchiel 28 : 11-15 ». L’expression « tu as été rempli de violence », d’une certaine manière orchestre l’influence qu’exerce Satan dans le monde faisant de l’humanité empreinte divine, l’ennemi à abattre.Ce constat de cette violence envers la notion du prochain a été décrit par le philosophe espagnol Ortega qui dépeint un autre trait de la barbarie à travers la haine, « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel – non pas un assassinat qui se fait d’un coup ; haïr, c’est assassiner sans relâche, effacer l’être haï de l’existence ».Un étudiant posa un jour cette question à Hannah Arendt « pourquoi appelez-vous « crime contre l’humanité un crime contre le peuple juif ? », elle répondit : « parce que les Juifs sont d’abord des hommes ». Je crois tout simplement que Hannah Arendt résumait parfaitement le propos que nous souhaitons défendre : la Barbarie ne s’inscrit pas comme un crime contre un groupe, une entité ou une catégorie d’hommes, c’est avant tout un crime contre l’homme. Les barbaries que nous dénonçons, en témoignant au cours de nos veillées, sur les places publiques où nous nous rassemblons, sont la manifestation de notre attachement à l’être humain, à tout l’être humain. C’est pourquoi nous sommes aussi solidaires à nos frères non seulement chrétiens, mais tous ceux qui doivent souffrir au nom de leur foi, de leurs croyances. Cette expression de l’amour est aussi pour les plus vulnérables, les plus fragiles, les enfants, ceux qui sont à naître également, les plus âgés également, les plus dépendants parmi eux.Dans cette revue de l’humanité haïe pour des raisons d’identité, Hannah Arendt inscrit le problème du mal radical advenu avec la Shoah dans la perspective de l’universalisme humain.

La nouvelle Barbarie occidentale est un habillage humaniste. Le barbare n’est pas seulement l’expression d’une violence d’un individu, ou d’un groupe d’individus, elle peut résulter d’une organisation qui peut habiller sa barbarie en la justifiant de concepts humanistes. Comme nous l’avons par ailleurs rappelé, la notion même de barbarie n’est pas nécessairement l’antithèse de la civilisation. La barbarie peut être le produit de la civilisation, Montaigne ne dit pas autre chose. Notre civilisation, n’est-elle pas entrée dans une crise profonde. Cette crise qui annonce une forme de délitement des valeurs morales peut générer comme le décrit Montaigne « le cannibalisme du Royaume » de nouvelles violences non nécessairement produit par les fanatismes religieux, mais par des dogmatismes idéologiques, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le marxisme-léniniste, le nazisme. Il est étrange que l’Europe démocrate qui a combattu les idéologies barbares caresse aujourd’hui les idéologies mortifères, malthusiennes qu’elle voulait combattre jadis.  Comme me le partageait un ami « Nous, dénonçons, à juste titre, la barbarie de certains fondamentalistes musulmans, mais que leur répondre quand, à leur tour, ils dénoncent la barbarie de certaines pratiques occidentales comme celle consistant à aspirer l’enfant dans le ventre de sa mère, comme c’est le cas lors d’un avortement ? Cet acte est-il plus « digne » que l’excision que nous dénonçons chez eux… ». Mais nous le réécrivons : rien ne vient gommer ou légitimer tout acte de violence, et ce, quelle que soit la culture qui la promeut, occidentale ou non. Cette civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudents sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des « leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète ». Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie (Génocide, camps de concentration, Euthanasie, Eugénisme, les Lebensborn …), mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer les lois mortifères du Nazisme, ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain et n’ose qualifier par exemple de barbarie l’atteinte à l’enfant conçu dans le ventre d’une mère ou l’eugénisme en sélectionnant l’enfant à naître si ce dernier correspond aux dimensions normatives de la société occidentale. La GPA qui tôt ou tard sera adoptée après la PMA (commençons par habituer l’opinion) réintroduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs l’actualité ne l’a-t-elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfants ? La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera demain le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s’il n’est pas « conforme » aux normes en vigueur, comme on l’a déjà vu par le passé.

Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement « économiques ». L’avortement (quoi de plus barbare qu’un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n’a pas le choix ?), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême le « queer » (qui conduira comme nous le développons plus loin à une sexualisation de l’enfance s’il est vrai que l’identité sexuelle est déconnectée de tout rapport au « corps sexué »), tout cela témoigne alors d’une plongée dans la barbarie. Ainsi la « Queer theory » de Judith Butler, fait du travesti la norme moderne venant se substituer à l’hétérosexualité, déconstruite comme pure convention sociale, et dont on peut craindre qu’elle ne conduise, à terme, à cautionner des pratiques comme celles de la pédophilie puisque si le « corps sexué » ne signifie plus rien, il ne faudra bientôt plus attendre la puberté pour admettre une forme de « sexualité » aux enfants et abuser d’eux sous couvert d’un consentement qu’il leur sera bien difficile de refuser aux adultes, comme l’a illustré une affaire récente en Italie ». C’est sûr que c’est assez crû, mais mieux vaut prévenir et alerter que guérir ! Comme nous l’avons écrit à propos et à l’instar de Montaigne, la barbarie n’est pas l’apanage des seuls extrémistes, la barbarie des civilisés, des cols blancs peut s’avérer aussi abject que la barbarie des fondamentalistes qu’elle condamne. Nous condamnons explicitement ces deux barbaries, ces deux tyrannies qui aliènent l’être humain. Sans oublier que les incivilités les plus insignifiantes sont les premiers pas vers la barbarie. Or, qui parmi nous pourrait affirmer qu’il est exempt de toute ignominie, qu’aucune flétrissure ne l’a jamais atteint ? Les Écritures (la Bible) évoquent que toute chair est corrompue et que nous portons tous des germes de barbarie.

Mais face à la barbarie occidentale, faut-il encourager la bienveillance ou dénoncer l’iniquité de ces lois mortifères ? Face à la barbarie, la prière évoquée dans le Psaume 63 respectivement aux versets 10-12 : « Qu’ils aillent à la ruine ceux qui en veulent à ma vie ! Qu’ils rentrent dans les profondeurs de la terre ! Qu’on les passe au fil de l’épée… » ne revêt-elle pas une forme de légitimité ? N’y-a-t-il pas une forme d’imprécation angélique que d’en appeler à aimer malgré tout, ses ennemis ? Mais ne serions-nous pas les reflets, les miroirs des barbares que nous accusons ? Mettons fin cependant au cycle de la violence ! Face à la barbarie, la vengeance (se faire justice) est d’emblée totalement inadaptée ; elle serait même amplificatrice de la cruauté. La réponse adaptée est celle de la justice (rendre justice), une réponse pour mettre fin au cycle de la violence. La justice est un principe moral qui relève même d’une dimension de transcendance ; elle fait appel à des valeurs universelles. Enclencher la guerre, déclarer la guerre pour mettre fin à la guerre, à la barbarie, nous comprenons que cela fut légitime au cours de notre histoire ; c’est la tentation de toujours, c’est cette logique de pensée qui a amené le déluge. Le déluge est décidé par Dieu, mais il ne résout en réalité rien. La pédagogie du déluge, s’est avérée inadaptée, inefficace, le mal est sans doute beaucoup plus grave et nécessite une transformation volontaire et non une destruction subie de l’homme. Lisons cette déclaration étonnante dans le livre de Genèse « Je ne recommencerai plus à maudire le sol à cause de l’homme, car le produit du cœur de l’homme est le mal, dès sa jeunesse. Plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ! ». Dieu décide d’abolir à jamais le déluge et envoie le signe d’un arc-en-ciel qui annonce la fin de toute destruction. L’arc en ciel préfigure la croix qui annonce le pardon et par son pardon, la transformation de l’homme. Voilà la justice de Dieu, le choix de Dieu de sauver l’homme, malgré la barbarie, le cœur corrompu, la violence de son âme. Dieu choisit le salut de quiconque afin que celui qui croit ne périsse pas (Jean 3 : 16). Pour conclure, comment ne pourrais-je pas penser à cette conclusion de ce texte admirable écrit en 2014 par Natalia TROUILLER « Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué…. » « L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai revu quelques jours après être rentrée, sur une photo entourée de roses envoyée par ses parents : c’était sa dernière image vivant, souriant, beau, endimanché. Il avait été coupé en deux par un tir de mortier lors de la prise de Qaraqosh. L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai cherché, pleine d’angoisse, parmi les centaines de photos prises là-bas pour savoir s’il était de ceux qui ont ri avec moi – la réponse importe peu. L’enfant que j’ai vu en Irak, j’ai reçu la photo de lui, coupé en deux avec du sang partout, envoyée par un djihadiste sur mon compte Twitter. Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué. »

Cette prière qui semble insignifiante est finalement celle qui a le pouvoir de mettre fin au cycle de la barbarie. Et si nous osions finalement répondre à l’appel de Jésus, aimer nos ennemis.  Matthieu 5.43-45 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.… »


[1] En des termes édulcorés Les députés ont adopté un amendement pour clarifier le fait que la « détresse psychosociale » peut être une cause de « péril grave », justifiant une interruption médicale de grossesse.

[2] Expression reprise de l’archevêque de Paris, Michel Aupetit lors d’une interview accordée à France Info.

[3] Ensauvagement : Terme utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité.  

[4] Une grossesse sur cinq environ aboutit à une IVG. Source : L’avortement en chiffres [FRED DUFOUR / AFP]

à la Une

L’intelligence artificielle, une expérience énergivore

Les systèmes d’intelligence artificielle « consomment beaucoup d’énergie et peuvent générer des volumes importants d’émissions de carbone contribuant au changement climatique ». A titre d’exemple, une étude a montré que les expériences nécessaires à la construction et à l’apprentissage d’un système de traitement du langage par intelligence artificielle peut générer plus de 35 tonnes d’émissions de CO2, soit « deux fois les émissions d’un Américain moyen pendant toute sa vie ». Face à ces enjeux, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford, Facebook AI Research, et de l’université McGill « a mis au point un outil facile à utiliser qui mesure rapidement la quantité d’électricité utilisée par un projet d’apprentissage machine et la quantité d’émissions de carbone que cela représente ».

synthèse de presse bioéthique
06 Juillet 2020 Transhumanisme

Les systèmes d’intelligence artificielle « consomment beaucoup d’énergie et peuvent générer des volumes importants d’émissions de carbone contribuant au changement climatique ». A titre d’exemple, une étude a montré que les expériences nécessaires à la construction et à l’apprentissage d’un système de traitement du langage par intelligence artificielle peut générer plus de 35 tonnes d’émissions de CO2, soit « deux fois les émissions d’un Américain moyen pendant toute sa vie ». Face à ces enjeux, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford, Facebook AI Research, et de l’université McGill « a mis au point un outil facile à utiliser qui mesure rapidement la quantité d’électricité utilisée par un projet d’apprentissage machine et la quantité d’émissions de carbone que cela représente ».

« Il y a une forte poussée pour augmenter l’apprentissage machine afin de résoudre des problèmes de plus en plus importants, en utilisant plus de puissance de calcul et plus de données », déclare Dan Jurafsky, titulaire de la chaire de linguistique et professeur d’informatique à Stanford. « Dans ce contexte, nous devons nous demander si les avantages de ces modèles de calcul intensif valent le coût de l’impact sur l’environnement ». Ainsi, « les systèmes d’apprentissage machine développent leurs compétences en exécutant des millions d’expériences statistiques 24 heures sur 24, en affinant constamment leurs modèles pour effectuer des tâches. Ces sessions de formation, qui peuvent durer des semaines, voire des mois, sont de plus en plus gourmandes en énergie ». « Et comme les coûts ont chuté tant pour la puissance de calcul que pour la gestion de quantités massives de données, l’apprentissage machine est de plus en plus répandu dans les entreprises, les gouvernements, les universités et la vie personnelle. »

Afin d’obtenir une mesure précise de ce que cela signifie en termes d’émissions de carbone, « les chercheurs ont commencé par mesurer la consommation d’énergie d’un modèle d’intelligence artificielle particulier ». Une tâche « plus compliquée qu’il n’y paraît, car une seule machine entraîne souvent plusieurs modèles en même temps, de sorte que chaque session d’apprentissage doit être démêlée des autres. Chaque session d’apprentissage consomme également de l’énergie pour les fonctions communes, telles que le stockage des données et le refroidissement, qui doivent être correctement réparties. » Puis, il faut traduire la consommation d’énergie en émissions de carbone, qui dépendent du mix énergétique utilisé pour produire l’électricité. Un mix qui « varie considérablement en fonction du lieu et du moment de la journée ». Les chercheurs ont estimé que « la tenue d’une session en Estonie, qui dépend en grande partie de l’huile de schiste, produira 30 fois plus de carbone que la même session au Québec, qui dépend principalement de l’hydroélectricité ». Ce qui conduit les chercheurs à recommander de « déplacer les sessions d’apprentissage vers un lieu alimenté principalement par des sources renouvelables ».

Et « les chercheurs ont constaté que certains algorithmes d’apprentissage machine sont plus gourmands en énergie que d’autres ». Quand il n’est pas pertinent de déplacer le travail pour réduire les émissions, « comme pour la navigation en voiture, car de longues distances entraînent des retards de communication, de la « latence » », il serait néanmoins possible « de définir le programme le plus efficace comme paramètre par défaut lors du choix de celui à utiliser ».

« Avec le temps il est probable que les systèmes d’apprentissage machine consomment encore plus d’énergie en production que pendant la phase d’apprentissage, juge Peter Henderson, doctorant en informatique à l’université de Stanford et auteur principal de l’étude. Mieux nous comprenons nos options, plus nous pouvons limiter les impacts potentiels sur l’environnement. »

Pour aller plus loin :

Intelligence artificielle : la conquête d’un marché du corps humain
Sources: 

Tech Xplore, Stanford University (03/07/2020)

à la Une

L’hommage

n l’espace de cinquante ans, le monde médical a connu un véritable chamboulement, bouleversement. Plus de bureaucratie, de technologie, moins de temps consacré aux patients car l’efficacité doit primer sur la dimension relationnelle. Puis en quelques jours au cours de ce mois de mars, le monde hospitalier français a fait face au choc de l’afflux des cas sévères de coronavirus. Sans doute que ce sont toutes les règles technologiques, administratives qui ont été bousculés, chamboulés. Bien-entendu l’hôpital a engagé de nouvelles procédures sanitaires pour protéger son personnel soignant, comme ses malades. Mais cette période de tsunami pour l’hôpital notamment au sein des régions les plus impactées a été vécu comme un véritable choc humain et l’expression de Patrick Pelloux médecin urgentiste était loin d’être démesurée « L’hôpital était à genoux, on nous demande d’être debout pour sauver la France. On le fait, mais c’est un combat incroyable ». Mais ce qui a prévalu dans ce combat titanesque engagé par l’hôpital fut sans aucun doute le dévouement des personnels soignants, le courage, la vaillance de ces milliers et milliers de soignants incluant également ceux que l’on qualifie de « petites mains[1] » mais qui furent les mains valeureuses, courageuses, intrépides de l’hôpital

Auteur

Eric LEMAITRE

Niveau accessibilité lecture :

Note : 2.5 sur 5.

En l’espace de cinquante ans, le monde médical a connu un véritable chamboulement, bouleversement. Plus de bureaucratie, de technologie, moins de temps consacré aux patients car l’efficacité doit primer sur la dimension relationnelle. Puis en quelques jours au cours de ce mois de mars, le monde hospitalier français a fait face au choc de l’afflux des cas sévères de coronavirus. Sans doute que ce sont toutes les règles technologiques, administratives qui ont été bousculés, chamboulés. Bien-entendu l’hôpital a engagé de nouvelles procédures sanitaires pour protéger son personnel soignant, comme ses malades. Mais cette période de tsunami pour l’hôpital notamment au sein des régions les plus impactées a été vécu comme un véritable choc humain et l’expression de Patrick Pelloux médecin urgentiste était loin d’être démesurée « L’hôpital était à genoux, on nous demande d’être debout pour sauver la France. On le fait, mais c’est un combat incroyable ». Mais ce qui a prévalu dans ce combat titanesque engagé par l’hôpital fut sans aucun doute le dévouement des personnels soignants, le courage, la vaillance de ces milliers et milliers de soignants incluant également ceux que l’on qualifie de « petites mains[1] » mais qui furent les mains valeureuses, courageuses, intrépides de l’hôpital.  C’est ce témoigne qui nous a été rendu de vive voix par Anne qui au cours d’un reportage photo[2] au sein du service COVID, témoigne à la fois de la sérénité des personnels hospitaliers, de la cohésion des équipes médicales, et du dévouement incroyable pour chaque patient. Anne fut frappée par cette qualité qui touche à toute la dimension de l’attention portée auprès de chaque malade, d’un déploiement d’humanité et de solidarité entre les personnels. Ce n’est pas un portrait idéal qui est ici donné de l’hôpital mais un hommage à l’humanité d’un monde vivant qui prend soin de personnes atteintes par l’infection d’un virus redoutable qui épuise les personnes les plus fragiles. Peut-on encore imaginer qu’un tel déploiement d’énergie aurait été plus efficace si ces personnels avaient été secondés par une cohorte de robots et de machines, dans des temps où l’on parle de restructuration des hôpitaux, d’efficience apportée par la technicité d’engins artificiels dont on attend le relais auprès du corps médical. Cette chronique n’a d’autre but que de rendre hommage à ces hommes et ces femmes vêtus de blouses blanches ou de blouses bleues, nous qui étions en quelque sorte dans nos cabanes ou nos chaumières bien au chaud, alors que tous ces personnels et ces amies comme Lucia, Aline, Anguette, livraient un combat épuisant contre la maladie. Mais c’est non seulement à eux que je rends hommage mais à toute cette médecine qui a imprimé la mémoire de mon enfance, comme celle que j’ai pu observer lors de mes visites à l’hôpital au chevet de quelques amis.

Aussi loin que remontent mes souvenirs d’enfant, je me remémore les passages fréquents de notre médecin de famille, toujours attentionné à notre égard, un homme marqué par la bienveillance et qui avait fait de son métier un authentique sacerdoce que partageaient également d’innombrables médecins de sa génération. Cet homme avancé en âge, que nous appelions « Docteur » était pour nous, bien plus qu’un médecin, il était selon moi le témoin d’une époque marquée par le dévouement, l’altruisme, le service aux autres. Dans son vieux tacot, il sillonnait le jour et parfois la nuit, les routes pas toujours goudronnées de nos campagnes, pour les petits soins, nos angines jusqu’aux contagions plus sérieuses ou maux plus sévères.

Nous n’appréhendions pas sa visite, elle était plutôt rassurante, il donnait autant d’importance à la qualité de son diagnostic et son ordonnance qu’à toute sa dimension relationnelle, qui faisait de lui et auprès de mes parents, le médecin de famille. Ce vieux médecin incarnait l’image que je me faisais des soignants incluant ici l’ensemble du corps médical, ces personnes qui ont fait de leur métier une vocation, un sacerdoce celle de prendre soin de l’homme et de tout l’homme. Il me semblait à l’époque que l’on rentrait en médecine comme en rentre en religion, il fallait ressentir un appel, une vive inclination, une forme de mission pour embrasser ce métier, cette mission aujourd’hui a été embrassée par l’ensemble du corps médical nous révélant une abnégation et un esprit d’une réelle diligence, une diligence vraiment, impressionnante envers les malades du covid19. Enfant je ne m’imaginais pas qu’il fallait également autant de courage, pour s’affronter à l’armée des microbes, braver la légion des bactéries, et mener cette lutte impitoyable contre ces micro-organismes qui venaient générer fièvres ou boutons, affaiblir notre corps au point parfois de menacer son existence. Ce médecin de famille, celui de mon enfance, me semblait être une forme de héros, toujours prêt à se rendre disponible. Jamais, il ne renonçait à ses rendez-vous ou prétextait ne pas avoir le temps ou dire à ma mère, « ne vous inquiétez pas, il guérira tout seul » ! Non, notre « Docteur » faisait volontiers un détour, il passait à la maison, notre domicile prenait son stéthoscope pour écouter les battements de notre cœur ou les sifflements de nos poumons ; puis il enchainait en déclamant son diagnostic, mais mieux, il avait le remède pour nous soigner et les mots pour mettre fin à nos maux, à nos tourments d’enfants déjà démunis face à la maladie et ce qu’elle avait comme capacité à laminer notre énergie, à amoindrir notre « hyperactivité ».

Voilà l’image de mon enfance, celle de ce vieux médecin de campagne, un brin paternaliste, soucieux de l’autre, homme de relation sachant embrasser le corps comme l’âme de ses patients. Évoquer pour moi ce vieux médecin de famille me renvoie à cette société avant cette pandémie, qui était devenue comptable du temps, bureaucratique, matérialiste et technologique. Or le vrai sens de la vie se trouve peut-être dans l’intimité affective et la chaleur de la réassurance, des relations que l’on engage avec le patient, ce rapport dévoué avec l’entourage du malade pour prodiguer de l’attention et du conseil. L’image relationnelle que renvoie ce médecin avec ses patients allait bien au-delà d’un bilan méticuleux, il avait le souci de l’entourage familial, savait prendre le temps de l’écoute, mais ne pressait pas le pas pour dérouler sa journée. L’homme ne s’arrêtait pas au corps, il écoutait aussi l’âme de ses patients, il ne réduisait pas le corps à une mécanique qu’il fallait coûte que coûte réparer, il fallait traiter l’être dans sa complétude. Soigner n’était pas pour celui que l’on nommait « Docteur », seulement l’affaire d’une prescription d’un dopant, d’un sirop ou autre breuvage.   Ce médecin considérait son patient et non son client dans toute sa dimension ontologique, c’est-à-dire comme un être, un sujet, mais il n’occultait pas le corps, et cette préoccupation qui lui permettent de juger le patient comme un être unique, et en même temps, les symptômes comme signes pathognomoniques.

50 années plus tard, l’enfant que je fus, n’a pas au moment présent, de perceptions altérées concernant cette médecine proche du patient, de ces médecins, infirmières et aide-soignants, soucieux du confort, du bien-être de leurs patients. Effectuant aujourd’hui de nombreuses visites de patients hospitalisés, je songe notamment à cet ami de 47 ans qui est un habitué des hôpitaux, cet ami que j’appellerai ici Fred est confronté à une grave pathologie qui l’a conduit dans ces dernières années à passer davantage de temps dans une chambre d’hôpital qu’au sein d’une maisonnée. La maisonnée de Fred, si le terme maison convient, est « habitée » par la précarité, l’insalubrité, des conditions de vie qui sans aucun doute ont une relation de cause à effet sur sa santé. Longtemps je fus surpris tout comme un autre ami qui le suit, que l’hôpital ne traite sérieusement ses problèmes récurrents de récidive touchant à sa santé. Cette santé fragilisée notamment par son obésité et cette maladie respiratoire qui l’ont amené à connaitre, des pertes de connaissances, des syncopes répétées.

J’avais durablement le sentiment que nous étions confrontés à cette médecine qui devait obéir à des règles de gestion, subissant l’étau de la rationalité financière, des pressions croissantes pour fournir des soins minimums, réduire les temps d’attente avec des ressources limitées, mais une médecine qui n’avaient pas pris la mesure de couvrir l’ensemble des problèmes affectant la vie de mon ami Fred. Pourtant un professeur de médecine est sorti de cet étau comptable, du cadre médical, de son périmètre de spécialiste démêlant l’écheveau formé par toutes les données biologiques et cliniques, et leur application au cas de Fred. Ce professeur de médecine s’est employé à s’intéresser non seulement au corps de son patient, mais à l’être humain, à ses conditions de vie, à son entourage, à sa maison. Fred a été affecté à son service et une vraie mobilisation s’en est suivie, entrainant l’ensemble du service et tout le personnel à remédier aux problèmes qui perturbaient la santé de Fred. Ce professeur de médecine a finalement sauvé la vie de Fred, qu’en serait-il aujourd’hui pour Fred si ce médecin n’était pas intervenu, ne s’était pas engagé auprès de son patient. Fred n’aurait certainement pas survécu à ce virus létal du fait de troubles aigus et chroniques concernant sa santé.

Ce professeur de médecine du CHU de Reims, me fit songer finalement à notre médecin de famille, à cette dimension qui touche à l’intelligence relationnelle qui embrasse la vie du malade et cette vie qui ne se réduit aux symptômes que renvoie le corps qui n’est finalement que le réceptacle plus large d’un enchevêtrement complexe fait d’ambiances et de conditions de vie. Fred est aujourd’hui sur un chemin de renaissance, perdant du poids, respirant mieux, il est aujourd’hui quasiment guéri. Et sur ce chemin, Fred aura toujours besoin de soutien, celui des infirmières et des aide-soignants, du pasteur Christian qui l’entoure de toute son affection fraternelle. Le professeur de Médecine s’est finalement gardé d’abandonner Fred à sa seule autonomie et sa vulnérabilité de malade, ce professeur s’est soucié avant tout d’un être humain, de sa dignité de patient. 

S’il existe des ilots d’une médecine garante de la qualité relationnelle à offrir aux malades, la médecine change pourtant, parce que le monde change, traversé par ses transitions plurielles que viennent afficher les nouvelles normes sociétales, les nouvelles sociologies, l’envahissement de la sphère administrative et la dimension technologique qui rendent les rapports médecins et patients infiniment plus complexes qu’ils ne l’avaient été dans les années 60, celles de mon enfance.   Les questions autour du monde des soignants se posent déjà et sont multiples à l’aune d’un déconfinement, celles du poids que revêt une bureaucratie de plus en plus lourde et qui viennent entacher les rapports avec le malade réduisant ainsi le temps donné à l’âme et la consacrer davantage au corps malade. Le malade n’est pas juste une mécanique qu’il conviendrait de réparer, un patient qui se voit attribuer une identité que lui donne une carte de sécurité sociale, non le malade reste un être dans toute sa singularité et sa fragilité. Mais les temps changent et les mutations sont innombrables, les relations avec le monde médical nous conduisent à de nouveaux paradigmes, celles de l’efficience médicale, celle de la culture technologique qui construit la médecine du futur ou oserais-je dire transhumaniste, celle de la rentabilité, des quotas de patients imposés aux médecins sous peine d’une baisse de leur rémunération. Mais au-delà de ces constats, c’est également le rapport au malade qui s’en est trouvé bouleversé, il fallait aussi reporter l’implication sur le malade, le conduire à s’auto déterminer, prendre ainsi toutes les précautions pour amener davantage d’autonomie, de prise de responsabilité chez la personne souffrante, ce qui n’est pas en soi une détérioration de la relation patient et médecin, mais en revanche peut conduire à rejeter toute la dimension de la décision médicale sur le patient. De tels contextes risquent alors d’entretenir chez le bureaucrate une forme d’indifférence à l’égard du devenir du patient. Une indifférence qui tendrait à s’accentuer avec l’avènement d’une technoscience qui s’en remettrait au pouvoir de la machine toute puissante pour assister le médecin dans le diagnostic focalisé sur le seul corps du patient. Une technoscience dont on pourrait souhaiter l’accélération pour engager des économies d’une médecine qui coûte cher, de plus en plus cher alors que la promesse a été d’insister que la santé même si elle a un coût, n’a pas de prix  

Deux ans plus tôt, en 2018, je fus convié à participer à une journée de réflexion sur les projets de la loi bioéthiques, plusieurs groupes de travail avaient été organisés autour de nombreuses thématiques, j’avais choisi pour ma part la thématique orientée sur la médecine augmentée qui aborde entre autres l’avènement de l’intelligence artificielle. D’emblée, j’ai ressenti à la fois une vraie convergence de questionnements entre les participants de cette table ronde, comme une méfiance partagée vis-à-vis d’une robotisation susceptible demain d’envahir toutes les sphères de la médecine et le monde des soins. L’enjeu est bien ici l’homme et le respect dû à sa finitude, sa fragilité. Confier à la machine le soin de diagnostiquer et demain pourquoi pas de l’opérer ou de manipuler son corps via des « automates » experts qui auraient la charge de superviser l’évolution du patient, en dit long sur le chemin que prend le développement d’une médecine à l’aune d’une science post-moderne qui n’est plus celle d’Hippocrate. L’avènement de l’Intelligence artificielle va transformer les pratiques médicales et va sans doute induire une mutation radicale et profonde des processus d’analyse et de prise de décision dans toutes les sphères de la santé réorientant les pratiques professionnelles, de toutes les professions de santé, mais surtout impactant la dimension relationnelle entre le patient et son médecin, mais aussi et également tout l’environnement médical. Ainsi se pointera dans votre chambre un gentil robot vous apportant le repas du soir, après la visite d’un autre androïde relevant les indicateurs santé de la veille et vous prenant bien entendu la température.

L’autre grand point d’inquiétude pour les personnels soignants est l’avenir de la relation patients-soignants : l’ensemble des personnels du corps médical est en effet de plus en plus nombreux à penser que la proximité et la confiance entre soignants et patients risquent de se détériorer dans les années à venir, pointant notamment le risque d’éloignement, de distance voire de « déshumanisation » de la médecine livrée entre les mains de ces nouveaux appareillages hyper technicisés. Plus prosaïquement il faudra à terme également s’effrayer du rôle que jouent déjà et que vont jouer les applicatifs numériques ou les sites virtuels référencés sur Internet permettant au patient de « consulter », d’avoir accès à une somme artificielle d’informations, puis de se soigner par lui-même, de s’auto médicamenter. Ce mouvement inéluctable de notre société post médical soumise parfois à la dictature des décrets influencé par les lobbies des laboratoires, nous conduira vers un malade « déconnecté » de tout rapport avec le réel, un malade qui sera sans aucun doute dans le déni de contextes qui sont de nature à expliquer ses symptômes. Ne nous leurrons pas, l’univers numérique découle de l’hyper-individualisme de notre postmodernité, cet univers digital envahit peu à peu notre monde relationnel, il affaiblira sans nul doute le rapport de confiance qui s’était jusqu’alors instauré avec les avis prodigués et émanant de tous les corps médicaux et de vrais spécialistes non virtuels. Les réalités de la numérisation de la santé amorcent un basculement dont on peine encore à anticiper toutes les conséquences, tous les effets délétères ; les rêves des partisans d’une techno médecine interrogent viscéralement nos repères éthiques comme philosophiques et sont sur le point d’effacer le souvenir de ce médecin attaché à la relation avec son malade, le médecin de mon enfance, un médecin qui traitait dans toute sa dimension : le corps comme l’âme et la conscience qui l’habite.


[1] Je précise que c’est une expression qui ne fait nullement sens pour moi et qui aurait même tendance à m’horripiler, à m’exaspérer.

[2] Vous pouvez consulter le reportage photos de Anne LEMAITRE sur son site : https://www.instagram.com/stories/highlights/18104473657177565/?hl=fr

à la Une

L’étrange tyrannie

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

.

Auteur Eric LEMAITRE

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le  confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

A l’heure de ce déconfinement en ce joli mois de mai, nous sommes toujours tenus à la distanciation sociale et lors de nos rassemblements condamnés à respecter un nouvel espace le quatre m², en somme une redéfinition de nos droits, une reconfiguration de l’espace vital, un nouveau territoire social pour assurer notre survie, un nouveau « Lebensraum[1]» de cette nouvelle ère civilisationnelle. Une drôle de tyrannie vient comme nous envelopper et docilement, nous nous accoutumons à ce vêtement protecteur que nous offre l’étrange tyrannie.

L’épidémie est en effet une « étrange tyrannie » conduisant également notre humanité désespérée à rechercher tous les moyens, de contrôler sa propagation quitte à renoncer à sa liberté.  J’avais ce 27 mai 2020, le sentiment étrange que nos députés convoqués pour un débat à l’Assemblée nationale, consentaient pour une grande majorité d’entre eux à ouvrir une boite de pandore, en acceptant la possibilité de rogner sur le périmètre des libertés de leurs sujets.

Le 27 mai à l’Assemblée nationale, une large majorité des députés après débat, s’est effectivement prononcée favorablement à la diffusion de l’application Stop-Covid, une application de traçage des relations sociales des individus permettant de répertorier les personnes testées positives et avertir celles qui sont entrées en contact avec elles, enfreignant la loi de l’espace vital, « le Lebensraum » ou la fameuse distanciation sociale, érigée comme une nouvelle règle salutaire. Rappelons que les députés n’avaient pas été appelés au cours de cette soirée du 27 mai à se prononcer sur une loi à proprement parler, mais bien sur une déclaration du gouvernement[2].  Même si la démarche gouvernementale était en soi consultative, celle-ci révélait une bien étrange atmosphère. La tension dans l’hémicycle du Palais Bourbon, était quasi palpable. Au sein de la chambre parlementaire, nous assistions parfois à de belles joutes oratoires, notamment à cette diatribe du tribun et député Jean-Luc Mélenchon, exprimant la méfiance, fustigeant l’applicatif. D’autres députés en revanche ont approuvé l’applicatif en la louangeant, en valorisant la souveraineté numérique européenne enfin conquise, faisant toutefois oublier que GAFAM ou non, l’applicatif n’est que le premier étage d’un monde potentiellement liberticide.

L’applicatif Stop-Covid est sans doute la première ouverture d’une boite de pandore, j’espère parvenir à vous en convaincre au fil de ces lignes. 

Dans l’après-midi de ce 27 mai, je décidais grâce à la chaine de télévision parlementaire d’assister à ces débats, de prendre note de ces échanges entre parlementaires. J’étais poussé par cette curiosité malicieuse de comprendre la façon dont l’application était argumentée pour emporter le vote des députés. Certainement, vous me classerez parmi les technophobes qui de toute façon, sont acquis à défendre une position de réfutation, d’objection contre toutes les formes de recours technologique visant à superviser, tracer et mettre en quelque sorte en filature les personnes infectées. Vous m’objecterez probablement ce paradoxe de défendre la fragilité et finalement d’accepter la circulation morbide du virus.  A cela je répondrais ceci, en reprenant approximativement la parole du philosophe André Comte-Sponville[3] cité par le député Jean-Luc Mélenchon « vaut mieux-t-il mourir en pays libre ou rester vivant dans un pays totalitaire qui m’aurait ôté, aliéné ma part d’humanité ? ».

Je notais ainsi parmi les députés prenant la parole pour partager la position de leur groupe parlementaire, des attitudes à nouveau circonspectes et pleines de pertinence indiquant cette dimension de cache-misère qui entoure l’applicatif, son inefficacité potentielle, un recours à un traçage qui en réalité s’avérera inopérant. En effet une grande majorité de la population n’adhérera sans doute pas à ce type de dispositif ou bien n’ont pas la possibilité de télécharger l’applicatif à partir d’un mobile dont ils ne sont pas équipés. Parmi cette population non-détenteurs de mobiles : les personnes potentiellement concernées par des cas d’infection liés au virus, figurent comme celles qui sont manifestement les plus âgées. Pour un nombre significatif de ces personnes selon une étude publiée par le Credoc, elles ne sont pas équipées de smartphone[1], en conséquence non concernée par l’applicatif.


[1] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

Toujours à l’écoute de ce débat vif et tendu, je souriais en entendant ces députés vantant l’applicatif. Parmi eux, des députés qui se prêtent à rêver l’humanisme du XXIe siècle. Ce rêve de nouvel humanisme, omet nonobstant que toute nouvelle solution technologique peut conduire subrepticement à des souhaits de totalisation pour maitriser la létalité d’un phénomène, quitte demain à priver le citoyen de sa liberté, en conséquence une partie de son humanisme[5] comme de son humanité. C’est en ce sens que j’appréciais la colère de Jean-Luc Mélenchon qui évoquait l’intrusion et l’indiscrétion d’une solution technologique de traçage qui l’aurait surpris d’embrasser une femme croisée sur son chemin.

Ainsi les outils numériques cachent des usages sûrement totalitaires même s’il faut en convenir que tous ces outils ne sont pas en soi mauvais, mais peuvent aussi s’avérer efficaces pour améliorer des chaines de solidarité. Mais croire qu’un applicatif suffit pour tirer l’humanité d’un péril n’est en réalité qu’une forme de dissimulation d’une tout autre réalité qui voile « l’étrange tyrannie » qui se dessine ingénieusement au sein même de notre société. Car gageons ceci, l’applicatif Stop-Covid sera sans efficacité, mais il s’intègre malgré tout, comme un cheval de Troie, nous faisant entrer dans une forme subtile d’habituation à ces technologies de plus en présentes. Des technologies qui tracent, mais ne trackent pas encore, qui se veulent consentantes, mais non rendues obligatoires pour tous.  Nous assistons cependant à une forme de développement des bras et de déploiement tentaculaire de la pieuvre numérique, qui s’installe dans le quotidien de nos usages, de nos vécus. Lorsque le ministre Olivier Veran martèle à l’Assemblée nationale qu’« Il nous faut contrôler par tous les moyens les résurgences de l’épidémie par une identification des personnes contaminées », indiquant que « L’épidémie n’est pas terminée »,  ajoutant que « le numérique peut nous aider encore davantage ». Le ministre de la Santé nous confesse ainsi sa confiance dans ce nouvel allié virtuel à des fins de déjouer la diffusion de la pandémie. Ce ministre croit-il cependant et sérieusement aux nouvelles vertus de cette technologie pour déjouer les plans de la Reine Corona. Le gouvernement semble pourtant mettre son espoir dans ce moyen de remonter finalement le chainage de la pandémie tout en nous rassurant, répétant inlassablement qu’il n’y a ni tracking, ni géolocalisation. Oui, mais tout cela, tous ces discours autour de ces applicatifs révèlent une forme d’expertise quasi totalitaire pour installer au sein de notre monde « l’étrange tyrannie ». Imagine-t-on ainsi le téléchargement de l’applicatif en milieu rural comme ce fut évoqué lors des débats à l’Assemblée nationale et des conséquences induites de cette application qui serait alors susceptible de concourir à la stigmatisation des personnes atteintes par l’infection liée au Covid. Assurément l’applicatif est voué à un quasi-échec. Cette consultation organisée par le gouvernement simultanément auprès des deux chambres, l’Assemblée nationale et le sénat ; est l’annonce d’un coup d’épée dans l’eau. L’application « Stop-Covid », est en effet pareille à l’épée, une forme de prétendue arme intelligente qui symbolise la toute-puissance de l’état régalien, sa force, pour combattre notre ennemi. Mais nous parions que cet applicatif sera comme un coup d’épée dans l’eau qui ne détruira pas la chaine de contamination et s’avérera comme déjà écrit plus haut, un cache misère de l’impuissance jacobine à combattre le fléau envoyé par le messager de la Reine Corona. 

Pour le député Charles de Courson, avec cet applicatif, « nous sommes face à un véritable pacte faustien ». Nous sommes sur le point de consentir et d’accepter d’être tracés pour échapper à la mort afin de vaquer à une vie quasi artificielle, embrigadés, une vie quasi régulée, orientée au gré de nos déplacements, de nos occupations.  

Sommes-nous cependant prêts à nous abandonner entre les mains d’une tyrannie douce pour notre seule sécurité sanitaire ou confort existentiel, « Sommes prêts à vouloir plus d’État protecteur et moins finalement de responsabilité individuelle ? [6]», sommes-nous prêts à renoncer à une partie de ces libertés cardinales au profit d’un traçage de nos déplacements ? L’étrange tyrannie s’installe, nous serions tentés d’évoquer l’émergence d’une tyrannie moderne fondée sur un triptyque : la science, la technologie, l’idéologie. Le philosophe de l’histoire Jacob Burckhardt, avait eu cette formule qui m’interpelle « Vivant au milieu des poètes ou des savants, le tyran se sent sur un terrain nouveau, il est presque en possession d’une nouvelle légitimité ». Le président Emmanuel Macron n’est pas à mes yeux un nouveau tyran, mais confier le destin politique de la France entre les mains de la seule science et de la technologie avec cette foi dans la dimension idéologique du progrès pourrait manifestement le conduire à cette tyrannie qu’il ne désirait pas en début de son mandat. Cependant jamais depuis une décennie, nous n’avons autant assisté subrepticement à une entame sérieuse de la liberté d’exprimer une opinion même si celle-ci est entachée d’erreur. Mais qui peut prétendre détenir le ministère de la vérité ? Le ministère de la vérité, ce fameux ministère de la propagande dans le roman 1984 de George Orwell. Mais à force d’interdire, d’encadrer la parole et de la soumettre à la seule autorité des experts, nous sommes en passe d’accepter la tyrannie de l’expertise technique, administrative et scientifique. La crise sanitaire sans oublier la crise sociale ou climatique nous contraignent aujourd’hui à accepter comme une nécessité, cette perversion de la vie sociale liée à l’émergence d’un haut conseil scientifique instrumentalisé. Le haut conseil qui dit ce qui est vrai et ce qu’il ne l’est pas. La science ne devrait pas accepter d’être l’instrument du pouvoir, elle devrait exprimer un droit de réserve, elle devrait être consulté, tout en restant d’une extrême humilité en promouvant autant que possible « le je ne sais pas ».

Revenons à l’applicatif du fameux Stop-Covid et nul besoin d’être prophète pour indiquer que cela ne fonctionnera pas. Cependant face à une deuxième vague pandémique qui n’est pas à ce jour exclue, il n’est pas inenvisageable de rechercher des moyens coercitifs d’imposer à la population non seulement un nouveau confinement qui s’imposera par la peur[7], mais éventuellement d’imposer à la population de se faire vacciner si un nouveau vaccin était identifié. Navré cher lecteur de vous faire sursauter, mais si vous connaissez la fenêtre d’Overton[8], une forme de parabole qui désigne toutes les idées inacceptables au départ et qui finirent par gagner l’opinion au point de devenir populaires, passant ainsi de l’impensable au radical.  Le pacte faustien évoqué par le député de la Marne Charles de Courson, c’est finalement, consentir à être privé de sa liberté, consentir l’inacceptable, l’impensable, le radical, du fait d’une menace qui pèse et met en joue la survie même de l’espèce humaine. La tyrannie moderne ne s’embarrassera pas de faire appel à la science, la technique et l’idéologie pour imposer son étrange absolutisme, une vision plus coercitive pour imposer à l’humanité la solution technologique qui pourrait non plus tracer les populations, mais bien de les tracker, de les géolocaliser et de les soumettre à son pouvoir pour imposer de nouveaux codes sociaux, empêchant via le « solutionnisme technologique [9]» sans doute l’effondrement de son système économique et sanitaire. La technologie toute puissance, la gestion des algorithmes, les avancées dans les domaines du tatouage quantique autorisent à ce jour des possibilités de contrôle des populations qui seraient éventuellement protégées par le vaccin et celles qui n’accepteraient pas la vaccination.  Ces moyens coercitifs existent et ils seront appliqués sans peine, ne l’avons-nous pas expérimenté au cours de ces derniers mois avec l’obligation de montrer patte blanche, d’indiquer l’origine de son domicile avec présence d’un QR Code sur son smartphone.

L’œuvre de Evgeny Morozv chercheur et écrivain américain nous permet d’appréhender dans ces contextes avec un esprit critique, le solutionnisme technologique une autre forme idéologique du transhumanisme comme étant une parfaite impasse en regard de nos aspirations à vivre intégralement notre liberté de conscience qui est celle de consentir ou non à un mode de vie, un choix de vie. Le solutionnisme pourrait bien être embrassé aujourd’hui par cette forme de tyrannie moderne, puisque ce courant de pensée technologique se déclare capable de résoudre l’ensemble des problèmes de l’humanité : sanitaires, climatiques, terroristes et également crises sociales. Le développement ainsi de l’intelligence artificielle, des nouveaux modèles statistiques, des nouveaux applicatifs quantiques seraient en mesure à elle seule, d’apporter des réponses efficientes aux défis suscités par les crises et notamment pandémiques autorisant ainsi l’avancée d’une société totalement sous contrôle, surveillée. Cette société convertie au solutionnisme technologique existe bel et bien. L’archétype, l’étalon le représentant du solutionnisme technologique est l’état chinois.  La chine tyrannique soumet ainsi son peuple à ces trois lois autocratiques : la science, la technique et l’idéologie. Ainsi le climat sanitaire particulièrement mortifère pourrait conduire l’Europe via le modèle chinois à infantiliser la population, ce qui pourrait inévitablement nous conduire à des lois liberticides imposant peut-être à celles et ceux qui ne les auraient pas acceptés, de ni vendre, ni d’acheter. Le solutionnisme technologique rend possible par tout moyen biométrique d’identifier ceux qui se sont conformés ou non aux mesures déclinées par cette nouvelle de tyrannie qui appréhendant ou redoutant les effets de cette contagion serait dès lors contrainte d’aller vers des dispositifs extrêmes.

Je conclus donc cette chronique avec la pensée de Jacques ELLUL[10] immense auteur : 


« … chaque progrès technique est destiné à résoudre un certain nombre de problèmes. Ou, plus exactement : en face d’un danger, d’une difficulté précise, limités, on trouve forcément la réponse technique adéquate. Ceci provient de ce que c’est le mouvement même de la technique, mais répond aussi à notre conviction profonde, générale dans les pays développés, que tout peut être ramené à des problèmes techniques. Le mouvement est alors le suivant : en présence d’un problème social, politique, humain, économique, il faut l’analyser de telle façon qu’il devienne un problème technique (ou un ensemble de problèmes techniques) et à partir de ce moment-là, la technique est l’instrument adéquat pour trouver la solution. »

[1] Lebensraum : L’autre nom donné à l’espace vital, un concept géopolitique inventé par des géographes allemands au XIXe siècle, puis adopté par le régime Nazi.

[2] Déclaration du gouvernement : « relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 », conformément à l’article 50-1 de la Constitution

[3] André Comte-Sponville: « J’aime mieux attraper le Covid-19 dans un pays libre qu’y échapper dans un État totalitaire »

[4] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

[5] Au sens de civilisation, ce qui fait en partie la civilisation, c’est notre capacité à rejoindre l’autre, faisant société avec lui.

[6] Citation reprise lors de l’intervention du député Charles de Courson le 27 mai 2020 lors de son intervention à l’assemblée nationale au moment de la présentation par le gouvernement de l’application Stop-Covid.

[7] Le gouvernement le décrétera sans problèmes si cette deuxième vague venait à saturer les services médicaux.

[8] Lire le livre la déconstruction de l’homme parue aux éditions Lumière en 2018 où le principe touchant à la fenêtre d’Overton est très largement décrit.

[9] Référence à : L’aberration du solutionnisme technologique de Evgeny Morozo

[10] Jacques Ellul, Le Bluff Technologique page 112 aux Éditions Pluriel publié en 2012.

à la Une

la marque ou le tatouage quantique

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage accompagnant le vaccin vérifiant ainsi qu’aucun ne fasse courir de danger à autrui … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Le premier document émane du site d’une chaîne française : LCI : https://www.lci.fr/sciences/il-devient-fluorescent-lorsqu-on-pointe-un-smartphone-demain-un-carnet-de-vaccination-sous-la-peau-2140786.html

Le document

Des chercheurs ont développé une technologie qui permet, grâce à un tatouage invisible incrusté sous la peau, de faire apparaître le carnet de santé d’une personne via la caméra d’un smartphone. De quoi fournir aux médecins, notamment dans les pays en voie de développement, la preuve que la personne a été vaccinée.

19 déc. 2019 14:05 – La rédaction de LCI

Les implants technologiques sous-cutanés, utilisés dans le monde entier pour le bétail et les animaux domestiques, commencent à se répandre chez l’homme, comme en Suède où plusieurs milliers de personnes les utilisent déjà comme clé, ticket de train ou carte bancaire. Dans le domaine de la santé, cette fois, une équipe de scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a annoncé avoir mis au point un procédé révolutionnaire : au lieu d’implanter une puce électronique entre l’index et le pouce, des nanoparticules sont injectées sous la peau via une seringue spéciale.

Ces nanoparticules ont la particularité d’émettre une lumière fluorescente imperceptible à l’œil nu, mais visible depuis l’écran d’un smartphone. Concrètement, l’idée est d’établir sur le corps lui-même la preuve du vaccin, notamment dans les pays en voie de développement où les cartes de vaccination en papier sont souvent erronées ou incomplètes et où les dossiers médicaux électroniques inexistants. Pour l’instant, la technologie a été testée uniquement sur des rats, mais les chercheurs espèrent les tester sur des humains en Afrique dans les deux prochaines années.

LIRE AUSSI

Des nanocristaux à base de cuivre

Les scientifiques ont passé beaucoup de temps à trouver des composants à la fois sûrs pour l’organisme, stables et capables de durer plusieurs années. La recette finale est composée de nanocristaux à base de cuivre, appelées « boîtes quantiques » (en anglais, « quantum dots »), mesurant 3,7 nanomètres de diamètre. Ces nanocristaux sont ensuite encapsulés dans des microparticules de 16 micromètres (1 micromètre égale un millionième de mètre, ndlr), détaillent les chercheurs dans un article paru mercredi 18 décembre dans la revue Science Translational Medicine.

L’implantation, qui se fait grâce à une seringue spéciale dotée d’un patch de microaiguilles de 1,5 millimètre de longueur, est presque indolore. Une fois appliquées sur la peau pendant deux minutes, les microaiguilles se dissolvent et laissent sous la peau les petits points, répartis par exemple en forme de cercle ou bien d’une croix. Ils apparaissent sous l’effet d’une partie du spectre lumineux invisible pour nous, proche de l’infrarouge. Par le biais de la caméra d’un smartphone modifié, pointé sur la peau, apparaissent, fluorescent sur l’écran, le cercle ou la croix. 

Les chercheurs voudraient que l’on puisse injecter le vaccin contre la rougeole en même temps que ces petits points. De ce fait, un médecin pourrait des années plus tard vérifier si la personne a été vaccinée. La technique est censée être plus durable que le marquage par feutre indélébile. Dans le compte-rendu de leurs travaux, les scientifiques indiquent qu’ils ont simulé cinq années d’exposition au Soleil au cours de tests en laboratoire. Autre avantage de ce dispositif, il requiert moins de technologie qu’un scan de l’iris ou que la maintenance de bases de données médicales.

ARCHIVES – Des diagnostics médicaux bientôt réalisés à l’aide d’une simple puce sous la peau ?

L’obstacle de l’adoption par la population

TOUTE L’INFO SURQUEL FUTUR POUR DEMAIN ?

La limite du concept est que la technique ne sera utile pour identifier les enfants non-vaccinés que si elle devient l’outil exclusif. En outre, les gens accepteront-ils de multiples marquages sous la peau, pour chaque vaccin ? Et qu’adviendra-t-il des points quand le corps des enfants grandira ? 

La Fondation Bill et Melinda Gates, qui finance ce projet, mène actuellement des enquêtes d’opinion au Kenya, au Malawi et au Bangladesh pour déterminer si les populations seront prêtes à adopter ces microscopiques boîtes quantiques ou préféreront en rester aux vieilles cartes de vaccination.

Le second document émane d’un article de recherche scientifique https://stm.sciencemag.org/content/11/523/eaay7162

La tenue de dossiers médicaux précis est un défi majeur dans de nombreux milieux à faibles ressources où il n’existe pas de bases de données centralisées bien entretenues, contribuant à 1,5 million de décès évitables par la vaccination chaque année. Ici, nous présentons une approche pour coder les antécédents médicaux sur un patient en utilisant la distribution spatiale des points quantiques biocompatibles dans le proche infrarouge (NIR QD) dans le derme. Les QD sont invisibles à l’œil nu mais détectables lorsqu’ils sont exposés à la lumière NIR. Les QD avec un noyau en séléniure de cuivre et d’indium et une coque en sulfure de zinc dopé à l’aluminium ont été réglés pour émettre dans le spectre NIR en contrôlant la stœchiométrie et le temps de décorticage. La formulation présentant la plus grande résistance au photoblanchiment après exposition au soleil simulée (équivalence sur 5 ans) à travers la peau humaine pigmentée a été encapsulée dans des microparticules pour une utilisation in vivo. En parallèle, la géométrie des microaiguilles a été optimisée in silico et validée ex vivo à l’aide de peau humaine porcine et synthétique. Des microparticules contenant de la QD ont ensuite été incorporées dans des microaiguilles solubles et administrées à des rats avec ou sans vaccin. L’imagerie longitudinale in vivo à l’aide d’un smartphone adapté pour détecter la lumière NIR a démontré que les motifs QD délivrés par microaiguille restaient brillants et pouvaient être identifiés avec précision à l’aide d’un algorithme d’apprentissage automatique 9 mois après l’application. En outre, la délivrance de codes avec le vaccin antipoliomyélitique inactivé a produit des titres d’anticorps neutralisants supérieurs au seuil considéré comme protecteur. Ces résultats suggèrent que les QD intradermiques peuvent être utilisés pour coder de manière fiable les informations et peuvent être délivrés avec un vaccin,

à la Une

Divergence

Pourquoi traiter de la « Divergence » dans cette nouvelle chronique d’un monde en pièces. Que vais-je écrire qui ait une réelle portée, de l’intérêt ? Qu’est-ce qui peut bien motiver ce nouveau texte ? En fait une nouvelle fois l’actualité nourrit la réflexion, le thème même de la divergencAuteure s’est naturellement imposé en raison de cette lecture quotidienne ressassée par nos médias qui deviennent en fin de compte les prêts à penser de notre monde, la nouvelle religion qui cause, pense, réfléchit à notre place. Que les médias s’expriment, apparaît en soi, totalement légitime, ce n’est donc nullement cette faculté d’exposer son point de vue, qui est contestée, mais bien cette impossibilité ou cette propension de ne pas aller plus loin, de s’ouvrir à d’autres pistes, d’autres réflexions alternatives, de réflexions divergentes, qui ne rentrent pas nécessairement dans les clous du conformisme social, du conformisme y compris scientifique.

Le conformisme confortable, de la pensée admise peut être un frein à la recherche de solutions présentant d’autres choix face à un problème irrésolu. À ce jour où ces lignes furent écrites, la pandémie qui s’avère d’une rare complexité n’est pas résolue. Moquer ou railler les pensées alternatives face à ce qui fait consensus aujourd’hui, peut-être demain un sérieux handicap, pour endiguer les problèmes du futur. Il nous importe donc de favoriser l’écoute, de consulter d’autres voix et voies ; l’urgence l’impose. Il nous faut ainsi prêter l’attention à toute lecture divergente, déclinée par les experts ou de simples lambda ou même écouter les pratiques des autres nations confrontées elles aussi à la pandémie, mais qui ont su l’endiguer, y faire face, alors que leurs dispositifs sanitaires dénotent d’un système archaïque et qui aurait pu mettre en péril la totalité de leurs habitants[1]. Il nous faut peut-être revenir à l’empirisme scientifique et à une forme de pragmatisme social nous faisant ancrer davantage dans la réalité et dans la proximité des vécus locaux.

Auteur

Eric LEMAITRE

Pourquoi traiter de la « Divergence » dans cette nouvelle chronique d’un monde en pièces. Que vais-je écrire qui a une réelle portée, de l’intérêt ? Qu’est-ce qui peut bien motiver ce nouveau texte ? En fait une nouvelle fois l’actualité nourrit la réflexion, le thème même de la divergence s’est naturellement imposé en raison de cette lecture quotidienne ressassée par nos médias qui deviennent en fin de compte les prêts à penser de notre monde, la nouvelle religion qui cause, pense, réfléchit à notre place. Que les médias s’expriment, apparaît en soi, totalement légitime, ce n’est donc nullement cette faculté d’exposer son point de vue, qui est contestée, mais bien cette impossibilité ou cette propension de ne pas aller plus loin, de s’ouvrir à d’autres pistes, d’autres réflexions alternatives, de réflexions divergentes, qui ne rentrent pas nécessairement dans les clous du conformisme social, du conformisme y compris scientifique. En école d’Ingénieurs, j’introduisais mon cours sur l’innovation en l’illustrant avec un exemple connu de tous, et je sollicitais l’intelligence des élèves afin que ces derniers relient les six points formant un carré (le carré à 9 points) qui doivent être joints avec seulement quatre segments sans jamais lever le crayon. Cet exercice simple en soi, devait conduire à chacun l’importance de sortir parfois de nos schémas et cadres de pensée nous contraignant à limiter les capacités intuitives et créatives de l’être humain. Dans un monde formaté et normé, conditionné par le conformisme, nous avons dû mal à admettre l’alternative, nous sommes en peine de sortir du cadre imposé. Pour ma part, j’encourage les lectures systémiques, l’audace, sortant de cadres formels. Or pour trouver les remèdes les plus adéquats à une société formatée condamnée à se diriger vers la faillite il convient de ne pas s’obstiner à raisonner par le haut. Les pouvoirs jacobins ou totalitaires pétris de certitudes se persuadent toujours de ne jamais déléguer l’initiative en la déclinant à la plus petite échelle pour identifier les résolutions des problèmes touchant à toutes les sphères de la vie de la cité. Or la tempête virale qui a traversé l’ensemble de notre société a montré l’inaptitude de l’état à répondre à l’urgence et ce sont par exemple les petites mains des couturières qui ont cousu masques et blouses pour nos infirmières et que dire également de l’entreprise privée qui a su mieux que l’état gérer l’approvisionnement et la gestion logistique des masques jusqu’à leur acheminement en direction des points de vente.  Je plaide en fait pour une pensée divergente, créative qui sort des sentiers battus, chemine et ose l’originalité, le dépassement des dogmes habituellement acceptés par tous, mais s’appuyant sur une dimension créative raisonnée, intelligente et argumentée. Je plaide également pour la liberté de conscience et la liberté de dire qui conduit à tout chacun à se remettre en cause.

Le conformisme confortable, de la pensée admise peut être un frein à la recherche de solutions présentant d’autres choix face à un problème irrésolu. À ce jour où ces lignes furent écrites, la pandémie qui s’avère d’une rare complexité n’est pas résolue. Moquer ou railler les pensées alternatives face à ce qui fait consensus aujourd’hui, peut-être demain un sérieux handicap, pour endiguer les problèmes du futur. Il nous importe donc de favoriser l’écoute, de consulter d’autres voix et voies ; l’urgence l’impose. Il nous faut ainsi prêter l’attention à toute lecture divergente, déclinée par les experts ou de simples lambda ou même écouter les pratiques des autres nations confrontées elles aussi à la pandémie, mais qui ont su l’endiguer, y faire face, alors que leurs dispositifs sanitaires dénotent d’un système archaïque et qui aurait pu mettre en péril la totalité de leurs habitants[1]. Il nous faut peut-être revenir à l’empirisme scientifique et à une forme de pragmatisme social nous faisant ancrer davantage dans la réalité et dans la proximité des vécus locaux.

Nous sommes conscients qu’une certaine idéologie ambiante et notamment jacobine[2] pénètre l’ADN culturel de notre nation et sans doute par capillarité le monde. Le jacobinisme qui passe pour l’ancêtre du totalitarisme contemporain ne supporte pas ainsi que l’on veuille déroger à la norme. Vous pourrez cependant m’indiquer que certaines radios ou télévisions invitent des chroniqueurs et des experts non conformistes, qui osent traverser le Rubicon, enjamber les lignes Maginot de la bien-pensance. En effet la parole leur est donnée, ils s’affranchissent allégrement des codes, les transgressent volontiers, quitte à provoquer, déranger. Pourtant ce qui manque, à ces débats, c’est l’éthique en matière de discussion, qui pose comme règle la condition minimale de se comprendre sans préjuger de la pertinence ou non de l’opinion partagée. Trop souvent, nous sommes les témoins de scènes surjouées où il faut entrer en conflit.

La difficulté est en conséquence, trop souvent, l’inacceptation de débats mutualisant les apports, les réponses de chacun. Il est impérieux de surmonter les débats équilibrés et contradictoires en autorisant les échanges qui confortent ou ne confortent pas les opinions des auditeurs, des débats qui n’appellent pas à la véhémence de la critique face à la pensée divergente. La pensée divergente n’est pas suffisamment cultivée, elle n’est pas dans les nations qui cultivent l’idéologie totalitaire, ni même ou sans doute pas dans l’ADN de la culture occidentale.

L’absence de culture concernant la pensée divergente, nous prive dès lors de nous nourrir de lectures nuancées ou franchement contradictoires qui peuvent concerner des champs pluriels en anthropologie, en médecine, en économie, en philosophie, en science, en politique. Dans le domaine de l’écologie, je me souviens d’une proposition divergente, émise par la liste Reims Avenir aux municipales de Reims, qui suggéra dès 2019 comme proposition, d’aménager une ceinture verte déminéralisant et débitumant la ville et ses abords pour la végétaliser et la reforester, mais également en imaginant le développement d’une permaculture capable de nourrir la population locale afin de développer en tout point la proximité, pareillement l’idée de développer des jardins en ville comme c’est déjà le cas à Reims avec l’Ilot Saint-Gilles[3]. L’idée d’une ceinture verte n’est pas nouvelle, Platon et le pentateuque défendaient ce concept de ceinture verte aux abords des villes. La proposition de la liste rémoise avait été émise bien avant la propagation du virus. Aujourd’hui nous pouvons mesurer que cette opinion raillée par ses adversaires politiques, prend aujourd’hui une dimension nouvelle à l’heure d’une paupérisation future de la société dont on imagine que les conséquences économiques conduiront à une accélération de la pauvreté et voire même de famines. Parler de famine, oh voilà une pensée bien divergente dans un monde occidental qui ne semble pas connaitre la faim. Imaginons cependant une seconde vague, une nouvelle fois brutale, fulgurante, provoquant un nouveau confinement social, et qui nous obligerait de nouveau à nous calfeutrer. Mais dans ces nouveaux contextes, la peur étreindrait toutes les populations, y compris au sein de nos premières lignes, le lierre, le chardon et l’ortie[4] : nos éboueurs, nos infirmières, nos vendeuses en magasins et nos cultivateurs. Imaginons que ces premières lignes ne veuillent plus s’exposer. Nous serions alors non seulement confrontés à une crise fatale et dramatique, mais les conséquences sociales du fait de l’effondrement des plus exposés, seront accompagnées bel et bien par la famine[5] , ou suivies dans une moindre mesure par de très sérieuses restrictions alimentaires conduisant à de nouvelles régulations sociales et à une perte des libertés.

Mais approfondissons cette notion de « divergence ». Faute de contradicteurs les médias sombrent parfois dans le prêt à penser, nous conduisant à une forme de conformisme obligé, c’est l’idéologie dominante du moment. Avec cette crise sanitaire, au fil des débats, nous avons pris conscience sans doute et pour beaucoup d’entre-nous que nous devions comme de gentils soldats, nous empêcher de penser par nous-mêmes,  de réfléchir, les mises en garde répétées par les médias, jalonnées par les chroniqueurs de nos écrans nous répétaient leurs vérités, la façon dont nous devions comprendre, appréhender l’épidémie et  rejeter ainsi avec le concert de la bien-pensance, les idées émises par le dissident et fantasque Professeurs Raoult, sorte de druide de Marseille qui distribue sa potion magique auprès de milliers d’habitants de la cité phocéenne.  

Pour décocher les flèches en direction de ce druide des temps modernes, l’expertise fut convoquée, mais bien souvent, les experts furent confus, parfois même contradictoire targuant que les essais cliniques n’avaient finalement rien donné faute en réalité de patients testeurs ou bien s’employaient pour moquer le professeur Raoult, à agiter l’autre ami du druide, l’épouvantail Trump ou plutôt sa chevelure, sa tignasse blonde, lui Trump pareil à Astérix, le grand consommateur de la potion chloroquine, le copain de Panoramix.

Plus nous avancions dans les débats ; moins en réalité, nous étions éclairés, plus le devoir de modestie devait s’imposer. Nous fûmes invités à adhérer à la doxa de la pensée unique, ne pas contester la convergence du conseil scientifique, seul à penser ce qui relève de la vérité, pardon de sa vérité.  Mais la modestie de tous, s’est invitée aux débats, convoquant l’humilité pour appréhender cette nouvelle pandémie qui nous révèle l’infinie complexité du vivant, et la difficulté d’indiquer si tel ou tel traitement faisant ou non l’affaire, il n’y avait pas dans cette affaire du Coronavirus, d’universalisme dans les réactions hétérogènes des patients. Concernant le traitement médical, nous découvrions alors que le vivant lui-même n’était pas enfermable dans une doctrine scientifique.  

Si cette pandémie n’était pas plus grave comparativement aux précédentes, celles connues au cours de notre histoire, cette pandémie devait nous révéler une dimension nouvelle, celle d’une humanité, impuissante face à ce bien mystérieux virus déjouant, tous les pronostics, toutes les représentations simplistes qui l’enfermaient hier dans le vocable d’une « simple gripette ». Le profil de cette simple gripette s’est très vite éloigné d’une grippe simplement saisonnière pour devenir le profil d’une véritable pneumonie virale, bien plus encore complexe que nous l’imaginions.   

Autant dire que je n’ai aucune connaissance épidémiologique à propos de ce nouveau fléau qui en sanskrit désigne « ce qui détruit » et en latin « pestis » qui désigne une maladie contagieuse véhiculant avec elle des choses funestes, apportant la ruine. Je ne vais pas revenir sur la dimension symbolique de ce que le mot fléau signifie et véhicule, je l’ai abondamment traité au cours de ces différentes chroniques. Il me semble en effet avoir suffisamment insisté sur la dimension de messager que revêt le Coronavirus. Je reste en effet persuadé au fil de l’écriture de ce livre, que le coronavirus n’est pas en soi, une simple maladie épidémique : cette contagion universelle porte en elle-même un message pour notre monde.  Ce virus est l’exact miroir d’une société qui ne se conforme pas à un projet initial, celui d’un autre modèle de vie, un autre paradigme social, un autre idéal écologique. L’idéologie contemporaine est portée depuis le temps des « Lumières » par la dimension du progrès continu, d’un monde infini et ouvert, mais sans avoir pris la précaution de comprendre que la gestion même du monde suppose que l’on en prenne soin.

Nous avons fini par négliger, omettre, oublier que ce monde est formé par des lois naturelles qu’en nous en affranchissant, nous sommes en mesure de précipiter le dérèglement de toutes les harmonies qui fondent les écosystèmes, les grands équilibres de la biodiversité. Depuis Copernic, et cette révolution copernicienne nous avons pris conscience en effet que l’univers n’est ni clos, ni fondé sur un modèle géocentrique et nous sommes pris à imaginer que les ressources de la terre étaient elles aussi, sans limites, que nous pouvions consommer et gaspiller, nous engager dans le monde continu, et infini que ce qui était clos hier, est aujourd’hui ouvert. Le monde ouvert, inclusif, transfrontalier, transculturel, voilà la nouvelle lecture qui nous fut imposée, nous est imposée. Nous sommes conditionnés à nous habituer à nous conformer à l’esprit de ce siècle, à épouser le prêt à penser distillé par une forme de police de la pensée. Gare à la pensée non conforme et divergente qui oserait une autre voie, une autre façon de lire et de penser le monde, de penser la prétendue vérité que nous aurions aujourd’hui à consommer. Je suis frappé dans tous ces débats, que nous ne soyons jamais invités à réfléchir, à méditer le monde.  Peu de médias ont osé convoquer des sociologues, des historiens, des théologiens, des économistes altermondialistes pour partager leurs lectures et de remonter bien entendu des lectures divergentes.

Nous évoquions précédemment Nicolas Copernic, ce chanoine, médecin et mathématicien, qui a défendu la conception d’une nouvelle cosmologie selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil, dont tout le monde, admettait au XVème siècle qu’elle était au centre de l’Univers, contre l’opinion alors admise, d’une Terre centrale et immobile. Les conséquences de cette théorie furent à l’inverse du prêt à penser de l’époque, et les conséquences théologiques, philosophiques et scientifiques en furent un changement de paradigme radical au point que la pensée de Copernic fut nommée révolution copernicienne. Pour expliquer le concept de divergence, je cherchais un exemple radical qui explique cette notion de divergence ou plutôt de pensée divergente. Au-delà de la dimension de processus, de créativité, la pensée divergente est finalement axée sur une part d’intuition géniale, hors des normes, en rupture avec ce qui habituellement normé. Il a fallu finalement beaucoup de courage à Copernic pour aller à l’encontre de la pensée de son époque, mais tout croyant qu’il fut, il plaça l’intelligence scientifique comme un idéal auquel il n’avait pas à renoncer pour faire avancer une autre lecture du monde. Incontestablement, Copernic fut un divergent.

Nos universités continuent à privilégier, à travers leur méthodologie, un type de pensée clairement convergent qui consiste à donner des réponses correctes   à des questions standardisées ne requérant pas de créativité particulière. Or ce dont le monde a besoin, c’est de reconnaitre la faculté aux divergents d’apporter une tout autre lecture, non conforme à un monde qui parle d’une même lèvre. Mais au lieu de cela, il convient de surveiller la pensée de ceux qui se réclameraient de la pensée des divergents.  Dans le roman « Divergente[6] » une trilogie écrite par Veronica Roth : les divergents forment un des groupes en rupture d’une société dystopique sous contrôle. Les divergents sont traqués, car ils menacent l’équilibre de la société. Sans doute, imaginez-vous que nous n’en sommes pas là, que rien ne saurait menacer les équilibres de la société, que seuls les terroristes à juste raison, sont épiés.

Eh bien « bonnes gens », détrompez-vous le gouvernement a écrit une circulaire à l’attention des centres académiques pour surveiller les divergents. Oui vous avez bien lu surveiller les divergents. Ainsi le Conseil National des Églises Évangéliques a alerté récemment l’Observatoire de la laïcité sur le document « Covid 19″ et risques de dérives sectaires », un document largement diffusé par le ministère de l’Éducation nationale.

Le document incriminé par le CNEF, dénonce les opinions ou les idées émises par des élèves divergents et juge l’émission de ces idées, comme préoccupantes, en jugeant ces idées préoccupantes, le ministère de la pensée unique, viole ainsi le principe de laïcité à l’école. Au fond il y a là comme un encouragement à inciter l’esprit de délation, incitant à dénoncer de prétendues sectes qui auraient une lecture jugée fondamentaliste de l’évangile de Saint-Luc[7], ou Saint Mathieu[8] où un autre « divergent », annonçait les signes qui accompagneraient la fin des temps, sa venue prochaine (pandémies et famines). 

Bientôt le pouvoir Jacobin se préoccupera davantage des vierges sages qui aiment passionnément les écritures et s’en expliquent auprès de leurs camarades. Ceux-là risquent bien de devenir les futurs fichés S, pires que tous les dangereux terroristes. Je pense que l’intention de ces jeunes gens participe d’une autre lecture de notre monde, l’invitant à ne pas reléguer l’Éternel aux Oubliettes.

Le CNEF met en garde également contre l’effet dissuasif en matière de liberté d’expression des élèves et de liberté pédagogique des professeurs, résultant du nouvel article L. 141-5-2 du Code de l’éducation[9]. Le monde totalitaire est en marche, les divergents dans un monde crépusculaire pourraient constituer demain les cailloux de l’état qui pourrait bien inventer les nouveaux applicatifs pour veiller au bon cheminement de ses nouvelles ouailles et écarter les insoumis. En ces temps de confinement et de déconfinement :

« Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur. Toute divergence d’opinions devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger comme il faut. [10]»  

Ainsi le jacobinisme politique n’est pas une idée morte. Le jacobinisme est l’expression d’une fonction première, celle de légitimer des jugements de valeur sur la politique en cours afin de contrôler l’appareil d’état et ne pas admettre que des idées divergentes viennent à fragiliser le socle d’un état, éclairé par le seul esprit des lumières.  

[1] https://www.ouest-france.fr/monde/afrique/coronavirus-l-afrique-s-en-sort-mieux-que-prevu-pour-l-instant-6831939

 [3] https://forumeco.fr/lilot-saint-gilles-un-projet-federateur/

[4] La parabole du Chardin, du Lierre et de l’ortie voire la chronique traitant de la Vertu. Les mal-aimés du jardin qui jouent pourtant un rôle essentiel.

[5] Il s’agit donc d’anticiper le futur, de le prévoir et surtout pour nous changer de modèle et de paradigme économique

[6] Divergent est le premier roman d’une trilogie paru en 2011 et écrit par Veronica Roth. C’est un roman dystopique post-apocalyptique non daté situé dans un quartier de Chicago où la population est soumise au système des factions. Cependant, classer la population par faction est-elle vraiment nécessaire ou n’est-ce qu’un moyen pour contrôler la population ?

[7] Saint Luc : 21 : 10-11 « Alors il leur disait : “On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, par endroits, des pestes (loimoi) et des famines (limoi) ; il y aura aussi des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes. » 

[8] Saint Mathieu 24 : 6-14

[9] L’Etat protège la liberté de conscience des élèves. Les comportements constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d’endoctrinement de ceux-ci sont interdits dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d’enseignement, à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l’enseignement. La méconnaissance de cette interdiction est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

[10] Extrait du journal de André Gide

à la Une

De notre rapport à la vérité

Qu’est-ce que donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont… [3]

Que se passe-t-il alors ? La vérité n’existe pas, tout est relatif. Notre société s’est profondément imprégnée de cette idée. Mon Petit Larousse (1998) poursuit ainsi sa définition :

Idée, proposition qui emporte l’assentiment général ou s’accorde avec le sentiment que quelqu’un a de la réalité. Vérités mathématiques.

Quel exemple ! Si tel est l’assentiment général (la voix de la majorité) ou mon sentiment subjectif (à chacun sa vérité), deux plus deux ne feraient plus quatre ?

Trouver cela dans un Larousse du siècle dernier m’a fait prendre conscience que cela fait bien longtemps que nous nous sommes habitués au « tout est relatif », au point, peut-être, de l’avoir intériorisé, de l’avoir fait nôtre. Il est devenu malséant de parler de vérité tout autant qu’il est devenu malséant de parler de Dieu, à tel point que nous-mêmes, nous n’osons pas toujours, publiquement, le faire. Dans notre combat contre les lois bioéthiques, pour atteindre un public large, de peur de gêner ‘‘certains’’, nous n’osons pas dire cette vérité : si la vie est sacrée, c’est parce que Dieu l’a établi ainsi. Malgré nos bonnes intentons, cette omission n’affadit-elle pas notre message ? Ne nous livre-t-elle pas à la dictature du relativisme ?

 

Réflexions partagées avec Les Veilleurs de Reims, soirée du 10 mars 2020

De notre rapport à la vérité

Anna Geppert[1]

Chers amis,

Merci beaucoup pour votre invitation. C’est un honneur et un plaisir que de m’adresser à vous ce soir. Je ne parlerai pas de ma spécialité universitaire, la ville, que nous évoquerons avec Eric lors d’un ‘‘café philo’’à la médiathèque de Reims, vendredi 23 octobre prochain à 18h. Aujourd’hui, j’ai voulu prolonger la réflexion que vous avez déjà menée sur ‘‘Mensonges et manipulations’’, en partant de la question de Ponce Pilate : « Qu’est-ce que la vérité » ?

La question de la vérité est essentielle pour comprendre les difficultés de notre époque. Notre société, en se détournant de Dieu, perd toute référence à la vérité. L’émergence d’une société totalitaire et violente en est la conséquence inéluctable. Dans ces conditions, que devons-nous faire ? Tenir… Je terminerai par la lecture d’une méditation d’un grand témoin de la vérité, le bienheureux Jerzy Popiełuszko, prêtre et martyr.

  1. Comment notre société a perdu le sens de la vérité.

Si je pose à un enfant la question de Ponce-Pilate, la réponse vient immédiatement : « La vérité, c’est ce qui est vrai ! ». Les enfants sont viscéralement attachés à la vérité, profondément bouleversés lorsqu’ils rencontrent, pour la première fois, le mensonge. Leur définition se retrouve dans celle du Petit Larousse (1998) :

  1. Caractère de ce qui est vrai ; adéquation entre la réalité et l’homme qui la pense.

Mais pour les adultes, comme pour notre société vieillissante, la vérité ne semble pas aller de soi.

Allons donc plus loin, avec la définition du Petit Robert (1992) :

  1. Ce à quoi l’esprit peut et doit donner son assentiment (par suite d’un rapport de conformité avec l’objet de pensée, d’une cohérence interne de la pensée) ; connaissance à laquelle on attribue la plus grande valeur (opposé à erreur, illusion). Théol. Dieu, fondement du vrai. (…)

Nous trouvons là deux niveaux, qui sont ceux de la philosophie thomiste. A un niveau surnaturel, transcendant, Dieu est la vérité. C’est pour cela que la vérité est une, absolue, immuable. Sur le plan terrestre, la vérité est définie par la conformité de l’intellect avec le réel. Cela implique que, dans la création, il existe une vérité que la raison humaine peut appréhender.

Telle est la mission de l’université, lorsqu’elle est fondée : chercher le vérité. À partir du XIIIe siècle, l’Église crée des universités. En leur sein, les facultés de théologie approfondissent la vérité révélée tandis que les autres facultés cherchent celle contenue dans la création. Dans l’Europe chrétienne du Moyen-Age, il va de soi que ces deux niveaux se rejoignent. L’Église n’a pas peur de la vérité, puisqu’elle va jusqu’à garantir aux professeurs l’indépendance de tout pouvoir, civil et religieux, afin qu’ils mènent à bien leur mission. La recherche de la vérité, aux yeux des hommes de ce temps, ne peut mener qu’à sa source, à Dieu.

Aujourd’hui, ces deux niveaux ont divorcé. Dans son discours de Ratisbonne du 12 septembre 2006[2], le pape Benoît XVI raconte cette séparation entre foi et raison. Emmanuel Kant, avec sa Critique de la raison pure, restreint le champ d’exercice de la raison à ce qui est mesurable : subséquemment, les sciences seront dominées par les sciences ‘‘exactes’’. Les encyclopédistes des pseudo ‘‘lumières’’ accentuent ce mouvement en proposant un référentiel qui se veut scientifique, construit sans Dieu et contre l’Église, dont l’esprit est encore largement présent dans les sciences humaines et sociales.

Le XIXe siècle abandonne l’idée que la vérité existe comme absolu. Kierkegaard la relie à la subjectivité, Nietzsche y voit une illusion collective, construite par la société :

Qu’est-ce que donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont… [3]

Que se passe-t-il alors ? La vérité n’existe pas, tout est relatif. Notre société s’est profondément imprégnée de cette idée. Mon Petit Larousse (1998) poursuit ainsi sa définition :

  1. Idée, proposition qui emporte l’assentiment général ou s’accorde avec le sentiment que quelqu’un a de la réalité. Vérités mathématiques.

Quel exemple ! Si tel est l’assentiment général (la voix de la majorité) ou mon sentiment subjectif (à chacun sa vérité), deux plus deux ne feraient plus quatre ?

Trouver cela dans un Larousse du siècle dernier m’a fait prendre conscience que cela fait bien longtemps que nous nous sommes habitués au « tout est relatif », au point, peut-être, de l’avoir intériorisé, de l’avoir fait nôtre. Il est devenu malséant de parler de vérité tout autant qu’il est devenu malséant de parler de Dieu, à tel point que nous-mêmes, nous n’osons pas toujours, publiquement, le faire. Dans notre combat contre les lois bioéthiques, pour atteindre un public large, de peur de gêner ‘‘certains’’, nous n’osons pas dire cette vérité : si la vie est sacrée, c’est parce que Dieu l’a établi ainsi. Malgré nos bonnes intentons, cette omission n’affadit-elle pas notre message ? Ne nous livre-t-elle pas à la dictature du relativisme ?

  1. La dictature du relativisme

Dans l’homélie du conclave de 2005 qui devait l’élire, le futur successeur de Pierre, le cardinal Joseph Ratzinger mettait en garde :

Nous nous dirigeons vers une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien pour certain et qui a pour but le plus élevé son propre ego et ses propres désirs.

Le terme dictature est-il trop fort ? Je ne le pense pas. En effet, je crois que le totalitarisme est l’aboutissement naturel d’un monde sans Dieu.

Sans une vérité absolue, trouvant son fondement en Dieu, il n’y a plus, ni réalité biologique (tout est construit, culturel), ni loi naturelle (tout est convenu, contractuel). On n’est plus homme ou femme, mais ce que l’on veut ou croit être, ou ce que l’on nous a donné à croire, comme dans la ‘‘théorie du genre’’. Qu’est-ce qu’un homme ? L’embryon, la personne handicapée, le mourant, sont-ils pleinement des hommes ? Leur vie vaut-elle d’être vécue ? La question est renvoyée aux ‘‘experts’’ des comités d’éthique nommés par le pouvoir politique, et au législateur qui tranchera, dans un sens ou dans l’autre, au gré des fluctuations de l’opinion et des rapports de force.

Aucune société ne peut fonctionner sans que ses membres partagent, à tout le moins, un socle de valeurs communes tenues pour vraies. En rejetant Dieu comme source de vérité, la société se condamne à définir elle-même sa vérité. Dans nos démocraties occidentales, il s’agira de la voix de la majorité, ou mieux, de ce qui fait consensus. Tant que l’héritage chrétien imprégnait les mentalités, nos sociétés occidentales tenaient encore, sur quelques valeurs implicites. Désormais, le vertige du vide se fait pleinement sentir. Les positions se radicalisent, les oppositions s’accentuent, la violence augmente.

Privés de l’assurance qu’il existe une vérité absolue, trouvant son fondement en Dieu, les individus aussi sont fragiles. Alors, on se tourne vers ce que l’on trouve, ce que nous propose notre smartphone. Dans notre société qui se voit trop moderne, trop intelligente pour croire, prospèrent experts, psychologues et gourous. Des pratiques irrationnelles prolifèrent, astrologie, magnétisme, hypnose, sophrologie, reiki, chamanisme… peu importe l’explication, du moment que cela procure du bien-être.

Les émotions se substituent à la raison. Des vagues de compassion, d’indignation, de panique, de colère déferlent, amplifiées par la caisse de résonance d’Internet : #jesuischarlie, #metoo, #SOS !

Nous entrons alors dans l’ère de la « post-vérité », dans laquelle (dictionnaire d’Oxford, 2016) :

les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles.

La crise du coronavirus nous en offre un miroir, avec ses informations contradictoires, ses mouvements de panique dans les magasins, ses mesures réduisant fortement les libertés individuelles adoptées sans contestation. Des pays de tradition aussi indisciplinée que l’Italie ou la France s’y plient sans discussion. Au-delà du coronavirus lui-même, nous assistons à l’expérimentation in vivo d’un nouveau modèle de gouvernement. Dans cette situation, que faire ?

  1. Tenir.

Je me permets de m’appuyer sur les paroles de saint Jean-Paul II, prononcées dans l’homélie de sa messe d’intronisation, le 22 octobre 1978, et qui ont accompagné une génération de croyants :

N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ !

N’ayons pas peur ! Car les petits enfants ont raison contre Nietzsche et Kierkegaard : la vérité existe. On peut tuer un homme, mais on ne peut pas éviter de mourir. Et si l’assentiment général ou une perception subjective prétendait le contraire, ce serait une illusion.

N’ayons pas peur ! Car au-delà des moyens technologiques puissants qu’il mobilise aujourd’hui, le combat contre la vérité qui se livre aujourd’hui n’est rien d’autre que le combat éternel contre Dieu. Au fond, ce qui nous désempare aujourd’hui, c’est ce qui désemparait nos aïeux. Ce n’est pas la vérité qui est subjective, c’est nous, c’est l’expérience que chacun de nous doit vivre dans sa vie terrestre.

Contrairement à Ponce-Pilate, nous connaissons la réponse à sa question. Notre Seigneur Jésus Christ est « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jean, 14,6). Il est vainqueur à jamais, du mal, du mensonge et de la mort. Notre Dame écrasera la tête du serpent. N’ayons pas peur !

Je terminerai par la lecture d’une méditation d’un grand témoin de la vérité.

Le bienheureux Jerzy Popiełuszko (1947-84), prêtre polonais, fut enlevé par les sbires du pouvoir communiste le 19 octobre 1984 et torturé jusqu’à la mort en haine de la foi. Peu de temps auparavant, j’ai eu l’honneur de le rencontrer, car il visitait ma grand-mère, handicapée, qui était dans sa paroisse. Il a été béatifié en 2010. Son intercession obtient de nombreuses grâces et des miracles. Le miracle retenu pour sa canonisation a eu lieu en 2012… à Créteil.

Le texte que nous allons lire provient de ses derniers mots. Le 19 octobre 1984, il pria le chapelet à l’église des Saints Martyrs polonais, à Bydgoszcz. Il fut enlevé sur le chemin du retour. C’était un vendredi, les mystères médités étaient les mystères douloureux. À chaque mystère, il avait associé une interrogation essentielle de l’homme. Dans le troisième mystère, il médite sur la vérité.

* Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, Amen.

Troisième mystère douloureux.

Être vainqueur du mal par le bien, c’est demeurer fidèle à la Vérité. La vérité est une propriété très délicate de notre raison. Dieu lui-même a implanté dans l’homme un désir naturel de vérité, et une répulsion pour le mensonge. Tout comme la justice, la vérité est liée à l’amour. Or, l’amour coûte – le véritable amour est sacrificiel. Donc la vérité, aussi, doit coûter. Le vérité réalise toujours l’unité et l’union entre les hommes. La grandeur de la vérité intimide et démasque les mensonges des hommes médiocres et craintifs. Depuis des siècles, le combat contre la vérité dure sans cesse. Mais la vérité est immortelle, tandis que le mensonge périt d’une mort rapide. Voilà pourquoi, selon les mots du défunt cardinal Wyszyński, il n’y a pas besoin d’un grand nombre de personnes pour dire la vérité. Le Christ a choisi un petit nombre de disciples pour annoncer la vérité. Le mensonge doit se parer de beaucoup de mots, car il est épicier : il faut sans cesse le renouveler, comme la marchandise dans les rayons. Ik doit être toujours nouveau, il doit avoir beaucoup de serviteurs qui, selon le programme, l’apprendront pour un jour, une semaine, ou un mois. Ensuite, on inculquera rapidement un autre mensonge. Il faut beaucoup de personnes pour contrôler toute l’ingénierie du mensonge programmé. Il n’en faut pas autant pour dire la vérité. Les hommes trouveront, les hommes viendront de loin pour trouver des paroles de vérité car il y a, au fond de l’homme, un désir naturel de vérité.

Nous devons apprendre à distinguer le mensonge de la vérité. Ce n’est pas facile, dans les temps où nous vivons. Ce n’est pas facile, dans ces temps dont un poète contemporain a dit que « jamais encore, on n’avait fouetté si cruellement nos dos avec le fouet du mensonge et de l’hypocrisie ».  Ce n’est pas facile, quand la censure supprime les paroles vraies et les pensées courageuses, surtout dans la presse catholique, quand elle élimine jusqu’aux paroles du Primat de Pologne et du Saint-Père.  Ce n’est pas facile, quand on interdit aux catholiques, non seulement de combattre les opinions de leurs adversaires, mais même de défendre leurs convictions, personnelles ou universelles, face aux attaques et aux calomnies les plus iniques. Il est interdit aux catholiques de rectifier les faussetés que d’autres ont entière liberté de proclamer et de propager impunément. Ce n’est pas facile, quand depuis plusieurs décennies on a ensemencé la terre de notre patrie avec les graines du mensonge et de l’athéisme. Le devoir du chrétien est de prendre parti pour la vérité, quand bien même il faudrait payer pour cela un prix élevé. Car la vérité coûte cher, seule la paille ne coûte rien.

Prions pour que la vérité remplisse notre vie quotidienne.

Amen.

[1] Professeur des universités, Sorbonne Université

[2] On trouvera une belle sélection de discours du Pape Benoît XVI, réunis et introduits par l’abbé Eric Iborra, dans : Benoît XVI (2013). Discours au monde. Eds. Artège, 127p.

[3] Friedrich Nietzsche, Le livre du philosophe, trad. A. Kremer-Marietti, Flammarion, coll. GF, 1991, p. 123-124.

à la Une

Serons-nous demain « biopucés » ?


Auteur

Eric LEMAITRE

Il y a quelques années de cela, je publiais sur un réseau social un texte portant sur l’émergence possible d’un identifiant cutané susceptible demain d’opérer une forme de contrôle des populations. Ce texte avait alors surpris un de mes amis, persuadé que je me laissais conquérir, voir même vampirisé par un quelconque site complotiste.

Mais il n’en était rien, j’avais eu tout simplement une conversation avec ma nièce qui revenait de la « Singularity University », université fondée par le directeur de Google AI et futuriste Ray Kurzweil.

Nous échangions des réflexions sur les progrès accomplis dans les domaines des techno-sciences et susceptibles d’opérer de véritables changements de paradigmes concernant la vie sociale notamment sur les possibilités de « traquage » de possesseurs de smartphone, de géolocalisations des usagers de cette prothèse numérique à laquelle nous sommes devenus tous addicts, j’oserai ici écrire attachés au sens fort, même du terme. Addict, le terme utilisé me semble si approprié au vu de ces visages que nous croisons quotidiennement, composant une foule innombrable rivée sur l’écran, attendant le bus, le tram ou le métro. Visages passifs, ignorant le voisin d’à côté mais d’ores et déjà domestiqués, asservis par la technologie, technologie qui les possède en soi.

Interpellé par ces échanges avec ma nièce, je songeais bien entendu à ces innombrables articles sur ces puces, véritables technologies d’identification susceptibles d’être implémentées et intégrées à même la peau animale ou à celle d’un être humain. Ces radio marqueurs sous-cutanées qui ont été également conçues pour la traçabilité des animaux, peuvent également être utilisées sur des êtres humains.

Notre Chat Noé fait de la résistance

Il y a quelque temps de cela, notre famille a recueilli un chat errant, nous nous sommes employés de retrouver son propriétaire et après avoir informé notre proche environnement, nous nous sommes mis en quête d’aller trouver un vétérinaire pour identifier les propriétaires de ce chat abandonné. Après avoir ausculté le chat, le vétérinaire, vérifia s’il n’était pas « pucé » afin d’éventuellement le scanner pour retrouver son origine et connaître son propriétaire !

Lors de la consultation et en échangeant avec le vétérinaire j’apprenais que le tatouage électronique de ce chat était obligatoire avant la réalisation de tout transfert de propriété. Mais l’idée de tatouer électroniquement Noé notre chat, me rendait circonspect puis m’horrifiait même si j’en comprenais les motifs. Ma réticence tenait en réalité aux raisons rationnelles qui pourraient être promues pour tracer l’ensemble du genre humain. De fait ce chat, nous l’avons adopté, mais nous l’avons épargné d’être tracé, bien qu’il soit chat d’appartement mais le féliné de compagnie est également partagé par l’envie de fréquenter le jardin de l’un de nos voisins et d’y rencontrer ses autres coreligionnaires, à ce stade précisons que Noé est eunuque.

Holmes mène son enquête

auprès de l’Union Européenne

Pourtant au-delà de cette amusante « anecdote domestique », subrepticement l’idée d’une puce électronique semble faire son chemin en Europe et n’avait besoin d’aucun site complotiste pour en faire sa promotion. De nombreuses entreprises l’ont en effet adopté, certaines entreprises ont même proposé à leurs salariés d’implanter volontairement une puce RFID dans la paume de leur main, les reportages se sont multipliés dans les médias accompagnés d’une vraie réflexion sur les conséquences éthiques que revêtirait le développement des recherches comme de la promotion sociale d’une technologie intrusive susceptible de tracer, de traquer, de fliquer demain les individus.

Or nous constatons que l’idée même de tracer les populations fait largement son chemin y compris en Europe en proie aux flux migratoires. L’Europe qui pourrait bien demain articuler de nouveaux mécanismes de régulation, de contrôle et de surveillance des migrants à l’aune de contextes terroristes et de flux migratoires qui semblent l’inquiéter.

A ce propos l’Europe via la politique de la Commission Européenne (CE) vise également de faire accepter l’usage des technologies y compris les RFID[1] basées sur des puces implantables sous la peau. En effet, depuis une quinzaine d’années déjà, des recherches et des projets se développent et vont dans ce sens. La CE a financé des études prospectives sur les technologies RFID très vite après l’apparition des premières puces à la fin des années « 1990 », dont la plus connue est VeriChip.

Sans doute certains lecteurs réagiront avec une certaine défiance ou scepticisme et s’étonneront qu’une telle affirmation soit ici énoncée. Nous les renvoyons donc à l’étude prospective financée par la commission Européenne[2] que nous insérons à notre blog (RFID Technologies : Emerging Issues, Challenges and Policy Options). Le portail de l’industrie archivé en 2012[3] soulignait déjà en 2012 la création d’un environnement politique encouragé par l’Union Européenne, favorable à l’usage des technologies RFID. Or si dans les déclarations et les recommandations de l’Union Européenne, celle-ci préconise voire même somme les fabricants de puces RFID, d’évaluer l’impact sur la vie privée, nous sommes persuadés qu’à terme, l’éthique Européenne risque bel et bien de céder aux nouvelles évolutions sociétales touchant à la marchandisation de la vie et demain à des impératifs touchant à la sécurité des citoyens européens.

Mettre la Puce à l’Oreille

Dans d’autres contextes corroborant l’intuition d’une avancée incontestable des moyens de suivi de nos usages ou de « tracking » de nos comportements, le traçage électronique, au moyen des empreintes biométriques ou internet, s’est aujourd’hui largement et profusément diffusé et ne manque pas de surcroît de susciter quelque crainte du point de vue de l’aliénation possible de nos libertés individuelles.

Ce traçage pourtant est de plus en plus familier, n’évoque-t-on pas dans de nombreux pays, la mise en place de carte d’identité biométrique ce qui suppose le recueil des empreintes digitales, à cela d’ajouter le contrôle des déplacements de passagers lors de leur embarquement afin d’anticiper les risques de piratage aérien ou de terrorisme.

Plusieurs d’entre nous, lecteurs de ce texte ont sans doute entendu l’évocation de la biométrie concernant l’accès à une cantine scolaire, aujourd’hui très largement répandue, or ce qui est devenu affolant c’est qu’aucune famille ne semble réagir face à la diffusion de ce procédé. Le sénateur socialiste Gaëtan Force[4] s’en est même ému en écrivant sur son blog cette réflexion profondément pertinente « Cette dérive est lourde de menaces dans la mesure où elle conduit à admettre qu’un élément tiré du corps humain (les empreintes digitales, l’iris de l’œil, etc.) puisse servir d’instrument de contrôle. Cette banalisation du recours à la biométrie induira aussi l’acceptation de nouveaux comportements jusqu’alors exigés par les seuls services de police. C’est à une domestication de l’individu par la technologie que nous sommes malheureusement en train d’assister« .

Les procédés qui permettent aujourd’hui ou permettront demain de reconnaître facialement, d’identifier toute personne physique, sont de plus en plus sophistiqués et développés. En effet les empreintes digitales ou génétiques, reconnaissance de l’iris, les radars équipés d’algorithmes flashant également toutes les connexions sur les ordinateurs. Ces radars numériques et ceux à venir, seront autant de moyens pour reconnaître et « filer ou tracer » à l’empreinte même tous les individus « connectés » et agissant dans leur vie quotidienne, évoluant sur les réseaux sociaux ou addicts de contacts avec leur smartphone, faisant usage de tablettes ou de tout autre clavier numérisant un indice de leur passage.

Nul besoin comme le suggèrent Jacques Testart et Agnès Rousseaux[5] d’être technophobe pour s’inquiéter de la prolifération des modalités de traçage des individus et des risques afférents induits par ce nouvel environnement appelant à la définition de nouvelles normes sociales auxquels tous les individus seront appelés à se conformer ou bien inversement contrôlés et nous l’ajoutons par ces institutions ou administrations d’État qui auront mandat de le faire pour des raisons sanitaires ou bien en s’appuyant sur un prétendu contrôle sécuritaire pour surveiller les populations y compris les opinions émises.

La puce fait son chemin

La possibilité d’être biopucé (émergence d’un corps connecté) fait ainsi inextricablement son chemin et les campagnes médiatiques orchestrées finement et intelligemment, obligeront finalement toutes les populations à se conformer, s’appuyant nécessairement sur toutes les campagnes médiatiques qui seront relayées puis promues par vos assureurs, vos banques, les enseignes de la grande distribution. Enfin tous les acteurs dans toutes les sphères de la vie sociale, marchande et politique, trouveront leur compte pour vous faire avaler avec force et séduction, la fameuse pilule, la biopuce, cette nouvelle forme d’IP indexée à votre patrimoine génétique, un identifiant personnalisé dont vous percevrez évidemment toutes les utilités sociales et les avantages « marketés ».

Les slogans ou devrais-je plutôt écrire la propagande tambourinera puis martèlera le fait que vous n’ayez plus besoin en effet de vous embarrasser de votre carte d’identité, de carte bancaire, de carte de fidélité, de carte vitale, « Et si … [Réflexion d’un journaliste du Point] … la puce était le meilleur allié de la lutte contre le déficit de l’Assurance-maladie ? ».

Dans ce contexte de généralisation de la Biopuce, les récalcitrants et réfractaires seront les laissés pour compte, ils seront marginalisés puis désocialisés et ne pourront plus profiter des offres alléchantes, bénéficier des primes offertes par leurs assureurs, assureurs qui se donneront, a contrario le droit de surveiller de près votre santé, des banques qui seront vigilantes sur vos dépenses, l’état qui aura un œil attentif sur toutes vos activités sociales et déplacements et évalueront même comme en Chine les citoyens conformes s’appliquant à vivre les normes sociétales imposées par le LA de la pensée totalisante.

La Puce continuera d’évoluer

Des tatouages ou des patchs d’un nouveau genre pourraient à nouveau révolutionner notre vie sociale : le tatouage électronique, une forme de patch[8] qui, placé sur la peau, donnera à distance, toutes sortes d’informations sur nos paramètres vitaux et sans doute au-delà des informations touchant notre identité. Une technologie impressionnante alliant électronique épidermique, miniaturisation et robotique développée par l’Université de l’Illinois à Chicago.

La puce RFID telle que nous la connaissons appartiendra sans doute et demain aux objets de la préhistoire, et c’est sans doute une erreur grossière de s’être à tort focalisée sur la forme même de l’objet. Il est évident que pour être acceptée par la population, la forme même de l’empreinte, le marquage devra nécessairement évoluer dans un format discret, un marquage qui lèvera de fait les peurs, « indolore », feutré, presque invisible, la nanotechnologie autorisera certainement ce type d’évolution. Des évolutions patentes en regard même des dernières recherches technoscientifiques mettent au point une forme de tatouage électronique conçu à partir de silicone flexible et d’électrodes ultra-fines grâce auquel le « bénéficiaire-usager » pourra faire l’emploi de son smartphone ou son ordinateur.

D’autres formes de tatouages électroniques sont ainsi apparues ces dernières années et transforment ainsi la peau en une interface tactile comme ces tatouages conçus à partir d’une encre électronique qui vient se fixer à même la peau[9].  Ces tatouages connectés prennent de facto des formes ludiques et moins inquiétantes que les puces insérées à même la peau, ce marquage sera de facto aussi facile à appliquer qu’un tatouage que s’auto administre un enfant. Il devient de fait évident que le marquage ne devra pas avoir une forme qui impressionnerait ses sujets pour que ses derniers se refusent à une forme de marquage collectif, marquage collectif relayé par les meilleures intentions et les promesses d’un monde meilleur.  Il est notamment intéressant dans ces contextes de noter l’usage et l’emploi du mot grec dans le livre de l’apocalypse (13.16 ; 13.17 ; 14.9 ; 20.4)  pour désigner la marque, en grec le terme utilisé pour Marque est le mot Charagma  [khar’-ag-mah] ce qui signifie entre autre une marque imprimée, un timbre mais aussi dans un second sens gravé, rayure, éraflure ou gravure, la marque sera surtout un signe et surtout une forme de « griffe » identifiant ceux qui seront socialement autorisés à acheter ou à vendre en raison de leur appartenance à un système dont ils ont accepté les règles et les principes despotiques. Le QR Code, pour Quick Response Code en prend le chemin, qui était à l’origine un outil de traçage logistique créé par Masahiro Hara, ingénieur de l’entreprise japonaise Denso-Wave, en 1994 pour suivre le chemin des pièces. Ses usages et applicatifs à d’autres domaines de la vie sociale et consumériste se sont aujourd’hui  largement imposés, Il y a autour de ce produit un véritable engouement et on aura pas fini de le flasher. La puce RFID fera son temps, mais voici maintenant le QR Code, personne en soi ne s’en était vraiment méfié, comme quoi, serait-il possible que ce soit ce produit qui soit gravé sur notre peau de façon invisible ou presque !  

La fenêtre d’Overton, une ouverture pour la Puce

Sur l’agora d’une place publique où les veilleurs ont pris l’habitude de se rencontrer, Edmond entame la lecture d’un texte de Luis Segura brillant universitaire espagnol, à propos d’une théorie politique nommée la fenêtre d’Overton. Une théorie développée par Joseph P. Overton diplômé en génie électrique de la Michigan Technological University.

Joseph P.Overton était également un essayiste du courant libéral membre particulièrement investi dans divers think tanks libéraux comme l’Institute for Justice et le centre Makinac. La théorie développée par Overton a été conçue comme un outil pédagogique postulant que toute idée politique comprend « une gamme de mesures » considérées comme politiquement plus ou moins acceptables dans le climat qui caractérise l’opinion publique à un instant T.

La fenêtre d’Overton illustre également ce que l’on appelle la fenêtre d’un discours, un mécanisme « par paliers », une série étagée d’idées,  que le public sera à même d’accepter au fil de l’eau et des contextes sociétaux susceptibles de s’ajuster ou d’évoluer. Selon la théorie développée par l’essayiste politique, la « fenêtre » comprend une gamme d’idées en cinq étapes, considérées comme politiquement irrecevables, puis radicales, irrémédiablement raisonnables enfin convenables et finalement populaire. La fenêtre d’Overton est ainsi une évolution non figée mais ajustée de l’opinion publique existante. Ainsi au regard de l’opinion évolutive, un politicien peut donc proposer une idée sans être considéré comme trop extrême, pour gagner demain la faveur des suffrages alors que préalablement cette idée était tout à fait révoltante. L’idée de l’Euthanasie était ainsi rejetée par toutes les opinions publiques après la seconde guerre mondiale, or dans les faits aujourd’hui il n’en est rien, sans être populaire, l’idée d’euthanasier n’est plus une idée radicale, mais relativement acceptée par l’opinion publique notamment dans le cas des grandes souffrances, mais le passage d’une idée raisonnable au politique dans le cas de l’euthanasie n’est pas encore d’actualité, mais cela ne saurait tarder selon la théorie d’Overton. Nous pourrions également citer l’eugénisme, idée inacceptable mais bel et bien légalisée quand il s’agit d’avorter les êtres humains atteints de trisomie 21.

Il existe de fait socialement et dans les contextes de fabrication d’une opinion, une forme de graduation d’une idée, à l’origine insoutenable, dans un temps donné selon les contextes du moment, pouvant ensuite évoluer pour devenir plus ou moins politiquement acceptable au regard de l’opinion forcément changeante.

Dans les contextes quasi Orwellien qui touchant aux mutations de notre époque, la fenêtre d’Overton me fait également songer à une stratégie des petits pas ou à la fable de la grenouille qui s’accoutumant à l’eau douce, n’a su prendre conscience et à temps que cette dernière était tout simplement entrain de bouillir.

Pour revenir à notre « puce », l’approbation d’un contrôle aujourd’hui massif, de la population est une idée en soi, parfaitement inacceptable, inadmissible. La pratique qui consisterait à surveiller les citoyens via une technologie sophistiquée, est une idée a priori qui révulserait la plupart des citoyens occidentaux bien que cette pratique de surveillance soit déjà diffusée et répandue dans les pays totalitaires comme la chine. Or cette fenêtre, c’est à dire l’idée même de surveiller les citoyens européens reste encore une fenêtre étroite, pour ne pas dire verrouillée en l’état par nos Institutions étant donné que la société considère cette action de surveillance comme contraire à l’éthique, à nos normes sociales actuelles, à la morale publique.

La fenêtre semble donc verrouillée, mais elle n’est qu’apparemment fermée, car à ce jour cette fenêtre est en réalité entrebâillée et l’idée de surveillance généralisée de la population a trouvé l’aubaine de s’engouffrer subtilement, dans les habitudes sociales, du fait même de cette domestication à grande échelle qu’exerce les technologies en cours; œuvrant à la fois dans le monde numérique et l’intelligence artificielle.  Nous nous sommes ainsi familiarisés à des objets qui ont pris en réalité un relatif contrôle sur nos vies à commencer par la géolocalisation de nos usages et pratiques en termes de vie sociale.

Cette fenêtre d’Overton, concernant l’idée d’une main mise de nos données personnelles est apparemment fermée, mais subrepticement et par capillarité, l’idée de disposer de nos données est devenue acceptable, la banque ne vous effeuille-t-elle pas ainsi sur vos pratiques concernant vos usages en matière de dépenses, vos données de santé ne sont-elles pas aujourd’hui numérisées, ne laissez-vous pas des empreintes et des traces concernant vos achats chez les distributeurs du NET.

Or dans cette dernière étape, le mécanisme législatif de légalisation du phénomène est en cours de préparation. Il est évident que les lobbies exerceront une forme de pression morale pour mieux vous identifier et cela l’est déjà pour bon nombre d’entre vous, alors vous patcher il n’y aura demain qu’un pas, dans cette stratégie des petits pas.

Ainsi, une idée qui, en principe, était hier invraisemblable et inimaginable dans tous ses aspects est devenue socialement acceptable dans la conscience collective ! A partir d’un simple postulat qui se résume à activer dans un contexte orwellien, une « fenêtre d’Overton » il est devenu ainsi possible de modifier la perception publique d’une idée révulsive au départ et finir par conquérir et séduire le public, tant et si bien que ce dernier ne soit plus en mesure de réagir. Un exemple ici : nous l’illustrons avec la biométrie dans nos cantines parfaitement acceptée par les parents et demain d’une griffe « une marque » imposée ou naturellement acceptée par tous… la fenêtre d’Overton est un outil de compréhension, nous permettant de mieux appréhender les mécanismes de manipulation publique, mécanisme peu connu et qui méritait cette réflexion que nous vous partageons.

La puce se métamorphosera-t-elle demain en hydre ?

De fait dans ces contextes d’évolution sociale et d’évolution inquiétante de la technoscience la puce (autrement dit la Marque) pourrait bien être également l’instrument de contrôle d’un nouveau totalitarisme ? » comme l’écrivait en 2015 le Journaliste du Point Guillaume Grallet[2] se moquant pourtant d’un verset biblique écrit par Saint Jean, d’une grande portée prophétique et qui n’est pas loin de faire sens dans un monde technophile et prêt à se laisser asservir par les idéologies transhumanistes. A l’instar de Jacques Testart « Ainsi les promesses de bien vivre grâce aux progrès de la technoscience ne sont que des illusions mortifères »[11]. Illusions mortifères illustrées par ces versets bibliques prémonitoires.

L’apocalypse de Saint Jean Chapitre 13 versets 13-17 :  Elle opérait aussi de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes, et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, persuadant les habitants de la terre de dresser une image à la bête qui porte la blessure de l’épée et qui a repris vie. Et il lui fut donné d’animer l’image de ta bête, de façon à la faire parler et à faire tuer tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête. Elle fit qu’à tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, on mit une marque sur la main droite ou sur le front, et que nul ne pût acheter ou vendre, s’il n’avait pas la marque du nom de la bête ou le nombre de son nom.

Mais alors que faire, nous laisser domestiquer ou bien résister ?  Le premier acte chers amis est d’éveiller notre propre conscience, le second est socialement de s’organiser pour renouer avec son prochain en quittant son écran pour favoriser les relations incarnées et solidaires et surtout abandonner cette lecture immanente du monde pour revenir à l’essentialisme biblique.

***************************

Lire le rapport Commission Européenne concernant les technologies RFID  :

RFID_Technologies_EC_2007

[1] Explications sur le RFID voir le site https://www.droit-technologie.org/actualites/societe-implante-puces-rfid-peau-de-employes/Le RFID désigne un couple balise/lecteur échangeant des informations en utilisant la radiofréquence. La balise contient une information et est équipée d’une mini-antenne ; le lecteur détecte le signal de la balise et lit l’information qu’il peut ensuite transmettre à un système de traitement de l’information. Les premières applications ont consisté à remplacer le code-barre bien connu par une puce qui remplit le même rôle mais permet une automatisation plus efficace.

[2] European Commission Joint Research Centre Institute for Prospective Technological Studies. Rapport 2007 Institute for Prospective Technological Studies

[3] http://www.industrie.gouv.fr/tic/rfid/union-europeenne.html

[4] http://gorce.typepad.fr/blog/2016/07/communique-de-presse.html

[5] Jacques Testart et Agnès Rousseaux : Au péril de l’humain, éditions Seuil page 157.

[6] http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/une-semaine-avec-une-puce-sous-la-peau-27-06-2015-1940461_47.php

[7] Péril de l’Humain de Jacques Testart et Agnès Rousseaux citation extraite de l’essai page 216. Editions Seuil

[8] https://www.lesechos.fr/15/02/2013/lesechos.fr/0202570803143_un-tatouage-electronique-pour-surveiller-le-corps.htm

[9] https://www.stayawake.fr/Actualites/high-tech/tatouage-connecte-le-debut-de-la-biotechnologie/

[10] https://www.courrierinternational.com/article/surveillance-le-reseau-celeste-version-chinoise-de-big-brother

[11] http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/une-semaine-avec-une-puce-sous-la-peau-27-06-2015-1940461_47.php

[11] Péril de l’Humain de Jacques Testart et Agnès Rousseaux citation extraite de l’essai page 216. Editions Seuil

à la Une

Le fantasme de l’intelligence artificielle consciente

Pour Herbert Simon, la faisabilité de reproduire l’intellect humain, n’était pas impossible, dès lors que le processus cognitif de l’être humain est appréhendé, décrypté, analysé en profondeur puis maîtrisé. Pour le prix Nobel de l’économie, l’IA copiant ainsi le cerveau humain, son réseau neuronal, rend dès lors possible la modélisation de l’intelligence de l’être humain, en conséquence de l’améliorer, de corriger également la part d’irrationalité de l’esprit humain. Herbert Simon pensait même que la puissance de calcul de l’IA rendrait ainsi parfaitement capable de penser et de créer, y compris de réaliser des œuvres d’arts, de démontrer des théorèmes originaux en mathématiques, de composer de la musique, de dominer l’homme cérébralement dans des jeux ou la part d’intelligence est largement convoquée comme les échecs ou le jeu de GO.

Plusieurs génies de la littérature ont été en mesure d’ailleurs d’anticiper cet avenir dystopique, de l’imaginer comme le fit Georges Bernanos en 1945, quand l’essayiste écrivit ce livre quasi prémonitoire « La France contre les robots », ou bien Jacques Ellul, qui écrivit cet essai sur le système technicien qui fut un ouvrage référence dénonçant les interconnexions croissantes d’un monde informatique qui était seulement à ses balbutiements. Jacques Ellul, dans son analyse du monde technique, était allé au-delà de la simple critique du pouvoir des machines informatiques, il dénonçait à travers elles toutes les méthodes d’organisation de la vie sociale qui découleraient de leur usage. L’univers de l’intelligence artificielle, concept que n’appréhendait pas Jacques Ellul au moment où il écrivait ses essais sur la technique, est bien une plongée dans le monde de la vie sociale, prétendant la structurer, l’ordonnancer, l’architecturer.

andre-spilborghs-719343-unsplash-e1531151475334.jpg

Le début de ce XXIème siècle est radicalement traversé par une double révolution numérique, celle d’une part de l’intrication de l’information et de l’organisation, et d’autre part de l’imbrication des sciences cognitives et des techniques informatiques.

La révolution numérique de l’information s’esquisse et se manifeste au travers de moyens qui avaient été à peine imaginés 50 ans plus tôt. Tant et si bien que nous avons le sentiment, « nous les simples humains » de vivre une accélération phénoménale du temps, une accélération effrayante par l’ampleur du “système technicien1 qui se dessine…

Dans à peine une décennie, serions-nous ainsi capables d’entrevoir, d’imaginer les nouvelles possibilités organisationnelles et « technoscientifiques » qui n’ont pas encore été imaginées à ce jour.

Soyons nonobstant assurés que la science et la technique déploieront dans quelques années de nouveaux prodiges qui fascineront l’homme, le submergeront au point que cette même technique est en passe demain, probablement de le dominer.

Cette domination de la technique sur l’homme est hélas et inévitablement fortement prévisible, si l’homme ne tente pas de mettre les curseurs, les limites nécessaires pour entraver le développement de technologies susceptibles de noyer ou de vampiriser son âme. Une des technologies fascinantes qui n’est pas en réalité nouvelle, puisque née dans les années 50, connaît une évolution dont l’ampleur avait déjà été pressentie dès l’origine de sa conception. En effet en 1958, Herbert Simon2 prix Nobel d’économie, fut le pionnier de l’intelligence artificielle (IA). L’économiste avait notamment appréhendé la manière dont les activités humaines peuvent être automatisées. Dès les années 50 l’homme démiurge était ainsi sur le point de donner naissance à une forme de léviathan technologique sans conscience, “une science sans conscience”.

 Reproduire l’Intellect humain

Or, lorsque l’on appréhende l’œuvre du sociologue et économiste Herbert Simon pionnier de l’intelligence artificielle, nous découvrons qu’il s’intéressait aux sociétés à leur organisation sociale et économique, aux hommes et à la façon dont ils interagissent. Nous comprenons dès lors aujourd’hui les perspectives susceptibles d’être mobilisées via l’intelligence artificielle, pour exploiter et gérer des masses de données, pour structurer et organiser le pilotage de ces mêmes data, au moyen des techniques d’intelligence artificielle qui bouleverseront l’ensemble des secteurs d’activités touchant à la vie sociale et consumériste au point de les contrôler et de superviser la totalité des être humains addictes ou assujettis aux technologies.

 La mathématisation de la pensée

Mais au-delà des avancées de cette technologie puissante en termes de capacités de calculs, c’est le fantasme des bricoleurs du génie technoscientifique qui est inquiétant et qui est ici l’objet de notre réflexion que nous souhaitons décliner dans cet article.

En effet Herbert Simon défendait la thèse d’une Intelligence artificielle capable de penser, l’économiste soutenait effectivement l’idée que l’IA dite « forte », serait capable d’imiter la raison humaine.

Herbert Simon avait une conception philosophique matérialiste de la vie, puisqu’il considérait que l’ordinateur, tout comme le cerveau humain, sont des systèmes comparables, proches, capables de manipuler des symboles physiques. De fait et de par sa capacité à gérer des symboles, la programmation informatique rendait selon lui possible, tout comme le cerveau, de manipuler des données, d’intégrer par exemple la lecture d’un texte en langages codés, de comprendre, décrypter puis d’analyser une situation, de déduire des solutions, des scenarii, ce qui a été réellement possible avec l’Alphago, le programme qui a battu l’un des meilleurs joueurs de GO au monde, un jeu pourtant intuitif et imposant une intelligence créative.

Le fantasme d’assurer « l’infaillibilité du raisonnement » avait été imaginé trois siècles plus tôt par le philosophe Leibnitz qui avait conçu un rêve incroyable, oui incroyable à l’heure des algorithmes, à l’heure de l’intelligence artificielle, celui de mathématiser la pensée et de créer une machine à raisonner (Le calculus ratiocinator). Le rêve de Leibniz philosophe du XVIIème siècle (siècle où la technique n’était pourtant pas dominante) était de transformer l’argumentation en théorème, de convertir une discussion en un système d’équations et de proposer à un débatteur en cas de difficulté argumentative, le recours à un « calculus ratiocinator »3. Leibnitz décrivait ainsi le processus de la pensée humaine comme la simple manipulation mécanique de symboles, une idée reprise plus tard par le prix Nobel d’économie Herbert Simon, quand celui-ci conçut le concept d’Intelligence artificielle.

L’au-delà de l’humain

Dans ce futur univers dystopique, l’euphorie de certains prophètes de la technoscience de la Silicon Valley prédisent l’avènement de la singularité, l’homme cyborg, l’homme augmenté connecté à des puces informatisées, lui permettant d’accroître ses capacités cognitives. L’au-delà de l’humain est même imaginé puisque l’homme serait remplacé par sa machine, capable de conscience, ces machines conscientes feraient preuve d’adaptabilité, elles seraient la suite d’une évolution darwinienne de l’humain à l’humanoïde.

Or nous y voilà, au cœur de notre sujet, le fantasme de la conscience qui serait la faculté susceptible d’être embrassée par une machine dont les pouvoirs cognitifs auraient été décuplés. Au point que rien ne distinguerait la machine dotée d’une IA forte et l’homme. Ce concept d’humanoïde doté de conscience a été mis en scène dans un film « Ex Machina »4 sorti sur nos écrans en 2015, film d’Alex Garland. Dans ce film un brillant codeur en informatique nommé Caleb va faire une expérience profondément perturbante, puisqu’il va devoir interagir avec un humanoïde apparaissant sous les traits d’une femme prénommée Ava, capable d’autonomie réflexive et émotionnelle. Pour s’assurer que cette machine est oui ou non dotée de conscience Caleb va faire subir à l’automate IA un test, le test de Turing5. L’automate va ainsi confondre, troubler et dérouter le codeur en informatique, le persuadant que seule une vraie femme est dissimulée dans la machine, car rien ne saurait distinguer l’homme et l’humanoïde en raison de leurs facultés cognitives, respectives à rentrer en dialogue.

 Le fantasme de l’IA consciente

Ce film « Ex Machina » nous renvoie à un texte fameux et prémonitoire du Philosophe Henri Bergson, texte écrit tenez-vous bien en 1888, puis énoncé lors d’une conférence à l’université de Birmingham sur la conscience en 1911. Le livre d’où est extrait le texte date de 19196. Nous publions un court extrait de cette réflexion afin de comprendre la portée prémonitoire, intuitive, démonstrative de la pensée du Philosophe.

 » Pour savoir de science certaine qu’un être est conscient, il faudrait pénétrer en lui coïncider avec lui, être lui. Je vous défie de prouver par expérience ou par raisonnement, que moi qui vous parle en ce moment, je sois un être conscient. Je pourrais être un automate ingénieusement construit par la nature, allant, venant, discourant ; les paroles mêmes par lesquelles je me déclare conscient pourraient être prononcées inconsciemment. Toutefois, si la chose n’est pas impossible, vous avouerez qu’elle n’est guère probable. Entre vous et moi il y a une ressemblance extérieure évidente ; et de cette ressemblance vous concluez, par analogie, à une similitude interne. Le raisonnement par analogie ne donne jamais, je le veux bien, qu’une probabilité ; mais il y a une foule de cas où cette probabilité est assez haute pour équivaloir pratiquement à la certitude. « 

Voilà pourquoi l’IA n’est d’après nous qu’un pantin, un automate, certes savamment programmé une forme de Golem, mais un artifice d’être inachevé dépourvu de libre arbitre émotionnel, une créature humanoïde inachevée, une figure des temps modernes de type Frankenstein mais sans aucun doute incapable de survivre à des conditions hostiles.

L’IA cette « puissance cognitive », cette pensée « calculante », cette matière de flux animée par des algorithmes, ce réseau de neurones artificiels, a la prétention d’être la copie dupliquée d’un modèle vivant, s’inspirant en tout point d’un cerveau humain.

Pourtant cette raison artificielle reste factice, et demeure en quelque sorte une contrefaçon de l’esprit, ce que j’appelle un pantin animé de manière totalement maquillée, car en réalité cette raison ne saura jamais totaliser la complexité de l’être humain et la subtilité de son esprit, être émotionnel dont justement l’âme émotive est la condition même de sa puissance créative ou réflexive. Ainsi pour reproduire Mozart, encore fallait-il un Mozart à imiter !

Quand bien même, l’homme ne serait pas un génie, l’émotion dans sa faculté de toucher, de ressentir, de vivre, d’aimer, est la condition même de la conscience, un être infiniment complexe et subtil, capable de se mouvoir et d’aller sur des champs là où il n’a pas été programmé, codé. L’être humain est aussi capable de se jouer des normes et du formatage pour lequel on aimerait le conditionner. La conscience c’est la vie, la conscience est reliée à la vie qui l’anime, la vie est une rupture avec la matière inanimée quand bien même cette dernière serait animée par un flux de matières et de programmes savants, œuvre d’un démiurge qui veut donner la vie à sa créature morte, son Golem.

Pour reprendre le propos7 de René Descartes « même si l’organisme est une machine, si l’animal est une machine, ces machines sont infiniment complexes et subtiles que toutes celles que l’homme ne sera jamais capable de construire car elles sont faites de la main de Dieu » …effectuant des gestes subtils, levant les obstacles hissés par les contingences, surmontant les difficultés posées par le monde de la matière. Cette ingéniosité de la vie naturelle nous émerveille et résulte d’un donné du libre arbitre de la vie, de l’intelligence vivante et non artificielle.

En revanche les opérations de calculs qui nous fascinent relèvent de modèles mathématiques, de l’inférence bayésienne, modèles de calculs statistiques qui autorisent la possibilité de modéliser des choix en début de processus et d’emmagasiner l’expérience apprise au fil des expériences apprises et mémorisées. Je comprends cependant les arguments adverses qui indiquent que tout cela relève bien d’une analogie avec l’esprit humain, dans sa dimension de libre arbitre et intuitive.

Mais en réalité, même si l’Intelligence artificielle introduit de facto et en apparence une dimension d’arbitraire et d’intuition, cela reste du calcul donnant l’illusion de faire face à une machine qui réfléchit. Tout ceci chers amis lecteurs, relève bien en réalité de combinaisons savamment codifiées, programmées et mémorisées au fil des expérience (voire l’IA Alphago …). L’IA est bel et bien construite autour de méthodes de calcul puis d’encodage, et non de la conscience. Une machine serait-elle ainsi capable d’inférence et de se projeter dans de nouveaux univers de connaissances ? Permettez moi d’en douter. La voit-on ainsi remettre en cause Darwin et évoquer un Dieu créateur, en fait, la machine est déjà savamment conditionnée à penser comme l’homme pense, enfermée dans des présupposés théoriques, incapables de nouvelles intuitions comme celles abordées par ces génies humains qui ne possédaient pas de visions claires de notre histoire contemporaine et de sa dimension technique, mais pourtant étaient parvenus cependant à l’esquisser, à ébaucher les contours d’un devenir, comme le fit le philosophe Henri Bergson ou le mathématicien Leibniz La conscience à l’opposé de l’IA, pense également au sens de vivre, il est donc impossible selon nous d’imposer à une conscience une autre motivation qu’elle-même à moins de la conditionner…

Contrairement à un intellect artificiel, cette sensation de soi, ce sentiment d’être, sont à la fois mystérieux et uniques, vivre en conscience, c’est vivre son altérité face au monde. La conscience ne se fabrique pas, elle est un donné de la vie, une vie qui va agir, interagir et donner du sens pour assurer au-delà de l’existentiel, cette dimension du bien-être. L’IA serait-elle en mesure d’agir pour elle-même, de se motiver pour son propre bien être ? Puis s’il fallait ajouter cet autre argument, la conscience propre à l’être humain c’est en effet la recherche d’un bien-être dans sa plénitude et sa capacité à le préserver autour de soi, ce qui revient à la dimension de l’amour et du désir qui est intrinsèquement liée selon nous à la conscience.

Aux antipodes de l’amour et de la conscience, l’Intelligence Artificielle n’est en réalité qu’une série de programmes codés. Nous le répétons à nouveau, l’IA est construite autour de méthodes bayésiennes très utilisées en statistiques et dans les sciences qui relèvent du datamining, permettent d’imaginer des hypothèses, de scenarii de mouvements, de choix. Ainsi, l’intelligence artificielle dupliquée ne serait ici qu’une série de moules, d’uniformisation des pensées, des outils industriels préconçus du raisonnement, des méthodes de réactions aux décisions fondées sur des paramètres préétablis. Mais en fin de compte le risque est bien une emprise de l’Intelligence artificielle sur les décisions réfléchies de l’homme sacrifiant sans doute la dimension réflexive relationnelle, le triomphe d’une raison froide, en fin de compte sur la raison relationnelle…

Pourtant La conscience n’est pas comparable à l’intelligence artificielle puisqu’elle est la faculté sensible de se percevoir, de s’identifier, et de penser non dans le sens de calculer, de combiner mais d’interagir avec le monde et de partager des émotions, la conscience n’est ainsi pas enfermée par le calcul,. Nonobstant, loin de nous de nier les facultés de calculs propres à notre cerveau, mais cette faculté de calculs ne se réduit, ni se résume à la conscience. Si certes l’homme peut « artificialiser » et dénaturer le sens de soi et imiter la dimension d’un esprit humain, cela restera pour autant de la mécanique calculatoire incapable de désir par elle même, de volonté auto produite et de se mettre par elle même en mouvement..

Si l’on poussait le raisonnement à l’absurde et affirmer qu’il serait possible à la machine d’être dotée de conscience, quel créateur adorera alors cette machine ? Sera-t-elle amoureuse, quel projet familial développera-t-elle ? L’IA est en réalité le résultat d’un découplement, d’une dissociation en réalité de l’intelligence et de la conscience, bien incapable dès lors d’être connectée à la transcendance et d’être reliée à l’autre dans un rapport empathique, même s’il était prouvé que deux machines reliées peuvent interagir. Une différence particulièrement sensible sur le plan strictement ontologique doit être ici soulignée : une machine est reliée à la matière, alors que l’homme est reliée à la vie et de fait à son Dieu, lui-même qui “recherche des adorateurs en esprit et en vérité”, autrement dit en conscience.

L’IA est un en réalité un vide d’esprit, une absence spirituelle, une frustration pour un objet humanoïde conçue artificiellement qui ne saurait être reliée à la transcendance. Certes l’IA sera une machine dotée de l’apparence d’un corps mais sans réelle conscience humaine sans âme, sans vie réelle, sans esprit, en supposant même qu’on parvienne à construire un robot androïde dont la complexité s’approcherait de celle de l’homme, il lui manquerait toujours cette dimension ontologique et cette ouverture à la transcendance qui ne peut jaillir spontanément que de la seule interaction des causes immanentes, qui résulte de la nature même de cet être fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. La beauté de l’homme ne réside-t-elle pas dans ses imperfections, qui en font un être complexe et d’une complexité insondable pour le simple coeur humain ?

L’IA est ainsi conçue en langage binaire, c’est le langage informatique, l’IA ne connaît que le Oui et le Non, l’homme est au-delà du binaire, la vie de l’homme est faite de nuances, d’erreurs, d’incertitudes, de sensibles, de ressentis. Pour nous, la conscience relève du monde vivant et non d’une mécanique binaire. La conscience n’est donc pas seulement l’intelligence c’est à dire le monde de la connaissance, la conscience c’est aussi une relation intériorisée qui embrasse tout l’homme capable d’interagir avec le vivant et le renvoyer à une dimension émotionnelle.

Un Ordinateur pourrait-il alors s’apparenter à une dimension biologique quelconque, la réponse est évidemment non, catégoriquement non ! Une IA sophistiquée dotée d’une dimension cognitive forte s’adosse de fait à un fonctionnement mécanique programmé par l’homme et de flux de particules et à ce jour la conscience suppose la conscience de l’autre, une forme d’attirance aimante, qui ne résulte pas de la seule aimantation de deux objets.

Ainsi cette prétendue raison qui forme l’encodage de l’Intelligence Artificielle, n’est en réalité habitée que par la seule dimension de la mathématisation de la pensée, une forme d’abstraction sans âme, dénuée d’esprit, vide de conscience, privée de l’amour, dégagé de capacité relationnelle dans un sens fort..

Heidegger pensait lui-même que “le succès des machines électroniques à penser et à calculer » conduirait à la « fin de la pensée méditative »… Nous pourrions de facto donner raison au Philosophe Heidegger, si en effet l’homme devait cesser de s’émouvoir pour emprunter le pas d’automates ne réagissant plus à la lobotomisation de la faculté de rêver, d’imaginer, de créer, de s’étreindre, de rire, d’aimer, car la conscience intense de soi c’est cela et c’est bien au-delà de penser, de cogiter, de raisonner, de traiter, d’analyser, de faire des choix.

Le « Je pense donc je suis » ne définit pas d’après moi toute la dimension de la conscience, le « je pense » est d’abord une information qui ne se résume pas un état de conscience, la conscience ne se réduit pas à la dimension du langage, de ce qui nomme. Enfant je ne maitrisais pas encore le langage, la faculté de former des phrases, mais j’avais le sentiment déjà d’être, « d’être soi », d’exister et c’était l’étreinte de ma mère qui éveilla ma conscience à la vie, son regard, son amour, son geste affectueux, les mots doux qu’elle m’adressait m’étreignant dans ses bras .

La machine peut-elle ainsi s’éveiller à la conscience sans l’étreinte de l’amour, non définitivement non, car cet objet sans filiation naturelle et passé qui n’est, pas étreint, ni embrassé, ni aimé, n’a pas été enfanté dans le mystère, conçu dans l’amour, n’a pas de faculté à s’éveiller mais à rester plutôt inerte, mécanique.

La conscience de soi relève d’un mystère et n’appartient pas à la dimension de la raison, c’est un donné de l’esprit, un donné de la transcendance qui n’est pas celle de la matière.

Il nous faut ainsi préférer les sentiers de la conscience aux autoroutes du monde des algorithmes, car la conscience ne vit toutes les dimensions de la densité que lorsqu’elle est dans les chemins de traverses et non dans les pas de l’automatisme séquencé.

La perte de conscience de l’être humain

Ce que nous avons à craindre, ce n’est pas tant la conscience factice d’une machine, mais davantage la perte de conscience de l’être humain.

Cette perte de conscience se produira le jour où l’homme abandonnera à la machine ses facultés de direction et de choix, en s’imaginant que la machine, cette intelligence virtuelle est infiniment plus perspicace, clairvoyante ou pénétrante que ne pourrait l’être son esprit. Cette perte de conscience se déclenchera lorsque une partie de l’homme bradera à la machine sa conscience afin que cette dernière effectue les comportements mécanisés d’un automate susceptible de lui faire obtenir un gain précieux de son temps,  “libérant” l’humain à d’autres tâches qui ne pas en douter seront les tâches futures, accomplies sans fin et demain par d’autres machines plus performantes  l Serons nous demain seulement des êtres passifs, “des zombies vides de substance …participant aux flux  dématérialisants et énivrants du cyberespace” comme le souligne le philosophe Jean-MicheL BESNIER dans son livre l’homme simplifié.

Mais voici déjà que des milliers et des milliers d’hommes abandonnent à la machine, à ce monde digital et numérique, la direction de leur vie en remettant la destinée de leur existence à un système, une forme de divinité virtuelle et planétaire qui choisira leur emploi, leur alter égo, leurs activités du soir. L’homme se dessaisissant peu à peu de ses tâches corvéables, devient lui même addicte de ses robots domestiques. Une forme de nonchalance docile, se profile dans cet horizon du “système technicien” où l’homme cède comme un petit poucet toutes les données de sa vie et se laisse peu à peu asservir par une créature qui lui échappe, qui prend le pouvoir au fil de l’eau . Ce monde moderne a précipité l’homme dans une multiplicité de dépendances, de jougs serviciels le liant et le subordonnant, grignotant peu à peu son autonomie. Une dictature douce est finalement en train de s’imposer.

Une entité mystérieuse se dresse au crépuscule d’une humanité qui rêve à l’enfantement d’un automate Golem ayant une assise sur la conscience humaine, pilotera ainsi leur vie, l’organisera et planifiera harmonieusement leurs activités, ne laissant ainsi rien au hasard.

La liberté est abdiquée au profit d’un pseudo confort techno numérique qui est en réalité, une servitude, d’une conscience paresseuse qui s’envole dans l’abîme privant ainsi l’homme d’une quête de sa conscience reliée à Dieu. En définitive l’IA est l’ultime système orwellien aspirant les données de nos vies sociales et comportementales contrôlant puis assujettissant l’homme au pouvoir d’une “pseudo conscience” qui réfléchit pour eux mais les ankylose en les privant de leur libre arbitre, la motivation qui les met en mouvement.. Pire demain un tel système discriminera nécessairement les rebelles, les insubordonnés, les indociles et les exclura.(Lire Ap 13.16-17 : elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom). Au fond cela rejoint le propos de Idriss Aberkane spécialiste des neuro sciences qui indiquait que si nous donnions un levier à un fou, nous serions alors responsables du supplément de destruction que nous aurions alors su lui conférer.

De fait cette perte de conscience serait un immense gâchis, “une immense déperdition des forces humaines, qui a lieu par l’absence de direction et faute d’une conscience claire du but à atteindre” . Or dans l’épître aux Romains, nous relevons ce texte magistral qui est une invitation à s’affranchir de cette nouvelle servitude que propose notre monde moderne et donne en réalité un chemin à la conscience humaine si nous recevons favorablement cette exhortation “…vous n’avez pas reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba! Père! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». L’esprit rend ainsi témoignage à notre conscience que nous sommes en réalité enfants de Dieu et non une matière inerte qui n’aurait finalement aucun sens. .

Nous conclurons dès lors cette chronique par un message plein d’espérance en nous adressant à ceux qui nous lisent, nous les invitons dès lors à entrer en résistance en conscience, à partager autour d’eux la dimension d’une relation incarnée, l’éveil d’un esprit relié aux autres découvrant pleinement son humanité et sa conscience non dominée par la machine, ni la matière fusse-t-elle intelligente mais au demeurant sans conscience..

Eric LEMAITRE

Eric qui n’est pas une IA mais un être tout à fait imparfait remercie ses chers amis Bérengère Séries et Etienne Omnès pour leurs lectures vigilantes, l’apport de leurs idées, leurs réflexions celles de consciences libres, ni codées, ni formatées…merci à eux d’être, d’être des êtres de chair et de sang, des êtres sensibles et de relations.


1. référence à Jacques Ellul, Essayiste et théologien protestant penseur de la technique
2. Economiste et sociologue du XX°s, né en 1916 et mort en 2001. L’auteur de l’article vous renvoie à cette référence
3. Le Calculus Ratiocinator est un concept théorique du philosophe et mathématicien Leibniz décrit dans son ouvrage “De Arte Combinatoria” en 1666.
4. Le synopsis du film
5. Le test de Turing : test d’intelligence artificielle fondée sur la faculté d’une machine à imiter la conversation humaine.
6. Texte de Henri Bergson « La conscience et la vie » Editions PUF, l’extrait de ce texte est à la page 6.
7. Extrait du discours de la Méthode René Descartes

qu’est ce que la liberté ?

Auteur Eric LEMAITRE

Qu’est-ce que la liberté ?

La liberté c’est Charlie ? C’est Zemmour ? C’est Dieudonné ? C’est Houellebecq ?

La liberté n’est-ce pas plutôt le respect de l’autre ? Elle n’est ni l’injonction qui soumet, ni l’injure qui offense, ni la blessure qui agresse … ! Ces mots libres qui sont aussi des blessures, cette liberté de dire, de caricaturer, mais qui mortifie.

Au nom de la liberté peut-on offenser librement, choquer, provoquer ?

Mais peut-on aussi dénoncer, déranger, interpeller sans être limogé, censuré comme cela se fait de plus en plus dans nos médias qui censurent leurs lecteurs y compris chez ceux ou celles qui expriment des avis pourtant modérés ? Le mot liberté est plein de nuances, mais il semble qu’elle s’affranchit en effet de la contrainte, de l’empêchement de dire, de penser, de s’exprimer.

Or cette liberté ne se construit-elle pas à ce jour sur des dérives ou de nouvelles dérives qui résultent d’un modèle libéral, libertaire qui préfère à la réflexion, la légèreté de la provocation parfois sans nuances ? Il est ainsi permis d’insulter, de blâmer les religions et l’obligation pour les croyants d’accepter l’offense au nom justement de la liberté ! La république française dans ce contexte de dérive libertaire, n’a pas promu comme règle le respect mais encourage l’outrance de la caricature mais prévoit en revanche dans ses textes de lois, le délit d’opinion. C’est ici l’incohérence qui me frappe et qui m’interroge ! Avoir la liberté de dire, certes mais sous certaines conditions et caricaturer sans fixer les moindres bornes à l’offense. Quelle hypocrisie et celle là me frappe particulièrement !

Existe-t-il une définition globale et absolue de la liberté ou une définition selon l’usage que l’on fait du mot liberté ? La société est formée d’hommes libres mais cette liberté doit être adossée à des valeurs qui doivent viser la seule dimension du respect de l’autre. Ne pas faire à autrui, ce que l’on n’aimerait pas produire comme image de moi ? Que penserait tel ou tel personnage de notre vie publique et au plus haut niveau, si ce dernier était dans la posture d’avilissement et de dépréciation, de dégradation de son image. Ne viendrait-il pas à porter plainte à cause d’une caricature où ignominie aurait été érigée pour blesser, rabaisser publiquement la personne !

Le respect est selon moi la seule matrice intelligible pour fonder un monde commun acceptant nos nuances, nos différences, en faisant attention que les extrêmes ne viennent pas provoquer les déséquilibres et les souffrances qui conduisent au mal. La liberté nous oblige à la décence, au devoir de prendre en considération la sensibilité, celle qui est associée à la communauté du prochain.

Le Président Mandela partageait qu’« Etre libre ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaines, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ». Au fond la liberté c’est savoir désarmer la haine, les menaces en offrant à l’autre sa capacité à le reconnaître dans sa différence sans chercher à lui imposer une conception idéologique de quelque ordre que ce soit ! 

Une citation dont je n’ai pas l’auteur en mémoire…mais il me semble qu’elle est assez juste… « La liberté n’est pas au commencement, mais à la fin. La liberté est le fruit du bon ordre. » Mais en revanche je ne suis pas Saint Just qui fut en son temps l’incarnation du totalitarisme…. Nous savons où conduisit la posture du révolutionnaire et sa définition qu’il donna de la liberté « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

La liberté doit être aimée et parce que nous l’aimons, la chérissons, nous devons prendre soin de ne pas heurter et injurier le prochain en raison de ses croyances, de ses convictions, de sa religion, de ses orientations ! Ma définition de la liberté est ainsi à contre-courant de ce temps qui galvaude le mot liberté et voit en elle l’absence d’opposition, ne nuançant pas le sens qui pourrait fonder une société apaisée qui accepte la différence et donc les désaccords possibles mais qui peuvent aussi enrichir ce qui fait notre relation à l’autre.

La liberté est donc une anti négation ( savoir affirmer la réalité, savoir dire la vérité), et non une libre expression qui provoque les autres. La liberté est un rapport bienveillant au monde qui annonce le sens que lui en donne Mandela, renforcer la liberté des autres ! La liberté est une exigence, bien plus qu’une posture, bien plus que la libre expression.

Or à travers les postures de quatre expressions que sont Charlie, Zemmour, Dieudonné, Houellebecq, nous prenons la mesure des formes de liberté, des manières de penser la société, des problématiques que pose la liberté et du risque de les exposer. Nous voyons bien les dérives d’une société qui est prête à valoriser certaines expressions de la liberté, mais qui en condamne d’autres.

La société libérale-libertaire entend ainsi donner un « visage » à cette liberté, mais ce faisant, cette liberté libertaire devient paradoxalement aussi totalitaire puisqu’elle en exclut les autres manifestations ; ce qu’on a vu dans les propos d’une journaliste prête à « traquer » ceux qui « ne sont pas Charlie », alors qu’ils n’ont fait qu’user différemment de leur propre liberté ! Il n’est pas sûr que ce « visage » soit celui de la liberté à laquelle nous aspirons, d’une liberté libérée des chaînes de l’oppression, d’une liberté fondée sur le respect et qui ne heurte pas la liberté de conscience ou la liberté de penser !

le nouvel essai D’ÉRIC lemaitre : Chroniques d’un monde en PIÈCES

Vient de paraître :

Chroniques d’un monde en pièces

Pour le commander, veuillez cliquer sur le lien ci-dessous :

https://www.lulu.com/en/en/shop/eric-lema%C3%AEtre/chroniques-dun-monde-en-pi%C3%A8ces/paperback/product-ejj6qj.html

Être humain, c’est se confronter à ce que nous ne connaissons pas, c’est nous débattre avec des idées que nous ne connaissons pas, c’est dialoguer avec des affirmations que nous ne partageons pas. C’est un exercice redoutable, que d’être humain! Ces chroniques d’un monde en pièces peuvent nous y aider. Dans tous les sujets abordés, Éric Lemaître ne se laisse pas déterminer par des affirmations «prêt-à-penser», malgré les désaccords qui peuvent exister, il demande que nous gardions les yeux, et l’esprit, ouvert. Ainsi, même si je ne crois pas que le gouvernement entretienne une idéologie du contrôle de la population, je me demande moi aussi si la situation sanitaire pourrait conduire à des pratiques sociales inacceptables. Et si je ne suis pas convaincu que l’impact social soit plus dramatique que l ‘ impact sanitaire, je partage l’opinion de l’auteur: la crise actuelle a marqué à un amoindrissement des relations sociales et à une diminution de notre capacité à l’empathie, en d’autres termes, à un effacement de notre incarnation. Je crois aussi que la technologie est de plus en plus intégrée, non seulement à notre société, mais à nos corps, avec des conséquences que nous ne pouvons qu’imaginer. Un jour, elles viendront demander leurs dus. Les sujets abordés dans ces vingt-une, chroniques sont nombreux, et déterminants. Ils comportent des questions difficiles … Le monde qui se reconstruit peut-être déjà sous nos yeux porte-t-il les germes de l’espérance d’un monde meilleur? Est-ce que la propagation du Covid-19 ne nourrit pas en chacun de nous une anxiété, une méfiance, et un soupçon des autres? Les réponses apportées sembleront parfois extrêmes. Elles ne convaincront peut-être pas. Mais même alors, ces réponses ne sont qu’un éclair passager illuminant les questions que nous devons absolument poser.

Yannick IMBERT théologien, Professeur d’apologétique et d’histoire de l’Église, doyen de la faculté Jean CALVIN

Conséquences de la loi bio éthique sur la famille et répercussions sur la nation

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité.

Auteur Eric LEMAITRE

La ville de Reims dans le cadre des ateliers santé ville, il y a 15 ans de cela me confiait plusieurs études orientées principalement sur les quartiers en difficulté.

Plusieurs thématiques de santé étaient abordées et au fil de nos enquêtes, une problématique émergeait et concernait la figure du père. L’un de mes interlocuteurs m’avait invité à approfondir le sujet qui selon lui, allait constituer un enjeu majeur de société. Quand cette personne aborda avec moi, la figure du Père, elle précisa sa pensée et me partagea que cette figure semblait disparaître et que ses répercussions pourraient formellement être dramatiques pour les prochaines décennies. Quand je vous évoque ici la disparition du père, ce n’est pas le père en soi, c’est la disparition d’un ensemble qui permet de le définir. Le père cet homme, n’existe pas sans la mère cette femme, et la mère cette femme n’existe pas sans le Père cet homme. Les deux figures interagissent ensemble, elles sont essentielles, nécessaires à la vie de l’enfant.

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité. Mais ce point qui concerne la transmission, le lien et la solidarité, je l’aborderais dans un instant.

Je reviens à nouveau à cette mission d’étude des Ateliers Santé Ville, dans le cadre de ces enquêtes, nous avions alors pris conscience que des enfants laissés à leur compte en l’absence de père assumant leurs responsabilités éducatives menaient leurs enfants à rechercher inexorablement la figure d’un Papa qui incarnerait l’autorité, la dimension d’un cadre éducatif. Les enquêtes santé m’ont alors conduit vers les jeunes pré-ados et ados   qui vivent dans des quartiers où l’on dénombre une quantité de femmes seules, de foyers monoparentaux et des enfants en proie à des addictions alcool, cannabis et voire drogues. Ce que nous observions dans le cadre de ces enquêtes auprès de ces pré-ados, et ados, ce fut chez eux la recherche de pères de substitutions, des pères par procuration, le clan formerait alors le Père de remplacement, faute d’un vrai Père. 

Il est criant dans notre société et de façon beaucoup plus générale qu’un enfant passe beaucoup plus de temps avec ses écrans cathodiques ou numériques qu’avec son Père comme avec sa mère. Que deviendra alors une société où le Père est absent où la figure paternelle disparaît, voire « éliminée » et si la mère ne se révèle pas à travers la figure du Père !

Quel signal nous renvoie, alors ces lois bioéthiques qui signent l’effacement du Père, la dissipation, voire l’élimination de la figure paternelle. Chaque enfant a besoin d’un père et d’une mère. Chaque Père et chaque mère présentent une relation d’affection différente à son enfant. L’amour d’un père est une présence qui n’est pas celle d’une mère.

Les fils ou les filles, ont besoin du regard de leur Père, de la fierté de leur Père pour se construire, grandir. C’est la relation tacite passée entre un père et un fils ou sa fille, une mère et un fils ou sa fille. Or, cette source de motivation qui est l’essence même de notre humanité, est en train de se débiliter, de s’effacer subrepticement, de s’affaiblir inexorablement.

Il est évident que le vide émotionnel ne concerne pas uniquement la figure paternelle, ce vide émotionnel concerne aussi la figure maternelle, quand l’enfant en a été privé.

Ces lois bioéthiques sont pour moi le miroir et le reflet d’une tragédie qui se déroule sous nos yeux, qui couve sûrement, sur le point d’enfanter demain, les prochaines barbaries et révoltes des enfants devenus adultes qui ne supporteront plus l’égoïsme d’une génération qui les a privés d’une réelle affection, préférant le désir plutôt que l’accueil, choisissant l’envie, plutôt que le don d’une vie qui s’offre à eux naturellement et sans recours à une solution démiurgique.

Les lois bioéthiques approuvent ceci : en accédant à des désirs pour soi et des désirs auxquels ne peut répondre la loi naturelle, on ne répond pas aux attentes immenses de tout le genre humain qui a ce droit absolu de connaître les deux figures nécessaires et complémentaires d’un homme et d’une femme offrant une relation singulière et absolument nécessaire à la vie d’un enfant.

En m’interrogeant sur les répercussions des lois bioéthiques qui participent à la disparition des figures paternelles et ses effets sur la nation, je songeais à ce texte fameux de l’historien Ernest Renan lu à la Sorbonne le 11 mars 1882. À propos de la nation qui n’est ni l’état, ni en soi un peuple, mais plutôt une communauté de transmissions, héritière d’un passé, d’un legs et dont la dimension même de nation est incarnée par la solidarité. Je vous décline les éléments essentiels de ce texte partagé par l’historien Renan et je vous le commente ensuite :

« La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre-ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. [] Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »

Implicitement nous comprenons que la famille représente une des cellules et une des composantes indissociables de cette idée de nation qu’elle en représente nécessairement l’essence.

Nous pourrions à l’instar de cette citation de Renan, affirmer que la famille loge aussi une âme, un principe spirituel, un principe même sacré. Ce qui caractérise en effet la famille et l’enfant qu’elle accueille, c’est l’héritage naturel qu’elle lui transmet, la filiation de l’enfant, son origine, ses origines puisque la naissance de l’enfant découle d’un principe naturel, un legs spirituel : une parturition qui découle de la rencontre d’un homme et d’une femme et qu’il accède à la richesse de ses deux parents.

De la différence entre son père et sa mère, l’enfant apprend alors la solidarité, et même s’il n’y a pas de famille en soi idéale, l’enfant s’instruit de par la richesse des différences de ces deux visages qui forment un même cœur, sa famille.

Lorsque la famille éclate, car il n’y a pas de famille qui ne connaît pas de mésentente, l’enfant en est troublé, perturbé et cela touchera aux dimensions du lien et de la solidarité. Lorsque les lois bioéthiques lui assignent qu’il n’a pas de Père et je songe à la PMA et ce que cette réification biologique autorise, elle efface du coup le legs, le patrimoine d’un Père, d’une figure complémentaire.

La loi bioéthique exprime des revendications de désirs d’adultes qui ne prennent pas en compte les liens complémentaires et essentiels à la croissance de l’enfant pour devenir eux-mêmes adultes : d’une part le lien entre conjugalité et filiation, le lien entre enfantement et transmission, d’autre part.

La loi bioéthique omet sciemment, mais gravement l’intelligibilité de la filiation, exclue la relation père et mère, et consacre institutionnellement le déni d’un des deux parents, supprime le père, sans se préoccuper des besoins de l’enfant pour grandir. C’est une atteinte grave, un crime contre l’humanité, une blessure causée à la vie de l’enfant que ces hommes et femmes, élus de la nation, mais sans conscience, auront définitivement ruiné. Nous sommes ici ce 11 octobre 2020 pour être ce petit caillou dans la chaussure de nos élus, pour protester vigoureusement contre ces lois iniques qui déconstruisent l’homme et la femme.

Éric LEMAITRE

Le test de turing

Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

Lire la suite sur le site : https://www.science-et-vie.com/technos-et-futur/le-test-de-turing-cense-deceler-l-intelligence-d-une-machine-est-vraiment-faillible-6943

Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

Mais deux spécialistes de l’IA viennent de publier un article dans le Journal of Experimental & Theoretical Artificial Intelligence révélant les limites de ce test, alors que les progrès et la diffusion de l’IA dans de nombreux secteurs dont la sécurité rend absolument nécessaire l’évaluation de leur niveau d’intelligence.

Une machine qui bugge peut donner l’illusion d’être intelligente

La trouvaille des auteurs n’est pas technique, et peut même sembler franchement anecdotique. Mais elle a l’avantage d’enterrer un peu plus ce test basé sur le jugement humain et non pas sur une définition scientifique de l’intelligence.

Les auteurs montrent en effet comment plusieurs systèmes IA ont gagné au test tout simplement en buggant et donc en ne répondant pas aux questions des évaluateurs.

Le test de Turing

Le « jeu de l’imitation », comme l’a nommé Turing dans son article

L’éolienne

Un poème satirique sur l’éolienne où nous découvrons les dessous d’une arnaque écologique

Auteur Fabrice Lefèvre

Paressant en douceur dans sa marche immobile
Sous le vent malicieux qui soulève ses bras,
Elle propulse ainsi ses membres de débile
Telle une marionnette enjolant un cobra.

Par son corps effilé, sa stature imposante,
Solidement ancré dans un sol bétonné
Au milieu de campagne à l’allure indolente
Son oisif enthousiasme a l’aspect dominé.

Borgne elle scrute aussi la nuit noire et obscure
De son œil clignotant tantôt rouge ou bien blanc
Tentant de déceler d’où viendra la morsure
Sans comprendre à jamais qu’elle cause un semblant.

Elle vient d’un ailleurs que nos maîtres antiques
N’auraient su concevoir aux plus forts cauchemars
Sur leurs plans assemblés au fond de leurs boutiques
Si ce n’est de l’esprit tordu d’un zigomar.

Et que fait elle ainsi, l’orgueilleuse attitude
Qui convient à sa troupe aux insolents soldats
Engagés, frais inclus, sans aucune inquiétude
Elle fait de son mieux pour mener son mandat.

A quelle convenance est-elle assujettie
Pour trôner dans l’espace infini du commun
Défigurant ainsi, dans sa psychopathie
Notre environnement pollué, sans parfum.

A bien y regarder, quand l’une de ses branches
S’aligne avec son corps, vous pouvez découvrir
Avec stupéfaction, une croix toute blanche
Qui ne conduira pas pourtant au repentir.

Et dans les temps futurs, devant cet héritage,
Que diront nos enfants, dans l’incompréhension
Qu’on ait laissé pousser cet étrange équipage
Et sans leur concéder la moindre compassion.

Le monde crépusculaire

Cette période pandémique devrait nous conduire à une réflexion intense sur le sens même que nous donnons à la vie, or cela ne semble pas être la priorité de nos gouvernements. Il nous faut à nouveau faire fonctionner le business du monde, le remettre en marche grâce à nos nouveaux superhéros masqués, nos Batman et consorts. Alors nous attarder sur le monde crépusculaire est une pure gageure, penser un instant que l’homme pourrait changer après cet épisode épidémique est un pari bien hasardeux auquel nous ne devrions pas nous attarder dans cette nouvelle chronique. Mais arrêtons-nous ici, il est impératif comme je l’ai écrit dans une précédente chronique, de ralentir notre marche pour comprendre que vouloir le monde qui va de l’avant est une utopie, une aporie, une incohérence.

Blaise Pascal : « On ne voit presque rien de juste ou d’injuste, qui ne change de qualité, en changeant de climat. Trois degrés d’élévation du Pôle renversent toute la Jurisprudence. Un Méridien décide de la vérité, ou peu d’années de possession. Les lois fondamentales changent. Le droit a ses époques. Plaisante justice qu’une rivière ou une Montaigne borne ! Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »

Cette période pandémique devrait nous conduire à une réflexion intense sur le sens même que nous donnons à la vie, or cela ne semble pas être la priorité de nos gouvernements. Il nous faut à nouveau faire fonctionner le business du monde, le remettre en marche grâce à nos nouveaux superhéros masqués, nos Batman et consorts. Alors nous attarder sur le monde crépusculaire est une pure gageure, penser un instant que l’homme pourrait changer après cet épisode épidémique est un pari bien hasardeux auquel nous ne devrions pas nous attarder dans cette nouvelle chronique. Mais arrêtons-nous ici, il est impératif comme je l’ai écrit dans une précédente chronique, de ralentir notre marche pour comprendre que vouloir le monde qui va de l’avant est une utopie, une aporie, une incohérence. La vision d’un monde conduit par le prétendu progrès continu relève d’un monde imaginaire, d’une fiction, d’une aventure sans lendemains. Comme je le partageais à un ami, je préfère les grimpeurs aux sprinteurs, l’escaladeur au skieur alpin, dans l’effort et la peine, même au bord de l’épuisement, le bénéfice du grimpeur ou de l’alpiniste est celui du dépassement de lui-même, il est dans la recherche du dosage de son effort et finalement de l’excellence dans la prise de risque. A contrario le sprinteur ou le skieur, grisé par l’élan, la vitesse, recherche coûte que coûte la performance, mais la chute n’est jamais loin, du fait de la perte de l’équilibre ou de la puissance mal dosée. Le monde atteint par la pandémie ne semble pas vouloir se donner la peine de réfléchir au dosage de son effort, prétextant que nous devons sauvegarder la raison et la performance, comme si en effet la raison, la performance, rattraper le temps perdu, devenaient les seules sources de salut de l’humanité. Pourtant face à la pandémie, même la pensée stoïcienne nous est refusée, celle de penser les événements et d’agir en conséquence. La pandémie nous a tous rappelés à l’heure de l’homme augmenté que nous étions tous des êtres vulnérables. Mais tout est entrepris pour nous dispenser de penser ou de songer à cette vulnérabilité, d’aspirer à cette faculté de discerner ce qui doit être remis en cause. J’ai noté dans les réflexions partagées que l’écologie connaissait un nouveau regain, qu’il fallait voir dans les événements, le réveil de la nature comme si la nature remplaçait la divinité judéo-chrétienne d’hier et se suffisait à elle-même pour enseigner l’autosuffisance de l’homme. Mais n’allez pas non plus évoquer Dieu pas même la transcendance, d’ailleurs qui a osé s’aventurer sur ce terrain. L’Église est en effet la grande absente des débats, comme si toute réflexion théologique à propos de la pandémie qui émanerait des croyants, annoncerait un retour menaçant de la théodicée, soit les marginaliserait ou les reléguerait à la condition de purs illuminés. Il me semble que dans cette période de pandémie, tout est en réalité fait pour intimider l’Église et la réduire au silence. D’ailleurs le silence de l’Église est assourdissant ; peu veulent relayer en réalité le message universel de l’Évangile, peu osent prendre la parole pour évoquer la vérité. Notre époque est celle qui a choisi de mettre sous le boisseau la lumière et dans sa salière le sel et tout ce qui dérange est prié de se taire, de faire silence.

En quelques décennies, notre monde a changé, et les structures des sociétés occidentales se démantèlent pour faire place à une déconstruction de tous les socles, à l’effondrement des valeurs qui ont forgé la vie commune. Avec la pandémie qui vient frapper ce nouveau siècle, nous entrons dans une période de relativisme moral, de relativisme anesthésiant qui finit par empêcher tout réel discernement et qui mène furtivement à la déshumanisation. Le relativisme était déjà bien engagé plusieurs siècles plus tôt, depuis l’antiquité, un relativisme qui promeut en définitive la subjectivité. Cette période qui marque « une société devenue liquide [1] » souligne une conception sans différencier ce qui relève du bien ou du mal, où il n’y a définitivement ni absolu ni universel. En quelques siècles et sans doute aggravé depuis les « Lumières » ; nous sommes entrés dans le monde du sophiste Protagoras qui affirmait à l’époque de Platon que « l’homme est la mesure de toutes choses »[2] faisant ainsi éloge à la seule raison humaine et délogerait tout recours à une quelconque divinité.

Le sophiste Protagoras serait à son aise dans cette vision du monde relativiste, que lui-même avait soutenue dans ce célèbre dialogue engagé avec Socrate, rapporté par Platon dans le Théétète. Protagoras se conformerait sans nul doute à l’esprit de notre siècle qui est amené en somme à considérer que toutes les normes se valent, qu’il n’existe en soi aucunes références qui seraient transcendantes, aucune forme de hiérarchie ni même de principe divin, ni différence entre le bien et le mal et « s’il n’y a pas de bien alors tout est permis ». Nous sommes dans un processus permanent, de révision de l’universalité morale et même d’une prétendue vérité scientifique qui a été mise à jour par ailleurs au cours de cette pandémie. Notre siècle a vu finalement le triomphe de la doxa du subjectivisme moral défendue plusieurs siècles plus tôt sur l’agora où se disputaient Socrate et le sophiste. Pourtant le triomphe de cette thèse relativiste ne signifie en rien qu’elle soit vraie. Une telle opinion démontrerait plutôt qu’un monde fondé sur des idéologies non ancrées dans la réalité tendrait plutôt à faire chanceler une société dans l’incertitude des valeurs. Le subjectivisme moral incarne irrémédiablement une dimension en soi toxique, puisqu’il s’agirait si on ne considère strictement que la chose en question que d’abattre l’héritage culturel. En ces temps crépusculaires, notre héritage culturel est en soi soupçonné de n’être que la manifestation déterministe d’une volonté de domination, d’une classe sur une autre ou d’une autre idéologie sur une autre, partant du principe finalement que toutes les idéologies se valent également. En écrivant ces lignes, je me mets à rêver d’un échange épistolaire entre C.S Lewis et le sophiste Protagoras, l’échange aurait quelque chose en soin d’intemporel, mais sans doute de passionnant, mettant en exergue la vision d’un monde réel entamé par l’idéologie nihiliste qui s’épuise à vouloir faire effondrer le principe d’un « TAO[1] », ce principe fondé sur les lois naturelles pourtant défendu par Aristote et Platon puis plus tard par Thomas d’Aquin. Le monde idéologique relativiste s’emploie finalement à priver l’humanité de la capacité vraie de répondre émotionnellement aux expériences de l’amour universel et véritable, de la beauté, du bien et du vrai.


Or nous le percevons bien, nous assistons à ce processus permanent de révision de la pensée. Ce processus de révision concerne toutes les sphères de la vie humaine. Aujourd’hui l’idéologie relativiste vient même à infecter la vie sociale, renverser de façon éruptive toutes les tables. La fétidité idéologique dont l’apogée prolonge la pensée progressiste résulte probablement de l’arbitraire nihiliste, d’une culture discrétionnaire et de toutes les formes d’injustices et de mépris qui ont régné dans ce monde ou l’ont en revanche imprégné. Nous sommes dans un changement radical de métaphysique bafouant l’universel, le bien et le mal et notamment tout ce qui touche au domaine de l’anthropologie. Hier avec quelques amis, nous réfléchissions à la manière d’alerter les députés qui en catimini s’apprêtent à voter une loi dont les conséquences biologiques et éthiques seront redoutables pour l’avenir même de notre humanité. Une loi jugée prioritaire alors que la dette publique augmente brusquement, les faillites des entreprises s’enchaînent, le chômage s’amplifie, mais pour le projet de révision des lois de bioéthique, il n’est pas question de retarder le vote, comme s’il y avait là une véritable urgence. Tout est devenu relatif dans ce monde qui ne discerne ni le bien, ni le mal, qui ne hiérarchise plus rien.   

Ces changements qui viennent en quelque sorte muter la conception anthropologique de l’homme résultent sans aucun doute de cette corruption des équilibres liée aux identités homme et femme. Cette même corruption est venue atteindre la dignité humaine en s’attaquant même au plus faible, au plus fragile, loin également de partager l’idée de défendre l’homme et tout l’homme, d’en prendre soin. Dans la même veine, là où l’altérité démontrait la complémentarité sans domination d’un sexe sur un autre sexe, nous assistons aujourd’hui et de façon consternante à une opposition brutale des hommes et des femmes, une revanche des femmes contre le genre masculin qui par ses outrances d’hier paie aujourd’hui une forme de tribut, de dénonciation radicale et permanente faisant du sexe masculin, un prédateur potentiel, un suspect par nature. Nous entrons manifestement là dans une forme de déséquilibre des rapports homme femme, là où l’enjeu devrait être l’identification des complémentarités des deux moitiés égales d’une même humanité. Mais les oppositions ne se réduisent pas seulement à la guerre des sexes, mais aujourd’hui à d’autres discriminations virulentes et qui opposent les couleurs qui caractérisent la pigmentation associée à la peau. Pour ma part différencier les hommes par la suite de la couleur de peau ou discriminer les hommes et les femmes en raison de leur sexe est évidemment insupportable. Mais aujourd’hui nous entrons dans une nouvelle expression, un mouvement de balancier avec ses excès, avec une forme de démesure des révoltes nihilistes, doublée d’une forme de relativisme du bien et du mal. Mais selon moi les révoltes sont nées de l’abandon des valeurs de l’Évangile qui ont imprégné les fondements universels des lois naturelles[4] de la société. Nous faisons face en fin de compte à une forme de dérèglement absolu des fondements moraux de la vie morale et sociale qui avaient déjà été pensés dans le décalogue et notamment dans les livres des Lévitique et Deutéronome pour vivre une société connaissant en fin de compte le bien-être si celle-ci consent à vivre selon des principes qui ont leur source dans une loi qui transcende l’humanité.

La manifestation soudaine de la pandémie vient comme accentuer le relativisme comme les crises sociales que nous avons traversées en France. Nous sommes assurément à l’aube d’un point de bascule d’une époque qui s’affranchit de ses lois morales, de ses valeurs cardinales fondatrices d’une société reposant sur des socles partagés qui visaient hier à consolider l’identité même d’une nation. Une frange de notre humanité appartenant à ce monde occidental fait voler en éclats tout ce qui se rapportait à une dimension morale et universelle d’une société forgée que l’on veuille ou non par des lois qui la transcende. Nous ne sommes pas loin de fait d’une société fragilisée par l’avènement de désordres et d’une forme réelle d’anarchie où s’apposent frontalement des cultures aux antipodes d’une société fondée sur le bien commun, la res publica ou autrement dit la chose publique. Je vous fais ici la confession d’avoir été bouleversé par la remarque faite au président de la République par un manifestant qui l’a alpagué, apostrophé lors d’une promenade aux jardins des tuileries, lui faisant savoir que le Président « était son employé » et qu’il avait immédiatement à répondre à son injonction. Ce qui me désole en soi dans cette attitude de rébellion, c’est-à-dire vrai la désacralisation de la fonction présidentielle. Le concept de « Président normal » introduit par le précédent président français, François Hollande, vient en fait jeter comme une forme de trouble sur la dimension réservée à nos institutions. Lorsque le monde est en dehors de toute règle, de toute loi forgeant le respect dû à la fonction, ne serions-nous pas au bord d’une forme d’anomie sociale. Dans son livre, le suicide, le Philosophe Émile Durkheim mettait en évidence une forme de dérèglement, d’effacement des valeurs morales comme l’annihilation du sentiment moral, l’aliénation du discernement, une existence dépourvue de sens. Une société est concernée par l’anomie lorsque cette dernière promeut une forme de prédation en quelque sorte l’instinct plutôt que de coopération. Ainsi un manifestant agit comme un prédateur lorsqu’il se met en quelque sorte à poursuivre le président de la République, le sommant de lui répondre, sans aucune forme d’égard, de considération. Ce manifestant vient à bousculer cette règle admise par tous de respecter nos institutions. L’interpellation en soi est une chose, mais d’y répondre et de se mettre à un niveau de simple citoyen comme l’a fait le président Emmanuel Macron, répondant à un autre citoyen, abaisse finalement la sacralisation de la fonction. Dans ces contextes, l’anomie pour Émile Durkheim provient finalement d’un manque de régulation de la société sur l’individu. C’est un cas type d’anomie, un individu s’affranchit de toutes les bornes, de toutes les limites pour apostropher la fonction hors des champs d’une institution qui par ses principes devait régler la parole citoyenne via l’intermédiation. En fait cette forme d’injonction n’est en soi pas une première, la gouvernance des derniers présidents de la République, a au fil de l’eau accepté l’altercation directe. Or ces escarmouches répétées viennent entacher la fonction et conduisent à une forme de délitement du respect liée à l’incarnation de l’intérêt national. N’est-il pas écrit dans l’épître aux Romains[5] « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes ». Or notre époque ne se caractérise-t-elle pas une forme d’effondrement du respect, qui vient à chahuter de manière permanente l’ordre. Il s’ensuit des révoltes, une sorte de rébellion généralisée contre l’autorité.

L’année 2019 en France fut ainsi caractérisée par une forme d’émeute quasi anarchiste sans leader [Le refus de tout chef, d’un quelconque porte-voix], où les attitudes furent manifestement l’expression de vouloir en découdre avec les autorités, de déboulonner les symboles des tutelles qui gouvernent le pays. De tous les observateurs, l’idée est partagée que notre monde est aujourd’hui traversé par une forme de nihilisme généralisé. Le nihilisme se caractérisait hier par le fait de nier toute possibilité d’accéder à des vérités ultimes, après avoir dénoncé les fondements de la croyance en Dieu, il s’agit aujourd’hui dans ce monde crépusculaire de décaper les figures de notre humanité [Les statues], de fustiger l’histoire, de renverser toutes les valeurs, de mettre à sac la société, de dévoiler toutes les formes d’injustices mais sans pour autant la faire reposer sur d’autres fondements. Nous sommes en permanence sur des logiques de dénonciation, de mise en accusation sans rechercher la vérité, la bienveillance, renonçant au beau, au bien et au vrai. Le monde nihiliste comme relativiste ne semble obéir qu’à ses pulsions et étrangement en appelle à un messie capable de répondre à tous ses désirs. Il est étrange que les cycles de l’histoire se répètent finalement, nous sommes à l’aube d’accueillir le nouveau messie issu d’un monde anti contact, anti relationnel, un messie qui sera à l’envers de l’incarnation relationnel. En écrivant ces lignes, je pense forcément à  Friedrich Nietzsche auteur de ce livre finalement prophétique qui est l’auteur de cet essai « La volonté de puissance », le contenu du livre exprime une nouvelle métaphysique et une nouvelle vision anthropologique de l’homme, le devenir du nouvel homme émergera d’une  hiérarchie d’instincts, de pulsions et d’affects, qui formeront la nouvelle  perspective de l’humanité accueillant les promesses d’un nouveau monde qui aura détruit l’ancien et forcément détruira le christianisme. La cathédrale de Nantes qui brûla ce 18 juillet préfigure-t-elle l’énoncé d’une nouvelle révolte, et comme je le partageais à un ami au cours de cette matinée du 18 juillet, ils se sont attaqués à un bâtiment ce matin, demain ils viendront à brûler le corps. Comme l’écrit le professeur Laurent Jenny « Le crépusculaire se dérobe à une reconnaissance claire parce qu’il recouvre à la fois une dissolution de l’événement et un embrumement de sa perception ». Le même auteur à propos de Baudelaire ajoute : « ce n’est probablement pas la fin du monde mais le monde de la fin, pas l’Apocalypse mais l’avènement des temps crépusculaires. « Ces temps sont peut-être bien proches.» Il se peut même qu’ils soient déjà venus. Notre impuissance à le reconnaître est elle-même crépusculaire [6]».


[1] Le concept de société liquide a été pensé dans les années 1990 par le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman professeur à la London School of Economics.   Pour Zygmunt Bauman, la vie liquide se caractérise à travers des êtres humains qui perdent tout repère, toute attache. Notre humanité selon l’essayiste est entrée dans un monde de confusion sans repères.

[2] « L’homme est la mesure de toute chose » est une citation du sophiste Protagoras reprise par le philosophe Platon dans son Théétète qui forme une trilogie de dialogues dits socratiques. Le premier dialogue concerna la science et sa définition suivi d’un second « Le sophiste » et troisième dialogue « Le Politique ». Cette pensée exprimée par le sophiste Protagoras est une critique sévère des vérités dites « universelles ». Socrate dans le même dialogue rapporté par Platon réfute la pensée du sophiste en s’interrogeant sur le relativisme de Protagoras et lui demandant alors qu’est-ce qui mesurerait alors l’homme ?

.[4] Cicéron homme d’État romain et écrivain définit la loi naturelle, cette idée a été reprise également par Thomas d’Aquin « Il est, en effet, une loi véritable, la droite raison conforme à la nature, immuable et éternelle, qui appelle l’homme au devoir par ses commandements et le détourne du mal par ses défenses et dont les commandements ni les défenses ne restent jamais sans effet sur les bons, ni sans action sur les méchants. On ne peut ni l’infirmer par d’autres lois, ni déroger à quelques-uns de ses préceptes, ni l’abroger tout entière. Ni le sénat, ni le peuple ne peuvent nous soustraire à son empire ; elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique. Il n’y en aura pas une à Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre demain, mais une seule et même loi éternelle, inaltérable qui dans tous les temps régit à la fois tous les peuples. Et l’univers entier est soumis à un seul maître, à un seul roi suprême, au Dieu tout-puissant qui a conçu et médité cette loi. La méconnaître, pour un homme, c’est se fuir soi-même, renier sa nature et par là même subir les plus cruels châtiments, alors même qu’on échapperait à tout ce qu’on regarde comme des supplices. »

[5] Épitre aux Romains 13 : 1-2. L’épitre est écrite par l’apôtre Paul.

[6] La citation est extraite : https://po-et-sie.fr/wp-content/uploads/2018/10/55_1991_p124_129.pdf

« Les vieux: confinés, isolés, enfermés? »

Nous avons été, pendant deux mois, « confinés ». « Restez chez vous » pour vous protéger, pour
protéger les autres et parce que vous avez conscience de l’intérêt collectif. Les injonctions étaient
pertinentes… Qui pourrait prétendre le contraire ? Mais elles n’ont pas été vécues par toutes et tous de la même manière. Ainsi parmi nos concitoyens, certains ont vécu des situations particulièrement difficiles. On évoque partout le remarquable travail des soignants. Rendons leur hommage, à eux, et aussi aux enseignants, aux employés de commerces et autres « invisibles » grâce à qui le pays a continué à fonctionner… Mais, au delà de cet hommage, imaginons un instant ce qu’ont vécu les personnes confinées en établissement

Le Philosophe Didier. Martz

undefined

Bonjour à toutes et à tous. C’est la 11ème chronique du ou de la COVID intitulée « Les vieux: confinés, isolés, enfermés? » Elle nous est proposée cette fois-ci par Michel BILLÉ, sociologue, quelque peu philosophe et surtout ami, qui revient avec nous sur la pensée et la pratique du confinement. Celui-ci n’a-t-il pas été proche, en EHPAD en particulier, de l’isolement et de l’enfermement voire de l’immobilisation ?
Nous avons été, pendant deux mois, « confinés ». « Restez chez vous » pour vous protéger, pour
protéger les autres et parce que vous avez conscience de l’intérêt collectif. Les injonctions étaient
pertinentes… Qui pourrait prétendre le contraire ? Mais elles n’ont pas été vécues par toutes et tous de la même manière. Ainsi parmi nos concitoyens, certains ont vécu des situations particulièrement difficiles. On évoque partout le remarquable travail des soignants. Rendons leur hommage, à eux, et aussi aux enseignants, aux employés de commerces et autres « invisibles » grâce à qui le pays a continué à fonctionner… Mais, au delà de cet hommage, imaginons un instant ce qu’ont vécu les personnes confinées en établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, autrement dit EHPAD, ou les établissements pour les personnes en situation de handicaps très importants.
Elles avaient accepté, avec parfois beaucoup de difficultés, de quitter leur domicile ou le domicile
familial parce qu’on leur a dit « Tu ne peux pas rester seul, tu ne peux pas continuer à vivre sans voir personne, sans avoir d’échanges, de relations avec d’autres personnes, etc. Il faut bouger, sortir, voir du monde… » Et voilà qu’un virus, par surprise ou presque, conduit les responsables de notre pays à fermer, tout
ce que jusque-là nous voulions ouvrir… les frontières, les magasins, les écoles, les universités, les
commerces, les lieux culturels, les établissements spécialisés… rien n’était assez ouvert !
Que deviennent alors les raisons pour lesquelles on avait convaincu les personnes âgées d’entrer en EHPAD ? Elles partageraient une vie sociale, elles verraient du monde, elles auraient des visites, elles participeraient à des animations, ce serait un lieu de vie, elles y seraient « chez elles »… A leur arrivée on a même écrit pour elles et parfois avec elles leur « projet de vie » ! Mais désormais il leur est interdit de sortir !
Il se pourrait même que le confinement les retienne non seulement dans l’établissement mais aussi dans la chambre dont on dit qu’elle est la leur. Finis les repas partagés dans une salle à manger conviviale, finis les moments d’échange avec les autres résidents : un personnel masqué, méconnaissable vous enjoint de ne pas quitter votre chambre !
Que le confinement soit une exigence sanitaire, admettons ! Mais si les conditions de sa mise en
oeuvre entraînent une fragilisation ou une rupture des liens affectifs, familiaux et sociaux, voilà qu’il se fait redoutable isolement. Non pas solitude « où je trouve une douceur secrète » disait La Fontaine mais bien isolement, c’est-à-dire être dans l’impossibilité de poursuivre ou d’établir des relations. Et les fameux bienfaits de la « connexion » tous azimuts seront une bien maigre consolation.
Ainsi de confinement en isolement, on glisse vers l’enfermement. Pas par intention de faire mal,
mais de fait ! Notamment parce que vous n’en décidez pas et que, d’accord ou non, vous en êtes réduit à le subir. Le « grand renfermement » que Michel Foucault nous aidait à comprendre et à analyser est à l’oeuvre, discrètement sans doute, mais terriblement ! Bien sûr on nous dira que dans nos vies on ne décide finalement
pas de grand-chose et que la liberté ne consiste souvent qu’à décider d’accepter des contraintes que l’on ne peut pas refuser. Mais à ce point !
Confiné, isolé, enfermé. Les références carcérales que ces derniers impliquent a quelque chose
d’insupportable et on préfèrera utiliser le « doux » confiné. Mais la confluence de ces trois termes en appelle un quatrième : confinement, isolement, enfermement appelle immobilisation. Une invisible contention qui contient et maintient l’individu dans l’espace réduit de la chambre. Comme le chantait Jacques Brel : « Les vieux ne bougent plus… du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit. »
Demain nous aurons à inventer la suite, chacun dans notre propre rôle mais pour cela il nous faut dès maintenant penser la manière dont nous souhaitons faire société avec les plus vulnérables de nos concitoyens. Confiner, n’est-ce pas étymologiquement toucher aux confins, aux limites ? Y compris, sans doute, aux limites de notre humaine condition… Ainsi irait le monde ! Merci Michel Billé.
Ainsi va le monde

Chroniques philosophiques de la vie ordinaire
Chez D.Martz : cafedephilosophie@orange.fr