La barbarie moderne

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal.

Texte de Eric LEMAITRE

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal. Ainsi il sera plausible avec l’aval du législateur d’introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal. En implantant L’embryon dans l’utérus d’un animal, les chercheurs espèrent ainsi développer des organes humains chez des animaux en vue d’une transplantation dans un corps malade. Ces organes pourraient être, en effet, prélevés pour être à nouveau greffés sur des patients humains malades. Il y invariablement dans l’avancée des progrès scientifiques encouragés par la loi, une coloration très humaniste pour nous faire avaler la pilule puis reléguer les opposants à ces lois mortifères, dans le camp de radicaux malfaisants, empêchant la marche du progrès transhumaniste.  

Notre époque assiste à une forme d’accélération de la déconstruction de l’homme ; le pire est le rapprochement d’une dissolution totale de ces civilisations, civilisations qui fuient vers le consumérisme, le nihilisme, l’eugénisme, le technicisme, ou le fondamentalisme. Il est frappant que dans ces périodes de crise, de relever la propagation de la violence, de l’empilement des maux qui viennent submerger les nations. Ouvrons le journal et c’est l’étalement de l’horreur qui se répand sur la terre. Même l’Europe à ses portes est en proie à des exactions et à des déchirements qui lui font craindre le pire. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020 à Reims, un quartier Rémois a été confronté à des violences urbaines, à des tirs de mortiers et à une série d’incendies, il n’y a pas eu de blessés, mais on relève comme une forme « d’ensauvagement[3] » généralisée de la société, une jeunesse qui transgresse tous les interdits et ne se prive pas de braver les lois, d’enfreindre la tranquillité des quartiers. Dans le même département et quelques jours plus tôt précédant les événements vécus à Reims, la ville de Saint-Dizier était également en proie à des tensions urbaines. L’année 2020 est ainsi traversée par des épisodes de brutalités, d’exactions parfois communautaires comme nous si nous vivions à une forme de dérèglement de la planète impactant toutes les dimensions sociales, comme climatiques ou sanitaires. Le monde en délogeant le Dieu du ciel et toutes ses lois a finalement engendré le lit de la « barbarie » en abandonnant les valeurs prétendues civilisationnelles et morales, les repères, les attaches, les piliers qui nous faisaient discerner le Bien et le Mal. L’occident au cours de son histoire s’est longuement, fait le chantre de la civilisation, en s’identifiant à ce processus des nations civilisatrices, considérant les autres nations comme primitives rassemblant des barbares, dans le sens d’êtres attachés à une vie archaïque, de personnes qui ne connaissent pas ou sont demeurées dans l’ignorance des références qui qualifient la civilisation. Le mot même de barbare était entaché par une notion d’inculture avant d’embrasser plus tard celui de cruauté, pendant longtemps le corollaire de la cruauté fut ainsi associé à celui de barbarie.   

Cette époque de relativisation qui caractérise les dernières décennies précédant le XXIe siècle, a accouché les idéologies les plus extrêmes, celles de déconstruire l’homme, en enfantant les lois les plus radicales, l’aliénant. Ce constat contemporain nous renvoie plusieurs millénaires en arrière à ce récit de la Genèse qui depuis la chute de l’homme, cette rupture avec Dieu est entrée dans un cycle de violence. Cycle qui commença avec Caïn : ce dernier assassine son frère. Pourtant, Dieu entend casser ce cycle pour ne pas engendrer des générations de meurtriers ; Il protège Caïn comme la manifestation d’un premier signe de sa grâce. La violence telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse, est devenue l’un des maux qui couronne les autres calamités traversant l’humanité. Mais qui en est responsable ? La Bible déclare que toute chair porte cette responsabilité : c’est le commentaire extrait du livre de la Genèse au chapitre 6, verset 11. « Toute chair est corrompue, la terre s’est remplie de violence ». La violence ne résulte pas ainsi et en soi d’une catégorie d’hommes. Intrinsèquement et structurellement toute chair porte en elle cette dimension de corruption et de violence qui en représente l’aboutissement. La violence est quelque part destructrice et les traumatismes l’accompagnant, dévastateurs. La violence est autant du fait d’individus que d’organisations ou d’états. Avortements, crimes, terrorisme, génocide constituent les illustrations de la violence menée à son paroxysme, et ce à différentes échelles, de l’individu à l’état. La violence demeure une forme de corollaire de la barbarie. Les sociétés violentes sont imprégnées d’une forme de nihilisme de la pitié, une contre-humanité. La violence, est-elle lors la traduction de la barbarie ou le retour à la barbarie primitive ? La dimension même de la barbarie est devenue une expression qui a été au cours des dernières années, utilisée à de nombreuses reprises par les médias et sur réseaux sociaux, pour évoquer la cruauté de l’Etat Islamique (L’EI), la monstruosité, l’inhumanité d’hommes qui sous couvert d’une idéologie s’emploie à imposer une conception religieuse et ultra-légaliste de leur monde au mépris des cultures, des valeurs, des croyances d’autres peuples, d’autres humains.

L’expression de cette barbarie brutale, atroce secoue l’entendement et les consciences à l’aune d’un XXIe siècle en proie à de profondes mutations culturelles, sociétales, écologiques, politiques. Siècle soudainement secoué par des images féroces qui traduisent l’insensibilité et la bestialité d’hommes qui s’excluent du coup du genre humain, tant les actes commis nous font horreur, abîment et blessent l’image même de l’homme lui-même image de Dieu, d’un Dieu compassionnel. Le mot barbare ou d’autres mots similaires reviennent sur toutes les lèvres, mais les mots mêmes sont impuissants et révèlent parfois leurs limites. L’emploi du mot barbare couvre comme nous l’avions déjà rappelé deux notions que déclinent la cruauté et l’archaïsme. Cette cruauté est devenue une forme même d’inculture poussée à son paroxysme, mais associée le plus souvent à l’archaïsme. Pourtant, l’absence de culture n’a pas toujours caractérisé ceux que l’on qualifiait de barbares. Contrairement à l’idée reçue la Barbarie n’est pas systématiquement l’inculture L’histoire récente, nous renvoie ainsi et pour mémoire à l’idéologie nazie, où certaines figures cruelles de cette idéologie inhumaine ont été éprises de cultures. Ces mêmes nazis ont porté au pinacle des œuvres qui ont marqué l’humanité, voire jusqu’à les protéger. Le savoir civilisé, soi-disant policé de l’Europe n’engendra-t-il pas d’une certaine manière un monstre, le monstre lui-même célébré par le philosophe Heidegger qui ne se dissimula pas, de partager les thèses nazies. Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » nous évoque avec stupeur un paradoxe sur la culture anthropologique : Le plus barbare n’est pas nécessairement celui que l’on se figure. Ainsi le plus sauvage n’est pas nécessairement celui que l’on a coutume de caractériser à l’aune de nos constructions culturelles et des représentations de notre civilisation qui impactent et influent ces mêmes représentations. Le cannibalisme n’est pas ainsi l’exclusivité ou l’apanage des hommes que l’on qualifie habituellement de primitifs, une forme de « cannibalisme » peut aussi caractériser les civilisations dites les plus avancées. Dans sa vision critique, Montaigne juge en évoquant sa propre civilisation que les cannibales du royaume s’avèrent bien plus barbares que ceux du royaume des cannibales. « Les cannibales du royaume sont spécialistes en trahison, tyrannie, cruauté et déloyauté, accusant les « barbares » d’attitudes qui se révèlent pourtant moins graves que les leurs, et ceci sans démarche d’introspection. » Pour poursuivre son analyse Montaigne juge les guerres de religion notamment l’inquisition et fait valoir qu’elles ne sont pas plus civilisées que les rituels d’anthropophagie des cannibales, « mangeurs de chairs humaines ». La barbarie participe d’une forme d’aliénation de l’être humain comme différence. Nous osons en effet aborder la notion de barbarie comme l’expression même de la violence, une violence qui est le mépris de l’autre, de l’humain, le mépris de la différence, une violence qui est tout simplement la négation de l’autre, l’aliénation de l’être humain comme l’expression de la diversité. La barbarie qui est une forme de puissance aliénante est une façon de gommer les disparités, d’imposer une forme de totalitarisme nivelant les autres au nom même d’une croyance, d’une idéologie. Il faut alors exécuter le bouc émissaire qui porte en lui ce que je hais comme symbole de l’altérité ou de la dissemblance. L’eugénisme est en soi une forme de barbarie, quand elle dicte qui doit vivre ou est digne d’être. La barbarie se traduit ainsi par une forme totalitaire de rejet absolu, une stigmatisation des populations voire même des êtres parmi les plus vulnérables, les plus fragiles, une exclusion violente de l’être humain dans ce qu’il peut incarner à travers son histoire, son identité, sa croyance, sa naissance, ses infirmités, son handicap. Comme l’exprime Fabrice Hadjad dans le livre la foi des démons, cette forme de barbarie atroce « gît dans le mal et a l’angoisse du bien ».

Le monde occidental a coutume de pointer la barbarie des autres civilisations, mais sa civilisation n’est pas en soi exempte d’en porter également les germes ou même de manifester les symptômes d’une société mortifère. Je reprends ici l’intégralité d’un texte écrit par Fabrice Hadjadj  : « Après Auschwitz et Hiroshima : le pire de notre époque est l’imminence de la destruction totale. Peut-on encore parler d’un Dieu bon et puissant ? S’il est bon, il est faible, vu qu’il n’a pas pu empêcher la catastrophe (position de philosophe juif Hans Jonas). Mais dans ce cas, si Dieu n’est plus celui qui intervient dans l’Histoire, Hitler n’a-t-il pas détruit le Dieu de la Bible ? Si la religion de David est invalidée, il ne reste plus que le culte de la Shoah. C’est ce que reproche Benny Lévy à ses frères lorsqu’il les accuse d’avoir fait une idole d’Auschwitz. Ce qui interroge avec la Shoah et le Goulag, c’est la forme prise par le mal, sa banalité comme dit Hannah Arendt.Ces destructions ne sont pas le fruit d’un accès de rage barbare, mais d’une froide planification pour obéir à de prétendues lois de l’Histoire ou de la nature. Ceci démontre que l’idéologie du progrès mène à la catastrophe et que le libéralisme a engendré d’une manière indéniable le totalitarisme, ils éprouvent la même volonté d’exploitation de l’homme. A cela s’ajoute la possibilité pour l’homme d’anéantir l’espèce humaine. La spécificité de la crise actuelle et notamment de la pandémie est la conscience de notre disparition probable, pas seulement en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’espèce. « L’humanisme a fait long feu et les lendemains ne chanteront pas ».La barbarie occidentale de la prétendue civilisation, est de la sorte un anti prochain une forme de contre idéologie de l’amourLa Barbarie est en soi la manifestation possible d’une puissance démoniaque en ce sens qu’elle est une haine de l’autre, le contraire de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il est parfaitement concevable de supposer une volonté démoniaque d’être le contre-pied de l’amour du prochain : L’amour du prochain dans toute sa dimension relationnelle est à combattre dans la pensée qui incarne « le monde de demain », il ne saurait faire sens. Combien de religions se sont finalement fourvoyées y compris celles d’inspiration chrétienne en occultant le message fondamental qui est l’amour de l’autre, un amour de l’autre qui est sans condition. L’amour de l’autre est en effet sans dogmatisme, sans hypocrisie, c’est un amour christique. « Tu aimes ton prochain » dans ce qu’il a de différent. Ce qui ne plait pas en lui y compris sa vulnérabilité insupportable, ne doit pas nous conduire l’avorter[4] ou à le supprimer, même sous prétexte même d’humanisme.Le livre d’Ézéchiel évoque la violence du Prince de Tyr rappelant qu’initialement il siégeait auprès de Dieu « Tu as été intègre dans tes voies, depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. Par la grandeur de ton commerce, tu as été rempli de violence, et tu as péché ; Je te précipite de la montagne de Dieu, Et, je te fais disparaître, chérubin protecteur, Du milieu des pierres étincelantes. » Ezéchiel 28 : 11-15 ». L’expression « tu as été rempli de violence », d’une certaine manière orchestre l’influence qu’exerce Satan dans le monde faisant de l’humanité empreinte divine, l’ennemi à abattre.Ce constat de cette violence envers la notion du prochain a été décrit par le philosophe espagnol Ortega qui dépeint un autre trait de la barbarie à travers la haine, « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel – non pas un assassinat qui se fait d’un coup ; haïr, c’est assassiner sans relâche, effacer l’être haï de l’existence ».Un étudiant posa un jour cette question à Hannah Arendt « pourquoi appelez-vous « crime contre l’humanité un crime contre le peuple juif ? », elle répondit : « parce que les Juifs sont d’abord des hommes ». Je crois tout simplement que Hannah Arendt résumait parfaitement le propos que nous souhaitons défendre : la Barbarie ne s’inscrit pas comme un crime contre un groupe, une entité ou une catégorie d’hommes, c’est avant tout un crime contre l’homme. Les barbaries que nous dénonçons, en témoignant au cours de nos veillées, sur les places publiques où nous nous rassemblons, sont la manifestation de notre attachement à l’être humain, à tout l’être humain. C’est pourquoi nous sommes aussi solidaires à nos frères non seulement chrétiens, mais tous ceux qui doivent souffrir au nom de leur foi, de leurs croyances. Cette expression de l’amour est aussi pour les plus vulnérables, les plus fragiles, les enfants, ceux qui sont à naître également, les plus âgés également, les plus dépendants parmi eux.Dans cette revue de l’humanité haïe pour des raisons d’identité, Hannah Arendt inscrit le problème du mal radical advenu avec la Shoah dans la perspective de l’universalisme humain.

La nouvelle Barbarie occidentale est un habillage humaniste. Le barbare n’est pas seulement l’expression d’une violence d’un individu, ou d’un groupe d’individus, elle peut résulter d’une organisation qui peut habiller sa barbarie en la justifiant de concepts humanistes. Comme nous l’avons par ailleurs rappelé, la notion même de barbarie n’est pas nécessairement l’antithèse de la civilisation. La barbarie peut être le produit de la civilisation, Montaigne ne dit pas autre chose. Notre civilisation, n’est-elle pas entrée dans une crise profonde. Cette crise qui annonce une forme de délitement des valeurs morales peut générer comme le décrit Montaigne « le cannibalisme du Royaume » de nouvelles violences non nécessairement produit par les fanatismes religieux, mais par des dogmatismes idéologiques, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le marxisme-léniniste, le nazisme. Il est étrange que l’Europe démocrate qui a combattu les idéologies barbares caresse aujourd’hui les idéologies mortifères, malthusiennes qu’elle voulait combattre jadis.  Comme me le partageait un ami « Nous, dénonçons, à juste titre, la barbarie de certains fondamentalistes musulmans, mais que leur répondre quand, à leur tour, ils dénoncent la barbarie de certaines pratiques occidentales comme celle consistant à aspirer l’enfant dans le ventre de sa mère, comme c’est le cas lors d’un avortement ? Cet acte est-il plus « digne » que l’excision que nous dénonçons chez eux… ». Mais nous le réécrivons : rien ne vient gommer ou légitimer tout acte de violence, et ce, quelle que soit la culture qui la promeut, occidentale ou non. Cette civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudents sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des « leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète ». Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie (Génocide, camps de concentration, Euthanasie, Eugénisme, les Lebensborn …), mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer les lois mortifères du Nazisme, ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain et n’ose qualifier par exemple de barbarie l’atteinte à l’enfant conçu dans le ventre d’une mère ou l’eugénisme en sélectionnant l’enfant à naître si ce dernier correspond aux dimensions normatives de la société occidentale. La GPA qui tôt ou tard sera adoptée après la PMA (commençons par habituer l’opinion) réintroduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs l’actualité ne l’a-t-elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfants ? La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera demain le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s’il n’est pas « conforme » aux normes en vigueur, comme on l’a déjà vu par le passé.

Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement « économiques ». L’avortement (quoi de plus barbare qu’un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n’a pas le choix ?), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême le « queer » (qui conduira comme nous le développons plus loin à une sexualisation de l’enfance s’il est vrai que l’identité sexuelle est déconnectée de tout rapport au « corps sexué »), tout cela témoigne alors d’une plongée dans la barbarie. Ainsi la « Queer theory » de Judith Butler, fait du travesti la norme moderne venant se substituer à l’hétérosexualité, déconstruite comme pure convention sociale, et dont on peut craindre qu’elle ne conduise, à terme, à cautionner des pratiques comme celles de la pédophilie puisque si le « corps sexué » ne signifie plus rien, il ne faudra bientôt plus attendre la puberté pour admettre une forme de « sexualité » aux enfants et abuser d’eux sous couvert d’un consentement qu’il leur sera bien difficile de refuser aux adultes, comme l’a illustré une affaire récente en Italie ». C’est sûr que c’est assez crû, mais mieux vaut prévenir et alerter que guérir ! Comme nous l’avons écrit à propos et à l’instar de Montaigne, la barbarie n’est pas l’apanage des seuls extrémistes, la barbarie des civilisés, des cols blancs peut s’avérer aussi abject que la barbarie des fondamentalistes qu’elle condamne. Nous condamnons explicitement ces deux barbaries, ces deux tyrannies qui aliènent l’être humain. Sans oublier que les incivilités les plus insignifiantes sont les premiers pas vers la barbarie. Or, qui parmi nous pourrait affirmer qu’il est exempt de toute ignominie, qu’aucune flétrissure ne l’a jamais atteint ? Les Écritures (la Bible) évoquent que toute chair est corrompue et que nous portons tous des germes de barbarie.

Mais face à la barbarie occidentale, faut-il encourager la bienveillance ou dénoncer l’iniquité de ces lois mortifères ? Face à la barbarie, la prière évoquée dans le Psaume 63 respectivement aux versets 10-12 : « Qu’ils aillent à la ruine ceux qui en veulent à ma vie ! Qu’ils rentrent dans les profondeurs de la terre ! Qu’on les passe au fil de l’épée… » ne revêt-elle pas une forme de légitimité ? N’y-a-t-il pas une forme d’imprécation angélique que d’en appeler à aimer malgré tout, ses ennemis ? Mais ne serions-nous pas les reflets, les miroirs des barbares que nous accusons ? Mettons fin cependant au cycle de la violence ! Face à la barbarie, la vengeance (se faire justice) est d’emblée totalement inadaptée ; elle serait même amplificatrice de la cruauté. La réponse adaptée est celle de la justice (rendre justice), une réponse pour mettre fin au cycle de la violence. La justice est un principe moral qui relève même d’une dimension de transcendance ; elle fait appel à des valeurs universelles. Enclencher la guerre, déclarer la guerre pour mettre fin à la guerre, à la barbarie, nous comprenons que cela fut légitime au cours de notre histoire ; c’est la tentation de toujours, c’est cette logique de pensée qui a amené le déluge. Le déluge est décidé par Dieu, mais il ne résout en réalité rien. La pédagogie du déluge, s’est avérée inadaptée, inefficace, le mal est sans doute beaucoup plus grave et nécessite une transformation volontaire et non une destruction subie de l’homme. Lisons cette déclaration étonnante dans le livre de Genèse « Je ne recommencerai plus à maudire le sol à cause de l’homme, car le produit du cœur de l’homme est le mal, dès sa jeunesse. Plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ! ». Dieu décide d’abolir à jamais le déluge et envoie le signe d’un arc-en-ciel qui annonce la fin de toute destruction. L’arc en ciel préfigure la croix qui annonce le pardon et par son pardon, la transformation de l’homme. Voilà la justice de Dieu, le choix de Dieu de sauver l’homme, malgré la barbarie, le cœur corrompu, la violence de son âme. Dieu choisit le salut de quiconque afin que celui qui croit ne périsse pas (Jean 3 : 16). Pour conclure, comment ne pourrais-je pas penser à cette conclusion de ce texte admirable écrit en 2014 par Natalia TROUILLER « Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué…. » « L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai revu quelques jours après être rentrée, sur une photo entourée de roses envoyée par ses parents : c’était sa dernière image vivant, souriant, beau, endimanché. Il avait été coupé en deux par un tir de mortier lors de la prise de Qaraqosh. L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai cherché, pleine d’angoisse, parmi les centaines de photos prises là-bas pour savoir s’il était de ceux qui ont ri avec moi – la réponse importe peu. L’enfant que j’ai vu en Irak, j’ai reçu la photo de lui, coupé en deux avec du sang partout, envoyée par un djihadiste sur mon compte Twitter. Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué. »

Cette prière qui semble insignifiante est finalement celle qui a le pouvoir de mettre fin au cycle de la barbarie. Et si nous osions finalement répondre à l’appel de Jésus, aimer nos ennemis.  Matthieu 5.43-45 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.… »


[1] En des termes édulcorés Les députés ont adopté un amendement pour clarifier le fait que la « détresse psychosociale » peut être une cause de « péril grave », justifiant une interruption médicale de grossesse.

[2] Expression reprise de l’archevêque de Paris, Michel Aupetit lors d’une interview accordée à France Info.

[3] Ensauvagement : Terme utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité.  

[4] Une grossesse sur cinq environ aboutit à une IVG. Source : L’avortement en chiffres [FRED DUFOUR / AFP]

Distanciation

C’est fou ce que les mots d’hier comme se saluer, s’accueillir, recevoir, se serrer la main, étaient à nos oreilles d’une grande banalité. Ces mots prennent un sens bizarrement singulier, un sens très nouveau quand nous les exprimons dans les contextes de pandémie qui a laissé les traces étranges d’une tout autre infection dans nos esprits. Ces mots qui étaient hier, d’une grande banalité n’auraient franchement mérité aucune réflexion particulière, sauf en ces jours. En d’autres temps, dans des temps qui ne seraient pas ceux d’un monde pollué par l’esprit des courtisans malfaisants de la Reine Corona, ces mots comme se faire la bise auraient été d’une ennuyeuse platitude. Toutes les dimensions qui touchent aux salutations fraternelles, aux politesses cordiales et ces gestes comme une simple accolade, une poignée de main étaient comme pour chacun, une évidence, mais les mêmes gestes ont une tout autre résonance, en nous aujourd’hui.

Auteur Eric LEMAITRE

C’est fou ce que les mots d’hier comme se saluer, s’accueillir, recevoir, se serrer la main, étaient à nos oreilles d’une grande banalité. Ces mots prennent un sens bizarrement singulier, un sens très nouveau quand nous les exprimons dans les contextes de pandémie qui a laissé les traces étranges d’une tout autre infection dans nos esprits. Ces mots qui étaient hier, d’une grande banalité n’auraient franchement mérité aucune réflexion particulière, sauf en ces jours.  En d’autres temps, dans des temps qui ne seraient pas ceux d’un monde pollué par l’esprit des courtisans malfaisants de la Reine Corona, ces mots comme se faire la bise auraient été d’une ennuyeuse platitude. Toutes les dimensions qui touchent aux salutations fraternelles, aux politesses cordiales et ces gestes comme une simple accolade, une poignée de main étaient comme pour chacun, une évidence, mais les mêmes gestes ont une tout autre résonnance, en nous aujourd’hui.

À la veille du mariage de notre fille Anne et de Thibault, une amie Corinne sonne à notre porte, pour offrir à ce jeune couple, un joli cadeau, l’expression d’une amitié pour des voisins qui se connaissent depuis plus de vingt ans. Corinne est arrivée masquée et a rapidement ressenti comme une gêne sociale à porter un masque alors que nous sommes voisins et que nos relations d’amitié sont bien plus que courtoises après tant d’années. Corinne se démasqua s’affranchissant ainsi de la peur de ce contact, elle se dévisagea comme pour se libérer d’une contrainte psychologique que lui bassinent les médias à longueur de journée.

Nous nous sommes habitués depuis quelques mois, à garder nos distances, à cultiver le respect inconditionnel de cette nouvelle rhétorique. Nous avons appris au fil des jours, à nous accommoder avec les gestes barrières. Pourtant nous sommes sortis du confinement, mais la pandémie semble toujours là. Ce confinement où nous étions comme privés de rencontres, de vie sociale, nous tenaille, nous tient toujours en laisse malgré le déconfinement auquel nous avons été invités depuis peu. Nous étions hier tenus en quelques semaines à nous limiter dans nos déplacements, à ne pas enfreindre les distances, nous étions dans l’injonction de les respecter, de ne plus pouvoir nous rendre au chevet de nos parents, ou grands-parents.   La distanciation instaurée par la pandémie est ainsi venue se heurter à la sociabilité d’hier et sans doute également heurter notre conscience. Comment se résoudre à accepter, de priver l’autre fragile, l’autre vulnérable : de rencontres, de partager l’affection, de vivre l’instant d’une étreinte qui s’appelle la tendresse, d’un geste qui se nomme, sourire. Si ces nouveaux gestes barrières ont été appris, il nous semble en réalité que nous ayons été conditionnés à nous y habituer et à suspecter ceux qui s’en affranchissent ou s’en affranchiront comme des hors la loi possible. Ce que je regrette c’est l’absence de culture de la responsabilité, répondre de soi et de ses actes, mais au-delà à répondre de ce qui est fragile, de ce qui est perçu comme infiniment vulnérable. Il y a en somme dans l’idée de responsabilité, celle d’un devoir vis-à-vis de l’autre, le désir d’un infini respect qui lui est dû. Dans des contextes de pandémie, la distance physique peut donc aussi être l’expression d’une manifestation responsable : ne pas mettre autrui en danger. Or la distanciation sociale est autre chose, ce champ lexical de ce nouveau néologisme : distanciation sociale me semble vraiment impropre, maladroit et suspect. La distanciation sociale n’a rien à voir avec les règles d’une distanciation physique, la distanciation sociale comme l’écrirait Jean-Paul Sartre, ce serait plutôt un manque d’être, l’absence d’une présence à l’autre, l’absence d’une communauté de semblables.

Le 5 juin avec ma chère épouse avec laquelle aucune distance n’existe, où l’intime est de règle, nous regardions le film : Contagion. Le synopsis du film dystopique sorti dans les salles de cinéma en 2011 est absolument stupéfiant.  Le film relate comme un copier-coller la pandémie de 2020, le récit de cette fiction mis en scène comme un documentaire, décrit le déroulement d’une fulgurante pandémie qui commence à Hong-Kong. Une femme d’affaires américaine à son retour aux États-Unis tombe très gravement malade puis meurt, très vite, elle infecte son fils qui trépasse des mêmes causes. Au démarrage, les médecins tâtonnent, soupçonnent une maladie, mais qu’ils ne qualifient pas de létale, mais peu à peu, l’infection prend un autre aspect et sa dangerosité finit par être manifeste, sa propagation estimée selon les modèles statistiques comme exponentielle dépassant même le Ro4[1].

La pandémie relatée dans cette fiction est née d’un croisement entre une chauvesouris et un cochon [enfin un cochon sans écailles], vendu dans les étales d’un marché et qui infectera le patient zéro, une Américaine de séjour à Hong-kong Beth Emhoff, la femme de Mitch, contaminera à son tour son propre fils comme le reste du monde, le début d’une foudroyante pandémie à l’échelle de toute la planète.  C’est dans ce film que l’épidémiologiste Erin Mears emploiera le mot « distanciation sociale », ce mot allait ensuite s’imposer dans le vocabulaire de nos médias avec l’irruption du covid19, puis à longueur d’émissions, de débats interminables, de promotions s’incruster dans les mentalités, d’une nouvelle société dont le drapeau serait dorénavant « Gardez vos distances ».  Mais ce 4 juin, avec quelques amis nous décidâmes de franchir le fameux Rubicon, le fameux interdit comme s’il nous fallait sortir et pour une question vitale de ce monde virtuel et hygiéniste que l’on nous prépare, monde infiniment plus menaçant.

Ainsi le 4 juin, nous nous retrouvions avec plusieurs relations pour un temps de retrouvailles, de convivialité, d’échanges et de partages en toute fraternité. Nous décidâmes spontanément sans concertation aucune, de franchir le Rubicon, de briser la fameuse distanciation sociale, sans doute pour conjurer et refuser la peur, la langue que l’on, nous a apprise celle des barrières. Nous avons sans doute pour beaucoup d’entre nous, oublier ce que signifie en soi l’expression comme le geste « se serrer les mains ». « Se serrer les mains » était une façon de dire que nous n’avions pas d’armes, que nous n’allions pas dégainer l’épée de la Reine Corona. En amis, nous sommes venus désarmés, en amis nous nous sommes salués chaleureusement. En amis, nous avons refusé de plier le genou à l’ambiance hygiéniste de notre société. Dans ces retrouvailles fraternelles, nous nous assurions ainsi que nous n’avions entre nous que de bonnes intentions, aucune volonté d’infecter notre ami, mais surtout le désir d’être des hommes et des femmes libres, responsables, dégagés des liens de la peur. Nous refusions en quelque sorte d’être sous le joug de ces injonctions puériles, de nous enfermer dans une forme d’enfantillage. Dans cette agape fraternelle, notre intention n’était pas de braver de façon inconsciente la Reine Corona. Non notre souci était de lui refuser l’allégeance, nous ne voulions pas de ces codes, de cette société hyper protectionniste, hyper hygiéniste qui met l’autre en distance. Nous ne sommes pas à la botte d’un monde qui aimerait nous entraîner dans la méfiance, la crainte de l’autre, nous sommes entre amis, en confiance. Si l’un d’entre nous, est malade, nous serons alors nous dire en homme et femme responsables de garder nos distances et l’absence de contact dans de telles circonstances, n’est aucunement la mort sociale.  Dans ce temps fraternel, nous avons eu l’un des plus beaux témoignages partagés, dans le même village, deux frères, qui résident pourtant au même endroit, ne prenaient guère le temps de se rencontrer sauf lors des grandes fêtes familiales, l’un des deux est infirmier et du fait des soins à apporter à son frère, sont conduits à se rencontrer quotidiennement, se sont redécouverts, se sont appréciés en raison du temps passé entre eux.  Le confinement a été pour eux, une raison de briser la distanciation sociale, distanciation qui s’était donné rendez-vous en raison de l’occupation de chacun. La vie a ainsi parfois des détours qui nous conduisent à l’essentiel. Si la pandémie pour certains annonce l’avènement d’une culture virtuelle, d’une société sans incarnation, à distance, nos deux amis, qui sont frères dans la vie, ont renoué avec le monde de la proximité, avec ceux qui sont les prochains de l’autre.

Je ne sais pas quand ce texte sera lu ni à quel moment. Sans doute, après l’épisode pandémique, ou si la vague arrive, cette chronique fera sourire, rire ou bien suscitera la colère, la menace, car nous aurions été comme des idiots. Avons-nous eu tort d’entrer dans une relation gestuelle qui est loin de ce nouveau lexique, de cette distanciation comptable, parce que métrique. Nous sommes invités dans ce monde estampillé numérique, de ne pas être si proches, mais de garder nos distances, de nous retrouver virtuellement, mais surtout pas dans l’alcôve d’un espace étroit pour échanger, partager. La société nous susurre, c’est fortement déconseillé « imbécile » d’être moins d’un mètre, ne sais-tu pas que tu risques gros, nous allons le dénoncer, crier haro sur ta bravoure bornée, sur ta témérité de nigaud. En écrivant ces lignes, je songe à nouveau à l’applicatif Stop-Covid qui vous avertira dès que vous aurez croisé une personne infectée qui aurait été à moins d’un mètre de vous. Mais l’homme libre et réellement responsable, lui n’a que faire de l’artefact préventif, « il est libre Max ». 

Mais cette distanciation sociale, nous en dit long sur l’esprit, les mentalités de ce nouveau monde qui a transgressé les codes d’hier. Nous approuvons les gestes de prudence d’une manière générale, en revanche nous blâmons comme nous refusons qu’ils deviennent les nouveaux codes de la vie sociale interdisant la manifestation de la vie. Dans l’essai la conscience mécanisée, je mettais en évidence ce long processus de domestication et de surveillance quasi robotisée de l’être humain. Nécessairement ce processus de robotisation sociale, loin d’être une fiction, nous invite à relire ou redécouvrir pour bon nombre d’entre nous, la pensée de Michel Foucault qui théorisa finalement le mouvement de toute une société qui entre dans la dimension de surveillance des corps, des dénonciations des faits et gestes nouvellement appris, de toute une rhétorique apprise concernant la vie non tactile. La pensée remarquable du philosophe fut d’anticiper l’avènement de toute une société régulée et guidée par l’émergence des technologies de surveillance. Michel Foucault écrira que le panoptique “… est [l’art] d’induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir… ».  Or avec la pandémie nous sommes entrés dans l’ultra précaution des gestes, des comportements, gare aux transgressions sociales. Nous entrons dans les procédés d’une nouvelle langue comportementale à apprendre, des procédés adossés aux techniques orwelliennes, procédés qui se déploient comme pour nous accoutumer à ce nouveau monde hygiéniste. Ce monde qui se dessine subrepticement, sans tapages, agit comme une tyrannie douce.  Mais nous voulons discerner comme pour dénouer les apories et les mensonges de ces nouveaux codes de la distanciation sociale. Ces nouveaux codes sont là comme pour nous faire apparaître leur statut d’outils au service de l’ordre dominant, qui n’a pas choisi d’enseigner et de transmettre le devoir de responsabilisation, mais entretient la peur, cultive les injonctions sociales sans la responsabilité, celle du devoir de prudence vis-à-vis de l’autre. Ce que je dénonce ici ce n’est pas le geste physique respectueux pour m’éviter d’être l’agent contaminant, c’est cet ordre moral sans la conscience, c’est cet ordre imposé sans le respect de l’ordre, c’est cet ordre qui appellera demain au déploiement de toutes les technologies de surveillances pour réguler, contrôler, superviser les gestes sociaux, mais dont les applications ne seront pas seulement sur le seul registre sanitaire mais bien celle qui touchera à toute la vie sociale.


[1]  Nombre moyen de cas (ou de foyers) secondaires provoqués par un sujet (ou un élevage) atteint d’une maladie transmissible au sein d’une population entièrement réceptive.

L’étrange tyrannie

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

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Auteur Eric LEMAITRE

Pour reprendre les mots du philosophe et physicien Etienne Klein, citant Albert Camus, « l’épidémie est une étrange tyrannie ». Une tyrannie reflet des mesures qui ont été prises, celle d’un confinement obligé, nous contraignant à prendre nos distances, à nous éloigner de cette vie en société, enfermée à nous-mêmes en quelque sorte. Etienne Klein nous éclaire sur ce sentiment de tyrannie qui résulte de cette pandémie, en soulignant une forme d’aliénation et de reconfiguration de notre vie sociale réduite à n’être recentrée qu’à une forme de repli dans un espace réduit, tandis qu’en temps normal, notre espace ne contenait en soi ou virtuellement aucune limite. Pendant ce temps : avant le  confinement ; nous rappelle Etienne Klein, nous vivions socialement plusieurs espaces, celui de notre foyer, de notre bureau, de notre atelier, de l’école, du square où vont jouer nos enfants ou petits-enfants, nous étions finalement habitués à vivre dans différentes sphères qui nous ont appris la socialisation, la rencontre avec l’autre : « D’ordinaire… » nous précise Etienne Klein, « notre vie se répartit sur différents pôles – professionnel, familial, amical, social – que chacun d’entre nous pondère comme il peut ou comme il veut. Mais en période de confinement, cette pondération se trouve reconfigurée, pour le meilleur ou pour le pire. Nous nous retrouvons mariés de force, en quelque sorte, avec nous-mêmes, obligés d’inventer une nouvelle façon de nous sentir exister, d’être au monde et d’être avec les autres. Et au fur et à mesure que les semaines passent, constatant la liste interminable des bouleversements radicaux qu’induit le petit coronavirus, nous éprouvons le sentiment de ce qu’Antonin Artaud appelait une « espèce de déperdition constante du niveau normal de la réalité ». Le normal se laisse contaminer (c’est le mot !) par l’anormal qui, du même coup, devient peu à peu la norme. ».

A l’heure de ce déconfinement en ce joli mois de mai, nous sommes toujours tenus à la distanciation sociale et lors de nos rassemblements condamnés à respecter un nouvel espace le quatre m², en somme une redéfinition de nos droits, une reconfiguration de l’espace vital, un nouveau territoire social pour assurer notre survie, un nouveau « Lebensraum[1]» de cette nouvelle ère civilisationnelle. Une drôle de tyrannie vient comme nous envelopper et docilement, nous nous accoutumons à ce vêtement protecteur que nous offre l’étrange tyrannie.

L’épidémie est en effet une « étrange tyrannie » conduisant également notre humanité désespérée à rechercher tous les moyens, de contrôler sa propagation quitte à renoncer à sa liberté.  J’avais ce 27 mai 2020, le sentiment étrange que nos députés convoqués pour un débat à l’Assemblée nationale, consentaient pour une grande majorité d’entre eux à ouvrir une boite de pandore, en acceptant la possibilité de rogner sur le périmètre des libertés de leurs sujets.

Le 27 mai à l’Assemblée nationale, une large majorité des députés après débat, s’est effectivement prononcée favorablement à la diffusion de l’application Stop-Covid, une application de traçage des relations sociales des individus permettant de répertorier les personnes testées positives et avertir celles qui sont entrées en contact avec elles, enfreignant la loi de l’espace vital, « le Lebensraum » ou la fameuse distanciation sociale, érigée comme une nouvelle règle salutaire. Rappelons que les députés n’avaient pas été appelés au cours de cette soirée du 27 mai à se prononcer sur une loi à proprement parler, mais bien sur une déclaration du gouvernement[2].  Même si la démarche gouvernementale était en soi consultative, celle-ci révélait une bien étrange atmosphère. La tension dans l’hémicycle du Palais Bourbon, était quasi palpable. Au sein de la chambre parlementaire, nous assistions parfois à de belles joutes oratoires, notamment à cette diatribe du tribun et député Jean-Luc Mélenchon, exprimant la méfiance, fustigeant l’applicatif. D’autres députés en revanche ont approuvé l’applicatif en la louangeant, en valorisant la souveraineté numérique européenne enfin conquise, faisant toutefois oublier que GAFAM ou non, l’applicatif n’est que le premier étage d’un monde potentiellement liberticide.

L’applicatif Stop-Covid est sans doute la première ouverture d’une boite de pandore, j’espère parvenir à vous en convaincre au fil de ces lignes. 

Dans l’après-midi de ce 27 mai, je décidais grâce à la chaine de télévision parlementaire d’assister à ces débats, de prendre note de ces échanges entre parlementaires. J’étais poussé par cette curiosité malicieuse de comprendre la façon dont l’application était argumentée pour emporter le vote des députés. Certainement, vous me classerez parmi les technophobes qui de toute façon, sont acquis à défendre une position de réfutation, d’objection contre toutes les formes de recours technologique visant à superviser, tracer et mettre en quelque sorte en filature les personnes infectées. Vous m’objecterez probablement ce paradoxe de défendre la fragilité et finalement d’accepter la circulation morbide du virus.  A cela je répondrais ceci, en reprenant approximativement la parole du philosophe André Comte-Sponville[3] cité par le député Jean-Luc Mélenchon « vaut mieux-t-il mourir en pays libre ou rester vivant dans un pays totalitaire qui m’aurait ôté, aliéné ma part d’humanité ? ».

Je notais ainsi parmi les députés prenant la parole pour partager la position de leur groupe parlementaire, des attitudes à nouveau circonspectes et pleines de pertinence indiquant cette dimension de cache-misère qui entoure l’applicatif, son inefficacité potentielle, un recours à un traçage qui en réalité s’avérera inopérant. En effet une grande majorité de la population n’adhérera sans doute pas à ce type de dispositif ou bien n’ont pas la possibilité de télécharger l’applicatif à partir d’un mobile dont ils ne sont pas équipés. Parmi cette population non-détenteurs de mobiles : les personnes potentiellement concernées par des cas d’infection liés au virus, figurent comme celles qui sont manifestement les plus âgées. Pour un nombre significatif de ces personnes selon une étude publiée par le Credoc, elles ne sont pas équipées de smartphone[1], en conséquence non concernée par l’applicatif.


[1] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

Toujours à l’écoute de ce débat vif et tendu, je souriais en entendant ces députés vantant l’applicatif. Parmi eux, des députés qui se prêtent à rêver l’humanisme du XXIe siècle. Ce rêve de nouvel humanisme, omet nonobstant que toute nouvelle solution technologique peut conduire subrepticement à des souhaits de totalisation pour maitriser la létalité d’un phénomène, quitte demain à priver le citoyen de sa liberté, en conséquence une partie de son humanisme[5] comme de son humanité. C’est en ce sens que j’appréciais la colère de Jean-Luc Mélenchon qui évoquait l’intrusion et l’indiscrétion d’une solution technologique de traçage qui l’aurait surpris d’embrasser une femme croisée sur son chemin.

Ainsi les outils numériques cachent des usages sûrement totalitaires même s’il faut en convenir que tous ces outils ne sont pas en soi mauvais, mais peuvent aussi s’avérer efficaces pour améliorer des chaines de solidarité. Mais croire qu’un applicatif suffit pour tirer l’humanité d’un péril n’est en réalité qu’une forme de dissimulation d’une tout autre réalité qui voile « l’étrange tyrannie » qui se dessine ingénieusement au sein même de notre société. Car gageons ceci, l’applicatif Stop-Covid sera sans efficacité, mais il s’intègre malgré tout, comme un cheval de Troie, nous faisant entrer dans une forme subtile d’habituation à ces technologies de plus en présentes. Des technologies qui tracent, mais ne trackent pas encore, qui se veulent consentantes, mais non rendues obligatoires pour tous.  Nous assistons cependant à une forme de développement des bras et de déploiement tentaculaire de la pieuvre numérique, qui s’installe dans le quotidien de nos usages, de nos vécus. Lorsque le ministre Olivier Veran martèle à l’Assemblée nationale qu’« Il nous faut contrôler par tous les moyens les résurgences de l’épidémie par une identification des personnes contaminées », indiquant que « L’épidémie n’est pas terminée »,  ajoutant que « le numérique peut nous aider encore davantage ». Le ministre de la Santé nous confesse ainsi sa confiance dans ce nouvel allié virtuel à des fins de déjouer la diffusion de la pandémie. Ce ministre croit-il cependant et sérieusement aux nouvelles vertus de cette technologie pour déjouer les plans de la Reine Corona. Le gouvernement semble pourtant mettre son espoir dans ce moyen de remonter finalement le chainage de la pandémie tout en nous rassurant, répétant inlassablement qu’il n’y a ni tracking, ni géolocalisation. Oui, mais tout cela, tous ces discours autour de ces applicatifs révèlent une forme d’expertise quasi totalitaire pour installer au sein de notre monde « l’étrange tyrannie ». Imagine-t-on ainsi le téléchargement de l’applicatif en milieu rural comme ce fut évoqué lors des débats à l’Assemblée nationale et des conséquences induites de cette application qui serait alors susceptible de concourir à la stigmatisation des personnes atteintes par l’infection liée au Covid. Assurément l’applicatif est voué à un quasi-échec. Cette consultation organisée par le gouvernement simultanément auprès des deux chambres, l’Assemblée nationale et le sénat ; est l’annonce d’un coup d’épée dans l’eau. L’application « Stop-Covid », est en effet pareille à l’épée, une forme de prétendue arme intelligente qui symbolise la toute-puissance de l’état régalien, sa force, pour combattre notre ennemi. Mais nous parions que cet applicatif sera comme un coup d’épée dans l’eau qui ne détruira pas la chaine de contamination et s’avérera comme déjà écrit plus haut, un cache misère de l’impuissance jacobine à combattre le fléau envoyé par le messager de la Reine Corona. 

Pour le député Charles de Courson, avec cet applicatif, « nous sommes face à un véritable pacte faustien ». Nous sommes sur le point de consentir et d’accepter d’être tracés pour échapper à la mort afin de vaquer à une vie quasi artificielle, embrigadés, une vie quasi régulée, orientée au gré de nos déplacements, de nos occupations.  

Sommes-nous cependant prêts à nous abandonner entre les mains d’une tyrannie douce pour notre seule sécurité sanitaire ou confort existentiel, « Sommes prêts à vouloir plus d’État protecteur et moins finalement de responsabilité individuelle ? [6]», sommes-nous prêts à renoncer à une partie de ces libertés cardinales au profit d’un traçage de nos déplacements ? L’étrange tyrannie s’installe, nous serions tentés d’évoquer l’émergence d’une tyrannie moderne fondée sur un triptyque : la science, la technologie, l’idéologie. Le philosophe de l’histoire Jacob Burckhardt, avait eu cette formule qui m’interpelle « Vivant au milieu des poètes ou des savants, le tyran se sent sur un terrain nouveau, il est presque en possession d’une nouvelle légitimité ». Le président Emmanuel Macron n’est pas à mes yeux un nouveau tyran, mais confier le destin politique de la France entre les mains de la seule science et de la technologie avec cette foi dans la dimension idéologique du progrès pourrait manifestement le conduire à cette tyrannie qu’il ne désirait pas en début de son mandat. Cependant jamais depuis une décennie, nous n’avons autant assisté subrepticement à une entame sérieuse de la liberté d’exprimer une opinion même si celle-ci est entachée d’erreur. Mais qui peut prétendre détenir le ministère de la vérité ? Le ministère de la vérité, ce fameux ministère de la propagande dans le roman 1984 de George Orwell. Mais à force d’interdire, d’encadrer la parole et de la soumettre à la seule autorité des experts, nous sommes en passe d’accepter la tyrannie de l’expertise technique, administrative et scientifique. La crise sanitaire sans oublier la crise sociale ou climatique nous contraignent aujourd’hui à accepter comme une nécessité, cette perversion de la vie sociale liée à l’émergence d’un haut conseil scientifique instrumentalisé. Le haut conseil qui dit ce qui est vrai et ce qu’il ne l’est pas. La science ne devrait pas accepter d’être l’instrument du pouvoir, elle devrait exprimer un droit de réserve, elle devrait être consulté, tout en restant d’une extrême humilité en promouvant autant que possible « le je ne sais pas ».

Revenons à l’applicatif du fameux Stop-Covid et nul besoin d’être prophète pour indiquer que cela ne fonctionnera pas. Cependant face à une deuxième vague pandémique qui n’est pas à ce jour exclue, il n’est pas inenvisageable de rechercher des moyens coercitifs d’imposer à la population non seulement un nouveau confinement qui s’imposera par la peur[7], mais éventuellement d’imposer à la population de se faire vacciner si un nouveau vaccin était identifié. Navré cher lecteur de vous faire sursauter, mais si vous connaissez la fenêtre d’Overton[8], une forme de parabole qui désigne toutes les idées inacceptables au départ et qui finirent par gagner l’opinion au point de devenir populaires, passant ainsi de l’impensable au radical.  Le pacte faustien évoqué par le député de la Marne Charles de Courson, c’est finalement, consentir à être privé de sa liberté, consentir l’inacceptable, l’impensable, le radical, du fait d’une menace qui pèse et met en joue la survie même de l’espèce humaine. La tyrannie moderne ne s’embarrassera pas de faire appel à la science, la technique et l’idéologie pour imposer son étrange absolutisme, une vision plus coercitive pour imposer à l’humanité la solution technologique qui pourrait non plus tracer les populations, mais bien de les tracker, de les géolocaliser et de les soumettre à son pouvoir pour imposer de nouveaux codes sociaux, empêchant via le « solutionnisme technologique [9]» sans doute l’effondrement de son système économique et sanitaire. La technologie toute puissance, la gestion des algorithmes, les avancées dans les domaines du tatouage quantique autorisent à ce jour des possibilités de contrôle des populations qui seraient éventuellement protégées par le vaccin et celles qui n’accepteraient pas la vaccination.  Ces moyens coercitifs existent et ils seront appliqués sans peine, ne l’avons-nous pas expérimenté au cours de ces derniers mois avec l’obligation de montrer patte blanche, d’indiquer l’origine de son domicile avec présence d’un QR Code sur son smartphone.

L’œuvre de Evgeny Morozv chercheur et écrivain américain nous permet d’appréhender dans ces contextes avec un esprit critique, le solutionnisme technologique une autre forme idéologique du transhumanisme comme étant une parfaite impasse en regard de nos aspirations à vivre intégralement notre liberté de conscience qui est celle de consentir ou non à un mode de vie, un choix de vie. Le solutionnisme pourrait bien être embrassé aujourd’hui par cette forme de tyrannie moderne, puisque ce courant de pensée technologique se déclare capable de résoudre l’ensemble des problèmes de l’humanité : sanitaires, climatiques, terroristes et également crises sociales. Le développement ainsi de l’intelligence artificielle, des nouveaux modèles statistiques, des nouveaux applicatifs quantiques seraient en mesure à elle seule, d’apporter des réponses efficientes aux défis suscités par les crises et notamment pandémiques autorisant ainsi l’avancée d’une société totalement sous contrôle, surveillée. Cette société convertie au solutionnisme technologique existe bel et bien. L’archétype, l’étalon le représentant du solutionnisme technologique est l’état chinois.  La chine tyrannique soumet ainsi son peuple à ces trois lois autocratiques : la science, la technique et l’idéologie. Ainsi le climat sanitaire particulièrement mortifère pourrait conduire l’Europe via le modèle chinois à infantiliser la population, ce qui pourrait inévitablement nous conduire à des lois liberticides imposant peut-être à celles et ceux qui ne les auraient pas acceptés, de ni vendre, ni d’acheter. Le solutionnisme technologique rend possible par tout moyen biométrique d’identifier ceux qui se sont conformés ou non aux mesures déclinées par cette nouvelle de tyrannie qui appréhendant ou redoutant les effets de cette contagion serait dès lors contrainte d’aller vers des dispositifs extrêmes.

Je conclus donc cette chronique avec la pensée de Jacques ELLUL[10] immense auteur : 


« … chaque progrès technique est destiné à résoudre un certain nombre de problèmes. Ou, plus exactement : en face d’un danger, d’une difficulté précise, limités, on trouve forcément la réponse technique adéquate. Ceci provient de ce que c’est le mouvement même de la technique, mais répond aussi à notre conviction profonde, générale dans les pays développés, que tout peut être ramené à des problèmes techniques. Le mouvement est alors le suivant : en présence d’un problème social, politique, humain, économique, il faut l’analyser de telle façon qu’il devienne un problème technique (ou un ensemble de problèmes techniques) et à partir de ce moment-là, la technique est l’instrument adéquat pour trouver la solution. »

[1] Lebensraum : L’autre nom donné à l’espace vital, un concept géopolitique inventé par des géographes allemands au XIXe siècle, puis adopté par le régime Nazi.

[2] Déclaration du gouvernement : « relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 », conformément à l’article 50-1 de la Constitution

[3] André Comte-Sponville: « J’aime mieux attraper le Covid-19 dans un pays libre qu’y échapper dans un État totalitaire »

[4] Source Etude Crédoc : Le taux d’équipement en téléphone mobile est corrélé principalement à l’âge quasiment tous les 18-39 ans possèdent un téléphone mobile (98%), et cette proportion décroit très fortement chez les 70 ans et plus (71%).

[5] Au sens de civilisation, ce qui fait en partie la civilisation, c’est notre capacité à rejoindre l’autre, faisant société avec lui.

[6] Citation reprise lors de l’intervention du député Charles de Courson le 27 mai 2020 lors de son intervention à l’assemblée nationale au moment de la présentation par le gouvernement de l’application Stop-Covid.

[7] Le gouvernement le décrétera sans problèmes si cette deuxième vague venait à saturer les services médicaux.

[8] Lire le livre la déconstruction de l’homme parue aux éditions Lumière en 2018 où le principe touchant à la fenêtre d’Overton est très largement décrit.

[9] Référence à : L’aberration du solutionnisme technologique de Evgeny Morozo

[10] Jacques Ellul, Le Bluff Technologique page 112 aux Éditions Pluriel publié en 2012.

L’étau

En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

Auteur : Eric LEMAITRE

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En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

La scène des « oiseaux », ce thriller marquera sans doute et à jamais ma jeunesse, nous invitant nous-mêmes, à trouver un hypothétique refuge ; coûte que coûte contre ces infâmes envahisseurs que sont ces angoissants volatiles qui terrorisent les humains abasourdis, effrayés et suffoqués par la peur soudaine d’un ennemi tellement imprévisible.

Dans cette scène des oiseaux, les volatiles firent soudainement irruption par le toit, mais aussi la cheminée, envahissant la maisonnée, franchissant tous les barrages, pareils à des postillons, tels des messagers s’invitant dans le quotidien de tous les humains. Oui Corona à l’image de ces oiseaux hitchcockiens, chevauche bel et bien le postillon. La Reine virale semblable au cocher, invite le messager postillon à conduire son attelage et vient de façon intrusive se mêler à notre quotidien sans nous prévenir, comme cette volée de moineaux qui surgit de l’âtre dans cette fameuse scène produite par Hitchcock. Alors que tout en apparence, semble avoir été fait, pour se barricader, se protéger, les volatiles obstinés trouvent finalement la faille. Ces oiseaux terrifiants sèment l’effroi, se jouent de nos frontières, de nos murs calfeutrés et franchissent le seuil de notre logis, s’y introduisent comme pour vampiriser l’intime de l’intime. Mais au-delà de cette scène d’épouvante rapportée par Alfred Hitchcock, mon propos n’est pas ici de m’attarder seulement sur le célèbre cinéaste, mais de revenir également à un élément plus prosaïque et qui nous ramène à un quotidien celui de l’établi, du bricoleur. Alors nous allons nous éloigner un instant des oiseaux hitchcockiens et entrer dans le monde de la mécanique, celui de l’étau. Mais vous l’avez sans doute compris, j’aime les métaphores et la liberté de l’écrivain est d’en jouer pour interpeler les consciences, d’y revenir et de les mêler pour mieux frapper l’esprit et nous conduire à comprendre les enjeux d’une pièce qui se joue sous nos yeux, celui d’un monde en mutation, monde frappé par cette fameuse bestiole et qui vient comme le grain de sable fracasser la vanité et la marche progressiste de ce monde, celle qui est en faveur d’un progrès technologique sans limites. Mais revenons si vous voulez bien à l’étau !

Mon propos est ici d’évoquer cette forme allégorique de mise en position que revêt cet outil mécanique : l’étau, un étau social se dessine en effet peu à peu dans notre monde, subrepticement. Efforçons-nous d’en comprendre à la fois les enjeux et la portée. Au fil de mes précédentes chroniques, cette dimension de l’étau a été abordée, je l’avais déjà exposé dans mon précédent essai, la mécanisation de la conscience[1], l’étau agit comme une forme de resserrement social, nous privant de toute liberté de mouvement. Le confinement social, totalement compréhensible a cependant agi comme une sorte d’emprisonnement, vécue par beaucoup comme confortable, mais très vite l’instinct de vie collective, l’instinct grégaire a repris le dessus. Nous avons probablement vu en effet ces dizaines de jeunes gens vivant à Paris, envahir les bords du canal Saint-Martin. Pas de quoi finalement fouetter un chat, nous dira le cocher de la Reine Corona. Pourtant les forces de l’ordre sont intervenues pour mettre un terme aux attroupements de « cette volée de moineaux ». Il fallait serrer les vis, serrer l’étau afin de rappeler le danger que représentent les cas asymptomatiques dans la propagation du virus. Ce maintien de l’ordre est ce rôle finalement joué par l’étau, il faut ainsi selon une vision paternaliste, maintenir une forme de cohésion, de contrôle quasi mécanique d’un mouvement qui n’a pas toute sa stabilité et qui pourrait de facto mettre en péril le fragile équilibre qui contient le virus.

Pour ceux qui chez eux, possèdent un établi et sont en effet des bricoleurs patentés, le mot étau fait sens, il fait en effet écho à un mécanisme d’enserrement, de maintien des pièces que l’on entend travailler. L’étau est formé d’une mâchoire mobile et qui par un mécanisme de pression, finit par ceinturer la pièce, en y exerçant le contrôle nécessaire pour y effectuer les tâches destinées à transformer l’élément en quelque sorte séquestré. Comment alors ne pas songer étrangement à cette forme d’étau social qui s’organise au fil de l’eau, alors que nos esprits tétanisés ne sont pas en aptitude à réagir ou alors inversement comme ces jeunes gens flânant ou stationnant le long du canal Saint-Martin, décidèrent de transgresser toutes les précautions d’usage, défiant le risque, s’en moquant éperdument, « seuls les vieux sont terrassés, les jeunes eux survivront ».

Pourtant et nous en conviendrons, n’exagérons cependant pas ce mouvement coercitif d’enserrement social associé à ce confinement totalement légitime ! Si certes nos libertés ont été comme suspendues, il ne s’agissait pas pour autant de les remettre en question, nous l’espérons tout du moins et il ne s’agit pas d’interdire à ces jeunes de se rassembler, mais bien de prévenir tout mouvement, de contagion soudaine, embarquée par la folle chevauchée de Corona.

Dans des contextes de crise pandémique, je comprends la nécessité d’un contrôle social a minima, qui consiste à responsabiliser chacun et à conformer les uns et les autres à l’évitement de toute contagion mettant sa famille, son entourage, son voisin en péril ou toute personne croisée en chemin. Consubstantiellement le contrôle social a vocation à contenir les velléités d’indépendances, à maintenir la cohésion, à favoriser une certaine harmonie sociale en permettant par l’acceptation des règles imposées de vivre ensemble de façon sécurisée. Alors, pourquoi dans ce cas, parler d’étau social, alors qu’il n’y a pas de péril concernant nos libertés ?  En parler c’est nécessairement revenir quelques pages en arrière où j’abordais cette notion d’habituation à l’acceptation d’une diminution graduelle de nos libertés. Le contrôle social qui résultait des seules mesures sanitaires prises, que nous le voulions ou non, fut bel et bien coercitif, contraignant, mais aussi paradoxalement compréhensible. Une forme d’étau social s’est donc bien exercée à l’échelle de toute une vie sociale, non seulement à l’échelle de notre pays, mais également à celle de toute notre planète. Et pourtant, « Ce qui devrait faire peur ne fait pas peur [2]» nous avons peur des oiseaux hitchcockiens, nous avons peur de Corona nous en sommes effrayés mais hélas, nous ne semblons pas être effrayés par l’étau social, pourtant, elle est bien la sœur cadette de Corona. Nous ne semblons pas éprouver la moindre crainte face à une autre forme d’ennemi plus insidieux, plus sournois, qui certes ne veut pas attenter à notre vie biologique, ou tout du moins en apparence, car cet ennemi lui constitue l’ennemi de notre vie intérieure, l’ennemi de notre liberté.

L’étau social qui est le pendant du confinement rendu obligatoire s’en est en effet pris irrémédiablement à la dimension relationnelle, à évacuer la rencontre avec les autres. La collectivité en un instant s’est dissoute, l’impersonnel a surgi gommant les relations et les interactions entre les personnes, le confinement renvoyant à nos statuettes[3] faussement interactives et nous mutant en formes de domestiques obéissants. Ces statuettes numériques qui agissent comme des étaux nous enserrant dans le monde de la vie numérique, le monde de l’écran total. Je ne jetterai pas pour ma part, la pierre à ces jeunes gens qui ont refait société comprenant la nécessité de se voir, de se rencontrer même s’il est encore aujourd’hui aventureux de sortir à l’extérieur quand la Reine Corona s’y trouve. Mais le geste jugé désinvolte est au fond un vrai bol d’air d’une société qui sort enfin du réseautage virtuel, du télétravail, de nos univers cathodiques, qui est finalement le nid de ces oiseaux hitchcockiens, ces univers numériques qui finissent par mécaniser l’esprit, par régimenter la vie intérieure, la quête de l’autre, la rencontre avec son semblable. L’étau social ne se réduit pas aux seules mesures d’un état d’urgence, mais l’étau qui se renferme sur nous, comprend ce monde numérique qui referme la porte sur nous même, au point que nous pourrions craindre de prendre l’air, ces jeunes gens certes imprudents, nous renvoient cependant un signe sain, celui d’incarner l’existence vivante auprès des autres, nos semblables.

Au-delà de cette anecdote relatant un épisode finalement de vie sociale saine même si elle reste imprudente pour d’autres, depuis les nombreux attentats terroristes qui ont semé la mort, des graves troubles sociaux, la demande de sécurité dans le monde occidental, s’est intensifiée exigeant davantage de contrôle, ce qui s’est traduit sans coup férir par des réajustements de notre liberté en défaveur du droit absolu à la protection de sa vie privée. La volonté de sécuriser s’est en effet largement accrue dans tous les milieux de la démocratie, au sein des nations démocratiques qui prônent malgré cela la liberté comme une vertu cardinale non négociable. Au fil de l’eau, législation après législation, c’est cependant le dogme de la liberté inscrit sur les frontons de nos institutions qui se délite gravement, que l’on rogne sans vergogne. Les exigences, les demandes sociales comme politiques, incitent les gouvernements à épaissir finalement l’efficience de l’étau social. Lorsque le monde est confronté à de graves crises climatiques, économiques, sanitaires et aujourd’hui épidémiologiques, se déploient alors des mesures draconiennes qui entament les libertés. Et avec ces mesures législatives, subrepticement naissent les technologies qui les accompagnent, ces technologies se mettent au service de la loi, deviennent les serviteurs des législateurs.

La chine dans ces contextes d’étau social, figure parmi toutes les nations du monde, celle qui offre la forme la plus aboutie en matière de sécurité coercitive. C’est la nation bureaucrate, qui a mis en place les dispositifs les plus avancés en matière d’organisation sociale, de prévention, de sécurisation, de filtrage et de surveillance. L’étau chinois constitue le degré d’enserrement le plus élevé qu’aucun état démocratique ne saurait à ce jour supporter. Les dispositifs de fichage, de contrôle du WEB, de vidéosurveillance se déploient et se renforcent, notamment sur les dispositifs s’apparentant au fichage, au pistage et traçage des citoyens. En dehors des aspects purement viraux, les traçages et les maillages électroniques d’individus ou de minorités sociales chrétiennes ou musulmanes sont constamment épiés en chine, les pratiques de biométrie, géolocalisation, de drones, d’usages d’internet sont à leur paroxysme avec affichage des citoyens déviants, publication des visages des citoyens sortant des clous. La métaphore hitchcockienne prend alors tout son sens, celle de cette nuée d’oiseaux effrayants qui s’abat sur la cité jusqu’à pénétrer dans le foyer. Un reportage publié par la chaine franco-allemande Arte, mettait en évidence les usages des QR Code[4] parmi l’arsenal des moyens intrusifs déployés par la chine pour mettre au pas sa population. Bien que l’état français ait indiqué, qu’aucune information ne saurait être collectée via l’usage du QR Code, il est manifeste, que l’usage du QR code par le plus grand nombre conduit à une forme d’habituation des usages du monde numérique qui tôt ou tard fera pleinement partie de notre quotidien et d’une mise en contrôle des populations. A ces contextes numériques, il convient d’ajouter qu’une équipe de chercheurs britanniques de l’université d’Oxford[5], chercheurs multidisciplinaires dans les domaines aussi divers que l’épidémiologie, la virologie, les modélisations statistiques ont imaginé et commencé le développement d’une application qui, installée sur un smartphone, géolocalise en permanence son propriétaire, l’avertit au cas où ce dernier aurait croisé une personne infectée par le covid19. La réflexion d’un applicatif tel que celui imaginé par ces universitaires, a été mis en débat en France et en fonction de la dimension que prendra la pandémie, il n’est pas contestable d’imaginer qu’un tel dispositif fera l’objet de pressions pour qu’il soit en route pour faciliter le contrôle et de façon plus contraignante.

Certains de mes lecteurs riposteront en targuant que cela n’est pas près d’advenir en Europe. Et bien c’est là où nous devrions être les plus méfiants, car l’étau numérique se resserre au sein de toutes les nations et la crise pandémique peut être un formidable coup de boutoir à l’accélération d’un déploiement d’un système de fichage généralisé à l’échelle de toute une nation. La pandémie est un vecteur déterminant de demande de sécurisation. Il ne fait aucun doute que des pressions sociales naitront de ce besoin de sécurité, et ce besoin de sécurité fera émerger une panoplie d’outils et d’étaux numériques, de type vidéo surveillance, applicatifs de biométrie, d’applicatifs covid19 pour numériser, ficher identifier et tracer les parcours. Nous relevons en France, mais sans doute en Europe les balbutiements d’une économie de contrôle des citoyens. La ville de Nice est ainsi la municipalité la plus surveillée de France avec bientôt plus de mille caméras de vidéosurveillance installées dans l’ensemble des quartiers de la ville, et plusieurs agents municipaux sont affectés à ce vaste système de surveillance numérisée de la ville. Mais d’autres villes en France ont emboité le pas. Avec un réseau de centaines de caméras, la station de métro Châtelet est l’une des mieux surveillées d’Île-de-France, la station de métro est équipée de caméras dites intelligentes qui permettent de détecter des situations anormales. Mais pires que l’installation de ces caméras, nous verrons sans aucun doute des demandes pressantes pour l’installation de vidéos surveillances permettant, si la pandémie devait se prolonger, de détecter la température corporelle des personnes en temps réel.  Il s’agira alors via les nouvelles brigades sanitaires, d’identifier les individus fiévreux puis de décider de leur mise en quarantaine.

Avec la crise pandémique que nous traversons, les thématiques de détections, de fichage, de traçages, numériques resteront extrêmement présentes, et ces thématiques ne sont finalement pas prêtes de disparaitre, laissant de plus en plus place à de nouvelles problématiques qui toucheront à la surveillance planétairevia les nouvelles techniques et applicatifs issus des développements de « l’Intelligence Artificielle ». Après toutes les démarches conduites pour prévenir les attaques terroristes, de nouvelles traques s’organisent pour analyser en continu la circulation du virus dans le monde et les déplacements de personnes infectées dans les espaces publics semblent à terme devenir incontournables pour de nombreux états. Il est manifeste alors que l’étau se resserre anticipant les crises sociales à venir afin de prévenir les « jacqueries[6] », les autres peurs qui adviendront et qui conduiront à des logiques de durcissement des politiques sécuritaires.

[1] Essai philosophique et théologique publié le 31 décembre 2019 édité par Librinova.

[2] 1 Bernard Sève, « Hans Jonas et l’éthique de la responsabilité » in Esprit, octobre 1990, p. 109.

[3] Statuette est ici une métaphore pour évoque le monde de l’écran total, l’univers cathodique qui nous enserre.

[4] Reportage sur ARTE diffusé en Avril 2020 : https://www.arte.tv/fr/videos/083310-000-A/tous-surveilles-7-milliards-de-suspects/

[5] L’applicatif imaginée permettra de détecter les personnes éventuellement infectées et si elles avaient été préalablement diagnostiquées positif au SARS-CoV-2, l’application avertirait immédiatement tous les propriétaires de l’application qui ont été en contact rapproché avec lui. Selon leur degré de proximité, l’application leur ordonnera de se mettre en confinement total ou simplement de maintenir une distance de sécurité avec les gens qu’ils rencontrent. Elle peut aussi donner des indications aux autorités pour qu’elles puissent désinfecter les lieux où la personne contaminée s’est rendue. Voir l’article du monde :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/20/contre-la-pandemie-de-nombreux-pays-misent-sur-la-surveillance-permise-par-le-big-data_6033851_4408996.html

[6] Les jacqueries étaient un mouvement social perpétré par les paysans les plus aisés après la grande peste noire pour protester contre les seigneurs en quête de main d’œuvre peu après que les chevaliers français étaient écrasés par les anglais. Ces seigneurs cherchaient à extorquer ces paysans révoltés de nouvelles taxes.

L’écran total

Nous assistons comme à une forme de bombe nucléaire : d’atomisation massive, la fragmentation des populations obligée à l’hyper individualisation non en raison d’une idéologie qui aurait été décrétée par un gouvernement totalitaire mais résultant d’une pandémie virale et mortifère qui touche la totalité de notre planète. La force virale de ce Coronavirus, l’ennemi de l’homme, impacte tous les écosystèmes, renversant, fauchant les cités arrogantes : ces cités babyloniennes, visages de l’orgueil et de la suffisance humaine. Ce phénomène déconcertant, désarçonnant, et viral vient en quelque sorte mettre comme une couche supplémentaire à ce processus déjà engagé de dislocation de la société, même s’il en était besoin de l’aggraver en mettant à genoux toutes les principautés, les autorités, les gouvernances politiques dont aucunes ne lui résistent, ne sont en capacité de faire front. Un micro-organisme quasi invisible mais d’une dangerosité extrême, est là en mesure d’abattre tous les systèmes sophistiqués de protection médicalisée, toutes les défenses « sanitaires » en imposant sa loi totalitaire sommant les êtres humains de se réfugier dans leurs frêles abris.

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Auteur Eric LEMAITRE

Ce texte est à la suite d’un excellent article écrit par Liliane Held-Khawam : https://lilianeheldkhawam.com/2020/03/31/creer-une-nouvelle-societe-digitalisee-sous-surveillance-permanente-lhk/

Lors d’une conférence en Octobre sur l’homme mutant, j’évoquais l’atomisation future de notre société en citant Tocqueville et surtout l’économiste Jacques Généreux lorsque ce dernier abordait une des caractéristiques de la vie sociale de notre modernité : la dissociété. Or cette dissociété qui est un marqueur de notre vie occidentale, cette mutation anthropologique déjà bien avancée, est un phénomène amplifié par le confinement quasi mondial des populations et décrété par l’ensemble des nations. Avec le confinement vécu par des milliards d’êtres humains, nous sommes en quelque sorte dé-reliés aux autres, détachés, désunis, désolidarisés parce que emmurés, calfeutrés et avec cette situation de confinement nous aboutissons finalement à l’hyper connectivité qui accentue l’ère d’un monde sans relation incarnée.

Nous assistons comme à une forme de bombe nucléaire : d’atomisation massive, la fragmentation des populations obligées à l’hyper individualisation non en raison d’une idéologie qui aurait été décrétée par un gouvernement totalitaire mais résultant d’une pandémie virale et mortifère qui touche la totalité de notre planète. La force virale de ce coronavirus, l’ennemi de l’homme, impacte tous les écosystèmes, renversant, fauchant les mégapoles arrogantes (Londres, New York Paris…) : ces cités babyloniennes, visages de l’orgueil et de la suffisance humaine. Ce phénomène déconcertant, désarçonnant, et viral vient en quelque sorte mettre comme une couche supplémentaire à ce processus déjà engagé de dislocation de la société, même s’il en était besoin de l’aggraver en mettant à genoux toutes les principautés, les autorités, les gouvernances politiques dont aucunes ne lui résistent, ne sont en capacité de faire front. Un micro-organisme quasi invisible mais d’une dangerosité extrême, est là en mesure d’abattre tous les systèmes sophistiqués de protection médicalisée, toutes les défenses « sanitaires » en imposant sa loi totalitaire, sommant les êtres humains de se réfugier dans leurs frêles abris, claquemurant même toute notre humanité, la piétinant parfois en laissant les plus faibles au bord de la route « certains pays » parmi les plus pauvres de la planète, relatent de véritables désastres, de personnes en proie aux pires souffrances que l’on ne peut même plus accueillir dans les hôpitaux et les morts mêmes jonchent les rues.

Ce phénomène, ce choc pandémique, semble pourtant être atténué dans le monde occidental [pour combien de temps ?]. Ce monde occidental qui s’imagine à l’abri via ses relais et ses réseaux, cet ensemble de relations préfabriquées qui s’appuient sur toutes les technologies mises en place au cours de ce confinement, d’inventivité dont font preuve plusieurs d’entre nous. Pourtant il faut bien reconnaître que tout ceci est bien spécieux, superflu et ne remplacera pas la relation vivante, la rencontre salutaire avec l’autre.  Or pour compenser l’absence de l’autre, l’interactivité sociale, nous notons une progression des usages internet, nous glissons peu à peu vers le monde transhumaniste des écrans qui devient l’autre, le substitut, l’aide thérapeutique, l’assistant palliant la solitude insupportable. En attendant sans doute demain le robot affectif palliant à l’ami absent, simulant des capacités de cognition mais sans conscience, sans ressentis ni aucun sens de l’autre, ni aucun désir de vivre notre humanité surtout lorsque la fragilité de l’homme est mise à mal.

Avec ce confinement généralisé, le monde connecté celui de l’écran est en passe de devenir le monde réel, mais un monde surtout factice, un univers d’artefacts conditionnant au fil des jours notre future apathie, notre immobilisme contraint. Notre seul horizon est à peine la fenêtre des voisins, mais devient une fenêtre fermée, un mur sans visage, car ce visage est sans doute rivé à son écran. Nous entrons finalement dans l’habituation d’un monde d’informations qui devient pour le coup le substitut de l’autre en chair. L’habituation est ce syndrome de l’addiction, celle de l’accoutumance à être privé de vie relationnelle, de vie associative ou de vie d’église pour les chrétiens, une accoutumance qui n’est pas facile à vivre pour nos aînés, une situation que j’ose écrire de cataclysmique pour nos aînés, qui plus que jamais ont besoin d’un geste réel et non d’un écran qui simule une animation qui n’est pas la chaleur de l’être aimé. Ces aînés souffrent, sans doute endurent pour certains, d’être privés de cette rencontre avec leurs enfants, de l’absence, de la non-incarnation d’un geste de tendresse d’un petit fils, d’une petite fille, de rires que l’on entend et qui nous relie à celui des vivants, ces personnes avancées dans l’âge, privés à l’heure de leur mort de la main tendre qui les accompagne.

A vivre le monde virtuel qui soi-disant nous protège, sommes-nous réellement en vie, sommes-nous toujours en vie ? Si j’évoquais le monde de nos aînés très âgés, comment ne pas songer également à toutes les personnes qui vivent seules, isolées, chez elles. Ces personnes qui vivent parfois en êtres désolés sans ressources (ni compagnies, ni livres) et passant des journées dans une solitude qui les emmure. Une amie, m’a invité à suivre par téléphone (hélas) cette personne veuve, qui vit dans le mal être d’un espace fermé. Cette personne passe sa vie dans les écrans à consulter et à rechercher désespérément l’âme sœur dans le monde désincarné des réseaux de rencontres, mais sans réponses, se perdant ainsi dans les méandres de ces univers virtuels sans lendemains, un monde de désenchantement comme tout ce qui est virtuel.

L’écran ne remplacera jamais le monde réel ; le monde vivant n’est pas celui du domaine calfeutré du monde virtuel, de cet écosystème envahi par les connexions, les bits, les data. Pourtant ce monde virtuel deviendra notre nouvel écosystème, ce monde se dessine subrepticement et l’ennemi demain sera la rencontre, la peur de l’autre, celui qui vit en chair mais qui pourrait loger un corps étranger. Cette peur nous envahit malgré nous, tant nous sommes habitués à vivre en confinés. Nous sommes soumis ainsi à ce nouvel ordre social, l’ordre de l’immanence fondé sur la peur, imposé par un virus bricolé ou naturel [« sur naturel » en ce sens que virus semble ne s’en prendre qu’à l’homme] . Nous sommes devenus les sujets des réseaux connectés, celle de nos écrans d’où nous recevons de l’information et des injonctions en permanence. Nous sommes dans l’habituation comme je l’ai déjà écrit, une forme d’apprentissage conditionnée à échelle planétaire, l’apprentissage d’un monde virtuel, vide de relations humaines. Oui j’entends bien qu’il faille se protéger et comment faire autrement, surtout parce que nous n’avons pas su anticiper en France, le naufrage de cette crise sanitaire exposant puis plongeant nos armées médicales dans le stress, la peur au ventre face à une peur, loin d’être une paranoïa.

L’habituation à ce monde virtuel, celui des écrans, des smart phones dont il faudra même s’équiper pour justifier et légitimer nos sorties. Nous allons sous peu découvrir les applications qui demain anticiperont et géreront pour nous les interactions sociales qu’il faudra éviter, car selon un sondage les Français seraient prêts à se laisser géolocaliser, autrement dit pister, pour prévenir d’éventuels risques de contamination, fuir les pestiférés, les contaminés et demain d’autres dangers émanant des tensions découlant de l’effroyable crise sanitaire (crises sociales, politiques, révoltes issues de la crise économique).

Le Prince de l’air et oui car il faut bien parler de lui, nous prépare à des moments pénibles, difficiles en voulant domestiquer l’espèce humaine et en la privant d’incarnation. Cette crise sanitaire va aussi révéler la réalité qui touche au cœur de l’homme, ceux qui hier de leurs balcons applaudissaient les blouses blanches pourraient bien se transformer en hydres pour chercher les prétendus boucs émissaires d’un véritable désastre pour l’humanité. Pourtant à l’heure de ce désastre, de ce bouleversement, chacun avec une profonde humilité devrait réfléchir à l’orientation qu’il avait jusqu’à présent, donner à sa vie, et peut-être changer de voie pour mieux s’engager vers les autres, les proches, les parents, les amis, la personne que je croise, celui qui est en réalité mon prochain et non mon ennemi. il nous faut revenir à une vie d’authenticité et de simplicité et fuir ce monde qui nous invite à toujours plus, et à l’homme augmenté, alors que la vraie grandeur est de savoir s’abaisser devant la grandeur de Dieu.

La vérité de ce nouvel ordre se révèle, hélas s’incarne dans le confinement, à nous dés lors de discerner, de ne pas nous laisser séduire par la vanité de ce monde. A nous de relier les autres et à prévenir les dégâts d’une atomisation : l’atomisation de notre vie sociale comme je l’écrivais précédemment, ce risque de délitement du lien social et qui pourrait s’amplifier : chacun à son écran, tous impuissants, en passe de nous laisser domestiquer, naviguant entre deux mondes : le social-réseau virtuel où chacun se donne le sentiment d’exister et l’individu atomisé privé de contacts avec l’autre et qui souffre pourtant, toujours, en secret d’être privé de communion avec ses frères en humanité. Alors changeons de voie et revenons à cette offrande que nous offre la vraie vie, les choses simples, celles d’une proximité avec le prochain…En écrivant ces lignes, je mesure aussi toute notre vanité humaine, notre mémoire qui oublie si facilement son passé, ses terreurs, les  terreurs qui enserrèrent dans les plus grandes frayeurs, ceux que l’on appelait les poilus, confinés dans leurs tranchées, habités par l’angoisse d’une mort à leur trousse; Nous mesurons ainsi que nous ne sommes pas en réalité en guerre mais oui un virus nous interpelle et interpelle la conscience de l’homme à revenir à d’autres valeurs et à contempler une autre grandeur, refoulée par l’homme, niée par l’homme, et sans doute nous invite à contempler celui qui est à l’origine de toutes choses, de la vie, du souffle de vie.

Coronavirus : les Français favorables à une application mobile pour combattre la pandémie

Une nette majorité de Français seraient favorables à l’utilisation d’une application enregistrant leurs interactions sociales et les avertissant s’ils ont été en contact avec une personne malade du Covid-19, ou prévenant ceux qu’ils ont côtoyés s’ils sont eux-mêmes infectés. C’est l’enseignement d’un sondage publié mardi 31 mars, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1 000 Français possédant un téléphone mobile les 26 et 27 mars. Cette étude a été commandée par une équipe de recherche de l’université britannique d’Oxford qui travaille justement sur ce type d’application pour lutter contre la pandémie.

Ces chercheurs ont modélisé mathématiquement l’effet d’une application de pistage permettant d’identifier immédiatement les personnes risquant d’être infectées avant même qu’elles présentent des symptômes du Covid-19 et ont estimé qu’une telle application était de nature à « contrôler l’épidémie sans avoir besoin de recourir à des mesures prolongées et très coûteuses de confinement général ». Leurs recherches viennent de faire l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science.

Le Monde :

Article mis à jour le 02 avril 2020

Une nette majorité de Français seraient favorables à l’utilisation d’une application enregistrant leurs interactions sociales et les avertissant s’ils ont été en contact avec une personne malade du Covid-19, ou prévenant ceux qu’ils ont côtoyés s’ils sont eux-mêmes infectés. C’est l’enseignement d’un sondage publié mardi 31 mars, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1 000 Français possédant un téléphone mobile les 26 et 27 mars. Cette étude a été commandée par une équipe de recherche de l’université britannique d’Oxford qui travaille justement sur ce type d’application pour lutter contre la pandémie.

Ces chercheurs ont modélisé mathématiquement l’effet d’une application de pistage permettant d’identifier immédiatement les personnes risquant d’être infectées avant même qu’elles présentent des symptômes du Covid-19 et ont estimé qu’une telle application était de nature à « contrôler l’épidémie sans avoir besoin de recourir à des mesures prolongées et très coûteuses de confinement général ». Leurs recherches viennent de faire l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science.

Une application utilisant le Bluetooth

Les chercheurs ont présenté aux sondés le dispositif qu’ils ont imaginé : une application, installée sur un smartphone et utilisant la technologie sans fil Bluetooth, capable de détecter si un autre téléphone mobile équipé de cette même application se trouve à proximité immédiate.

L’application envisagée n’accède à rien d’autre qu’au Bluetooth (pas d’accès au répertoire, aux messages…) et ne permet pas de géolocalisation : elle se contente d’enregistrer les appareils munis de la même application ayant été dans son environnement immédiat pendant au moins 15 minutes, une situation présentant un risque d’infection au nouveau coronavirus.

Dans le système présenté aux sondés, lorsque le possesseur d’une telle application est diagnostiqué positif au Covid-19, ceux que le malade a côtoyés sont avertis immédiatement et il leur est demandé, par les autorités sanitaires, de se mettre en quarantaine stricte. Les personnes ainsi alertées ne savent pas qui leur a fait courir le risque d’être contaminé, ni où. Les plus de 1 000 Français sondés dont les réponses ont été prises en compte ont d’abord dû répondre correctement à plusieurs questions pour s’assurer de leur bonne compréhension du dispositif imaginé par les chercheurs.

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Dans ce contexte, ils seraient près de 48 % des personnes interrogées à l’installer « sans aucun doute » et 31 % à le faire « probablement », un pourcentage qui n’évolue guère avec l’âge. Huit personnes sur dix envisagent donc directement d’installer une telle application. Cette probabilité augmente au cas où une infection se déclarerait dans son entourage : ils seraient alors presque deux tiers à l’installer « sans aucun doute ». Paradoxalement, plus de 93 % des personnes interrogées respecteraient la consigne de quarantaine reçue de l’application – soit davantage que de personnes qui installeraient l’application en premier lieu. Une part qui augmente si, à cette quarantaine, est assortie la possibilité d’être testé au Covid-19.

Des chiffres à mettre en perspective, selon les auteurs de l’étude. « Nous n’avons pu discuter le mode de fonctionnement et l’installation de l’application qu’en termes très généraux, alors que les détails précis de mise en œuvre pourraient grandement affecter les décisions d’installation », écrivent-ils, tout en concluant que « même si 80 % de nos répondants ont exprimé une volonté d’installer une telle application si elle était disponible, le taux d’installation pourrait être beaucoup plus faible en réalité ».

Des sondés favorables à une installation « automatique »

Près de deux personnes interrogées sur trois seraient favorables à ce que l’installation de cette application soit automatique, par les opérateurs téléphoniques – un mode de fonctionnement qui ne semble cependant pas être techniquement réalisable. Un pourcentage similaire garderait « probablement » ou « sans aucun doute » l’application sur leur téléphone si elle y était installée automatiquement.

L’étude identifie trois principaux freins à l’adoption large de cette application, condition sine qua non de son efficacité : les risques d’un piratage du téléphone sur lequel l’application est installée ainsi que la possibilité que cette surveillance puisse être prolongée même après la pandémie (un quart des sondés respectivement) et le risque d’une augmentation de l’anxiété liée à l’utilisation de cette application (un cinquième des personnes interrogées). Les difficultés techniques d’installation ou d’activation restent marginales.

Par ailleurs, plus de la moitié des sondés seraient favorables à ce que les données récoltées par l’application soient mises à disposition des chercheurs après la fin de l’épidémie. Enfin, les chercheurs notent qu’en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie, où les chercheurs ont également réalisé un sondage, les résultats sont « très similaires » à ceux observés en France. « L’application n’étant utile que s’il y a un nombre suffisant d’utilisateurs, nous jugeons nos résultats comme étant porteurs d’espoir quant à la viabilité d’une telle approche », se félicitent ainsi les chercheurs.

La société digitalisée après le Coronavirus

Par la digitalisation, le phénomène informationnel a explosé depuis la mise en place du confinement.  Ainsi, à l’heure actuelle, la quasi totalité des activités a été transformée en… information. Nous devrions plutôt dire qu’elle est transformée en bit, unité de l’unité de mesure de base de l’information en informatique.

 

Auteur 

Liliane Held-Khawam 

 Créer une Nouvelle Société digitalisée sous surveillance permanente.  

 

https://campus.hesge.ch/blog-master-is/wp-content/uploads/2018/12/Digital_information_simulation.png

Source image: ICI

Le confinement que nous avons commencé à expérimenter pourrait bien être le départ d’une nouvelle forme de société entièrement digitalisée.

Vers un post-humanisme

Les concepteurs du Nouveau monde prône d’ailleurs le post-humanisme. « Selon cette conception, la science aurait modifié la condition humaine et serait capable de la modifier encore (par le génie génétique par exemple) au point que l’humanité serait à un tournant radical de son histoire3, voire à la fin de son histoire4. Elle devrait aussi « s’élargir au non humain (cyborgs, clones, robots, tous les objets intelligents), l’espèce humaine perdant son privilège au profit d’individus inédits, façonnés par les technologies »2.  » (Wikipédia)

Pour l’heure, le cher coronavirus pourrait être le catalyseur qui permettrait de faire basculer l’humanité vers cette nouvelle société, constituée d’êtres ou d’objets dont le dénominateur commun est d’être connectés à la machine. Comment? Par le confinement qui progressivement amènerait l’individu à être coupé relationnellement, affectivement, et socialement de tout contact choisi, librement décidé.

https://lilianeheldkhawam.com/2018/10/28/etes-vous-daccord-davoir-un-clone-numerique-vous-laurez-quand-meme-lhk/

Suprématie de la machine informationnelle

Cette nouvelle société totalement digitalisée est centrée sur le mariage de tous les instants de la technologie et de l’information. L’idée est que vous ne puissiez communiquer hors de la surveillance et du contrôle d’une plateforme dédiée à la technologie de l’information et de la communication. Nous appellerons une telle plateforme qui engloberait l’ensemble de la technologie de l’information et de la communication: machine informationnelle. Un super ordinateur qui récupèrerait l’ensemble des informations émises. Mais pas seulement.

Cette machine est alimentée dans l’autre sens, en direction des « membres » qui la constituent. Elle émet elle-même des informations sous contrôle de la superstructure. Le but étant de corriger les perceptions et croyances de la masse de ses ressources humaines. Dans ce sens, l’envoi d’information est vital afin de changer les valeurs individuelles et collectives, d’admettre la fin des  libertés, et générer la conviction que hors du système en place point de salut.

L’importance de la machine informationnelle est donc stratégique pour arriver à accompagner la révolution sociétale, et maintenir ses actions durablement. C’est pourquoi, les ambassadeurs de la très haute finance planétaire ont mis la main sur l’industrie du divertissement, les principaux médias (sous toutes leurs formes), et ce que ceux-ci soient de droite ou de gauche, religieux ou athées, destinés aux petits/ados/adultes/vieux, etc.  Aucune importance.

Un confinement, oui mais… digitalisé

Par la digitalisation, le phénomène informationnel a explosé depuis la mise en place du confinement.  Ainsi, à l’heure actuelle, la quasi totalité des activités a été transformée en… information. Nous devrions plutôt dire qu’elle est transformée en bit, unité de l’unité de mesure de base de l’information en informatique.

Chaque fois que vous traitez quelque chose avec votre smartphone, vous échangez automatiquement de l’information informatisée. Ce faisant, vous n’êtes jamais à 2 avec l’interlocuteur, mais au moins à 3 avec le gestionnaire de la plateforme technologique.

Ce qui précède est très important pour les concepteurs de la Nouvelle Société. C’est si vrai que  « selon certaines idées au confluent de l’informatique et de la physique, l’information immatérielle donnerait naissance à la matière. » Le physicien John Wheeler a été jusqu’à présenter en 1989 « l’idée que l’information soit première et que la matière et les lois de la physique émergent dans un monde d’information, ce qu’il a résumé avec l’expression it from bit.«

Lire la suite de l’article passionnant … https://lilianeheldkhawam.com/2020/03/31/creer-une-nouvelle-societe-digitalisee-sous-surveillance-permanente-lhk/

CS Lewis : sa critique contre le scientisme

La grande intuition de Lewis, qui rejoint en cela de nombreux auteurs classiques, est que la connaissance rationnelle des lois physiques (scientia) doit être ordonnée par une sagesse philosophique adéquate (sapientia). Faute de quoi, la pensée se condamne au matérialisme, qui est l’empire du relativisme moral absolu. Science sans conscience, disait déjà Rabelais, n’est que ruine de l’âme…

Quand l’auteur de Narnia écrivait contre le transhumanisme

Article extrait de : https://www.lefigaro.fr/vox/culture/quand-l-auteur-de-narnia-ecrivait-contre-le-transhumanisme-20200306

FIGAROVOX/LECTURE -Enfin traduit en français, l’ouvrage de Michael D. Aeschliman, La Restauration de l’homme, explore la critique adressée par C. S. Lewis à l’idéologie scientiste qu’il accuse de vouloir abolir l’humanité.

Le Monde de Narnia: chapitre 1 - le lion, la sorciere blanche et l’armoire magique.
Le Monde de Narnia: chapitre 1 – le lion, la sorciere blanche et l’armoire magique. Rue des Archives

Une armée de robots, programmés par l’intelligence artificielle pour pacifier la galaxie? Le rêve de Dark Vador est aussi celui d’un professeur et informaticien finlandais, Timo Honkela, selon qui une «machine de paix» verra bientôt le jour. Un robot étranger aux émotions humaines, qui répandrait l’harmonie et la concorde entre les gens. Bienvenue dans le meilleur des mondes…

L’idée, pourtant, n’est pas si neuve: en réalité, elle est même au cœur du vieux mythe scientiste, qui rêve d’une science parvenue à un tel degré de puissance qu’elle serait un jour en mesure de répandre d’elle-même la morale jusqu’aux confins du monde. Érigée au rang de quasi-divinité, la technique a vu pourtant sa toute-puissance sérieusement mise à mal tout au long du siècle passé, sous le coup de critiques portées par certains des plus brillants esprits contemporains. Celles notamment de Jacques Ellul, de Hans Jonas ou de Georges Bernanos sont relativement bien connues du public français.

L’une, en revanche, nous est moins familière, c’est celle de Clive Staples Lewis, professeur de littérature à Oxford – qui fut surtout le génial auteur des Chroniques de Narnia. L’essai de Michael D. Aeschliman, La Restauration de l’homme*, publié en 1983 et traduit pour la première fois cette année en français, rend enfin accessible au grand public l’essentiel des réflexions de C. S. Lewis sur le scientisme et le transhumanisme.

La grande intuition de Lewis, qui rejoint en cela de nombreux auteurs classiques, est que la connaissance rationnelle des lois physiques (scientia) doit être ordonnée par une sagesse philosophique adéquate (sapientia). Faute de quoi, la pensée se condamne au matérialisme, qui est l’empire du relativisme moral absolu. Science sans conscience, disait déjà Rabelais, n’est que ruine de l’âme…

Une expérience toutefois sépare Rabelais (mais aussi Thomas d’Aquin, Érasme, Thomas More ou encore le cardinal Newman, qui sont ici tour à tour convoqués) de Lewis, celle du totalitarisme, qui illustra de la plus tragique des manières ce que peut produire une foi déraisonnée dans la capacité de la science à améliorer le genre humain.

Car, enfin, et c’est là le cœur de la préoccupation de C. S. Lewis, le grand risque du scientisme est tout bonnement de parvenir à «l’abolition de l’homme», relégué au rang des choses matérielles faute d’avoir considéré à sa juste place la spécificité de la pensée humaine qui n’est pas réductible à la connaissance scientifique. Lewis, donc, fait le pari de la sagesse, c’est-à-dire, en somme, de la culture: la littérature, l’art ou la philosophie, et plus largement tous les savoirs humains qui échappent aux lois de la physique, sont précisément ce qui nous constitue en tant qu’humains. Et nous fait accéder à la connaissance du Bien, objectif et universel.

À l’heure où certains tentent maladroitement de bricoler l’éthique pour en faire la chambre d’enregistrement des progrès les plus effrayants de la technique, cette lecture semble plus nécessaire que jamais.

*La Restauration de l’homme, de Michael D. Aeschliman, traduit de l’anglais par Hubert Darbon, éd. Pierre Téqui, 288 p., 19 €.

Préface de Anna Geppert Professeure des universités

Disons-le d’emblée : le livre d’Éric Lemaître sur la ‘‘conscience mécanisée’’ est un cadeau offert à nos contemporains. Il participe au débat concernant les effets des ‘‘progrès’’ technologiques fulgurants dont nous sommes témoins. Certains s’émerveillent, se voient déjà tout puissants, universellement savants, immortels. D’autres s’inquiètent des menaces qui pèsent, sur nous, sur la nature trafiquée, sur la société hypercontrôlée, sur l’homme dit ‘‘augmenté’’, mais en réalité diminué, amputé dans son humanité.

Ces dernières années, les ouvrages se sont multipliés sur ces sujets. Mais le livre que nous avons entre les mains remet ces interrogations dans la seule perspective qui, finalement, a du sens : celle de la foi. Lorsque, dans leur orgueil, les hommes se détournent de Dieu, les ténèbres emplissent leurs cœurs. Ils font alors leur propre ruine :

« Ces soi-disant sages sont devenus fous. » (Rm 1,22).

Or, en fin de compte, c’est bien de cela qu’il s’agit : derrière les défis du soi-disant progrès se joue un combat plus profond, plus grave, ultime : celui pour la conscience de l’homme.

A propos du livre ; Transhumanisme : La conscience mécanisée 

       Couverture - Eric Lemaitre - 1

Le bon combat

Anna Geppert

Professeur des Universités en Urbanisme et Aménagement, Sorbonne Université

Avant d’aller plus loin, j’aimerais dire comment j’ai rencontré Éric Lemaître. En 2005, l’agence d’urbanisme cherchait à remettre sur le métier un sujet ancien, la collaboration entre Reims et les villes voisines. Les tentatives précédentes avaient fait long feu, faute de volonté politique. Le directeur de l’agence eût l’idée de confier une étude à la collaboration de deux personnes différentes, un consultant socioéconomiste, Éric, et une universitaire spécialiste de l’aménagement du territoire, moi-même.

Pour rencontrer les maires concernés, nous devions sillonner les routes champenoises, ardennaises, picardes. Des voyages riches d’échanges, au cours desquels naissait une complicité intellectuelle. Il ne nous fallut pas beaucoup de temps pour en découvrir la source : notre foi. Il y a des différences entre celle d’Éric, protestant évangélique, et la mienne, catholique romaine. Mais, plus grand que nos différences, il y a le Christ :

« En tous, il est tout » (Col 3,11).

Par la suite, nous nous sommes croisés, de loin en loin. Le hasard, cet autre nom de la Providence, nous a réunis ces derniers jours sur un terrain plus politique. Éric m’a adressé son livre en me proposant de le préfacer. En lisant sa Conscience humanisée, j’ai retrouvé l’ancienne connivence : dans les changements accélérés qui se sont produits au cours des dix dernières années, nous avions mené des réflexions qui se faisaient, à maints égards, écho. C’est donc un réel plaisir que d’écrire les quelques mots qui suivent.

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Disons-le d’emblée : le livre d’Éric Lemaître sur la ‘‘conscience mécanisée’’ est un cadeau offert à nos contemporains. Il participe au débat concernant les effets des ‘‘progrès’’ technologiques fulgurants dont nous sommes témoins. Certains s’émerveillent, se voient déjà tout puissants, universellement savants, immortels. D’autres s’inquiètent des menaces qui pèsent, sur nous, sur la nature trafiquée, sur la société hypercontrôlée, sur l’homme dit ‘‘augmenté’’, mais en réalité diminué, amputé dans son humanité.

Ces dernières années, les ouvrages se sont multipliés sur ces sujets. Mais le livre que nous avons entre les mains remet ces interrogations dans la seule perspective qui, finalement, a du sens : celle de la foi. Lorsque, dans leur orgueil, les hommes se détournent de Dieu, les ténèbres emplissent leurs cœurs. Ils font alors leur propre ruine :

« Ces soi-disant sages sont devenus fous. » (Rm 1,22).

Or, en fin de compte, c’est bien de cela qu’il s’agit : derrière les défis du soi-disant progrès se joue un combat plus profond, plus grave, ultime : celui pour la conscience de l’homme.

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L’urbaniste que je suis est interpellée par les passages du présent ouvrage qui concernent la ville digitale. Je ne résiste pas au plaisir de rapporter ici un éditorial que j’ai publié très récemment dans la très revue nommée disP- The Planning Review, et intitulé… La tour de Babel[1]:

Toute la terre avait alors la même langue et les mêmes mots. Au cours de leurs déplacements du côté de l’orient, les hommes découvrirent une plaine en Mésopotamie, et s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! Fabriquons des briques et mettons-les à cuire ! » Les briques leur servaient de pierres, et le bitume, de mortier. Ils dirent : « Allons ! Bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Faisons-nous un nom, pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. » (Genèse 11 : 1-4).

Nous y voilà, à nouveau. Toute la terre a une même langue : le pidgin English. Peu de mots, pas de grammaire, une prononciation saccadée : une langue tout juste bonne pour les affaires, sans subtilité ni culture, ne permettant pas une communication profonde. Et, tandis qu’ils migrent de toutes parts, les hommes s’établissent dans les mégapoles : São Paulo, Mumbai, Séoul, New York. Le secteur de la construction caracole à des niveaux d’activité sans précédent[2]. Les mégapoles s’affrontent dans les classements et essaient de se faire un nom. Elles érigent des tours dont le sommet atteint les cieux, et chaque nouveau record de hauteur annonce une nouvelle crise économique[3]… Mais nous poursuivons, éperonnés par la cupidité, ivres d’orgueil. Tout est possible, the sky is the limit!

Depuis l’Antiquité, philosophes et urbanistes ont réfléchi à la taille des villes. À différentes époques et pour différentes raisons, Hippodamos de Milet, St Thomas More, Sir Ebenezer Howard, Lewis B. Keeble et bien d’autres ont tenté de limiter leur croissance. Qu’elle fût le lieu du succès ou de la perdition, la grande ville était l’exception et non la norme. Aujourd’hui, grâce à la technologie, les mégapoles paraissent capables de s’affranchir de toute limite de taille d’une manière qui, auparavant, n’était pas concevable. Nous savons bien qu’elles sont des géants aux pieds d’argile, à la merci d’un accident naturel, technologique, énergétique… Mais nous espérons que le progrès palliera ces risques, nous ouvrant monde d’opportunités.

Mais qu’en est-il dans la réalité ? Lorsque j’enseignais à Abu Dhabi, j’avais été atterrée d’apprendre que certains ouvriers du bâtiment ignoraient dans quelle ville ou pays ils se trouvaient. Puis je me pris à songer à mon voisin, l’homme d’affaires accoudé au bar du Hilton. Finalement, que sait-il de l’endroit où il se trouve ? Délesté de son smartphone et de son portefeuille, il n’irait pas bien loin… Et nous ? Que connaissons-nous vraiment, dans les métropoles que nous habitons ?

Nous vivons dans des archipels. Nos îles de résidence, de travail, de loisirs sont séparées de vastes océans inconnus. Sortis de quelques lieux familiers, nous sommes perdus : rien d’étonnant à ce que les promoteurs nous promettent tous les havres de paix auxquels nous aspirons. Mais, au bout du compte, que ce soit dans les ‘‘petites boîtes faites en ticky-tacky’’ de la chanson de Reynolds, dans d’arrogants gratte-ciels, dans les courbes lourdes du post-modernisme, dans les pastiches éclectiques de l’urbanisme néo-traditionnel, ils reproduisent la même erreur, la fameuse ‘‘Unité d’Habitation’’ de Le Corbusier : un ‘‘module’’, fragment de cité relié à d’autres fragments lointains, mais déconnecté de son environnement. Et, désormais, protégé par des clôtures et des caméras de reconnaissance faciale.

Inlassablement, nous ajoutons de nouveaux modules à nos métropoles. La cité et sa communauté d’habitants sont remplacées par ‘‘l’urbain’’, un univers en expansion permanente qui n’appartient plus à personne. Son gigantisme affecte nos relations aux lieux et aux personnes. Dans le métro, je ressens de la compassion pour le premier mendiant, mais lorsque je suis sollicitée pour la cinquième fois, je suis seulement contrariée. Nous n’avons pas la capacité d’absorber le torrent d’hommes, d’événements, d’informations, de stimuli charriés par la vie métropolitaine.

Dans l’anonymat de grands nombres, les stéréotypes remplacent les personnes et les slogans de tolérance, de justice et de fraternité sonnent creux. Des silhouettes sans visage habitent les métropoles dystopiques des films de science-fiction : des travailleurs athlétiques et anonymes dans la Metropolis de Fritz Lang (1927), des policiers et des gangs de malfaiteurs dans la ville de Gotham, des « réplicant » androïdes dans Blade Runner de Ridley Scott (1982). Ce dernier prend pour décor Los Angeles en… 2019. En sommes-nous arrivés là ? Par l’intelligence artificielle et par l’eugénisme, nous essayons bien de produire des androïdes. Et notre société est en train de devenir de plus en plus dure. Sur mon trajet quotidien, au cœur de Paris, je croise des personnes hurlant dans le métro, des comportements agressifs, des personnes sans domicile dormant à même le pavé, des rats courant en plein jour dans les rues. Il y a seulement cinq ans, ce n’était pas ainsi.

Bâtissons des villes pour les hommes, des villes où l’on peut vivre et travailler. Des villes aux distances courtes, aux rues invitant à la déambulation, aux jardins accueillants ; des villes préservées des panneaux publicitaires criards, des haut-parleurs hurlants et de l’Internet ; des cités en harmonie avec leur arrière-pays ; des cités riches de toute leur histoire ; des cités bâties autour d’une église, et non d’une usine, d’une banque, d’une attraction touristique ou d’un centre commercial.

En Europe, ces villes existent. Nous avons un réseau unique de villes et de bourgs historiques. Elles offrent toutes ces qualités et participent d’un aménagement harmonieux du territoire. Mais beaucoup sont en déclin, concurrencées par les métropoles, ces territoires gagnants de la mondialisation. Nous sommes à un tournant. Comme au lendemain de la chute de Rome, sans politique volontaire en termes d’emploi, d’infrastructures, de soutien aux services, beaucoup de villes petites et moyennes vont dépérir. Mais la volonté politique fait défaut, comme nous l’avons vu lorsque la déclaration de Riga[4] fit long feu.

Plus que jamais, des travaux de recherche et des propositions politiques clairvoyantes sont nécessaires. Retroussons nos manches et prenons soin de nos petites villes – ainsi, nous aurons un refuge lorsque la tour de Babel s’effondrera ».

J’ai été frappée par les convergences entre les propos sur la ville tenus par Éric Lemaître dans le cadre d’une réflexion sur le transhumanisme, et la mise en garde que j’adresse aux urbanistes dans le cadre d’une revue de référence dans ce champ.

L’un comme l’autre, nous dressons le constat d’une ville financiarisée, au service d’un néolibéralisme débridé, avec des possibilités de contrôle de la vie privée digne des rêves les plus fous des dictateurs communistes ou d’un 1984 de George Orwell (1949).

Derrière ce tableau se dessine également la préoccupation de l’homme asservi à la machine, coupé de la nature et isolé de ses semblables… Soumis à la “dictature du bruit” dont parle remarquablement le Cardinal Robert Sarah[5], noyé sous une déferlante de sons, d’images, d’écrans, happé par la vitesse, le consumérisme, la course au profit, l’homme peine à se trouver lui-même – et à rencontrer Dieu.

***

Car au-delà de la question de la ville, c’est bien de notre relation à Dieu qu’il s’agit. Comment ne pas nous reconnaître dans les propos de l’Apôtre Saint Paul :

« Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. » (2Tm, 4,3-4).

« Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge ; ils ont vénéré la création et lui ont rendu un culte plutôt qu’à son Créateur, lui qui est béni éternellement. Amen. » (Rm 1,25)

Il en va du salut des âmes, mais il en va également de nos sociétés :

« Un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde dépourvu de sens. Car sinon, d’où vient tout ce qui est ? En tout cas, il n’y aurait pas de fondement spirituel. C’est simplement là, sans véritable but ni sens. Il n’y a alors pas de notion de bien ou de mal. Celui qui est plus fort que l’autre s’impose. Le pouvoir est alors l’unique principe. La vérité ne compte pas, elle n’existe d’ailleurs pas. C’est seulement quand les choses ont un fondement spirituel, qu’elles sont voulues et pensées — seulement quand il y a un Dieu créateur qui est bon et qui veut le Bien — que la vie de l’homme peut également avoir un sens. (…)

Une société sans Dieu — une société qui ne Le connaît pas et qui Le considère comme inexistant — est une société qui perd son équilibre. Notre époque a vu l’émergence de la formule coup de poing annonçant la mort de Dieu. Quand Dieu meurt dans une société, elle devient libre, nous assurait-on. En réalité, la mort de Dieu dans une société signifie aussi la mort de la liberté, parce que ce qui meurt, c’est le sens, qui donne son orientation à la société. Et parce que la boussole qui nous oriente dans la bonne direction en nous apprenant à distinguer le bien du mal disparaît. La société occidentale est une société dans laquelle Dieu est absent de la sphère publique et n’a plus rien à y dire. Et c’est pour cela que c’est une société dans laquelle l’équilibre de l’humain est de plus en plus remis en cause. » (Benoît XVI, 2019).[6]

***

Les atours dont se pare le soi-disant progrès ne résistent pas à l’analyse. C’est pour cela qu’il nous est présenté dans le registre compassionnel, incantatoire, agrémenté de force ‘‘likes’’ – il paraît qu’ils sont addictifs. La tentative de remplacement de la conscience humaine par une ‘‘conscience humanisée’’ n’attendra pas la greffe de puces dans le cerveau. Elle est déjà en cours : l’usage massif du digital, sous toutes ses formes, affecte le cerveau et les processus de cognition, entraînant addictions, pertes de mémoire, dépressions, anxiétés, difficultés à communiquer… Depuis une dizaine d’années, les travaux sur ce sujet se multiplient parmi les psychologues, les psychiatres, les spécialistes en neurosciences et en imagerie du cerveau. Une synthèse très exhaustive publiée en 2019 par une équipe de chercheurs conclut que l’ensemble de ces conséquences n’est pas pleinement connu ni maîtrisé.[7] En d’autres termes, nous jouons aux apprentis-sorciers.

La ‘‘conscience mécanisée’’ est un phénomène de nature totalitaire. Ce n’est pas le premier, dans la longue histoire de l’humanité. J’ai eu l’immense honneur, sous la dictature communiste, de rencontrer le bienheureux Père Jerzy Popiełuszko. Le vendredi 19 octobre 1984, quelques instants avant son enlèvement, il conduisait la méditation des mystères douloureux du chapelet :

« Depuis des siècles, le combat contre la vérité dure sans cesse. Mais la vérité est immortelle, tandis que le mensonge meurt d’une mort rapide. Voilà pourquoi, selon les mots du défunt Cardinal Wyszyński, il n’y a pas besoin d’un grand nombre de personnes pour dire la vérité. Le Christ a choisi un petit nombre de disciples pour annoncer la vérité. Le mensonge doit se parer de beaucoup de mots, car il est épicier : il doit sans cesse se renouveler, comme la marchandise dans les rayons. Il doit toujours sembler nouveau, il doit avoir beaucoup de serviteurs qui apprendront son programme, pour un jour ou un mois. Puis, rapidement, on inculquera un autre mensonge. Il faut beaucoup de personnes pour diffuser le mensonge. Il n’en faut pas autant pour dire la vérité. Les hommes trouveront, les hommes viendront de loin pour trouver les paroles de vérité car Dieu a mis, au fond de l’homme, un désir naturel de vérité. »

Merci à Éric Lemaître de nous alerter sur les dangers de la ‘‘conscience mécanisée’’, qui cherche à se substituer au désir de vérité inscrit dans le cœur de l’homme.

L’avertissement contenu dans le livre d’Éric Lemaître arrive à point nommé. Car nous ne sommes pas condamnés à subir, nous ne sommes pas réduits au rang de simples observateurs. Dans le périmètre de notre devoir d’état, nous pouvons agir. Depuis 2011, constatant pragmatiquement les dégâts qu’ils effectuent sur l’apprentissage, j’ai interdit à mes étudiants le recours au numérique, et j’ai moi-même banni de mes cours les PowerPoint et autres supports passant par les écrans. Jusqu’à présent, c’est un réel succès.[8] Cela ne transformera pas le monde entier, mais est-ce ce qui m’est demandé ? Sous l’effet d’une étrange inflation, la ‘‘conscience mécanisée’’ nous porte à croire que nous sommes liés à tout, que tout dépend de nous… Quelle illusion !

Prions et travaillons. La lecture de ce livre peut nous aider à agir en nous fournissant des arguments. Ne doutons pas de la victoire : L’église écrasera la tête du Serpent. Quant à nous, puissions-nous dire un jour, comme Saint Paul : J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. (2Tm, 4,7)

[1] Geppert Anna. 2019. « The Tower of Babel. » disP – The Planning Review, 55(3), pp. 4-5. DOI : 10.1080/02513625.2019.1670980 Original en anglais, traduit par moi-même.

[2]GlobalData (2019): Global Construction Outlook to 2023 – Q2 2019 Update. Lien: https://www.globaldata.com/store/report/gdcn0015go–global-construction-outlook-to-2023-q2-2019-update/ (consulté 23 Août 2019)

[3]L’économiste Andrew Lawrence a illustré de manière amusante et convaincante cette correspondance entre records de construction et crises économiques à travers son ‘‘skyscraper index’’. cf.  Lawrence, A. (1999): The Skyscraper Index: Faulty Towers. Property Report. Dresdner Kleinwort Wasserstein Research

[4]En 2015, la Lettonie assurait la présidence du Conseil de l’Union européenne : elle a promu cette déclaration qui appelait à une politique de revitalisation des villes petites et moyennes. Signée par tous les états-membres, elle n’a pas été suivie d’effet.

[5]Sarah, Card. Robert. 2016. La force du silence: contre la dictature du bruit. Fayard.

[6]Note du Pape émerité Benoît XVI sur les abus sexuels de février 2019, traduction française site Aleteia: https://fr.aleteia.org/2019/04/12/document-lintegralite-du-texte-du-pape-emerite-benoit-xvi-sur-les-abus-sexuels/ consulté le 21/12/2019

[7]Firth, Joseph, John Torous, Brendon Stubbs, Josh A. Firth, Genevieve Z. Steiner, Lee Smith, Mario Alvarez-Jimenez, John Gleeson, Davy Vancampfort, Christopher J. Armitage and Jerome Sarris (2019). « The ‘online brain’: How the Internet may be changing our cognition. » World Psychiatry, 18 (2), pp.119-129.

[8]    Je rends compte de cette expérience dans l’article suivant, paradoxalement accessible… en ligne. Geppert Anna (2019). « Let us teach for real ! A plea for traditional teaching. » Transactions of the Association of European Schools of Planning • 3 (2019) doi: 10.24306/TrAESOP.2019.01.001