Le test de turing

Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

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Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

Mais deux spécialistes de l’IA viennent de publier un article dans le Journal of Experimental & Theoretical Artificial Intelligence révélant les limites de ce test, alors que les progrès et la diffusion de l’IA dans de nombreux secteurs dont la sécurité rend absolument nécessaire l’évaluation de leur niveau d’intelligence.

Une machine qui bugge peut donner l’illusion d’être intelligente

La trouvaille des auteurs n’est pas technique, et peut même sembler franchement anecdotique. Mais elle a l’avantage d’enterrer un peu plus ce test basé sur le jugement humain et non pas sur une définition scientifique de l’intelligence.

Les auteurs montrent en effet comment plusieurs systèmes IA ont gagné au test tout simplement en buggant et donc en ne répondant pas aux questions des évaluateurs.

Le test de Turing

Le « jeu de l’imitation », comme l’a nommé Turing dans son article

Réflexions sur la 5 g, dernière vague de l’emballement techno dans le monde machine

Nos lecteurs savent que nous ne faisons pas partie de la Société des Amis du Monde, l’organe central de la technocratie. Nous ne quémandons jamais la faveur d’une tribune dans ses pages « Débats », mais nous avons accepté pour la troisième fois en vingt ans, de répondre aux questions d’un de ses journalistes. Les deux premières fois, il s’agissait des nanotechnologies et de la tyrannie technologique ; cette fois de la 5G et du monde-machine.
L’article du Monde (« Protection de la santé, lutte contre le consumérisme… Pourquoi une partie de la gauche s’oppose à la 5G », 18/08/20 – à lire ici) vise essentiellement à valoriser les parasites et récupérateurs du type Piolle et Ruffin. Il n’était pas question que notre entretien paraisse in extenso. Raison de plus pour le publier nous-mêmes en ligne.

Article extrait et à lire sur : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1344

Nos lecteurs savent que nous ne faisons pas partie de la Société des Amis du Monde, l’organe central de la technocratie. Nous ne quémandons jamais la faveur d’une tribune dans ses pages « Débats », mais nous avons accepté pour la troisième fois en vingt ans, de répondre aux questions d’un de ses journalistes. Les deux premières fois, il s’agissait des nanotechnologies et de la tyrannie technologique ; cette fois de la 5G et du monde-machine.
L’article du Monde (« Protection de la santé, lutte contre le consumérisme… Pourquoi une partie de la gauche s’oppose à la 5G », 18/08/20 – à lire ici) vise essentiellement à valoriser les parasites et récupérateurs du type Piolle et Ruffin. Il n’était pas question que notre entretien paraisse in extenso. Raison de plus pour le publier nous-mêmes en ligne.

Le Monde : Comment expliquez vous l’opposition croissante à la 5G et que des partis de gouvernement se joignent à ce combat qui était encore marginal il y a quelques mois ?

Pièces et main d’œuvre : La 5G est la dernière vague de l’emballement technologique qui, depuis 50 ans, accélère l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine. Comme à chaque étape, une minorité refuse l’injonction à « vivre avec son temps », ainsi que la déshumanisation et la dépossession par l’automatisation.
Cette minorité – méprisée par la technocratie et ses porte-paroles médiatiques – s’est fait entendre plus que d’ordinaire à l’occasion du déploiement à marche forcée des compteurs-capteurs Linky. Nous avons animé des dizaines de réunions publiques à travers la France, réunissant des publics de plus de 100 personnes (avec des pointes à 300), même dans des villages, où s’exprimait ce refus du premier objet connecté imposé (voir ici). Si la presse nationale a longtemps ignoré ce mouvement démarré en 2016, puis l’a tourné en dérision (en gros, un mouvement de « ploucs » ignorants), une revue de la presse locale entre 2016 et 2019 donne un aperçu de l’ampleur et de l’intensité de ces débats avec des « gens normaux », non militants – d’abord surtout des retraités, puis de plus en plus de jeunes.
Après des années d’enquête sur la smart city, la ville-machine et la société de contrainte , nous, Pièces et main d’œuvre, avons été les premiers surpris par ce mouvement de fond. Lequel ne s’est pas arrêté avec le déploiement de Linky, mais a élargi sa réflexion au gaspillage énergétique de la société électrique, à la société-machine et à la 5G, indispensable à l’interconnexion des milliards d’objets connectés censés fonctionner à notre place.

Cette opposition s’enracine dans des décennies de contestation de la société industrielle – au moins depuis les luttes anti-nucléaires des années 1970, lorsque des dizaines de milliers de manifestants scandaient : « société nucléaire, société policière » (cf. Malville, 31/07/1977). Défense de la nature et de la liberté : les deux sont indissociables et se conjuguent également dans le refus du monde-machine et de la 5G. C’est qu’en cinquante ans, bien des esprits ont pu mesurer les dégâts du progrès technologique sur la nature et la liberté.

Les Verts d’EELV ont méprisé cette vague, avant d’en mesurer l’ampleur et de tenter de s’y raccrocher. Eric Piolle, maire EELV de Grenoble et ingénieur, tient un discours anti-5G opportuniste, en contradiction avec le soutien de sa municipalité et de la métropole aux projets de smart city et d’Internet des Objets, ou avec l’implantation sur son territoire d’un centre de recherche de Huawei, champion chinois de la 5G, dont les élus se félicitent (voir ici) . Ils ne sont pas écologistes mais technologistes, et comptent sur la « planète intelligente » interconnectée pour rationaliser/rationner les ressources résiduelles : c’est l’Enfer Vert .
Quant à la gauche, y compris le fakir Ruffin, elle tente de surfer sur la vague verte pour mieux la dévier vers son anticapitalisme foncier. Les centrales nucléaires, la cybernétique et la 5G, d’accord, mais « entre les mains des travailleurs » et du service public. Ils n’ont jamais renoncé au projet « CyberSyn » (Synergie cybernétique) du Chili socialiste d’Allende.

Notez que la base sociale de cette gauche progressiste et d’EELV, c’est la classe technocratique (ingénieurs, chercheurs, cadres, entrepreneurs, etc), qui n’a aucun intérêt à la remise en cause de l’organisation techno-scientifique du monde. Voilà pourquoi ses critiques de la 5G se bornent aux « risques sur la santé » et à la « fracture numérique ». Elle s’accommoderait fort bien d’une 5G « saine » et accessible à tous.
Quant à nous, nous ne voulons pas seulement supprimer les nuisances (écologiques et sanitaires), encore moins les « encadrer » à l’aide de « normes », mais combattre l’expansion du techno-totalitarisme.

Malgré les différences de fond que vous soulignez, les prises de positions des Verts ou de Ruffin peuvent-elles servir un discours et une méthode plus radicale comme celle que vous prônez ?
Subsidiaire : beaucoup de cadres écolos se réclament d’Ellul, est-ce du « braconnage » ?

Les oscillations d’EELV et des partis de gauche ne servent au mieux que de baromètre et de symptômes. Quand la température monte et que l’opinion prête l’oreille à la critique radicale des anti-industriels (alias luddites, naturiens, naturistes, décroissants, etc.), les politiciens arrivistes (type Brice Lalonde, Noël Mamère, Dominique Voynet, Dufflot-Placé, etc.), et les petits appareils récupérateurs (vous avez le carnet d’adresses), s’accaparent leurs thèmes pour les détourner au profit de leurs carrières personnelles et de leur projet technocratique collectif. « Green New Deal » (EELV), « planification écologique » (France Insoumise), « alliance rouge-verte », etc.
L’histoire du mouvement écologiste – c’est-à-dire anti-industriel – est criblée de ces pillages, déjà dénoncés en leur temps par Ellul et Charbonneau. Voyez Le Feu Vert. Autocritique du mouvement écologique de Bernard Charbonneau (1980) : « Le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition très minoritaire, dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra faire autrement. » Opinion partagée par André Gorz dans Ecologie et liberté (1977).

Les cadres Verts (Bové, Mamère ou le néo-maire de Bordeaux) qui se réclament d’Ellul le falsifient à temps plein – ne serait-ce qu’en prétendant exercer le pouvoir : « L’écologie n’a rien à gagner à se transformer en parti politique et à se livrer au combat électoral (…) Il manque aux écologistes une analyse globale du phénomène technique et de la société technicienne » (J. Ellul, P. Chastenet, A contre-courant. Entretiens (1994)).
Et encore : « Il faut radicalement refuser de participer au jeu politique, qui ne peut rien changer d’important dans notre société. Je crois que l’anarchie implique d’abord l’ »objection de conscience » (…) qui doit s’étendre à toutes les contraintes et obligations imposées par notre société. » (J. Ellul, Anarchie et christianisme (1988))
Ils sont « elluliens » comme Guy Mollet était « marxiste ».

Loin de servir nos idées – les idées écologistes – ces piratages politiciens sont un obstacle : ils brouillent les idées et embrouillent les esprits. Sur les nanotechnologies, que nous avons dès l’abord dénoncées (nous, Pièces et main d’œuvre) comme l’entrée dans le nanomonde et le transhumanisme (une rupture anthropologique, tout de même, que tout confirme à vitesse accélérée ), les Verts ont falsifié nos alertes et nos enquêtes pour les réduire aux sempiternels « risques sanitaires » et réclamer un encadrement de la pollution aux nanoparticules – tout en votant à Grenoble les délibérations pour la construction de Minatec (voir ici et ), premier pôle européen des nanotechnologies (inauguré en 2006). Ils nous expliquaient alors que « les gens seraient plus sensibles aux arguments de la santé et du coût financier ». Même calcul pour la 5G. Nous refusons ce mépris des « gens » : nous leur faisons confiance pour saisir le mouvement profond de machination de nos vies, de nos corps, du monde et de la société – dont ils se plaignent d’ailleurs chaque fois qu’on les écoute vraiment, avec patience et attention.

Quant à Ruffin, nous le connaissons assez pour jauger sa sincérité écologiste (voir ici). Après avoir défendu l’industrie du PVC (contre la fermeture de sites Arkema), productrice de cancers en masse chez les salariés et le voisinage de notre vallée du Grésivaudan, il est revenu à Grenoble soutenir l’usine Ecopla dont nous demandions la fermeture, en dépit des ravages que l’aluminium inflige aux vallées alpines et à leurs habitants depuis des décennies. Maintenant que monte la marée verte, notre surfeur tente de chevaucher la vague de la décroissance et d’embobiner les bonnes volontés au service de son fabuleux destin. Croire que sa notoriété et son chalutage médiatique serviraient la cause de la nature et de la liberté, reviendrait à confier au chasseur la défense du loup.

Voilà pourquoi nous n’avons jamais compté que sur nos propres forces, et sur celle de nos idées, pour exposer les motifs de notre insoumission au monde-machine. Et nombre de vos lecteurs le savent parce qu’ils les partagent plus ou moins : nos idées circulent de façon incomparablement large au regard de nos forces (enfin, de notre faiblesse), hors de toute organisation, de tout parti, de tout réseau d’influences, de toute connivence des mass media. C’est la vie.

Propos recueillis par Abel Mestre
août 2020

Lire aussi :

La barbarie moderne

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal.

Texte de Eric LEMAITRE

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal. Ainsi il sera plausible avec l’aval du législateur d’introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal. En implantant L’embryon dans l’utérus d’un animal, les chercheurs espèrent ainsi développer des organes humains chez des animaux en vue d’une transplantation dans un corps malade. Ces organes pourraient être, en effet, prélevés pour être à nouveau greffés sur des patients humains malades. Il y invariablement dans l’avancée des progrès scientifiques encouragés par la loi, une coloration très humaniste pour nous faire avaler la pilule puis reléguer les opposants à ces lois mortifères, dans le camp de radicaux malfaisants, empêchant la marche du progrès transhumaniste.  

Notre époque assiste à une forme d’accélération de la déconstruction de l’homme ; le pire est le rapprochement d’une dissolution totale de ces civilisations, civilisations qui fuient vers le consumérisme, le nihilisme, l’eugénisme, le technicisme, ou le fondamentalisme. Il est frappant que dans ces périodes de crise, de relever la propagation de la violence, de l’empilement des maux qui viennent submerger les nations. Ouvrons le journal et c’est l’étalement de l’horreur qui se répand sur la terre. Même l’Europe à ses portes est en proie à des exactions et à des déchirements qui lui font craindre le pire. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020 à Reims, un quartier Rémois a été confronté à des violences urbaines, à des tirs de mortiers et à une série d’incendies, il n’y a pas eu de blessés, mais on relève comme une forme « d’ensauvagement[3] » généralisée de la société, une jeunesse qui transgresse tous les interdits et ne se prive pas de braver les lois, d’enfreindre la tranquillité des quartiers. Dans le même département et quelques jours plus tôt précédant les événements vécus à Reims, la ville de Saint-Dizier était également en proie à des tensions urbaines. L’année 2020 est ainsi traversée par des épisodes de brutalités, d’exactions parfois communautaires comme nous si nous vivions à une forme de dérèglement de la planète impactant toutes les dimensions sociales, comme climatiques ou sanitaires. Le monde en délogeant le Dieu du ciel et toutes ses lois a finalement engendré le lit de la « barbarie » en abandonnant les valeurs prétendues civilisationnelles et morales, les repères, les attaches, les piliers qui nous faisaient discerner le Bien et le Mal. L’occident au cours de son histoire s’est longuement, fait le chantre de la civilisation, en s’identifiant à ce processus des nations civilisatrices, considérant les autres nations comme primitives rassemblant des barbares, dans le sens d’êtres attachés à une vie archaïque, de personnes qui ne connaissent pas ou sont demeurées dans l’ignorance des références qui qualifient la civilisation. Le mot même de barbare était entaché par une notion d’inculture avant d’embrasser plus tard celui de cruauté, pendant longtemps le corollaire de la cruauté fut ainsi associé à celui de barbarie.   

Cette époque de relativisation qui caractérise les dernières décennies précédant le XXIe siècle, a accouché les idéologies les plus extrêmes, celles de déconstruire l’homme, en enfantant les lois les plus radicales, l’aliénant. Ce constat contemporain nous renvoie plusieurs millénaires en arrière à ce récit de la Genèse qui depuis la chute de l’homme, cette rupture avec Dieu est entrée dans un cycle de violence. Cycle qui commença avec Caïn : ce dernier assassine son frère. Pourtant, Dieu entend casser ce cycle pour ne pas engendrer des générations de meurtriers ; Il protège Caïn comme la manifestation d’un premier signe de sa grâce. La violence telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse, est devenue l’un des maux qui couronne les autres calamités traversant l’humanité. Mais qui en est responsable ? La Bible déclare que toute chair porte cette responsabilité : c’est le commentaire extrait du livre de la Genèse au chapitre 6, verset 11. « Toute chair est corrompue, la terre s’est remplie de violence ». La violence ne résulte pas ainsi et en soi d’une catégorie d’hommes. Intrinsèquement et structurellement toute chair porte en elle cette dimension de corruption et de violence qui en représente l’aboutissement. La violence est quelque part destructrice et les traumatismes l’accompagnant, dévastateurs. La violence est autant du fait d’individus que d’organisations ou d’états. Avortements, crimes, terrorisme, génocide constituent les illustrations de la violence menée à son paroxysme, et ce à différentes échelles, de l’individu à l’état. La violence demeure une forme de corollaire de la barbarie. Les sociétés violentes sont imprégnées d’une forme de nihilisme de la pitié, une contre-humanité. La violence, est-elle lors la traduction de la barbarie ou le retour à la barbarie primitive ? La dimension même de la barbarie est devenue une expression qui a été au cours des dernières années, utilisée à de nombreuses reprises par les médias et sur réseaux sociaux, pour évoquer la cruauté de l’Etat Islamique (L’EI), la monstruosité, l’inhumanité d’hommes qui sous couvert d’une idéologie s’emploie à imposer une conception religieuse et ultra-légaliste de leur monde au mépris des cultures, des valeurs, des croyances d’autres peuples, d’autres humains.

L’expression de cette barbarie brutale, atroce secoue l’entendement et les consciences à l’aune d’un XXIe siècle en proie à de profondes mutations culturelles, sociétales, écologiques, politiques. Siècle soudainement secoué par des images féroces qui traduisent l’insensibilité et la bestialité d’hommes qui s’excluent du coup du genre humain, tant les actes commis nous font horreur, abîment et blessent l’image même de l’homme lui-même image de Dieu, d’un Dieu compassionnel. Le mot barbare ou d’autres mots similaires reviennent sur toutes les lèvres, mais les mots mêmes sont impuissants et révèlent parfois leurs limites. L’emploi du mot barbare couvre comme nous l’avions déjà rappelé deux notions que déclinent la cruauté et l’archaïsme. Cette cruauté est devenue une forme même d’inculture poussée à son paroxysme, mais associée le plus souvent à l’archaïsme. Pourtant, l’absence de culture n’a pas toujours caractérisé ceux que l’on qualifiait de barbares. Contrairement à l’idée reçue la Barbarie n’est pas systématiquement l’inculture L’histoire récente, nous renvoie ainsi et pour mémoire à l’idéologie nazie, où certaines figures cruelles de cette idéologie inhumaine ont été éprises de cultures. Ces mêmes nazis ont porté au pinacle des œuvres qui ont marqué l’humanité, voire jusqu’à les protéger. Le savoir civilisé, soi-disant policé de l’Europe n’engendra-t-il pas d’une certaine manière un monstre, le monstre lui-même célébré par le philosophe Heidegger qui ne se dissimula pas, de partager les thèses nazies. Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » nous évoque avec stupeur un paradoxe sur la culture anthropologique : Le plus barbare n’est pas nécessairement celui que l’on se figure. Ainsi le plus sauvage n’est pas nécessairement celui que l’on a coutume de caractériser à l’aune de nos constructions culturelles et des représentations de notre civilisation qui impactent et influent ces mêmes représentations. Le cannibalisme n’est pas ainsi l’exclusivité ou l’apanage des hommes que l’on qualifie habituellement de primitifs, une forme de « cannibalisme » peut aussi caractériser les civilisations dites les plus avancées. Dans sa vision critique, Montaigne juge en évoquant sa propre civilisation que les cannibales du royaume s’avèrent bien plus barbares que ceux du royaume des cannibales. « Les cannibales du royaume sont spécialistes en trahison, tyrannie, cruauté et déloyauté, accusant les « barbares » d’attitudes qui se révèlent pourtant moins graves que les leurs, et ceci sans démarche d’introspection. » Pour poursuivre son analyse Montaigne juge les guerres de religion notamment l’inquisition et fait valoir qu’elles ne sont pas plus civilisées que les rituels d’anthropophagie des cannibales, « mangeurs de chairs humaines ». La barbarie participe d’une forme d’aliénation de l’être humain comme différence. Nous osons en effet aborder la notion de barbarie comme l’expression même de la violence, une violence qui est le mépris de l’autre, de l’humain, le mépris de la différence, une violence qui est tout simplement la négation de l’autre, l’aliénation de l’être humain comme l’expression de la diversité. La barbarie qui est une forme de puissance aliénante est une façon de gommer les disparités, d’imposer une forme de totalitarisme nivelant les autres au nom même d’une croyance, d’une idéologie. Il faut alors exécuter le bouc émissaire qui porte en lui ce que je hais comme symbole de l’altérité ou de la dissemblance. L’eugénisme est en soi une forme de barbarie, quand elle dicte qui doit vivre ou est digne d’être. La barbarie se traduit ainsi par une forme totalitaire de rejet absolu, une stigmatisation des populations voire même des êtres parmi les plus vulnérables, les plus fragiles, une exclusion violente de l’être humain dans ce qu’il peut incarner à travers son histoire, son identité, sa croyance, sa naissance, ses infirmités, son handicap. Comme l’exprime Fabrice Hadjad dans le livre la foi des démons, cette forme de barbarie atroce « gît dans le mal et a l’angoisse du bien ».

Le monde occidental a coutume de pointer la barbarie des autres civilisations, mais sa civilisation n’est pas en soi exempte d’en porter également les germes ou même de manifester les symptômes d’une société mortifère. Je reprends ici l’intégralité d’un texte écrit par Fabrice Hadjadj  : « Après Auschwitz et Hiroshima : le pire de notre époque est l’imminence de la destruction totale. Peut-on encore parler d’un Dieu bon et puissant ? S’il est bon, il est faible, vu qu’il n’a pas pu empêcher la catastrophe (position de philosophe juif Hans Jonas). Mais dans ce cas, si Dieu n’est plus celui qui intervient dans l’Histoire, Hitler n’a-t-il pas détruit le Dieu de la Bible ? Si la religion de David est invalidée, il ne reste plus que le culte de la Shoah. C’est ce que reproche Benny Lévy à ses frères lorsqu’il les accuse d’avoir fait une idole d’Auschwitz. Ce qui interroge avec la Shoah et le Goulag, c’est la forme prise par le mal, sa banalité comme dit Hannah Arendt.Ces destructions ne sont pas le fruit d’un accès de rage barbare, mais d’une froide planification pour obéir à de prétendues lois de l’Histoire ou de la nature. Ceci démontre que l’idéologie du progrès mène à la catastrophe et que le libéralisme a engendré d’une manière indéniable le totalitarisme, ils éprouvent la même volonté d’exploitation de l’homme. A cela s’ajoute la possibilité pour l’homme d’anéantir l’espèce humaine. La spécificité de la crise actuelle et notamment de la pandémie est la conscience de notre disparition probable, pas seulement en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’espèce. « L’humanisme a fait long feu et les lendemains ne chanteront pas ».La barbarie occidentale de la prétendue civilisation, est de la sorte un anti prochain une forme de contre idéologie de l’amourLa Barbarie est en soi la manifestation possible d’une puissance démoniaque en ce sens qu’elle est une haine de l’autre, le contraire de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il est parfaitement concevable de supposer une volonté démoniaque d’être le contre-pied de l’amour du prochain : L’amour du prochain dans toute sa dimension relationnelle est à combattre dans la pensée qui incarne « le monde de demain », il ne saurait faire sens. Combien de religions se sont finalement fourvoyées y compris celles d’inspiration chrétienne en occultant le message fondamental qui est l’amour de l’autre, un amour de l’autre qui est sans condition. L’amour de l’autre est en effet sans dogmatisme, sans hypocrisie, c’est un amour christique. « Tu aimes ton prochain » dans ce qu’il a de différent. Ce qui ne plait pas en lui y compris sa vulnérabilité insupportable, ne doit pas nous conduire l’avorter[4] ou à le supprimer, même sous prétexte même d’humanisme.Le livre d’Ézéchiel évoque la violence du Prince de Tyr rappelant qu’initialement il siégeait auprès de Dieu « Tu as été intègre dans tes voies, depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. Par la grandeur de ton commerce, tu as été rempli de violence, et tu as péché ; Je te précipite de la montagne de Dieu, Et, je te fais disparaître, chérubin protecteur, Du milieu des pierres étincelantes. » Ezéchiel 28 : 11-15 ». L’expression « tu as été rempli de violence », d’une certaine manière orchestre l’influence qu’exerce Satan dans le monde faisant de l’humanité empreinte divine, l’ennemi à abattre.Ce constat de cette violence envers la notion du prochain a été décrit par le philosophe espagnol Ortega qui dépeint un autre trait de la barbarie à travers la haine, « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel – non pas un assassinat qui se fait d’un coup ; haïr, c’est assassiner sans relâche, effacer l’être haï de l’existence ».Un étudiant posa un jour cette question à Hannah Arendt « pourquoi appelez-vous « crime contre l’humanité un crime contre le peuple juif ? », elle répondit : « parce que les Juifs sont d’abord des hommes ». Je crois tout simplement que Hannah Arendt résumait parfaitement le propos que nous souhaitons défendre : la Barbarie ne s’inscrit pas comme un crime contre un groupe, une entité ou une catégorie d’hommes, c’est avant tout un crime contre l’homme. Les barbaries que nous dénonçons, en témoignant au cours de nos veillées, sur les places publiques où nous nous rassemblons, sont la manifestation de notre attachement à l’être humain, à tout l’être humain. C’est pourquoi nous sommes aussi solidaires à nos frères non seulement chrétiens, mais tous ceux qui doivent souffrir au nom de leur foi, de leurs croyances. Cette expression de l’amour est aussi pour les plus vulnérables, les plus fragiles, les enfants, ceux qui sont à naître également, les plus âgés également, les plus dépendants parmi eux.Dans cette revue de l’humanité haïe pour des raisons d’identité, Hannah Arendt inscrit le problème du mal radical advenu avec la Shoah dans la perspective de l’universalisme humain.

La nouvelle Barbarie occidentale est un habillage humaniste. Le barbare n’est pas seulement l’expression d’une violence d’un individu, ou d’un groupe d’individus, elle peut résulter d’une organisation qui peut habiller sa barbarie en la justifiant de concepts humanistes. Comme nous l’avons par ailleurs rappelé, la notion même de barbarie n’est pas nécessairement l’antithèse de la civilisation. La barbarie peut être le produit de la civilisation, Montaigne ne dit pas autre chose. Notre civilisation, n’est-elle pas entrée dans une crise profonde. Cette crise qui annonce une forme de délitement des valeurs morales peut générer comme le décrit Montaigne « le cannibalisme du Royaume » de nouvelles violences non nécessairement produit par les fanatismes religieux, mais par des dogmatismes idéologiques, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le marxisme-léniniste, le nazisme. Il est étrange que l’Europe démocrate qui a combattu les idéologies barbares caresse aujourd’hui les idéologies mortifères, malthusiennes qu’elle voulait combattre jadis.  Comme me le partageait un ami « Nous, dénonçons, à juste titre, la barbarie de certains fondamentalistes musulmans, mais que leur répondre quand, à leur tour, ils dénoncent la barbarie de certaines pratiques occidentales comme celle consistant à aspirer l’enfant dans le ventre de sa mère, comme c’est le cas lors d’un avortement ? Cet acte est-il plus « digne » que l’excision que nous dénonçons chez eux… ». Mais nous le réécrivons : rien ne vient gommer ou légitimer tout acte de violence, et ce, quelle que soit la culture qui la promeut, occidentale ou non. Cette civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudents sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des « leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète ». Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie (Génocide, camps de concentration, Euthanasie, Eugénisme, les Lebensborn …), mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer les lois mortifères du Nazisme, ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain et n’ose qualifier par exemple de barbarie l’atteinte à l’enfant conçu dans le ventre d’une mère ou l’eugénisme en sélectionnant l’enfant à naître si ce dernier correspond aux dimensions normatives de la société occidentale. La GPA qui tôt ou tard sera adoptée après la PMA (commençons par habituer l’opinion) réintroduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs l’actualité ne l’a-t-elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfants ? La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera demain le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s’il n’est pas « conforme » aux normes en vigueur, comme on l’a déjà vu par le passé.

Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement « économiques ». L’avortement (quoi de plus barbare qu’un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n’a pas le choix ?), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême le « queer » (qui conduira comme nous le développons plus loin à une sexualisation de l’enfance s’il est vrai que l’identité sexuelle est déconnectée de tout rapport au « corps sexué »), tout cela témoigne alors d’une plongée dans la barbarie. Ainsi la « Queer theory » de Judith Butler, fait du travesti la norme moderne venant se substituer à l’hétérosexualité, déconstruite comme pure convention sociale, et dont on peut craindre qu’elle ne conduise, à terme, à cautionner des pratiques comme celles de la pédophilie puisque si le « corps sexué » ne signifie plus rien, il ne faudra bientôt plus attendre la puberté pour admettre une forme de « sexualité » aux enfants et abuser d’eux sous couvert d’un consentement qu’il leur sera bien difficile de refuser aux adultes, comme l’a illustré une affaire récente en Italie ». C’est sûr que c’est assez crû, mais mieux vaut prévenir et alerter que guérir ! Comme nous l’avons écrit à propos et à l’instar de Montaigne, la barbarie n’est pas l’apanage des seuls extrémistes, la barbarie des civilisés, des cols blancs peut s’avérer aussi abject que la barbarie des fondamentalistes qu’elle condamne. Nous condamnons explicitement ces deux barbaries, ces deux tyrannies qui aliènent l’être humain. Sans oublier que les incivilités les plus insignifiantes sont les premiers pas vers la barbarie. Or, qui parmi nous pourrait affirmer qu’il est exempt de toute ignominie, qu’aucune flétrissure ne l’a jamais atteint ? Les Écritures (la Bible) évoquent que toute chair est corrompue et que nous portons tous des germes de barbarie.

Mais face à la barbarie occidentale, faut-il encourager la bienveillance ou dénoncer l’iniquité de ces lois mortifères ? Face à la barbarie, la prière évoquée dans le Psaume 63 respectivement aux versets 10-12 : « Qu’ils aillent à la ruine ceux qui en veulent à ma vie ! Qu’ils rentrent dans les profondeurs de la terre ! Qu’on les passe au fil de l’épée… » ne revêt-elle pas une forme de légitimité ? N’y-a-t-il pas une forme d’imprécation angélique que d’en appeler à aimer malgré tout, ses ennemis ? Mais ne serions-nous pas les reflets, les miroirs des barbares que nous accusons ? Mettons fin cependant au cycle de la violence ! Face à la barbarie, la vengeance (se faire justice) est d’emblée totalement inadaptée ; elle serait même amplificatrice de la cruauté. La réponse adaptée est celle de la justice (rendre justice), une réponse pour mettre fin au cycle de la violence. La justice est un principe moral qui relève même d’une dimension de transcendance ; elle fait appel à des valeurs universelles. Enclencher la guerre, déclarer la guerre pour mettre fin à la guerre, à la barbarie, nous comprenons que cela fut légitime au cours de notre histoire ; c’est la tentation de toujours, c’est cette logique de pensée qui a amené le déluge. Le déluge est décidé par Dieu, mais il ne résout en réalité rien. La pédagogie du déluge, s’est avérée inadaptée, inefficace, le mal est sans doute beaucoup plus grave et nécessite une transformation volontaire et non une destruction subie de l’homme. Lisons cette déclaration étonnante dans le livre de Genèse « Je ne recommencerai plus à maudire le sol à cause de l’homme, car le produit du cœur de l’homme est le mal, dès sa jeunesse. Plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ! ». Dieu décide d’abolir à jamais le déluge et envoie le signe d’un arc-en-ciel qui annonce la fin de toute destruction. L’arc en ciel préfigure la croix qui annonce le pardon et par son pardon, la transformation de l’homme. Voilà la justice de Dieu, le choix de Dieu de sauver l’homme, malgré la barbarie, le cœur corrompu, la violence de son âme. Dieu choisit le salut de quiconque afin que celui qui croit ne périsse pas (Jean 3 : 16). Pour conclure, comment ne pourrais-je pas penser à cette conclusion de ce texte admirable écrit en 2014 par Natalia TROUILLER « Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué…. » « L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai revu quelques jours après être rentrée, sur une photo entourée de roses envoyée par ses parents : c’était sa dernière image vivant, souriant, beau, endimanché. Il avait été coupé en deux par un tir de mortier lors de la prise de Qaraqosh. L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai cherché, pleine d’angoisse, parmi les centaines de photos prises là-bas pour savoir s’il était de ceux qui ont ri avec moi – la réponse importe peu. L’enfant que j’ai vu en Irak, j’ai reçu la photo de lui, coupé en deux avec du sang partout, envoyée par un djihadiste sur mon compte Twitter. Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué. »

Cette prière qui semble insignifiante est finalement celle qui a le pouvoir de mettre fin au cycle de la barbarie. Et si nous osions finalement répondre à l’appel de Jésus, aimer nos ennemis.  Matthieu 5.43-45 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.… »


[1] En des termes édulcorés Les députés ont adopté un amendement pour clarifier le fait que la « détresse psychosociale » peut être une cause de « péril grave », justifiant une interruption médicale de grossesse.

[2] Expression reprise de l’archevêque de Paris, Michel Aupetit lors d’une interview accordée à France Info.

[3] Ensauvagement : Terme utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité.  

[4] Une grossesse sur cinq environ aboutit à une IVG. Source : L’avortement en chiffres [FRED DUFOUR / AFP]

L’intelligence artificielle, une expérience énergivore

Les systèmes d’intelligence artificielle « consomment beaucoup d’énergie et peuvent générer des volumes importants d’émissions de carbone contribuant au changement climatique ». A titre d’exemple, une étude a montré que les expériences nécessaires à la construction et à l’apprentissage d’un système de traitement du langage par intelligence artificielle peut générer plus de 35 tonnes d’émissions de CO2, soit « deux fois les émissions d’un Américain moyen pendant toute sa vie ». Face à ces enjeux, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford, Facebook AI Research, et de l’université McGill « a mis au point un outil facile à utiliser qui mesure rapidement la quantité d’électricité utilisée par un projet d’apprentissage machine et la quantité d’émissions de carbone que cela représente ».

synthèse de presse bioéthique
06 Juillet 2020 Transhumanisme

Les systèmes d’intelligence artificielle « consomment beaucoup d’énergie et peuvent générer des volumes importants d’émissions de carbone contribuant au changement climatique ». A titre d’exemple, une étude a montré que les expériences nécessaires à la construction et à l’apprentissage d’un système de traitement du langage par intelligence artificielle peut générer plus de 35 tonnes d’émissions de CO2, soit « deux fois les émissions d’un Américain moyen pendant toute sa vie ». Face à ces enjeux, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford, Facebook AI Research, et de l’université McGill « a mis au point un outil facile à utiliser qui mesure rapidement la quantité d’électricité utilisée par un projet d’apprentissage machine et la quantité d’émissions de carbone que cela représente ».

« Il y a une forte poussée pour augmenter l’apprentissage machine afin de résoudre des problèmes de plus en plus importants, en utilisant plus de puissance de calcul et plus de données », déclare Dan Jurafsky, titulaire de la chaire de linguistique et professeur d’informatique à Stanford. « Dans ce contexte, nous devons nous demander si les avantages de ces modèles de calcul intensif valent le coût de l’impact sur l’environnement ». Ainsi, « les systèmes d’apprentissage machine développent leurs compétences en exécutant des millions d’expériences statistiques 24 heures sur 24, en affinant constamment leurs modèles pour effectuer des tâches. Ces sessions de formation, qui peuvent durer des semaines, voire des mois, sont de plus en plus gourmandes en énergie ». « Et comme les coûts ont chuté tant pour la puissance de calcul que pour la gestion de quantités massives de données, l’apprentissage machine est de plus en plus répandu dans les entreprises, les gouvernements, les universités et la vie personnelle. »

Afin d’obtenir une mesure précise de ce que cela signifie en termes d’émissions de carbone, « les chercheurs ont commencé par mesurer la consommation d’énergie d’un modèle d’intelligence artificielle particulier ». Une tâche « plus compliquée qu’il n’y paraît, car une seule machine entraîne souvent plusieurs modèles en même temps, de sorte que chaque session d’apprentissage doit être démêlée des autres. Chaque session d’apprentissage consomme également de l’énergie pour les fonctions communes, telles que le stockage des données et le refroidissement, qui doivent être correctement réparties. » Puis, il faut traduire la consommation d’énergie en émissions de carbone, qui dépendent du mix énergétique utilisé pour produire l’électricité. Un mix qui « varie considérablement en fonction du lieu et du moment de la journée ». Les chercheurs ont estimé que « la tenue d’une session en Estonie, qui dépend en grande partie de l’huile de schiste, produira 30 fois plus de carbone que la même session au Québec, qui dépend principalement de l’hydroélectricité ». Ce qui conduit les chercheurs à recommander de « déplacer les sessions d’apprentissage vers un lieu alimenté principalement par des sources renouvelables ».

Et « les chercheurs ont constaté que certains algorithmes d’apprentissage machine sont plus gourmands en énergie que d’autres ». Quand il n’est pas pertinent de déplacer le travail pour réduire les émissions, « comme pour la navigation en voiture, car de longues distances entraînent des retards de communication, de la « latence » », il serait néanmoins possible « de définir le programme le plus efficace comme paramètre par défaut lors du choix de celui à utiliser ».

« Avec le temps il est probable que les systèmes d’apprentissage machine consomment encore plus d’énergie en production que pendant la phase d’apprentissage, juge Peter Henderson, doctorant en informatique à l’université de Stanford et auteur principal de l’étude. Mieux nous comprenons nos options, plus nous pouvons limiter les impacts potentiels sur l’environnement. »

Pour aller plus loin :

Intelligence artificielle : la conquête d’un marché du corps humain
Sources: 

Tech Xplore, Stanford University (03/07/2020)

Distanciation

C’est fou ce que les mots d’hier comme se saluer, s’accueillir, recevoir, se serrer la main, étaient à nos oreilles d’une grande banalité. Ces mots prennent un sens bizarrement singulier, un sens très nouveau quand nous les exprimons dans les contextes de pandémie qui a laissé les traces étranges d’une tout autre infection dans nos esprits. Ces mots qui étaient hier, d’une grande banalité n’auraient franchement mérité aucune réflexion particulière, sauf en ces jours. En d’autres temps, dans des temps qui ne seraient pas ceux d’un monde pollué par l’esprit des courtisans malfaisants de la Reine Corona, ces mots comme se faire la bise auraient été d’une ennuyeuse platitude. Toutes les dimensions qui touchent aux salutations fraternelles, aux politesses cordiales et ces gestes comme une simple accolade, une poignée de main étaient comme pour chacun, une évidence, mais les mêmes gestes ont une tout autre résonance, en nous aujourd’hui.

Auteur Eric LEMAITRE

C’est fou ce que les mots d’hier comme se saluer, s’accueillir, recevoir, se serrer la main, étaient à nos oreilles d’une grande banalité. Ces mots prennent un sens bizarrement singulier, un sens très nouveau quand nous les exprimons dans les contextes de pandémie qui a laissé les traces étranges d’une tout autre infection dans nos esprits. Ces mots qui étaient hier, d’une grande banalité n’auraient franchement mérité aucune réflexion particulière, sauf en ces jours.  En d’autres temps, dans des temps qui ne seraient pas ceux d’un monde pollué par l’esprit des courtisans malfaisants de la Reine Corona, ces mots comme se faire la bise auraient été d’une ennuyeuse platitude. Toutes les dimensions qui touchent aux salutations fraternelles, aux politesses cordiales et ces gestes comme une simple accolade, une poignée de main étaient comme pour chacun, une évidence, mais les mêmes gestes ont une tout autre résonnance, en nous aujourd’hui.

À la veille du mariage de notre fille Anne et de Thibault, une amie Corinne sonne à notre porte, pour offrir à ce jeune couple, un joli cadeau, l’expression d’une amitié pour des voisins qui se connaissent depuis plus de vingt ans. Corinne est arrivée masquée et a rapidement ressenti comme une gêne sociale à porter un masque alors que nous sommes voisins et que nos relations d’amitié sont bien plus que courtoises après tant d’années. Corinne se démasqua s’affranchissant ainsi de la peur de ce contact, elle se dévisagea comme pour se libérer d’une contrainte psychologique que lui bassinent les médias à longueur de journée.

Nous nous sommes habitués depuis quelques mois, à garder nos distances, à cultiver le respect inconditionnel de cette nouvelle rhétorique. Nous avons appris au fil des jours, à nous accommoder avec les gestes barrières. Pourtant nous sommes sortis du confinement, mais la pandémie semble toujours là. Ce confinement où nous étions comme privés de rencontres, de vie sociale, nous tenaille, nous tient toujours en laisse malgré le déconfinement auquel nous avons été invités depuis peu. Nous étions hier tenus en quelques semaines à nous limiter dans nos déplacements, à ne pas enfreindre les distances, nous étions dans l’injonction de les respecter, de ne plus pouvoir nous rendre au chevet de nos parents, ou grands-parents.   La distanciation instaurée par la pandémie est ainsi venue se heurter à la sociabilité d’hier et sans doute également heurter notre conscience. Comment se résoudre à accepter, de priver l’autre fragile, l’autre vulnérable : de rencontres, de partager l’affection, de vivre l’instant d’une étreinte qui s’appelle la tendresse, d’un geste qui se nomme, sourire. Si ces nouveaux gestes barrières ont été appris, il nous semble en réalité que nous ayons été conditionnés à nous y habituer et à suspecter ceux qui s’en affranchissent ou s’en affranchiront comme des hors la loi possible. Ce que je regrette c’est l’absence de culture de la responsabilité, répondre de soi et de ses actes, mais au-delà à répondre de ce qui est fragile, de ce qui est perçu comme infiniment vulnérable. Il y a en somme dans l’idée de responsabilité, celle d’un devoir vis-à-vis de l’autre, le désir d’un infini respect qui lui est dû. Dans des contextes de pandémie, la distance physique peut donc aussi être l’expression d’une manifestation responsable : ne pas mettre autrui en danger. Or la distanciation sociale est autre chose, ce champ lexical de ce nouveau néologisme : distanciation sociale me semble vraiment impropre, maladroit et suspect. La distanciation sociale n’a rien à voir avec les règles d’une distanciation physique, la distanciation sociale comme l’écrirait Jean-Paul Sartre, ce serait plutôt un manque d’être, l’absence d’une présence à l’autre, l’absence d’une communauté de semblables.

Le 5 juin avec ma chère épouse avec laquelle aucune distance n’existe, où l’intime est de règle, nous regardions le film : Contagion. Le synopsis du film dystopique sorti dans les salles de cinéma en 2011 est absolument stupéfiant.  Le film relate comme un copier-coller la pandémie de 2020, le récit de cette fiction mis en scène comme un documentaire, décrit le déroulement d’une fulgurante pandémie qui commence à Hong-Kong. Une femme d’affaires américaine à son retour aux États-Unis tombe très gravement malade puis meurt, très vite, elle infecte son fils qui trépasse des mêmes causes. Au démarrage, les médecins tâtonnent, soupçonnent une maladie, mais qu’ils ne qualifient pas de létale, mais peu à peu, l’infection prend un autre aspect et sa dangerosité finit par être manifeste, sa propagation estimée selon les modèles statistiques comme exponentielle dépassant même le Ro4[1].

La pandémie relatée dans cette fiction est née d’un croisement entre une chauvesouris et un cochon [enfin un cochon sans écailles], vendu dans les étales d’un marché et qui infectera le patient zéro, une Américaine de séjour à Hong-kong Beth Emhoff, la femme de Mitch, contaminera à son tour son propre fils comme le reste du monde, le début d’une foudroyante pandémie à l’échelle de toute la planète.  C’est dans ce film que l’épidémiologiste Erin Mears emploiera le mot « distanciation sociale », ce mot allait ensuite s’imposer dans le vocabulaire de nos médias avec l’irruption du covid19, puis à longueur d’émissions, de débats interminables, de promotions s’incruster dans les mentalités, d’une nouvelle société dont le drapeau serait dorénavant « Gardez vos distances ».  Mais ce 4 juin, avec quelques amis nous décidâmes de franchir le fameux Rubicon, le fameux interdit comme s’il nous fallait sortir et pour une question vitale de ce monde virtuel et hygiéniste que l’on nous prépare, monde infiniment plus menaçant.

Ainsi le 4 juin, nous nous retrouvions avec plusieurs relations pour un temps de retrouvailles, de convivialité, d’échanges et de partages en toute fraternité. Nous décidâmes spontanément sans concertation aucune, de franchir le Rubicon, de briser la fameuse distanciation sociale, sans doute pour conjurer et refuser la peur, la langue que l’on, nous a apprise celle des barrières. Nous avons sans doute pour beaucoup d’entre nous, oublier ce que signifie en soi l’expression comme le geste « se serrer les mains ». « Se serrer les mains » était une façon de dire que nous n’avions pas d’armes, que nous n’allions pas dégainer l’épée de la Reine Corona. En amis, nous sommes venus désarmés, en amis nous nous sommes salués chaleureusement. En amis, nous avons refusé de plier le genou à l’ambiance hygiéniste de notre société. Dans ces retrouvailles fraternelles, nous nous assurions ainsi que nous n’avions entre nous que de bonnes intentions, aucune volonté d’infecter notre ami, mais surtout le désir d’être des hommes et des femmes libres, responsables, dégagés des liens de la peur. Nous refusions en quelque sorte d’être sous le joug de ces injonctions puériles, de nous enfermer dans une forme d’enfantillage. Dans cette agape fraternelle, notre intention n’était pas de braver de façon inconsciente la Reine Corona. Non notre souci était de lui refuser l’allégeance, nous ne voulions pas de ces codes, de cette société hyper protectionniste, hyper hygiéniste qui met l’autre en distance. Nous ne sommes pas à la botte d’un monde qui aimerait nous entraîner dans la méfiance, la crainte de l’autre, nous sommes entre amis, en confiance. Si l’un d’entre nous, est malade, nous serons alors nous dire en homme et femme responsables de garder nos distances et l’absence de contact dans de telles circonstances, n’est aucunement la mort sociale.  Dans ce temps fraternel, nous avons eu l’un des plus beaux témoignages partagés, dans le même village, deux frères, qui résident pourtant au même endroit, ne prenaient guère le temps de se rencontrer sauf lors des grandes fêtes familiales, l’un des deux est infirmier et du fait des soins à apporter à son frère, sont conduits à se rencontrer quotidiennement, se sont redécouverts, se sont appréciés en raison du temps passé entre eux.  Le confinement a été pour eux, une raison de briser la distanciation sociale, distanciation qui s’était donné rendez-vous en raison de l’occupation de chacun. La vie a ainsi parfois des détours qui nous conduisent à l’essentiel. Si la pandémie pour certains annonce l’avènement d’une culture virtuelle, d’une société sans incarnation, à distance, nos deux amis, qui sont frères dans la vie, ont renoué avec le monde de la proximité, avec ceux qui sont les prochains de l’autre.

Je ne sais pas quand ce texte sera lu ni à quel moment. Sans doute, après l’épisode pandémique, ou si la vague arrive, cette chronique fera sourire, rire ou bien suscitera la colère, la menace, car nous aurions été comme des idiots. Avons-nous eu tort d’entrer dans une relation gestuelle qui est loin de ce nouveau lexique, de cette distanciation comptable, parce que métrique. Nous sommes invités dans ce monde estampillé numérique, de ne pas être si proches, mais de garder nos distances, de nous retrouver virtuellement, mais surtout pas dans l’alcôve d’un espace étroit pour échanger, partager. La société nous susurre, c’est fortement déconseillé « imbécile » d’être moins d’un mètre, ne sais-tu pas que tu risques gros, nous allons le dénoncer, crier haro sur ta bravoure bornée, sur ta témérité de nigaud. En écrivant ces lignes, je songe à nouveau à l’applicatif Stop-Covid qui vous avertira dès que vous aurez croisé une personne infectée qui aurait été à moins d’un mètre de vous. Mais l’homme libre et réellement responsable, lui n’a que faire de l’artefact préventif, « il est libre Max ». 

Mais cette distanciation sociale, nous en dit long sur l’esprit, les mentalités de ce nouveau monde qui a transgressé les codes d’hier. Nous approuvons les gestes de prudence d’une manière générale, en revanche nous blâmons comme nous refusons qu’ils deviennent les nouveaux codes de la vie sociale interdisant la manifestation de la vie. Dans l’essai la conscience mécanisée, je mettais en évidence ce long processus de domestication et de surveillance quasi robotisée de l’être humain. Nécessairement ce processus de robotisation sociale, loin d’être une fiction, nous invite à relire ou redécouvrir pour bon nombre d’entre nous, la pensée de Michel Foucault qui théorisa finalement le mouvement de toute une société qui entre dans la dimension de surveillance des corps, des dénonciations des faits et gestes nouvellement appris, de toute une rhétorique apprise concernant la vie non tactile. La pensée remarquable du philosophe fut d’anticiper l’avènement de toute une société régulée et guidée par l’émergence des technologies de surveillance. Michel Foucault écrira que le panoptique “… est [l’art] d’induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir… ».  Or avec la pandémie nous sommes entrés dans l’ultra précaution des gestes, des comportements, gare aux transgressions sociales. Nous entrons dans les procédés d’une nouvelle langue comportementale à apprendre, des procédés adossés aux techniques orwelliennes, procédés qui se déploient comme pour nous accoutumer à ce nouveau monde hygiéniste. Ce monde qui se dessine subrepticement, sans tapages, agit comme une tyrannie douce.  Mais nous voulons discerner comme pour dénouer les apories et les mensonges de ces nouveaux codes de la distanciation sociale. Ces nouveaux codes sont là comme pour nous faire apparaître leur statut d’outils au service de l’ordre dominant, qui n’a pas choisi d’enseigner et de transmettre le devoir de responsabilisation, mais entretient la peur, cultive les injonctions sociales sans la responsabilité, celle du devoir de prudence vis-à-vis de l’autre. Ce que je dénonce ici ce n’est pas le geste physique respectueux pour m’éviter d’être l’agent contaminant, c’est cet ordre moral sans la conscience, c’est cet ordre imposé sans le respect de l’ordre, c’est cet ordre qui appellera demain au déploiement de toutes les technologies de surveillances pour réguler, contrôler, superviser les gestes sociaux, mais dont les applications ne seront pas seulement sur le seul registre sanitaire mais bien celle qui touchera à toute la vie sociale.


[1]  Nombre moyen de cas (ou de foyers) secondaires provoqués par un sujet (ou un élevage) atteint d’une maladie transmissible au sein d’une population entièrement réceptive.

L’hommage

n l’espace de cinquante ans, le monde médical a connu un véritable chamboulement, bouleversement. Plus de bureaucratie, de technologie, moins de temps consacré aux patients car l’efficacité doit primer sur la dimension relationnelle. Puis en quelques jours au cours de ce mois de mars, le monde hospitalier français a fait face au choc de l’afflux des cas sévères de coronavirus. Sans doute que ce sont toutes les règles technologiques, administratives qui ont été bousculés, chamboulés. Bien-entendu l’hôpital a engagé de nouvelles procédures sanitaires pour protéger son personnel soignant, comme ses malades. Mais cette période de tsunami pour l’hôpital notamment au sein des régions les plus impactées a été vécu comme un véritable choc humain et l’expression de Patrick Pelloux médecin urgentiste était loin d’être démesurée « L’hôpital était à genoux, on nous demande d’être debout pour sauver la France. On le fait, mais c’est un combat incroyable ». Mais ce qui a prévalu dans ce combat titanesque engagé par l’hôpital fut sans aucun doute le dévouement des personnels soignants, le courage, la vaillance de ces milliers et milliers de soignants incluant également ceux que l’on qualifie de « petites mains[1] » mais qui furent les mains valeureuses, courageuses, intrépides de l’hôpital

Auteur

Eric LEMAITRE

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Note : 2.5 sur 5.

En l’espace de cinquante ans, le monde médical a connu un véritable chamboulement, bouleversement. Plus de bureaucratie, de technologie, moins de temps consacré aux patients car l’efficacité doit primer sur la dimension relationnelle. Puis en quelques jours au cours de ce mois de mars, le monde hospitalier français a fait face au choc de l’afflux des cas sévères de coronavirus. Sans doute que ce sont toutes les règles technologiques, administratives qui ont été bousculés, chamboulés. Bien-entendu l’hôpital a engagé de nouvelles procédures sanitaires pour protéger son personnel soignant, comme ses malades. Mais cette période de tsunami pour l’hôpital notamment au sein des régions les plus impactées a été vécu comme un véritable choc humain et l’expression de Patrick Pelloux médecin urgentiste était loin d’être démesurée « L’hôpital était à genoux, on nous demande d’être debout pour sauver la France. On le fait, mais c’est un combat incroyable ». Mais ce qui a prévalu dans ce combat titanesque engagé par l’hôpital fut sans aucun doute le dévouement des personnels soignants, le courage, la vaillance de ces milliers et milliers de soignants incluant également ceux que l’on qualifie de « petites mains[1] » mais qui furent les mains valeureuses, courageuses, intrépides de l’hôpital.  C’est ce témoigne qui nous a été rendu de vive voix par Anne qui au cours d’un reportage photo[2] au sein du service COVID, témoigne à la fois de la sérénité des personnels hospitaliers, de la cohésion des équipes médicales, et du dévouement incroyable pour chaque patient. Anne fut frappée par cette qualité qui touche à toute la dimension de l’attention portée auprès de chaque malade, d’un déploiement d’humanité et de solidarité entre les personnels. Ce n’est pas un portrait idéal qui est ici donné de l’hôpital mais un hommage à l’humanité d’un monde vivant qui prend soin de personnes atteintes par l’infection d’un virus redoutable qui épuise les personnes les plus fragiles. Peut-on encore imaginer qu’un tel déploiement d’énergie aurait été plus efficace si ces personnels avaient été secondés par une cohorte de robots et de machines, dans des temps où l’on parle de restructuration des hôpitaux, d’efficience apportée par la technicité d’engins artificiels dont on attend le relais auprès du corps médical. Cette chronique n’a d’autre but que de rendre hommage à ces hommes et ces femmes vêtus de blouses blanches ou de blouses bleues, nous qui étions en quelque sorte dans nos cabanes ou nos chaumières bien au chaud, alors que tous ces personnels et ces amies comme Lucia, Aline, Anguette, livraient un combat épuisant contre la maladie. Mais c’est non seulement à eux que je rends hommage mais à toute cette médecine qui a imprimé la mémoire de mon enfance, comme celle que j’ai pu observer lors de mes visites à l’hôpital au chevet de quelques amis.

Aussi loin que remontent mes souvenirs d’enfant, je me remémore les passages fréquents de notre médecin de famille, toujours attentionné à notre égard, un homme marqué par la bienveillance et qui avait fait de son métier un authentique sacerdoce que partageaient également d’innombrables médecins de sa génération. Cet homme avancé en âge, que nous appelions « Docteur » était pour nous, bien plus qu’un médecin, il était selon moi le témoin d’une époque marquée par le dévouement, l’altruisme, le service aux autres. Dans son vieux tacot, il sillonnait le jour et parfois la nuit, les routes pas toujours goudronnées de nos campagnes, pour les petits soins, nos angines jusqu’aux contagions plus sérieuses ou maux plus sévères.

Nous n’appréhendions pas sa visite, elle était plutôt rassurante, il donnait autant d’importance à la qualité de son diagnostic et son ordonnance qu’à toute sa dimension relationnelle, qui faisait de lui et auprès de mes parents, le médecin de famille. Ce vieux médecin incarnait l’image que je me faisais des soignants incluant ici l’ensemble du corps médical, ces personnes qui ont fait de leur métier une vocation, un sacerdoce celle de prendre soin de l’homme et de tout l’homme. Il me semblait à l’époque que l’on rentrait en médecine comme en rentre en religion, il fallait ressentir un appel, une vive inclination, une forme de mission pour embrasser ce métier, cette mission aujourd’hui a été embrassée par l’ensemble du corps médical nous révélant une abnégation et un esprit d’une réelle diligence, une diligence vraiment, impressionnante envers les malades du covid19. Enfant je ne m’imaginais pas qu’il fallait également autant de courage, pour s’affronter à l’armée des microbes, braver la légion des bactéries, et mener cette lutte impitoyable contre ces micro-organismes qui venaient générer fièvres ou boutons, affaiblir notre corps au point parfois de menacer son existence. Ce médecin de famille, celui de mon enfance, me semblait être une forme de héros, toujours prêt à se rendre disponible. Jamais, il ne renonçait à ses rendez-vous ou prétextait ne pas avoir le temps ou dire à ma mère, « ne vous inquiétez pas, il guérira tout seul » ! Non, notre « Docteur » faisait volontiers un détour, il passait à la maison, notre domicile prenait son stéthoscope pour écouter les battements de notre cœur ou les sifflements de nos poumons ; puis il enchainait en déclamant son diagnostic, mais mieux, il avait le remède pour nous soigner et les mots pour mettre fin à nos maux, à nos tourments d’enfants déjà démunis face à la maladie et ce qu’elle avait comme capacité à laminer notre énergie, à amoindrir notre « hyperactivité ».

Voilà l’image de mon enfance, celle de ce vieux médecin de campagne, un brin paternaliste, soucieux de l’autre, homme de relation sachant embrasser le corps comme l’âme de ses patients. Évoquer pour moi ce vieux médecin de famille me renvoie à cette société avant cette pandémie, qui était devenue comptable du temps, bureaucratique, matérialiste et technologique. Or le vrai sens de la vie se trouve peut-être dans l’intimité affective et la chaleur de la réassurance, des relations que l’on engage avec le patient, ce rapport dévoué avec l’entourage du malade pour prodiguer de l’attention et du conseil. L’image relationnelle que renvoie ce médecin avec ses patients allait bien au-delà d’un bilan méticuleux, il avait le souci de l’entourage familial, savait prendre le temps de l’écoute, mais ne pressait pas le pas pour dérouler sa journée. L’homme ne s’arrêtait pas au corps, il écoutait aussi l’âme de ses patients, il ne réduisait pas le corps à une mécanique qu’il fallait coûte que coûte réparer, il fallait traiter l’être dans sa complétude. Soigner n’était pas pour celui que l’on nommait « Docteur », seulement l’affaire d’une prescription d’un dopant, d’un sirop ou autre breuvage.   Ce médecin considérait son patient et non son client dans toute sa dimension ontologique, c’est-à-dire comme un être, un sujet, mais il n’occultait pas le corps, et cette préoccupation qui lui permettent de juger le patient comme un être unique, et en même temps, les symptômes comme signes pathognomoniques.

50 années plus tard, l’enfant que je fus, n’a pas au moment présent, de perceptions altérées concernant cette médecine proche du patient, de ces médecins, infirmières et aide-soignants, soucieux du confort, du bien-être de leurs patients. Effectuant aujourd’hui de nombreuses visites de patients hospitalisés, je songe notamment à cet ami de 47 ans qui est un habitué des hôpitaux, cet ami que j’appellerai ici Fred est confronté à une grave pathologie qui l’a conduit dans ces dernières années à passer davantage de temps dans une chambre d’hôpital qu’au sein d’une maisonnée. La maisonnée de Fred, si le terme maison convient, est « habitée » par la précarité, l’insalubrité, des conditions de vie qui sans aucun doute ont une relation de cause à effet sur sa santé. Longtemps je fus surpris tout comme un autre ami qui le suit, que l’hôpital ne traite sérieusement ses problèmes récurrents de récidive touchant à sa santé. Cette santé fragilisée notamment par son obésité et cette maladie respiratoire qui l’ont amené à connaitre, des pertes de connaissances, des syncopes répétées.

J’avais durablement le sentiment que nous étions confrontés à cette médecine qui devait obéir à des règles de gestion, subissant l’étau de la rationalité financière, des pressions croissantes pour fournir des soins minimums, réduire les temps d’attente avec des ressources limitées, mais une médecine qui n’avaient pas pris la mesure de couvrir l’ensemble des problèmes affectant la vie de mon ami Fred. Pourtant un professeur de médecine est sorti de cet étau comptable, du cadre médical, de son périmètre de spécialiste démêlant l’écheveau formé par toutes les données biologiques et cliniques, et leur application au cas de Fred. Ce professeur de médecine s’est employé à s’intéresser non seulement au corps de son patient, mais à l’être humain, à ses conditions de vie, à son entourage, à sa maison. Fred a été affecté à son service et une vraie mobilisation s’en est suivie, entrainant l’ensemble du service et tout le personnel à remédier aux problèmes qui perturbaient la santé de Fred. Ce professeur de médecine a finalement sauvé la vie de Fred, qu’en serait-il aujourd’hui pour Fred si ce médecin n’était pas intervenu, ne s’était pas engagé auprès de son patient. Fred n’aurait certainement pas survécu à ce virus létal du fait de troubles aigus et chroniques concernant sa santé.

Ce professeur de médecine du CHU de Reims, me fit songer finalement à notre médecin de famille, à cette dimension qui touche à l’intelligence relationnelle qui embrasse la vie du malade et cette vie qui ne se réduit aux symptômes que renvoie le corps qui n’est finalement que le réceptacle plus large d’un enchevêtrement complexe fait d’ambiances et de conditions de vie. Fred est aujourd’hui sur un chemin de renaissance, perdant du poids, respirant mieux, il est aujourd’hui quasiment guéri. Et sur ce chemin, Fred aura toujours besoin de soutien, celui des infirmières et des aide-soignants, du pasteur Christian qui l’entoure de toute son affection fraternelle. Le professeur de Médecine s’est finalement gardé d’abandonner Fred à sa seule autonomie et sa vulnérabilité de malade, ce professeur s’est soucié avant tout d’un être humain, de sa dignité de patient. 

S’il existe des ilots d’une médecine garante de la qualité relationnelle à offrir aux malades, la médecine change pourtant, parce que le monde change, traversé par ses transitions plurielles que viennent afficher les nouvelles normes sociétales, les nouvelles sociologies, l’envahissement de la sphère administrative et la dimension technologique qui rendent les rapports médecins et patients infiniment plus complexes qu’ils ne l’avaient été dans les années 60, celles de mon enfance.   Les questions autour du monde des soignants se posent déjà et sont multiples à l’aune d’un déconfinement, celles du poids que revêt une bureaucratie de plus en plus lourde et qui viennent entacher les rapports avec le malade réduisant ainsi le temps donné à l’âme et la consacrer davantage au corps malade. Le malade n’est pas juste une mécanique qu’il conviendrait de réparer, un patient qui se voit attribuer une identité que lui donne une carte de sécurité sociale, non le malade reste un être dans toute sa singularité et sa fragilité. Mais les temps changent et les mutations sont innombrables, les relations avec le monde médical nous conduisent à de nouveaux paradigmes, celles de l’efficience médicale, celle de la culture technologique qui construit la médecine du futur ou oserais-je dire transhumaniste, celle de la rentabilité, des quotas de patients imposés aux médecins sous peine d’une baisse de leur rémunération. Mais au-delà de ces constats, c’est également le rapport au malade qui s’en est trouvé bouleversé, il fallait aussi reporter l’implication sur le malade, le conduire à s’auto déterminer, prendre ainsi toutes les précautions pour amener davantage d’autonomie, de prise de responsabilité chez la personne souffrante, ce qui n’est pas en soi une détérioration de la relation patient et médecin, mais en revanche peut conduire à rejeter toute la dimension de la décision médicale sur le patient. De tels contextes risquent alors d’entretenir chez le bureaucrate une forme d’indifférence à l’égard du devenir du patient. Une indifférence qui tendrait à s’accentuer avec l’avènement d’une technoscience qui s’en remettrait au pouvoir de la machine toute puissante pour assister le médecin dans le diagnostic focalisé sur le seul corps du patient. Une technoscience dont on pourrait souhaiter l’accélération pour engager des économies d’une médecine qui coûte cher, de plus en plus cher alors que la promesse a été d’insister que la santé même si elle a un coût, n’a pas de prix  

Deux ans plus tôt, en 2018, je fus convié à participer à une journée de réflexion sur les projets de la loi bioéthiques, plusieurs groupes de travail avaient été organisés autour de nombreuses thématiques, j’avais choisi pour ma part la thématique orientée sur la médecine augmentée qui aborde entre autres l’avènement de l’intelligence artificielle. D’emblée, j’ai ressenti à la fois une vraie convergence de questionnements entre les participants de cette table ronde, comme une méfiance partagée vis-à-vis d’une robotisation susceptible demain d’envahir toutes les sphères de la médecine et le monde des soins. L’enjeu est bien ici l’homme et le respect dû à sa finitude, sa fragilité. Confier à la machine le soin de diagnostiquer et demain pourquoi pas de l’opérer ou de manipuler son corps via des « automates » experts qui auraient la charge de superviser l’évolution du patient, en dit long sur le chemin que prend le développement d’une médecine à l’aune d’une science post-moderne qui n’est plus celle d’Hippocrate. L’avènement de l’Intelligence artificielle va transformer les pratiques médicales et va sans doute induire une mutation radicale et profonde des processus d’analyse et de prise de décision dans toutes les sphères de la santé réorientant les pratiques professionnelles, de toutes les professions de santé, mais surtout impactant la dimension relationnelle entre le patient et son médecin, mais aussi et également tout l’environnement médical. Ainsi se pointera dans votre chambre un gentil robot vous apportant le repas du soir, après la visite d’un autre androïde relevant les indicateurs santé de la veille et vous prenant bien entendu la température.

L’autre grand point d’inquiétude pour les personnels soignants est l’avenir de la relation patients-soignants : l’ensemble des personnels du corps médical est en effet de plus en plus nombreux à penser que la proximité et la confiance entre soignants et patients risquent de se détériorer dans les années à venir, pointant notamment le risque d’éloignement, de distance voire de « déshumanisation » de la médecine livrée entre les mains de ces nouveaux appareillages hyper technicisés. Plus prosaïquement il faudra à terme également s’effrayer du rôle que jouent déjà et que vont jouer les applicatifs numériques ou les sites virtuels référencés sur Internet permettant au patient de « consulter », d’avoir accès à une somme artificielle d’informations, puis de se soigner par lui-même, de s’auto médicamenter. Ce mouvement inéluctable de notre société post médical soumise parfois à la dictature des décrets influencé par les lobbies des laboratoires, nous conduira vers un malade « déconnecté » de tout rapport avec le réel, un malade qui sera sans aucun doute dans le déni de contextes qui sont de nature à expliquer ses symptômes. Ne nous leurrons pas, l’univers numérique découle de l’hyper-individualisme de notre postmodernité, cet univers digital envahit peu à peu notre monde relationnel, il affaiblira sans nul doute le rapport de confiance qui s’était jusqu’alors instauré avec les avis prodigués et émanant de tous les corps médicaux et de vrais spécialistes non virtuels. Les réalités de la numérisation de la santé amorcent un basculement dont on peine encore à anticiper toutes les conséquences, tous les effets délétères ; les rêves des partisans d’une techno médecine interrogent viscéralement nos repères éthiques comme philosophiques et sont sur le point d’effacer le souvenir de ce médecin attaché à la relation avec son malade, le médecin de mon enfance, un médecin qui traitait dans toute sa dimension : le corps comme l’âme et la conscience qui l’habite.


[1] Je précise que c’est une expression qui ne fait nullement sens pour moi et qui aurait même tendance à m’horripiler, à m’exaspérer.

[2] Vous pouvez consulter le reportage photos de Anne LEMAITRE sur son site : https://www.instagram.com/stories/highlights/18104473657177565/?hl=fr

L’étrange tyrannie

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

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Auteur Eric LEMAITRE

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le  confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

A l’heure de ce déconfinement en ce joli mois de mai, nous sommes toujours tenus à la distanciation sociale et lors de nos rassemblements condamnés à respecter un nouvel espace le quatre m², en somme une redéfinition de nos droits, une reconfiguration de l’espace vital, un nouveau territoire social pour assurer notre survie, un nouveau « Lebensraum[1]» de cette nouvelle ère civilisationnelle. Une drôle de tyrannie vient comme nous envelopper et docilement, nous nous accoutumons à ce vêtement protecteur que nous offre l’étrange tyrannie.

L’épidémie est en effet une « étrange tyrannie » conduisant également notre humanité désespérée à rechercher tous les moyens, de contrôler sa propagation quitte à renoncer à sa liberté.  J’avais ce 27 mai 2020, le sentiment étrange que nos députés convoqués pour un débat à l’Assemblée nationale, consentaient pour une grande majorité d’entre eux à ouvrir une boite de pandore, en acceptant la possibilité de rogner sur le périmètre des libertés de leurs sujets.

Le 27 mai à l’Assemblée nationale, une large majorité des députés après débat, s’est effectivement prononcée favorablement à la diffusion de l’application Stop-Covid, une application de traçage des relations sociales des individus permettant de répertorier les personnes testées positives et avertir celles qui sont entrées en contact avec elles, enfreignant la loi de l’espace vital, « le Lebensraum » ou la fameuse distanciation sociale, érigée comme une nouvelle règle salutaire. Rappelons que les députés n’avaient pas été appelés au cours de cette soirée du 27 mai à se prononcer sur une loi à proprement parler, mais bien sur une déclaration du gouvernement[2].  Même si la démarche gouvernementale était en soi consultative, celle-ci révélait une bien étrange atmosphère. La tension dans l’hémicycle du Palais Bourbon, était quasi palpable. Au sein de la chambre parlementaire, nous assistions parfois à de belles joutes oratoires, notamment à cette diatribe du tribun et député Jean-Luc Mélenchon, exprimant la méfiance, fustigeant l’applicatif. D’autres députés en revanche ont approuvé l’applicatif en la louangeant, en valorisant la souveraineté numérique européenne enfin conquise, faisant toutefois oublier que GAFAM ou non, l’applicatif n’est que le premier étage d’un monde potentiellement liberticide.

L’applicatif Stop-Covid est sans doute la première ouverture d’une boite de pandore, j’espère parvenir à vous en convaincre au fil de ces lignes. 

Dans l’après-midi de ce 27 mai, je décidais grâce à la chaine de télévision parlementaire d’assister à ces débats, de prendre note de ces échanges entre parlementaires. J’étais poussé par cette curiosité malicieuse de comprendre la façon dont l’application était argumentée pour emporter le vote des députés. Certainement, vous me classerez parmi les technophobes qui de toute façon, sont acquis à défendre une position de réfutation, d’objection contre toutes les formes de recours technologique visant à superviser, tracer et mettre en quelque sorte en filature les personnes infectées. Vous m’objecterez probablement ce paradoxe de défendre la fragilité et finalement d’accepter la circulation morbide du virus.  A cela je répondrais ceci, en reprenant approximativement la parole du philosophe André Comte-Sponville[3] cité par le député Jean-Luc Mélenchon « vaut mieux-t-il mourir en pays libre ou rester vivant dans un pays totalitaire qui m’aurait ôté, aliéné ma part d’humanité ? ».

Je notais ainsi parmi les députés prenant la parole pour partager la position de leur groupe parlementaire, des attitudes à nouveau circonspectes et pleines de pertinence indiquant cette dimension de cache-misère qui entoure l’applicatif, son inefficacité potentielle, un recours à un traçage qui en réalité s’avérera inopérant. En effet une grande majorité de la population n’adhérera sans doute pas à ce type de dispositif ou bien n’ont pas la possibilité de télécharger l’applicatif à partir d’un mobile dont ils ne sont pas équipés. Parmi cette population non-détenteurs de mobiles : les personnes potentiellement concernées par des cas d’infection liés au virus, figurent comme celles qui sont manifestement les plus âgées. Pour un nombre significatif de ces personnes selon une étude publiée par le Credoc, elles ne sont pas équipées de smartphone[1], en conséquence non concernée par l’applicatif.


[1] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

Toujours à l’écoute de ce débat vif et tendu, je souriais en entendant ces députés vantant l’applicatif. Parmi eux, des députés qui se prêtent à rêver l’humanisme du XXIe siècle. Ce rêve de nouvel humanisme, omet nonobstant que toute nouvelle solution technologique peut conduire subrepticement à des souhaits de totalisation pour maitriser la létalité d’un phénomène, quitte demain à priver le citoyen de sa liberté, en conséquence une partie de son humanisme[5] comme de son humanité. C’est en ce sens que j’appréciais la colère de Jean-Luc Mélenchon qui évoquait l’intrusion et l’indiscrétion d’une solution technologique de traçage qui l’aurait surpris d’embrasser une femme croisée sur son chemin.

Ainsi les outils numériques cachent des usages sûrement totalitaires même s’il faut en convenir que tous ces outils ne sont pas en soi mauvais, mais peuvent aussi s’avérer efficaces pour améliorer des chaines de solidarité. Mais croire qu’un applicatif suffit pour tirer l’humanité d’un péril n’est en réalité qu’une forme de dissimulation d’une tout autre réalité qui voile « l’étrange tyrannie » qui se dessine ingénieusement au sein même de notre société. Car gageons ceci, l’applicatif Stop-Covid sera sans efficacité, mais il s’intègre malgré tout, comme un cheval de Troie, nous faisant entrer dans une forme subtile d’habituation à ces technologies de plus en présentes. Des technologies qui tracent, mais ne trackent pas encore, qui se veulent consentantes, mais non rendues obligatoires pour tous.  Nous assistons cependant à une forme de développement des bras et de déploiement tentaculaire de la pieuvre numérique, qui s’installe dans le quotidien de nos usages, de nos vécus. Lorsque le ministre Olivier Veran martèle à l’Assemblée nationale qu’« Il nous faut contrôler par tous les moyens les résurgences de l’épidémie par une identification des personnes contaminées », indiquant que « L’épidémie n’est pas terminée »,  ajoutant que « le numérique peut nous aider encore davantage ». Le ministre de la Santé nous confesse ainsi sa confiance dans ce nouvel allié virtuel à des fins de déjouer la diffusion de la pandémie. Ce ministre croit-il cependant et sérieusement aux nouvelles vertus de cette technologie pour déjouer les plans de la Reine Corona. Le gouvernement semble pourtant mettre son espoir dans ce moyen de remonter finalement le chainage de la pandémie tout en nous rassurant, répétant inlassablement qu’il n’y a ni tracking, ni géolocalisation. Oui, mais tout cela, tous ces discours autour de ces applicatifs révèlent une forme d’expertise quasi totalitaire pour installer au sein de notre monde « l’étrange tyrannie ». Imagine-t-on ainsi le téléchargement de l’applicatif en milieu rural comme ce fut évoqué lors des débats à l’Assemblée nationale et des conséquences induites de cette application qui serait alors susceptible de concourir à la stigmatisation des personnes atteintes par l’infection liée au Covid. Assurément l’applicatif est voué à un quasi-échec. Cette consultation organisée par le gouvernement simultanément auprès des deux chambres, l’Assemblée nationale et le sénat ; est l’annonce d’un coup d’épée dans l’eau. L’application « Stop-Covid », est en effet pareille à l’épée, une forme de prétendue arme intelligente qui symbolise la toute-puissance de l’état régalien, sa force, pour combattre notre ennemi. Mais nous parions que cet applicatif sera comme un coup d’épée dans l’eau qui ne détruira pas la chaine de contamination et s’avérera comme déjà écrit plus haut, un cache misère de l’impuissance jacobine à combattre le fléau envoyé par le messager de la Reine Corona. 

Pour le député Charles de Courson, avec cet applicatif, « nous sommes face à un véritable pacte faustien ». Nous sommes sur le point de consentir et d’accepter d’être tracés pour échapper à la mort afin de vaquer à une vie quasi artificielle, embrigadés, une vie quasi régulée, orientée au gré de nos déplacements, de nos occupations.  

Sommes-nous cependant prêts à nous abandonner entre les mains d’une tyrannie douce pour notre seule sécurité sanitaire ou confort existentiel, « Sommes prêts à vouloir plus d’État protecteur et moins finalement de responsabilité individuelle ? [6]», sommes-nous prêts à renoncer à une partie de ces libertés cardinales au profit d’un traçage de nos déplacements ? L’étrange tyrannie s’installe, nous serions tentés d’évoquer l’émergence d’une tyrannie moderne fondée sur un triptyque : la science, la technologie, l’idéologie. Le philosophe de l’histoire Jacob Burckhardt, avait eu cette formule qui m’interpelle « Vivant au milieu des poètes ou des savants, le tyran se sent sur un terrain nouveau, il est presque en possession d’une nouvelle légitimité ». Le président Emmanuel Macron n’est pas à mes yeux un nouveau tyran, mais confier le destin politique de la France entre les mains de la seule science et de la technologie avec cette foi dans la dimension idéologique du progrès pourrait manifestement le conduire à cette tyrannie qu’il ne désirait pas en début de son mandat. Cependant jamais depuis une décennie, nous n’avons autant assisté subrepticement à une entame sérieuse de la liberté d’exprimer une opinion même si celle-ci est entachée d’erreur. Mais qui peut prétendre détenir le ministère de la vérité ? Le ministère de la vérité, ce fameux ministère de la propagande dans le roman 1984 de George Orwell. Mais à force d’interdire, d’encadrer la parole et de la soumettre à la seule autorité des experts, nous sommes en passe d’accepter la tyrannie de l’expertise technique, administrative et scientifique. La crise sanitaire sans oublier la crise sociale ou climatique nous contraignent aujourd’hui à accepter comme une nécessité, cette perversion de la vie sociale liée à l’émergence d’un haut conseil scientifique instrumentalisé. Le haut conseil qui dit ce qui est vrai et ce qu’il ne l’est pas. La science ne devrait pas accepter d’être l’instrument du pouvoir, elle devrait exprimer un droit de réserve, elle devrait être consulté, tout en restant d’une extrême humilité en promouvant autant que possible « le je ne sais pas ».

Revenons à l’applicatif du fameux Stop-Covid et nul besoin d’être prophète pour indiquer que cela ne fonctionnera pas. Cependant face à une deuxième vague pandémique qui n’est pas à ce jour exclue, il n’est pas inenvisageable de rechercher des moyens coercitifs d’imposer à la population non seulement un nouveau confinement qui s’imposera par la peur[7], mais éventuellement d’imposer à la population de se faire vacciner si un nouveau vaccin était identifié. Navré cher lecteur de vous faire sursauter, mais si vous connaissez la fenêtre d’Overton[8], une forme de parabole qui désigne toutes les idées inacceptables au départ et qui finirent par gagner l’opinion au point de devenir populaires, passant ainsi de l’impensable au radical.  Le pacte faustien évoqué par le député de la Marne Charles de Courson, c’est finalement, consentir à être privé de sa liberté, consentir l’inacceptable, l’impensable, le radical, du fait d’une menace qui pèse et met en joue la survie même de l’espèce humaine. La tyrannie moderne ne s’embarrassera pas de faire appel à la science, la technique et l’idéologie pour imposer son étrange absolutisme, une vision plus coercitive pour imposer à l’humanité la solution technologique qui pourrait non plus tracer les populations, mais bien de les tracker, de les géolocaliser et de les soumettre à son pouvoir pour imposer de nouveaux codes sociaux, empêchant via le « solutionnisme technologique [9]» sans doute l’effondrement de son système économique et sanitaire. La technologie toute puissance, la gestion des algorithmes, les avancées dans les domaines du tatouage quantique autorisent à ce jour des possibilités de contrôle des populations qui seraient éventuellement protégées par le vaccin et celles qui n’accepteraient pas la vaccination.  Ces moyens coercitifs existent et ils seront appliqués sans peine, ne l’avons-nous pas expérimenté au cours de ces derniers mois avec l’obligation de montrer patte blanche, d’indiquer l’origine de son domicile avec présence d’un QR Code sur son smartphone.

L’œuvre de Evgeny Morozv chercheur et écrivain américain nous permet d’appréhender dans ces contextes avec un esprit critique, le solutionnisme technologique une autre forme idéologique du transhumanisme comme étant une parfaite impasse en regard de nos aspirations à vivre intégralement notre liberté de conscience qui est celle de consentir ou non à un mode de vie, un choix de vie. Le solutionnisme pourrait bien être embrassé aujourd’hui par cette forme de tyrannie moderne, puisque ce courant de pensée technologique se déclare capable de résoudre l’ensemble des problèmes de l’humanité : sanitaires, climatiques, terroristes et également crises sociales. Le développement ainsi de l’intelligence artificielle, des nouveaux modèles statistiques, des nouveaux applicatifs quantiques seraient en mesure à elle seule, d’apporter des réponses efficientes aux défis suscités par les crises et notamment pandémiques autorisant ainsi l’avancée d’une société totalement sous contrôle, surveillée. Cette société convertie au solutionnisme technologique existe bel et bien. L’archétype, l’étalon le représentant du solutionnisme technologique est l’état chinois.  La chine tyrannique soumet ainsi son peuple à ces trois lois autocratiques : la science, la technique et l’idéologie. Ainsi le climat sanitaire particulièrement mortifère pourrait conduire l’Europe via le modèle chinois à infantiliser la population, ce qui pourrait inévitablement nous conduire à des lois liberticides imposant peut-être à celles et ceux qui ne les auraient pas acceptés, de ni vendre, ni d’acheter. Le solutionnisme technologique rend possible par tout moyen biométrique d’identifier ceux qui se sont conformés ou non aux mesures déclinées par cette nouvelle de tyrannie qui appréhendant ou redoutant les effets de cette contagion serait dès lors contrainte d’aller vers des dispositifs extrêmes.

Je conclus donc cette chronique avec la pensée de Jacques ELLUL[10] immense auteur : 


« … chaque progrès technique est destiné à résoudre un certain nombre de problèmes. Ou, plus exactement : en face d’un danger, d’une difficulté précise, limités, on trouve forcément la réponse technique adéquate. Ceci provient de ce que c’est le mouvement même de la technique, mais répond aussi à notre conviction profonde, générale dans les pays développés, que tout peut être ramené à des problèmes techniques. Le mouvement est alors le suivant : en présence d’un problème social, politique, humain, économique, il faut l’analyser de telle façon qu’il devienne un problème technique (ou un ensemble de problèmes techniques) et à partir de ce moment-là, la technique est l’instrument adéquat pour trouver la solution. »

[1] Lebensraum : L’autre nom donné à l’espace vital, un concept géopolitique inventé par des géographes allemands au XIXe siècle, puis adopté par le régime Nazi.

[2] Déclaration du gouvernement : « relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 », conformément à l’article 50-1 de la Constitution

[3] André Comte-Sponville: « J’aime mieux attraper le Covid-19 dans un pays libre qu’y échapper dans un État totalitaire »

[4] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

[5] Au sens de civilisation, ce qui fait en partie la civilisation, c’est notre capacité à rejoindre l’autre, faisant société avec lui.

[6] Citation reprise lors de l’intervention du député Charles de Courson le 27 mai 2020 lors de son intervention à l’assemblée nationale au moment de la présentation par le gouvernement de l’application Stop-Covid.

[7] Le gouvernement le décrétera sans problèmes si cette deuxième vague venait à saturer les services médicaux.

[8] Lire le livre la déconstruction de l’homme parue aux éditions Lumière en 2018 où le principe touchant à la fenêtre d’Overton est très largement décrit.

[9] Référence à : L’aberration du solutionnisme technologique de Evgeny Morozo

[10] Jacques Ellul, Le Bluff Technologique page 112 aux Éditions Pluriel publié en 2012.

la marque ou le tatouage quantique

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage accompagnant le vaccin vérifiant ainsi qu’aucun ne fasse courir de danger à autrui … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Le premier document émane du site d’une chaîne française : LCI : https://www.lci.fr/sciences/il-devient-fluorescent-lorsqu-on-pointe-un-smartphone-demain-un-carnet-de-vaccination-sous-la-peau-2140786.html

Le document

Des chercheurs ont développé une technologie qui permet, grâce à un tatouage invisible incrusté sous la peau, de faire apparaître le carnet de santé d’une personne via la caméra d’un smartphone. De quoi fournir aux médecins, notamment dans les pays en voie de développement, la preuve que la personne a été vaccinée.

19 déc. 2019 14:05 – La rédaction de LCI

Les implants technologiques sous-cutanés, utilisés dans le monde entier pour le bétail et les animaux domestiques, commencent à se répandre chez l’homme, comme en Suède où plusieurs milliers de personnes les utilisent déjà comme clé, ticket de train ou carte bancaire. Dans le domaine de la santé, cette fois, une équipe de scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a annoncé avoir mis au point un procédé révolutionnaire : au lieu d’implanter une puce électronique entre l’index et le pouce, des nanoparticules sont injectées sous la peau via une seringue spéciale.

Ces nanoparticules ont la particularité d’émettre une lumière fluorescente imperceptible à l’œil nu, mais visible depuis l’écran d’un smartphone. Concrètement, l’idée est d’établir sur le corps lui-même la preuve du vaccin, notamment dans les pays en voie de développement où les cartes de vaccination en papier sont souvent erronées ou incomplètes et où les dossiers médicaux électroniques inexistants. Pour l’instant, la technologie a été testée uniquement sur des rats, mais les chercheurs espèrent les tester sur des humains en Afrique dans les deux prochaines années.

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Des nanocristaux à base de cuivre

Les scientifiques ont passé beaucoup de temps à trouver des composants à la fois sûrs pour l’organisme, stables et capables de durer plusieurs années. La recette finale est composée de nanocristaux à base de cuivre, appelées « boîtes quantiques » (en anglais, « quantum dots »), mesurant 3,7 nanomètres de diamètre. Ces nanocristaux sont ensuite encapsulés dans des microparticules de 16 micromètres (1 micromètre égale un millionième de mètre, ndlr), détaillent les chercheurs dans un article paru mercredi 18 décembre dans la revue Science Translational Medicine.

L’implantation, qui se fait grâce à une seringue spéciale dotée d’un patch de microaiguilles de 1,5 millimètre de longueur, est presque indolore. Une fois appliquées sur la peau pendant deux minutes, les microaiguilles se dissolvent et laissent sous la peau les petits points, répartis par exemple en forme de cercle ou bien d’une croix. Ils apparaissent sous l’effet d’une partie du spectre lumineux invisible pour nous, proche de l’infrarouge. Par le biais de la caméra d’un smartphone modifié, pointé sur la peau, apparaissent, fluorescent sur l’écran, le cercle ou la croix. 

Les chercheurs voudraient que l’on puisse injecter le vaccin contre la rougeole en même temps que ces petits points. De ce fait, un médecin pourrait des années plus tard vérifier si la personne a été vaccinée. La technique est censée être plus durable que le marquage par feutre indélébile. Dans le compte-rendu de leurs travaux, les scientifiques indiquent qu’ils ont simulé cinq années d’exposition au Soleil au cours de tests en laboratoire. Autre avantage de ce dispositif, il requiert moins de technologie qu’un scan de l’iris ou que la maintenance de bases de données médicales.

ARCHIVES – Des diagnostics médicaux bientôt réalisés à l’aide d’une simple puce sous la peau ?

L’obstacle de l’adoption par la population

TOUTE L’INFO SURQUEL FUTUR POUR DEMAIN ?

La limite du concept est que la technique ne sera utile pour identifier les enfants non-vaccinés que si elle devient l’outil exclusif. En outre, les gens accepteront-ils de multiples marquages sous la peau, pour chaque vaccin ? Et qu’adviendra-t-il des points quand le corps des enfants grandira ? 

La Fondation Bill et Melinda Gates, qui finance ce projet, mène actuellement des enquêtes d’opinion au Kenya, au Malawi et au Bangladesh pour déterminer si les populations seront prêtes à adopter ces microscopiques boîtes quantiques ou préféreront en rester aux vieilles cartes de vaccination.

Le second document émane d’un article de recherche scientifique https://stm.sciencemag.org/content/11/523/eaay7162

La tenue de dossiers médicaux précis est un défi majeur dans de nombreux milieux à faibles ressources où il n’existe pas de bases de données centralisées bien entretenues, contribuant à 1,5 million de décès évitables par la vaccination chaque année. Ici, nous présentons une approche pour coder les antécédents médicaux sur un patient en utilisant la distribution spatiale des points quantiques biocompatibles dans le proche infrarouge (NIR QD) dans le derme. Les QD sont invisibles à l’œil nu mais détectables lorsqu’ils sont exposés à la lumière NIR. Les QD avec un noyau en séléniure de cuivre et d’indium et une coque en sulfure de zinc dopé à l’aluminium ont été réglés pour émettre dans le spectre NIR en contrôlant la stœchiométrie et le temps de décorticage. La formulation présentant la plus grande résistance au photoblanchiment après exposition au soleil simulée (équivalence sur 5 ans) à travers la peau humaine pigmentée a été encapsulée dans des microparticules pour une utilisation in vivo. En parallèle, la géométrie des microaiguilles a été optimisée in silico et validée ex vivo à l’aide de peau humaine porcine et synthétique. Des microparticules contenant de la QD ont ensuite été incorporées dans des microaiguilles solubles et administrées à des rats avec ou sans vaccin. L’imagerie longitudinale in vivo à l’aide d’un smartphone adapté pour détecter la lumière NIR a démontré que les motifs QD délivrés par microaiguille restaient brillants et pouvaient être identifiés avec précision à l’aide d’un algorithme d’apprentissage automatique 9 mois après l’application. En outre, la délivrance de codes avec le vaccin antipoliomyélitique inactivé a produit des titres d’anticorps neutralisants supérieurs au seuil considéré comme protecteur. Ces résultats suggèrent que les QD intradermiques peuvent être utilisés pour coder de manière fiable les informations et peuvent être délivrés avec un vaccin,

L’étau

En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

Auteur : Eric LEMAITRE

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En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

La scène des « oiseaux », ce thriller marquera sans doute et à jamais ma jeunesse, nous invitant nous-mêmes, à trouver un hypothétique refuge ; coûte que coûte contre ces infâmes envahisseurs que sont ces angoissants volatiles qui terrorisent les humains abasourdis, effrayés et suffoqués par la peur soudaine d’un ennemi tellement imprévisible.

Dans cette scène des oiseaux, les volatiles firent soudainement irruption par le toit, mais aussi la cheminée, envahissant la maisonnée, franchissant tous les barrages, pareils à des postillons, tels des messagers s’invitant dans le quotidien de tous les humains. Oui Corona à l’image de ces oiseaux hitchcockiens, chevauche bel et bien le postillon. La Reine virale semblable au cocher, invite le messager postillon à conduire son attelage et vient de façon intrusive se mêler à notre quotidien sans nous prévenir, comme cette volée de moineaux qui surgit de l’âtre dans cette fameuse scène produite par Hitchcock. Alors que tout en apparence, semble avoir été fait, pour se barricader, se protéger, les volatiles obstinés trouvent finalement la faille. Ces oiseaux terrifiants sèment l’effroi, se jouent de nos frontières, de nos murs calfeutrés et franchissent le seuil de notre logis, s’y introduisent comme pour vampiriser l’intime de l’intime. Mais au-delà de cette scène d’épouvante rapportée par Alfred Hitchcock, mon propos n’est pas ici de m’attarder seulement sur le célèbre cinéaste, mais de revenir également à un élément plus prosaïque et qui nous ramène à un quotidien celui de l’établi, du bricoleur. Alors nous allons nous éloigner un instant des oiseaux hitchcockiens et entrer dans le monde de la mécanique, celui de l’étau. Mais vous l’avez sans doute compris, j’aime les métaphores et la liberté de l’écrivain est d’en jouer pour interpeler les consciences, d’y revenir et de les mêler pour mieux frapper l’esprit et nous conduire à comprendre les enjeux d’une pièce qui se joue sous nos yeux, celui d’un monde en mutation, monde frappé par cette fameuse bestiole et qui vient comme le grain de sable fracasser la vanité et la marche progressiste de ce monde, celle qui est en faveur d’un progrès technologique sans limites. Mais revenons si vous voulez bien à l’étau !

Mon propos est ici d’évoquer cette forme allégorique de mise en position que revêt cet outil mécanique : l’étau, un étau social se dessine en effet peu à peu dans notre monde, subrepticement. Efforçons-nous d’en comprendre à la fois les enjeux et la portée. Au fil de mes précédentes chroniques, cette dimension de l’étau a été abordée, je l’avais déjà exposé dans mon précédent essai, la mécanisation de la conscience[1], l’étau agit comme une forme de resserrement social, nous privant de toute liberté de mouvement. Le confinement social, totalement compréhensible a cependant agi comme une sorte d’emprisonnement, vécue par beaucoup comme confortable, mais très vite l’instinct de vie collective, l’instinct grégaire a repris le dessus. Nous avons probablement vu en effet ces dizaines de jeunes gens vivant à Paris, envahir les bords du canal Saint-Martin. Pas de quoi finalement fouetter un chat, nous dira le cocher de la Reine Corona. Pourtant les forces de l’ordre sont intervenues pour mettre un terme aux attroupements de « cette volée de moineaux ». Il fallait serrer les vis, serrer l’étau afin de rappeler le danger que représentent les cas asymptomatiques dans la propagation du virus. Ce maintien de l’ordre est ce rôle finalement joué par l’étau, il faut ainsi selon une vision paternaliste, maintenir une forme de cohésion, de contrôle quasi mécanique d’un mouvement qui n’a pas toute sa stabilité et qui pourrait de facto mettre en péril le fragile équilibre qui contient le virus.

Pour ceux qui chez eux, possèdent un établi et sont en effet des bricoleurs patentés, le mot étau fait sens, il fait en effet écho à un mécanisme d’enserrement, de maintien des pièces que l’on entend travailler. L’étau est formé d’une mâchoire mobile et qui par un mécanisme de pression, finit par ceinturer la pièce, en y exerçant le contrôle nécessaire pour y effectuer les tâches destinées à transformer l’élément en quelque sorte séquestré. Comment alors ne pas songer étrangement à cette forme d’étau social qui s’organise au fil de l’eau, alors que nos esprits tétanisés ne sont pas en aptitude à réagir ou alors inversement comme ces jeunes gens flânant ou stationnant le long du canal Saint-Martin, décidèrent de transgresser toutes les précautions d’usage, défiant le risque, s’en moquant éperdument, « seuls les vieux sont terrassés, les jeunes eux survivront ».

Pourtant et nous en conviendrons, n’exagérons cependant pas ce mouvement coercitif d’enserrement social associé à ce confinement totalement légitime ! Si certes nos libertés ont été comme suspendues, il ne s’agissait pas pour autant de les remettre en question, nous l’espérons tout du moins et il ne s’agit pas d’interdire à ces jeunes de se rassembler, mais bien de prévenir tout mouvement, de contagion soudaine, embarquée par la folle chevauchée de Corona.

Dans des contextes de crise pandémique, je comprends la nécessité d’un contrôle social a minima, qui consiste à responsabiliser chacun et à conformer les uns et les autres à l’évitement de toute contagion mettant sa famille, son entourage, son voisin en péril ou toute personne croisée en chemin. Consubstantiellement le contrôle social a vocation à contenir les velléités d’indépendances, à maintenir la cohésion, à favoriser une certaine harmonie sociale en permettant par l’acceptation des règles imposées de vivre ensemble de façon sécurisée. Alors, pourquoi dans ce cas, parler d’étau social, alors qu’il n’y a pas de péril concernant nos libertés ?  En parler c’est nécessairement revenir quelques pages en arrière où j’abordais cette notion d’habituation à l’acceptation d’une diminution graduelle de nos libertés. Le contrôle social qui résultait des seules mesures sanitaires prises, que nous le voulions ou non, fut bel et bien coercitif, contraignant, mais aussi paradoxalement compréhensible. Une forme d’étau social s’est donc bien exercée à l’échelle de toute une vie sociale, non seulement à l’échelle de notre pays, mais également à celle de toute notre planète. Et pourtant, « Ce qui devrait faire peur ne fait pas peur [2]» nous avons peur des oiseaux hitchcockiens, nous avons peur de Corona nous en sommes effrayés mais hélas, nous ne semblons pas être effrayés par l’étau social, pourtant, elle est bien la sœur cadette de Corona. Nous ne semblons pas éprouver la moindre crainte face à une autre forme d’ennemi plus insidieux, plus sournois, qui certes ne veut pas attenter à notre vie biologique, ou tout du moins en apparence, car cet ennemi lui constitue l’ennemi de notre vie intérieure, l’ennemi de notre liberté.

L’étau social qui est le pendant du confinement rendu obligatoire s’en est en effet pris irrémédiablement à la dimension relationnelle, à évacuer la rencontre avec les autres. La collectivité en un instant s’est dissoute, l’impersonnel a surgi gommant les relations et les interactions entre les personnes, le confinement renvoyant à nos statuettes[3] faussement interactives et nous mutant en formes de domestiques obéissants. Ces statuettes numériques qui agissent comme des étaux nous enserrant dans le monde de la vie numérique, le monde de l’écran total. Je ne jetterai pas pour ma part, la pierre à ces jeunes gens qui ont refait société comprenant la nécessité de se voir, de se rencontrer même s’il est encore aujourd’hui aventureux de sortir à l’extérieur quand la Reine Corona s’y trouve. Mais le geste jugé désinvolte est au fond un vrai bol d’air d’une société qui sort enfin du réseautage virtuel, du télétravail, de nos univers cathodiques, qui est finalement le nid de ces oiseaux hitchcockiens, ces univers numériques qui finissent par mécaniser l’esprit, par régimenter la vie intérieure, la quête de l’autre, la rencontre avec son semblable. L’étau social ne se réduit pas aux seules mesures d’un état d’urgence, mais l’étau qui se renferme sur nous, comprend ce monde numérique qui referme la porte sur nous même, au point que nous pourrions craindre de prendre l’air, ces jeunes gens certes imprudents, nous renvoient cependant un signe sain, celui d’incarner l’existence vivante auprès des autres, nos semblables.

Au-delà de cette anecdote relatant un épisode finalement de vie sociale saine même si elle reste imprudente pour d’autres, depuis les nombreux attentats terroristes qui ont semé la mort, des graves troubles sociaux, la demande de sécurité dans le monde occidental, s’est intensifiée exigeant davantage de contrôle, ce qui s’est traduit sans coup férir par des réajustements de notre liberté en défaveur du droit absolu à la protection de sa vie privée. La volonté de sécuriser s’est en effet largement accrue dans tous les milieux de la démocratie, au sein des nations démocratiques qui prônent malgré cela la liberté comme une vertu cardinale non négociable. Au fil de l’eau, législation après législation, c’est cependant le dogme de la liberté inscrit sur les frontons de nos institutions qui se délite gravement, que l’on rogne sans vergogne. Les exigences, les demandes sociales comme politiques, incitent les gouvernements à épaissir finalement l’efficience de l’étau social. Lorsque le monde est confronté à de graves crises climatiques, économiques, sanitaires et aujourd’hui épidémiologiques, se déploient alors des mesures draconiennes qui entament les libertés. Et avec ces mesures législatives, subrepticement naissent les technologies qui les accompagnent, ces technologies se mettent au service de la loi, deviennent les serviteurs des législateurs.

La chine dans ces contextes d’étau social, figure parmi toutes les nations du monde, celle qui offre la forme la plus aboutie en matière de sécurité coercitive. C’est la nation bureaucrate, qui a mis en place les dispositifs les plus avancés en matière d’organisation sociale, de prévention, de sécurisation, de filtrage et de surveillance. L’étau chinois constitue le degré d’enserrement le plus élevé qu’aucun état démocratique ne saurait à ce jour supporter. Les dispositifs de fichage, de contrôle du WEB, de vidéosurveillance se déploient et se renforcent, notamment sur les dispositifs s’apparentant au fichage, au pistage et traçage des citoyens. En dehors des aspects purement viraux, les traçages et les maillages électroniques d’individus ou de minorités sociales chrétiennes ou musulmanes sont constamment épiés en chine, les pratiques de biométrie, géolocalisation, de drones, d’usages d’internet sont à leur paroxysme avec affichage des citoyens déviants, publication des visages des citoyens sortant des clous. La métaphore hitchcockienne prend alors tout son sens, celle de cette nuée d’oiseaux effrayants qui s’abat sur la cité jusqu’à pénétrer dans le foyer. Un reportage publié par la chaine franco-allemande Arte, mettait en évidence les usages des QR Code[4] parmi l’arsenal des moyens intrusifs déployés par la chine pour mettre au pas sa population. Bien que l’état français ait indiqué, qu’aucune information ne saurait être collectée via l’usage du QR Code, il est manifeste, que l’usage du QR code par le plus grand nombre conduit à une forme d’habituation des usages du monde numérique qui tôt ou tard fera pleinement partie de notre quotidien et d’une mise en contrôle des populations. A ces contextes numériques, il convient d’ajouter qu’une équipe de chercheurs britanniques de l’université d’Oxford[5], chercheurs multidisciplinaires dans les domaines aussi divers que l’épidémiologie, la virologie, les modélisations statistiques ont imaginé et commencé le développement d’une application qui, installée sur un smartphone, géolocalise en permanence son propriétaire, l’avertit au cas où ce dernier aurait croisé une personne infectée par le covid19. La réflexion d’un applicatif tel que celui imaginé par ces universitaires, a été mis en débat en France et en fonction de la dimension que prendra la pandémie, il n’est pas contestable d’imaginer qu’un tel dispositif fera l’objet de pressions pour qu’il soit en route pour faciliter le contrôle et de façon plus contraignante.

Certains de mes lecteurs riposteront en targuant que cela n’est pas près d’advenir en Europe. Et bien c’est là où nous devrions être les plus méfiants, car l’étau numérique se resserre au sein de toutes les nations et la crise pandémique peut être un formidable coup de boutoir à l’accélération d’un déploiement d’un système de fichage généralisé à l’échelle de toute une nation. La pandémie est un vecteur déterminant de demande de sécurisation. Il ne fait aucun doute que des pressions sociales naitront de ce besoin de sécurité, et ce besoin de sécurité fera émerger une panoplie d’outils et d’étaux numériques, de type vidéo surveillance, applicatifs de biométrie, d’applicatifs covid19 pour numériser, ficher identifier et tracer les parcours. Nous relevons en France, mais sans doute en Europe les balbutiements d’une économie de contrôle des citoyens. La ville de Nice est ainsi la municipalité la plus surveillée de France avec bientôt plus de mille caméras de vidéosurveillance installées dans l’ensemble des quartiers de la ville, et plusieurs agents municipaux sont affectés à ce vaste système de surveillance numérisée de la ville. Mais d’autres villes en France ont emboité le pas. Avec un réseau de centaines de caméras, la station de métro Châtelet est l’une des mieux surveillées d’Île-de-France, la station de métro est équipée de caméras dites intelligentes qui permettent de détecter des situations anormales. Mais pires que l’installation de ces caméras, nous verrons sans aucun doute des demandes pressantes pour l’installation de vidéos surveillances permettant, si la pandémie devait se prolonger, de détecter la température corporelle des personnes en temps réel.  Il s’agira alors via les nouvelles brigades sanitaires, d’identifier les individus fiévreux puis de décider de leur mise en quarantaine.

Avec la crise pandémique que nous traversons, les thématiques de détections, de fichage, de traçages, numériques resteront extrêmement présentes, et ces thématiques ne sont finalement pas prêtes de disparaitre, laissant de plus en plus place à de nouvelles problématiques qui toucheront à la surveillance planétairevia les nouvelles techniques et applicatifs issus des développements de « l’Intelligence Artificielle ». Après toutes les démarches conduites pour prévenir les attaques terroristes, de nouvelles traques s’organisent pour analyser en continu la circulation du virus dans le monde et les déplacements de personnes infectées dans les espaces publics semblent à terme devenir incontournables pour de nombreux états. Il est manifeste alors que l’étau se resserre anticipant les crises sociales à venir afin de prévenir les « jacqueries[6] », les autres peurs qui adviendront et qui conduiront à des logiques de durcissement des politiques sécuritaires.

[1] Essai philosophique et théologique publié le 31 décembre 2019 édité par Librinova.

[2] 1 Bernard Sève, « Hans Jonas et l’éthique de la responsabilité » in Esprit, octobre 1990, p. 109.

[3] Statuette est ici une métaphore pour évoque le monde de l’écran total, l’univers cathodique qui nous enserre.

[4] Reportage sur ARTE diffusé en Avril 2020 : https://www.arte.tv/fr/videos/083310-000-A/tous-surveilles-7-milliards-de-suspects/

[5] L’applicatif imaginée permettra de détecter les personnes éventuellement infectées et si elles avaient été préalablement diagnostiquées positif au SARS-CoV-2, l’application avertirait immédiatement tous les propriétaires de l’application qui ont été en contact rapproché avec lui. Selon leur degré de proximité, l’application leur ordonnera de se mettre en confinement total ou simplement de maintenir une distance de sécurité avec les gens qu’ils rencontrent. Elle peut aussi donner des indications aux autorités pour qu’elles puissent désinfecter les lieux où la personne contaminée s’est rendue. Voir l’article du monde :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/20/contre-la-pandemie-de-nombreux-pays-misent-sur-la-surveillance-permise-par-le-big-data_6033851_4408996.html

[6] Les jacqueries étaient un mouvement social perpétré par les paysans les plus aisés après la grande peste noire pour protester contre les seigneurs en quête de main d’œuvre peu après que les chevaliers français étaient écrasés par les anglais. Ces seigneurs cherchaient à extorquer ces paysans révoltés de nouvelles taxes.

L’entretien

Maxence a 24 ans, après une enfance en Charente maritime, passionné de science et de cinéma, il a commencé ses études d’ingénieur à l’ENSMA (École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique) après une école préparatoire au lycée Montagne à Bordeaux. Souhaitant explorer également une autre passion, le cinéma, il fait une formation en audiovisuel et digital durant 2 ans à Rouen. Durant cette période, il a réalisé plusieurs courts métrages. Après ses études il est parti au Canada durant un an dans le cadre d’un Permis Vacance-Travail avant de rentrer sur Paris et de travailler actuellement pour un web Magazine dédié à la finance. Maxence rêvait de créer une émission de podcast qui résultait de sa volonté, d’associer puis de lier ses deux passions que sont la science et l’audiovisuel. Maxence m’a joint et m’a proposé une première émission, j’en ai accepté l’augure et l’intérêt, ma confiance que nous pouvions en tirer le meilleur parti pour informer.

Nouvelle Chronique

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Je vous convie à une chronique plus originale à une forme de dialogue entre un jeune homme de 24 ans et son ainé de 62 ans, et finalement si on prête une attention au questionnement formulé par Maxence, nous décelons que l’écart d’âge est insignifiant en regard de l’intelligence dont témoigne Maxence dans la formulation de ses questions. Maxence dénote tout au long de l’interview une réelle profondeur et une curiosité non feinte sur le sujet. Permettez-moi de vous présenter en quelques mots Maxence :

Maxence a 24 ans, après une enfance en Charente maritime, passionné de science et de cinéma, il a commencé ses études d’ingénieur à l’ENSMA (École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique) après une école préparatoire au lycée Montagne à Bordeaux. Souhaitant explorer également une autre passion, le cinéma, il fait une formation en audiovisuel et digital durant 2 ans à Rouen. Durant cette période, il a réalisé plusieurs courts métrages. Après ses études il est parti au Canada durant un an dans le cadre d’un Permis Vacance-Travail avant de rentrer sur Paris et de travailler actuellement pour un web Magazine dédié à la finance. Maxence rêvait de créer une émission de podcast qui résultait de sa volonté, d’associer puis de lier ses deux passions que sont la science et l’audiovisuel. Maxence m’a joint et m’a proposé une première émission, j’en ai accepté l’augure et l’intérêt, ma confiance que nous pouvions en tirer le meilleur parti pour informer.

Maxence : L’idée de se transcender, d’augmenter ses capacités est une idée qui a été finalement popularisée ces dernières années par les GAFAM notamment qui la véhiculent et investissent en ce sens, mais c’est une idée qui remonte finalement presque aux origines de l’humanité. D’où vient cette quête si obstinée selon vous ?

Éric : Plusieurs motifs conduisent à cette quête d’augmentation de l’homme, motifs qui se réfèrent le plus souvent à des tentatives permanentes de surmonter, de dépasser, les limites actuelles du corps humain en ayant recours à la génétique ou à des artefacts. L’obstination de cette quête, elle tient finalement à quelques raisons, le refus de la mort, le rejet de la finitude, l’inacceptation de l’encerclement du corps. Dans les temps les plus reculés de l’histoire, l’homme a toujours souhaité, s’affranchir de l’enveloppe corporelle dans laquelle il est assigné à résidence depuis l’Eden. Mais ce refus de la mort le conduit finalement depuis toujours à rechercher comment la vaincre, comment triompher de cette fin inéluctable à laquelle il est promis. Vous évoquiez les origines de l’humanité, et vous avez raison d’y faire référence, puisque cette quête de l’homme augmenté, de l’immortalité, n’est pas nouvelle. Et j’invite chacun à découvrir toute la mythologie grecque [Icare, Pygmalion, Prométhée la Calypso], la mythologie sumérienne [Gilgamesh] et les récits bibliques notamment le prologue du livre de la Genèse et Babel pour découvrir qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Le rêve d’immortalité est finalement une histoire qui appartient à une mémoire enfouie, celle de notre éternité, depuis notre sortie d’Eden.

Maxence :   Beaucoup d’Oeuvres de science-fiction ou d’anticipation sont devenues réalité par la suite. Norbert Wiener, vous en parlez dans votre livre « La conscience mécanisée », imagine à la sortie de la Seconde Guerre mondiale une société totalement contrôlée et régulée par la cybernétique, nous y sommes. Le romancier Greg Bear lui phantasme des microstructures assemblées atome par atome, inoculées dans le corps humain ; en 2020 des techno-scientifiques ambitionnent la programmation d’êtres cyborgs à partir de cellules cardiaques artificielles en combinant à la fois l’intelligence artificielle et l’impression 3D. Les récits fantastiques, ne sont-ils pas finalement Éric, les récits révélateurs, les récits finalement dystopiques d’un monde à venir ?

Éric : Oui Maxence, vous avez raison et parmi ces récits, celui écrit par Aldous Huxley, est sans doute le roman, le plus emblématique.  Le meilleur des mondes est en effet le roman dystopique par excellence. Dans le meilleur des mondes, la reproduction sexuée telle que nous la concevons de nos jours a totalement disparu dans cette fiction dystopique.  Notez que la prédiction associée à « la fin de la reproduction sexuée » n’est pas en soi nouvelle. Je vous invite notamment à découvrir le Faust de Goethe qui a été écrit en deux pièces 1808 et 1832. Dans l’une des scènes de cette pièce de théâtre, un mystérieux personnage Méphistophélès fit irruption, ce personnage n’est pas moins l’émissaire du diable, il promet la fin de la reproduction sexuée et l’avènement de la fécondation in vitro.  Le meilleur des mondes est le prolongement de la vision faustienne de l’homme. En effet dans le roman « Le meilleur des mondes » les êtres humains sont tous créés en laboratoire, les fœtus y évoluent dans des utérus totalement artificiels, l’ectogenèse. Puis ces êtres sont conditionnés durant leur enfance. Les traitements que subissent les embryons au cours de leur développement déterminent leurs futures prédilections, aptitudes, comportements, puis en accord avec leur future position, sont affectés dans la hiérarchie sociale soit comme Alpha [L’élite], les Béta [chargés de fonctions d’encadrement], les Epsilon [les manuels] etc.  Ce roman dystopique nous renvoie en somme à l’univers de GATTACA. Cet univers où l’on conçoit en revanche des êtres génétiquement parfaits, sans défaut ou presque. Est-ce que ceci relève toujours aujourd’hui de la science-fiction ? la réponse est sans doute que nous n’en sommes plus si loin ! La fécondation in vitro existe bel et bien ; depuis 1978. Certes l’enfant ne nait pas dans un utérus artificiel, mais il n’est pas impensable que l’on y arrive un jour. Puis l’autre avancée génétique est celle du CRISPR CAS9, ce fameux bistouri biologique, en forme de ciseau, un enzyme spécialisé qui permet de procéder au découpage d’un brin de l’ADN défectueux et de le remplacer. Le génie génétique permet à ce jour de modifier facilement et rapidement le génome des cellules animales et végétales. Cet outil le CRISPR CAS9 permettrait potentiellement s’il est maitrisé demain ; d’éditer un génome susceptible de ne pas transmettre à la descendance, des défauts génétiques.

Maxence :  Nous sommes dans une société qui ne tolère plus la mort, la maladie, un monde aseptisé. En réponse à ces fléaux, l’argument que l’on entend est celui-ci : le progrès peut soigner tous ces maux : Internet permet de rapprocher les gens, de rester en contact, les progrès en médecine et robotique permettent de soigner les maladies, de redonner l’ouïe, la vue ! Voire bientôt de retrouver le contrôle de ses membres. On se dit que les arguments avancés sont plutôt louables, pourquoi faudrait-il s’en méfier ?

Éric : A l’instar de votre propos nous pourrions citer le projet « Brain computer interface » qui fit usage de capteurs placés à l’intérieur de la boite crânienne, donnant ainsi la possibilité à une personne de donner des instructions à un dispositif mécanique complexe, comme l’exosquelette. Les tests cliniques qui sont en cours depuis 2015 avec des personnes tétraplégiques, témoignent de l’avancée faramineuse de ces premières formes d’hybridation biomécanique.

Mais je crois qu’à ce stade ; nous confondons deux choses, la médecine réparatrice et la médecine augmentée. Entre les deux, nous avons bien deux médecines, celle réparatrice, qui vise à apaiser, à soigner et améliorer les conditions de vie et l’autre transcendante, qui vise à satisfaire des fantasmes pour étendre les facultés cognitives et physiques, puis donner à l’être humain de nouveaux pouvoirs.

Avec cette médecine augmentée, nous le constatons et vous l’avez implicitement, mentionnée dans votre question : les barrières entre le vivant et la matière tombent et on invente le cœur artificiel, prothèse intracorporelle conçue pour se substituer au cœur natif, ainsi les frontières biologiques et mécaniques se brouillent. On peut également dans la même veine et désormais « imprimer » de la peau biologique, se raffermir d’un exosquelette comme ces recherches effectuées dans les laboratoires techno-scientifiques, rappelées précédemment. Nous pouvons aussi interfacer l’homme et la machine et finalement inventer l’homme bionique, l’homme machinisé en quelque sorte. Tout cela est donc possible !

Mais au-delà du possible, la question est finalement de savoir si tout cela est bien utile et si ceci ne relève pas d’un fantasme. Le fantasme d’un progrès continu, sans limites aucunes, comme l’imaginait le philosophe Condorcet ! Vous en conviendrez, nous sommes, en face finalement d’une forme « d’évolution de l’espèce humaine » qui ne relèverait plus d’un jeu qui résulterait des seules forces mécaniques et naturelles, mais d’un relais biologique dont l’homme serait devenu aujourd’hui l’unique et premier artisan. En d’autres termes et cela rejoint votre première question et ma première réponse, l’homme refuse sa nature biologique trop fragile, trop vulnérable et il faut donc l’appareiller, la protéger, l’équiper pour surmonter les défis d’une vie biologique en tout point faillible. Mais voilà s’il est en effet louable de réparer, est-il besoin d’augmenter et en conséquence de dénaturer. L’homme sera-t-il un homme s’il est dévêtu en quelque sorte de son enveloppe biologique pour revêtir l’enveloppe bionique.

Maxence : Ken Loach, Le réalisateur de Sorry we missed you qui traite de l’ubérisation de la société, dit regretter dans une interview que les gens ne pensent plus à l’intérêt commun et finalement au bien de tous, mais davantage aujourd’hui à leur bonheur et aspirations personnelles. Est-ce que l’Intelligence Artificielle, peut être la solution comme l’avance Peter Thiel qui déclare que l’IA est communiste ? À l’instar du modèle chinois, l’IA porte l’idée qu’elle ne pense pas aux intérêts d’une seule personne, mais d’une société entière. Sur le papier ça fait rêver, est-ce que ce serait la solution est ce que cela vous semble possible ?

Éric : Le terme d’Intelligence Artificielle, me fait déjà sourire, prêter à la machine de l’intelligence est un oxymore puisque nous y associons le mot artificiel. « L’IA » est davantage une matière, un dispositif de calculs codés et mécaniques, mais non une intelligence d’essence biologique et d’une complexité infinie.  Je reprends cependant deux mots dans votre question : « l’IA est communiste », ce n’est pas faux, moi-même dans un autre ouvrage intitulé la déconstruction de l’homme, j’avais utilisé le terme de de communisme numérique, un autre modèle de société, une forme d’égrégore qui serait en quelque sorte un nouveau paradigme de communauté sociale, renversant les axiomes sociaux et économiques traditionnels fondés sur l’accès à la « gratuité » et à la fin de toute verticalité comme l’avait imaginait le philosophe transhumaniste FM 2030  Fereidoun M. Esfandiary.

Ce modèle économique, fondé sur le monde numérique, est en passe de prendre les relais de l’État, en proposant une dimension servicielle au-delà des services jusqu’à présent payants. Ainsi demain, le recours jusqu’à présent à des prestataires payants ne sera plus nécessaire, car une offre de service accessible à tous et « gratuite » sera largement proposée. Un nouvel âge d’or où le « gratuit » constituera la promesse, comme l’est d’ores et déjà un grand nombre, d’applicatifs numériques, mais le supplément de service qui lui est indispensable sera toujours payant. Ce modèle ne peut en fin de compte survivre que s’il est payant. Le communisme avec un point ?

Maxence :   Nous sommes de plus en plus dépendants aux machines et à la technique, ce confinement nous le montre bien. Les gourous de la Silicon Valley nous promettent de nous libérer des tâches ingrates, d’avoir le monde à portée de main, de gommer les inégalités… Sauf qu’aujourd’hui, en 2020, on apprend que les petites mains sont toujours là, dans les stocks d’Amazon ou Lidl sauf qu’elles répondent aux instructions d’une IA et ne peuvent communiquer qu’au moyen d’une trentaine de mots. On apprend par Newscientist que l’intelligence artificielle traitant le système de santé américain discrimine les populations noires. On constate des problèmes d’addictions et de manque de nos écrans notamment chez les enfants. Nos montres connectées, nos voitures nous donne des ordres, Netflix nous dit quoi regarder, google-nous dit quoi écrire dans nos emails. Pour l’instant on a l’impression que c’est nous qui sommes prisonniers de la machine. Finalement on nous promet une existence longue certes, mais pleine de frustrations, assujettis, court-circuité dans la prise de décision, dépourvu d’individualité et de libre arbitre …  Nous serions-nous fait avoir ?

 Éric : Votre commentaire est à nouveau très juste, nous avons été comme aspirés par l’armoire magique, le miroir aux alouettes, un leurre, un piège à rats. Ce monde des GAFAM et autres BATX les autres géants du WEB chinois savent de façon artificielle créer de nouveaux usages. Et je pourrais allégrement enrichir votre liste, les enceintes Alexa, les montres connectées, la machine à café connectée …). L’économie numérique se présente à nous comme une source infinie d’inventivités, de croissance, d’augmentation des biens, le toujours plus et jamais assez. Vous avez dans votre réflexion précédente un aspect oh combien juste. La robotisation s’est jusqu’à, présentée à nous, comme un palliatif pour nous libérer avantageusement de la corvéabilité, nous affranchir des tâches répétées. Puis l’IA c’est-à-dire « l’intelligence artificielle » est venue comme renforcer l’efficience du robot en proposant aux plus qualifiés d’alléger également les tâches intellectuelles répétées. Ainsi sont éliminés au fil de l’eau ces « notions de métier qui consistent à faire toujours la même chose »[1]. Les métiers, nécessitant de l’apprentissage sont en passe de disparaitre et pire de transformer les employés d’Amazon que vous citiez en nouveaux G.O.R de Gentils Ouvriers Robotisés. Notre société est poussée par ce nouveau mantra, il faut innover, il faut performer, il faut évoluer. Nous sommes en train d’adorer finalement le Dieu Néon de Sound of Silence, une chanson écrite par le duo mythique Simon & Garfunkel[2]Dans leur chanson, le duo décrit ces enseignes lumineuses et tapageuses qui inlassablement nous invitent à consommer, à consommer et surtout nous privent d’échanger, de partager.

On nous impose finalement ce nouveau dogme, il n’y a pas le choix, ce sera forcément mieux, ce mantra comme je l’exprimais précédemment, il nous faut accepter le progrès sans condition, sinon nous « dévoluons », nous régressons, nous retournons à l’âge de pierre. Juste pour vous dire que le COVID 19 est en train de nous chambouler et de conditionner subrepticement notre monde, mais le risque est hélas l’accélération d’un mouvement qui est de nature à nous enserrer et à nous enfermer dans l’esclavage de l’égrégore numérique.

Souvenez-vous de ce film Métropolis de Fritz Lang. Pardonnez-moi je vais m’arranger avec le récit dystopique du film et lui donner une autre couleur plus actuelle, plus contemporaine. Disons que Métropolis dans ce récit réécrit en quelque sorte, est toujours une cité à l’architecture futuriste, une mégapole aux lignes et aux structures avant-gardistes, une ville cybernétique, une nouvelle Utopia[3] qui vit sous le joug de tyrans nos fameux GAFAM et BATX.

Les aristocrates de ce Nouveau Monde après la tempête COVID 19, se prélassent dans leurs palais numériques, tandis que la masse laborieuse des G.O.R, survivent dans leurs maisons calfeutrées sous la surveillance et le contrôle d’un nouveau Big Brother, le messie technologique leur promettant le paradis digital et de les protéger de l’intrusion d’une nouvelle bactérie létale, les gens ont peur, le messie technologique veille sur eux, il les protège avec tant de bienveillance, mais il épiera ceux qui n’ont pas accepté son pouvoir, les harcèlera, les persécutera.

Maxence :  Beaucoup de gens, moi le premier, avons le sentiment d’être contraint à ce changement, que la lutte est vaine, dans une société où le maître mot est « l’adaptation » constante, sans quoi nous sommes rejetés aux bancs de la société, voir jugés. Certains ne s’aperçoivent malheureusement même pas de cela. Quelle solution avons-nous ? faut-il être en rejet total ou au contraire comme le numéro 2 dans le prisonnier ou le personnage principal dans 1984, faut-il s’y jeter corps et âme ? Y a-t-il un équilibre ?

J’anticipais déjà cette réflexion précédemment Maxence. Je souscris pleinement à votre propos vous avez raison. Pour même l’appuyer, j’aimerais vous faire découvrir deux auteurs Marie David et Cédric Sauviat qui ont brillamment pensé le sujet et qui touche cette thématique que vous abordiez précédemment l’IA, Marie David et Cédric Sauviat sont tous deux diplômés de l’école polytechnique, voici ce qu’ils écrivent à propos du progrès à la page 154 de leur ouvrage : « Intelligence Artificielle la Nouvelle Barbarie », … « Les conséquences de cette course folle ne sont jamais discutées », j’ajoute, jamais anticipées, jamais évaluées, puis ces ingénieurs poursuivent leurs commentaires respectifs et là nous relevons toute la pertinence de leurs propos… « En son temps il aurait été criminel de refuser d’isoler les murs avec l’amiante, de ne pas équiper les écoles de tablettes numériques, de ne pas se lancer dans tel médicament puis de découvrir 20 années plus tard les dégâts catastrophiques du caractère cancérigène de l’amiante, des effets absolument néfastes de l’usage des écrans par des enfants parce que tout simplement le temps biologique n’est pas celui de l’innovation technologique ».

Mais que dire des lois bio éthiques pas encore votées quand on apprendra demain le catastrophisme psychologique que l’on aura généré auprès d’enfants sans père ou sans mère au nom d’une forme d’égalitarisme infondé. Au risque comme vous l’indiquiez fort justement d’être mis au ban de la société pour avoir eu l’outre Cui dance de rejeter en bloc, le soi-disant progrès moral et le meilleur des mondes promis.

Maxence : Nous comprenons que pour lutter contre l’uniformisation de la société et son assujettissement il faut commencer par se cultiver, nourrir l’âme. Dans cette époque ou on a délaissé l’esprit, on voit pourtant de plus en plus de gens se tourner vers les néo-religions notamment aux Etats-Unis, au développement personnel, à la méditation, certains changent de vie en quête de sens pour se reconnecter aux autres et à la nature. Est-ce une conséquence directe de cette société et cela est-il positif ? Peut-on y voir l’espoir d’un renouveau spirituel ?

Éric : Nous sommes à l’heure des SMS, des « posts », des assertions, des raccourcis, qui sont à mille lieues des textes pensés par toute une littérature philosophique, théologique ou même de romans ou autres essais. Les réseaux sociaux nous livrent en pâture, leurs cargaisons de messages pauvres sans densités, sans intensités. On s’imagine penser, mais c’est souvent de la pensée bricolée, sans réelle consistance, dans l’artifice. Je préfère de loin lire en effet, pour enrichir et nourrir l’âme comme l’esprit.

En ce sens vous rejoignez le propos de l’écrivain Bernanos[4], ce dernier disait à peu près ceci que la modernité est une conspiration contre toute forme de vie intérieure. Je rejoins aussi la pensée de l’urbaniste Paul Virolio urbaniste et philosophe quand ce dernier nous indiqua que « …le progrès technologique a détruit […] l’humble préférence du proche et du prochain, le savoir être soi-même, dont Montaigne nous entretenait comme la plus grande chose au monde… »

La « valeur » de notre postmodernité est l’adulation des objets. Dans ce contexte notre époque s’enfonce dans une forme d’atomisation sociale, une atomisation quasi nucléaire qui se traduit par un véritable morcellement dans lequel nous nous glissons, un monde sans contacts, en distance, en pièces sans doute un monde en miettes, avec l’arrive brutale du COVID 19, cette nouvelle peste.

Nous sommes en effet face à une perte de sens, une perte de sens aggravée, du fait que cette civilisation n’accepte pas de reconnaître l’existence d’un Créateur, Le monde post-moderne se caractérisant également par un rejet de l’ancien récit métaphysique, celui d’un Dieu qui se révèle à la totalité de notre humanité et au monde au travers de la Bible. Ce même courant post-moderne conteste ou nie toute idée de transcendance, idolâtre de manière aveugle la raison humaine et la conduit inexorablement à l’irrationalité. Cette irrationalité qui entend conduire l’humanité à un nouveau récit, celui de sa propre transcendance, de sa propre auto divinisation. Un terme y sera mis et cela nous le savons intimement, au plus profond de nous-mêmes, même si nous ne souhaitions pas l’avouer, le reconnaitre.

[1] J’emprunte l’expression aux deux auteurs du livre Marie David et Cédric Sauviat : Intelligence Artificielle : La Nouvelle Barbarie Editions du Rocher Idées. Livre publié en 2019.

[2] Je fais référence à ce groupe Mythique dans l’une des chroniques de mon nouvel Essai.

[3] Livre de Thomas More écrit en 1516. Je vous renvoie à la description de ce livre, dans mon précédent essai : La mécanisation de l’homme.

[4] L’auteur notamment de la France contre les robots, Georges Bernanos est un écrivain français :  1888 -1948