Conséquences de la loi bio éthique sur la famille et répercussions sur la nation

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité.

Auteur Eric LEMAITRE

La ville de Reims dans le cadre des ateliers santé ville, il y a 15 ans de cela me confiait plusieurs études orientées principalement sur les quartiers en difficulté.

Plusieurs thématiques de santé étaient abordées et au fil de nos enquêtes, une problématique émergeait et concernait la figure du père. L’un de mes interlocuteurs m’avait invité à approfondir le sujet qui selon lui, allait constituer un enjeu majeur de société. Quand cette personne aborda avec moi, la figure du Père, elle précisa sa pensée et me partagea que cette figure semblait disparaître et que ses répercussions pourraient formellement être dramatiques pour les prochaines décennies. Quand je vous évoque ici la disparition du père, ce n’est pas le père en soi, c’est la disparition d’un ensemble qui permet de le définir. Le père cet homme, n’existe pas sans la mère cette femme, et la mère cette femme n’existe pas sans le Père cet homme. Les deux figures interagissent ensemble, elles sont essentielles, nécessaires à la vie de l’enfant.

La spoliation voire l’aliénation de la figure paternelle engendre des situations difficiles, compliquées, éprouvantes non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la femme. Les répercussions associées à la disparition de la figure paternelle touchent également et collatéralement la vie en société, portant atteinte à une dimension qui touche à la transmission, au lien et à la solidarité. Mais ce point qui concerne la transmission, le lien et la solidarité, je l’aborderais dans un instant.

Je reviens à nouveau à cette mission d’étude des Ateliers Santé Ville, dans le cadre de ces enquêtes, nous avions alors pris conscience que des enfants laissés à leur compte en l’absence de père assumant leurs responsabilités éducatives menaient leurs enfants à rechercher inexorablement la figure d’un Papa qui incarnerait l’autorité, la dimension d’un cadre éducatif. Les enquêtes santé m’ont alors conduit vers les jeunes pré-ados et ados   qui vivent dans des quartiers où l’on dénombre une quantité de femmes seules, de foyers monoparentaux et des enfants en proie à des addictions alcool, cannabis et voire drogues. Ce que nous observions dans le cadre de ces enquêtes auprès de ces pré-ados, et ados, ce fut chez eux la recherche de pères de substitutions, des pères par procuration, le clan formerait alors le Père de remplacement, faute d’un vrai Père. 

Il est criant dans notre société et de façon beaucoup plus générale qu’un enfant passe beaucoup plus de temps avec ses écrans cathodiques ou numériques qu’avec son Père comme avec sa mère. Que deviendra alors une société où le Père est absent où la figure paternelle disparaît, voire « éliminée » et si la mère ne se révèle pas à travers la figure du Père !

Quel signal nous renvoie, alors ces lois bioéthiques qui signent l’effacement du Père, la dissipation, voire l’élimination de la figure paternelle. Chaque enfant a besoin d’un père et d’une mère. Chaque Père et chaque mère présentent une relation d’affection différente à son enfant. L’amour d’un père est une présence qui n’est pas celle d’une mère.

Les fils ou les filles, ont besoin du regard de leur Père, de la fierté de leur Père pour se construire, grandir. C’est la relation tacite passée entre un père et un fils ou sa fille, une mère et un fils ou sa fille. Or, cette source de motivation qui est l’essence même de notre humanité, est en train de se débiliter, de s’effacer subrepticement, de s’affaiblir inexorablement.

Il est évident que le vide émotionnel ne concerne pas uniquement la figure paternelle, ce vide émotionnel concerne aussi la figure maternelle, quand l’enfant en a été privé.

Ces lois bioéthiques sont pour moi le miroir et le reflet d’une tragédie qui se déroule sous nos yeux, qui couve sûrement, sur le point d’enfanter demain, les prochaines barbaries et révoltes des enfants devenus adultes qui ne supporteront plus l’égoïsme d’une génération qui les a privés d’une réelle affection, préférant le désir plutôt que l’accueil, choisissant l’envie, plutôt que le don d’une vie qui s’offre à eux naturellement et sans recours à une solution démiurgique.

Les lois bioéthiques approuvent ceci : en accédant à des désirs pour soi et des désirs auxquels ne peut répondre la loi naturelle, on ne répond pas aux attentes immenses de tout le genre humain qui a ce droit absolu de connaître les deux figures nécessaires et complémentaires d’un homme et d’une femme offrant une relation singulière et absolument nécessaire à la vie d’un enfant.

En m’interrogeant sur les répercussions des lois bioéthiques qui participent à la disparition des figures paternelles et ses effets sur la nation, je songeais à ce texte fameux de l’historien Ernest Renan lu à la Sorbonne le 11 mars 1882. À propos de la nation qui n’est ni l’état, ni en soi un peuple, mais plutôt une communauté de transmissions, héritière d’un passé, d’un legs et dont la dimension même de nation est incarnée par la solidarité. Je vous décline les éléments essentiels de ce texte partagé par l’historien Renan et je vous le commente ensuite :

« La nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre-ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. [] Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »

Implicitement nous comprenons que la famille représente une des cellules et une des composantes indissociables de cette idée de nation qu’elle en représente nécessairement l’essence.

Nous pourrions à l’instar de cette citation de Renan, affirmer que la famille loge aussi une âme, un principe spirituel, un principe même sacré. Ce qui caractérise en effet la famille et l’enfant qu’elle accueille, c’est l’héritage naturel qu’elle lui transmet, la filiation de l’enfant, son origine, ses origines puisque la naissance de l’enfant découle d’un principe naturel, un legs spirituel : une parturition qui découle de la rencontre d’un homme et d’une femme et qu’il accède à la richesse de ses deux parents.

De la différence entre son père et sa mère, l’enfant apprend alors la solidarité, et même s’il n’y a pas de famille en soi idéale, l’enfant s’instruit de par la richesse des différences de ces deux visages qui forment un même cœur, sa famille.

Lorsque la famille éclate, car il n’y a pas de famille qui ne connaît pas de mésentente, l’enfant en est troublé, perturbé et cela touchera aux dimensions du lien et de la solidarité. Lorsque les lois bioéthiques lui assignent qu’il n’a pas de Père et je songe à la PMA et ce que cette réification biologique autorise, elle efface du coup le legs, le patrimoine d’un Père, d’une figure complémentaire.

La loi bioéthique exprime des revendications de désirs d’adultes qui ne prennent pas en compte les liens complémentaires et essentiels à la croissance de l’enfant pour devenir eux-mêmes adultes : d’une part le lien entre conjugalité et filiation, le lien entre enfantement et transmission, d’autre part.

La loi bioéthique omet sciemment, mais gravement l’intelligibilité de la filiation, exclue la relation père et mère, et consacre institutionnellement le déni d’un des deux parents, supprime le père, sans se préoccuper des besoins de l’enfant pour grandir. C’est une atteinte grave, un crime contre l’humanité, une blessure causée à la vie de l’enfant que ces hommes et femmes, élus de la nation, mais sans conscience, auront définitivement ruiné. Nous sommes ici ce 11 octobre 2020 pour être ce petit caillou dans la chaussure de nos élus, pour protester vigoureusement contre ces lois iniques qui déconstruisent l’homme et la femme.

Éric LEMAITRE

Le monde marchand civilise l’homme via ses nouvelles idoles

Parce que tu dis, Je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu. Apocalypse 3.17

Nous entrons dans la civilisation de la rationalité indolente qui s’obstine à réduire nos actes et nos gestes à l’expression de données, traduites en codes. Nous subissons  docilement l’injonction des machines prédictives qui ayant apprises de nos comportements finissent pas nous domestiquer et à nous emmener dans la dépendance, la subordination,

Ce qui est ainsi à craindre c’est l’excès de confiance attribuée à l’homme aux objets numériques  qui deviennent les nouvelles idoles, les nouvelles, statuettes idolâtres de notre siècle, car leur ont été conférées cette capacité de ne plus être muettes et de faire appel à l’imaginaire superstitieux, mais d’être interactives et de répondre à l’ensemble des besoins changeant ainsi nos rapports aux autres et au besoin de relationnel.

Nous assistons avec l’IA au développement d’une société qui ampute cette part de gratuité, de don, d’accueil de l’autre, de ses capacités et ressources qui permet l’expression de tout notre être. Peu à peu les interstices de la vie relationnelle sont vampirisées par l’ère numérique qui nous détournent de toute vie relationnelle.

Comprenons bien que nous assistons à l’émergence d’une société marchande qui entend redéfinir l’anthropologie, prétendant ainsi civiliser l’homme prédateur en l’anesthésiant via la consommation des objets numériques, lui assurant paix et sécurité en lui faisant miroiter un âge d’or d’un monde augmenté, autonome et s’auto déterminant.

L’Argent texte de Charles Peguy

Ce texte est une longue citation de ce livre étonnant d’acuité et d’actualité, écrit en 1913.

Ce texte est une longue citation de ce livre étonnant d’acuité et d’actualité, écrit en 1913.

Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un seul mouvement et d’un même mouvement ont reculé sur la face de la terre. Et comme une immense ligne elles ont reculé sur toute la ligne. Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit.

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« Le croira-t-on, nous avons été nourris dans un peuple gai. Dans ce temps-là un chantier était un lieu de la terre où des hommes étaient heureux. Aujourd’hui un chantier est un lieu de la terre où des hommes récriminent, s’en veulent, se battent ; se tuent.

De mon temps tout le monde chantait. (Excepté moi, mais j’étais déjà indigne d’être de ce temps-là.) Dans la plupart des corps de métiers on chantait. Aujourd’hui on renâcle. Dans ce temps-là on ne gagnait pour ainsi dire rien. Les salaires étaient d’une bassesse dont on n’a pas idée. Et pourtant tout le monde bouffait. Il y avait dans les plus humbles maisons une sorte d’aisance dont on a perdu le souvenir. Au fond on ne comptait pas. Et on n’avait pas à compter. Et on pouvait élever des enfants. Et on en élevait. Il n’y avait pas cette espèce d’affreuse strangulation économique qui à présent d’année en année nous donne un tour de plus. On ne gagnait rien ; on ne dépensait rien ; et tout le monde vivait.

Il n’y avait pas cet étranglement économique d’aujourd’hui, cette strangulation scientifique, froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans une bavure, implacable, sage, commune, constante, commode comme une vertu, où il n’y a rien à dire, et où celui qui est étranglé a si évidemment tort.

On ne saura jamais jusqu’où allait la décence et la justesse d’âme de ce peuple ; une telle finesse, une telle culture profonde ne se retrouvera plus. Ni une telle finesse et précaution de parler. Ces gens-là eussent rougi de notre meilleur ton d’aujourd’hui, qui est le ton bourgeois. Et aujourd’hui tout le monde est bourgeois.

Nous croira-t-on, et ceci revient encore au même, nous avons connu des ouvriers qui avaient envie de travailler. On ne pensait qu’à travailler. Nous avons connu des ouvriers qui le matin ne pensaient qu’à travailler. Ils se levaient le matin, et à quelle heure, et ils chantaient à l’idée qu’ils partaient travailler. A onze heures ils chantaient en allant à la soupe. En somme c’est toujours du Hugo ; et c’est toujours à Hugo qu’il en faut revenir : Ils allaient, ils chantaient. Travailler était leur joie même, et la racine profonde de leur être. Et la raison de leur être. Il y avait un honneur incroyable du travail, le plus beau de tous les honneurs, le plus chrétien, le seul peut-être qui se tienne debout. C’est par exemple pour cela que je dis qu’un libre penseur de ce temps-là était plus chrétien qu’un dévot de nos jours. Parce qu’un dévot de nos jours est forcément un bourgeois. Et aujourd’hui tout le monde est bourgeois.

Nous avons connu un honneur du travail exactement le même que celui qui au Moyen Age régissait la main et le cuir. C’était le même conservé intact en dessous. Nous avons connu ce soin poussé jusqu’à la perfection, égal dans l’ensemble, égal dans le plus infime détail. Nous avons connu cette piété de l’ouvrage bien faite poussée, maintenue jusqu’à ses plus extrêmes exigences. J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cuir, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales.

Que reste-t-il aujourd’hui de tout cela ? Comment a-t-on fait, du peuple le plus laborieux de la terre, et peut-être du seul peuple laborieux de la terre, du seul peuple peut-être qui aimait le travail pour le travail, et pour l‘honneur, et pour travailler, ce peuple de saboteurs, comment a-t-on pu en faire ce peuple qui sur un chantier met toute son étude à ne pas en fiche un coup. Ce sera dans l’histoire une des plus grandes victoires, et sans doute la seule, de la démagogie bourgeoise intellectuelle. Mais il faut avouer qu’elle compte. Cette victoire.

Il y a eu la révolution chrétienne. Et il y a eu la révolution moderne. Voilà les deux qu’il faut compter. Un artisan de mon temps était un artisan de n’importe quel temps chrétien. Et sans doute peut-être de n’importe quel temps antique. Un artisan d’aujourd’hui n’est plus un artisan.

 Dans ce bel honneur de métier convergeaient tous les plus beaux, tous les plus nobles sentiments. Une dignité. Une fierté. Ne jamais rien demander à personne, disaient-ils. Voilà dans quelles idées nous avons été élevés. Car demander du travail, ce n’était pas demander. C’était le plus normalement du monde, le plus naturellement réclamer, pas même réclamer. C’était se mettre à sa place dans un atelier. C’était, dans une cité laborieuse, se mettre tranquillement à la place de travail qui vous attendait. Un ouvrier de ce temps-là ne savait pas ce que c’est que quémander. C’est la bourgeoisie qui quémande. C’est la bourgeoisie qui, les faisant bourgeois, leur a appris à quémander. Aujourd’hui dans cette insolence même et dans cette brutalité, dans cette sorte d’incohérence qu’ils apportent à leurs revendications il est très facile de sentir cette honte sourde, d’être forcés de demander, d’avoir été amenés, par l’événement de l’histoire économique, à quémander. Ah oui ils demandent quelque chose à quelqu’un, à présent. Ils demandent même tout à tout le monde. Exiger, c’est encore demander. C’est encore servir.

Ces ouvriers ne servaient pas. Ils travaillaient. Ils avaient un honneur, absolu, comme c’est le propre d’un honneur. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron ni pour les connaisseurs ni pour les clients du patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même. Une tradition, venue, montée du plus profond de la race, une histoire, un absolu, un honneur voulait que ce bâton de chaise fût bien fait. Toute partie, dans la chaise, qui ne se voyait pas, était exactement aussi parfaitement faite que ce qu’on voyait. C’est le principe même des cathédrales.

Et encore c’est moi qui en cherche si long, moi dégénéré. Pour eux, chez eux il n’y avait pas l’ombre d’une réflexion. Le travail était là. On travaillait bien.

 Il ne s’agissait pas d’être vu ou pas vu. C’était l’être même du travail qui devait être bien fait. Et un sentiment incroyablement profond de ce que nous nommons aujourd’hui l’honneur du sport, mais en ce temps-là répandu partout. Non seulement l’idée de faire rendre le mieux, mais l‘idée, dans le mieux, dans le bien, de faire rendre le plus. Non seulement à qui ferait le mieux, mais à qui en ferait le plus, c’était un beau sport continuel, qui était de toutes les heures, dont la vie même était pénétrée. Tissée. Un dégoût sans fond pour l’ouvrage mal fait. Un mépris plus que de grand seigneur pour celui qui eût mal travaillé. Mais l’idée ne leur en venait même pas.

Tous les honneurs convergeaient en cet honneur. Une décence, et une finesse de langage. Un respect du foyer. Un sens du respect, de tous les respects, de l’être même du respect. Une cérémonie pour ainsi dire constante. D’ailleurs le foyer se confondait encore très souvent avec l’atelier et l’honneur du foyer et l’honneur de l’atelier était le même honneur. C’était l’honneur du même lieu. C’était l’honneur du même feu. Qu’est-ce que tout cela est devenu. Tout était un rythme et un rite et une cérémonie depuis le petit lever. Tout était un événement ; sacré. Tout était une tradition, un enseignement, tout était légué, tout était la plus sainte habitude. Tout était une élévation, intérieure, et une prière, toute la journée, le sommeil et la veille, le travail et le peu de repos, le lit et la table, la soupe et le bœuf, la maison et le jardin, la porte et la rue, la cour et le pas de porte, et les assiettes sur la table.

Ils disaient en riant, et pour embêter les curés, que travailler c’est prier, et ils ne croyaient pas si bien dire. Tant leur travail était une prière. Et l’atelier un oratoire.

Tout était le long événement d’un beau rite. Ils eussent été bien surpris, ces ouvriers, et quel eût été, non pas même leur dégoût, leur incrédulité, comme ils auraient cru que l’on blaguait, si on leur avait dit que quelques années plus tard, dans les chantiers, les ouvriers, – les compagnons, – se proposeraient officiellement d’en faire le moins possible ; et qu’ils considéreraient ça comme une grande victoire. Une telle idée pour eux, en supposant qu’ils la pussent concevoir, c’eût été porter une atteinte directe à eux-mêmes, à leur être, ç’aurait été douter de leur capacité, puisque aurait été supposer qu’ils ne rendraient pas tant qu’ils pouvaient. C’est comme de supposer d’un soldat qu’il ne sera pas victorieux.

Eux aussi ils vivaient dans une victoire perpétuelle, mais quelle autre victoire. Quelle même et quelle autre. Une victoire de toutes les heures du jour dans tous les jours de la vie. Un honneur égal à n’importe quel honneur militaire. Les sentiments mêmes de la garde impériale.

Et par suite ou ensemble tous les beaux sentiments adjoints ou connexes, tous les beaux sentiments dérivés et filiaux. Un respect des vieillards ; des parents, de la parenté. Un admirable respect des enfants. Naturellement un respect de la femme. (Et il faut bien le dire, puisqu’aujourd’hui c’est cela qui manque tant, un respect de la femme par la femme elle-même.) Un respect de la famille, un respect du foyer. Et surtout un goût propre et un respect du respect même. Un respect de l’outil, et de la main, ce suprême outil. – Je perds ma main à travailler, disaient les vieux. Et c’était la fin des fins. L’idée qu’on aurait pu abîmer ses outils exprès ne leur eût pas même semblé le dernier des sacrilèges. Elle ne leur eût pas même semblé la pire des folies. Elle ne leur eût pas même semblé monstrueuse. Elle leur eût semblé la supposition la plus extravagante. C’eût été comme si on leur eût parlé de se couper la main. L’outil n’était qu’une main plus longue, ou plus dure, (des ongles d’acier), ou plus particulièrement affectée. Une main qu’on s’était faite exprès pour ceci ou pour cela. Un ouvrier abîmer un outil, pour eux, c’eût été, dans cette guerre, le conscrit qui se coupe le pouce.

 On ne gagnait rien, on ne vivait de rien, on était heureux. Il ne s’agit pas là-dessus de se livrer à des arithmétiques de sociologue. C’est un fait, un des rares faits que nous connaissions, que nous ayons pu embrasser, un des rares faits dont nous puissions témoigner, un des rares faits qui soit incontestable.

Notez aujourd’hui, au fond, ça ne les amuse pas de ne rien faire sur les chantiers. Ils aimeraient mieux travailler. Ils ne sont pas en vain de cette race laborieuse. Ils entendent cet appel de la race. La main qui démange, qui a envie de travailler. Le bras qui s’embête, de ne rien faire. Le sang qui court dans les veines. La tête qui travaille et qui par une sorte de convoitise, anticipée, par une sorte de préemption, par une véritable anticipation s’empare d’avance de l’ouvrage fait. Comme leurs pères ils entendent ce sourd appel du travail qui veut être fait. Et au fond ils se dégoûtent d’eux-mêmes, d’abimer les outils. Mais voilà, des messieurs très bien, des savants, des bourgeois leur ont expliqué que c’était ça le socialisme, et que c’était ça la révolution. »

Largent, Charles Péguy,

 

Le Marché mondial de la reproduction, à qui profite-t-il ? Et le cas échéant, quels sont les perdants ?

Nous assistons dans notre monde contemporain, à l’émergence probable d’un marché de la vie, de fait à une intensification consumériste touchant à la chosification même de la fécondation. La vie devient alors un bien à consommer, une forme de capital boursier qui fera les joies des actionnaires.

Notre monde sera-t-il celui

de la marchandisation de toute la vie ?

Le marché mondial de la reproduction est une question qui doit nous interpeller. La vie, même devient dans toutes ses dimensions, un objet de catalogue consumériste et de marchandisation.

Nous assistons dans notre monde contemporain, à l’émergence probable d’un marché de la vie, de fait à une intensification consumériste touchant à la chosification même de la fécondation. La vie devient alors un bien à consommer, une forme de capital boursier qui fera les joies des actionnaires.

Avec la fécondation in vitro comme le mentionnent fort bien d’autres lanceurs d’alerte, tout est potentiellement à vendre OU à louer : embryons, gamètes, utérus.

En quelques années notamment dans le monde occidental pays nordiques, anglo saxons, nous assistons à l’émergence de sites Internet proposant la vente de spermes sur catalogues virtuels, les clientes peuvent accéder aisément à ces sites marchands et combiner les caractéristiques des spermes afin de dénicher le potentiel géniteur présentant toutes les garanties génétiques d’un corps idéal et d’un potentiel intellectuel satisfaisant. Puis à partir de la détermination de critères d’achat, voire demain d’un label et d’étoiles attribuées à la future progéniture, de pouvoir effectuer leurs commandes en ligne.

Il n’est pas improbable que ces sites étalent des rayons de gamètes, d’embryons, de spermes. Puis sur ces linéaires de la marchandisation de la vie que soient proposés des écarts de prix selon la marque de la future progéniture, sperme de prix Nobel, sperme de tel ou tel star du show-biz ou du monde du sport. Des différentiels de prix entre garçons et filles, ou entre « géniteurs » selon leur QI, leur aspect physique et la couleur de leur peau, dénotent dès lors un marché potentiellement sauvage. Ce libéralisme a des relents sélectifs d’une société qui primerait la performance, la recherche de l’« enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves et ceci évoque toute une dimension eugéniste, l’enfant choisi, le sera en regard de critères qui touchent à sa performance éventuelle, l’enfant de facto est réduit à un objet de consommation et non à l’être aimé tel qu’il est.

Dans ce contexte de marché, la vie est devenue une forme de produit commercial. Nous assistons en fait à l’avènement et l’avenir d’une société Eugéniste dont un Père fantôme pourrait engendrer des dizaines de progénitures, des enfants qui plus tard seront en quête d’identité, d’origine mais ne pourront pas taire la souffrance que vivent partout dans le monde les orphelins qui ignorent d’où ils viennent !

Qui sera le grand perdant ?

Pour répondre à cette question, il s’agira incontestablement de l’enfant vulnérable, fragile, souffrant d’un handicap qui ne répondra pas aux normes d’une société qui entendra étalonner un niveau d’exigence consumériste… Ici je veux citer le médecin Laurent Alexandre qui appelle pourtant de ces vœux l’émergence d’un monde transhumaniste mais nous met en garde sur l’engrenage qui touche le monde social à venir…

 

«La Médecine dite prédictive va de plus en plus prévoir et prévenir. La tendance va s’accélérer. Mais le début de la prédiction, c’est quand même de le faire in utero, de sélectionner entre guillemets les bons bébés par rapport aux mauvais. Ça se fera pendant la grossesse comme ça se fait déjà pour le mongolisme. On voit bien qu’on a mis le doigt dans l’engrenage. En Suisse, comme en France ou en Belgique, la quasi-totalité des enfants trisomiques sont avortés, ce qui est stricto sensu de l’eugénisme et de l’eugénisme intellectuel »

 

C’est le philosophe François-Xavier Bellamy qui n’hésite pas à parler d’un « monde où la médecine ne servirait plus à réparer les corps, mais à les mettre au service de nos rêves. Ce n’est plus un acte médical : c’est une prestation technique. La différence est aussi grande, qu’entre greffer un bras à une personne amputée, et greffer un troisième bras sur un corps sain. »

Nous voulons en quelque sorte satisfaire une stérilité sociale et déplacer  les barrières de la nature, en nous fondant sur le recours des avancées techniques de la science.  Or s’adosser à cette dimension technique, pose inévitablement un problème au monde médical. Un monde médical qui passerait d’une médecine réparatrice et de soins à une médecine de prestations de services, une médecine qui résout des envies sociales. La question vertueuse qui est également une question d’éthique, que nous posons dans ces débats, est de savoir si c’est la mission de la médecine de satisfaire des appétences consuméristes ? Puis à force de contourner les limites mêmes de la nature, d’endiguer, de dépasser les frontières du corps, ne serons-nous pas confrontés à d’autres difficultés majeures et toxiques, fragilisant le socle social, la révolte d’enfants devenus adultes qui rejetteront le monde que nous leur avons créé.

La nouvelle vision économique du monde numérisé

L’économie numérique via les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle entend dessiner une forme de société vertueuse et idyllique, cachant en réalité la volonté d’intégrer l’ensemble des données qui caractérisent la vie humaine 

Ce nouveau texte écrit par Eric LEMAITRE est consacré à la vision instaurée peu à peu l’économie numérique dans les rapports qui se tissent transformant les informations en services et applications mercantiles visant sans aucuns scrupules à exploiter puis à monétiser l’ensemble de nos comportements, à favoriser de nouveaux gisements financiers.

La vision de ce capitalisme numérique nous fait entrer dans une forme d’âge d’or qui entend personnaliser à outrance les réponses apportées individuellement à chaque consommateur. Ce capitalisme se donne également les habits d’une forme de grande communauté numérique, une forme de communisme vertueux, de société de partages avec l’émergence de services apparemment gratuits ou à des coûts marginaux. Mais cette offre numérique opère en réalité une conquête insidieuse, sournoise de l’esprit humain, c’est une conquête absolue de la vie humaine jusqu’à nous rendre dépendant, addicte en nous suggérant des réponses aux besoins et aux attentes qui s’expriment dans le quotidien. Les variables changent, le monde économique est en train de muter à toute vitesse vers le tout numérique, vers la dématérialisation. Cette mutation se traduisant par moins de travail pour les hommes, par des discriminations et des exclusions possibles, ceux socialement jugés indignes. Les mutations vécues via ce monde numérique se traduisent ainsi comme un changement de modèle radical, un bouleversement de paradigme, avec des implications sociales équivalentes à celles de la révolution industrielle.

Pour être appréhendé par le plus grand nombre, ce monde en mutation incessante nécessite de nouvelles grilles de lecture, pour les citoyens, les usagers d’un service, les consommateurs. Le monde numérique n’offre aucune assistance en face à face, mais une pléiade d’intelligences artificielles et de services, en changement permanent, suivant des modes et des tendances, à la merci de marchés à conquérir, ou de parts de marchés.

Que dire de tous ceux qui n’ont pas accès à ce type de services, qui sont donc de facto « exclus » des data. Seront-ils représentés ailleurs ? Comment et par qui ? Pas de téléphone, pas de place de ciné ; pas de courses, pas de commandes ; pas de smartphone lié à un compte, pas de livraisons etc…

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Nous assistons à l’émergence d’un nouveau modèle à la fois civilisationnel et économique.  L’économie numérique via les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle entend dessiner une forme de société vertueuse et idyllique, cachant en réalité la volonté d’intégrer l’ensemble des données qui caractérisent la vie humaine

Ce nouveau texte est consacré à la vision qu’instaure peu à peu l’économie numérique dans les rapports qui se tissent transformant les informations en services et applications mercantiles visant sans aucuns scrupules à exploiter puis à monétiser l’ensemble de nos comportements, à favoriser de nouveaux gisements financiers.

La vision de ce capitalisme numérique nous fait entrer dans une forme d’âge d’or qui entend personnaliser à outrance les réponses apportées individuellement à chaque consommateur. Ce capitalisme se donne également les habits d’une forme de grande communauté numérique, une forme de communisme vertueux, de société de partages avec l’émergence de services apparemment gratuits ou à des coûts marginaux. Mais cette offre numérique opère en réalité une conquête insidieuse, sournoise de l’esprit humain, c’est une conquête absolue de la vie humaine jusqu’à nous rendre dépendant, addicte en nous suggérant des réponses aux besoins et aux attentes qui s’expriment dans le quotidien.

Cette hyper personnalisation est sous tendue par le développement de capteurs de données qui se nichent dans toutes les dimensions de la vie incluant l’intime, les déplacements, les relations. Ces capteurs que sont les smartphones, les téléviseurs, les véhicules embarquant elles-mêmes des capteurs numériques, jusqu’aux compteurs d’énergie, en passant par les montres les bracelets numériques qui encerclent toutes les dimensions du quotidien du domicile à l’usage de sa voiture, de sa vie professionnelle à ses loisirs.

Ce modèle économique est également entrain de refondre le capitalisme moderne en déconstruisant la verticalité des circuits de production et de distribution, en développant également des services dématérialisés sans qu’il soit nécessaire d’avoir besoin de rapport avec un agent, c’est ainsi que le monde des assurances et de la banque se développeront sans qu’il soit nécessaire de s’appuyer sur des guichets ; les guichets seront virtuels, les contacts désincarnés.  La médiation qui s’incarnait à travers l’existence d’agents humains en contact, en relation, de succursales se manifestant au travers de contacts humains, tendra ainsi à se réduire puis sans doute à disparaitre.

Ce modèle économique déconstruit le rapport à la proximité et modifie substantiellement le rapport à la valeur dans un rapport à l’autre, nous devenons chacun d’entre nous une valeur « dématérialisée » et monétisée.

Le monde numérique est en train de façonner l’économie mondiale

Les chiffres publiés par l’UIT montrent que les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont connu « un essor sans précédent au cours des 15 dernières années, ouvrant ainsi de vastes perspectives pour le développement socio-économique »[1]. Les perspectives annoncées d’ici les quinze prochaines années, promettent également une expansion galopante des univers numériques embrassant d’autres domaines de notre existence, touchant à la santé, la sécurité, les déplacements, les rencontres.

La création de données numériques[2] n’a jamais été aussi féconde, l’augmentation est exponentielle. Plus de 40% de la population mondiale fait aujourd’hui usage d’Internet[3].

Entre 2000 et 2015, le taux de pénétration du web a été multiplié par sept, passant de 6,5 à 43% de la population mondiale.

Selon les estimations d’un rapport de l’UIT, 29% des 3,4 milliards de personnes dans le monde qui vivent dans des zones rurales seront desservies par un réseau mobile large bande 3G d’ici à la fin de 2015″

La proportion de ménages qui a accès à l’Internet au domicile a ainsi considérablement progressé, passant de 18% en 2005 à 46% en 2015.

Les ambitions des géants mondiales du web (Facebook, Google) sont également de numériser le monde entier[4]. Leurs projets sont de démultiplier les satellites ou les ballons stratosphériques pour se passer des opérateurs télécoms traditionnels afin de connecter les 4 milliards d’habitants n’ayant pas encore accès à Internet.

La révolution du digital se répand à la vitesse de l’éclair à l’échelle de l’histoire de l’humanité et de manière bien plus rapide que les précédentes révolutions industrielles de l’électricité et des télécommunications. Le monde entier est ainsi sur le point d’être connecté, aucun habitant de cette planète à terme ne sera oublié. Dans cette démultiplication exponentielle des connexions, l’univers numérique se confondra de plus en plus avec l’économie et pour l’ensemble des sphères de l’économie. En d’autres termes le monde numérique est en train de façonner le monde et ses conséquences doivent être appréhendées, analysées pour comprendre un autre aspect de la déconstruction de l’homme.   

L’homme comblé au sein d’un nouvel eldorado  

Dans des contextes de révolution digitale mondiale, souvenons-nous que le XIXème siècle consacra le primat de la matière sur l’esprit, le XXIème siècle lui entérinera en quelque sorte le règne du virtuel sur la matière, le règne des connexions internet sur les relations, le règne des robots sur l’outil comme prolongement du travail accompli par l’homme.

Il n’est pas contestable que la société consumériste qui accompagne les changements technologiques introduit un changement dans les rapports aux autres, promouvant outrancièrement leurs quêtes respectives du désir de s’accomplir, de se réaliser.

Le rêve de l’homme est toujours poussé à aller plus loin jusqu’à créer des réponses virtuelles ou matérielles de bonheur artificiel, le libérant des corvées, des servitudes, de la « sueur ».

Alain Ledain auteur du livre Chrétien dans la cité aborde « Le rapport narcissique de la société à la consommation ». L’auteur professeur de mathématiques décrit, comment d’une manière artificielle l’homme consumériste construit une représentation de soi, une idéalisation de l’égo… mais d’un soi déraciné, un narcissique arraché à sa réalité.

Il ajoute : « C’est comme si le monde cherchait à créer, non l’identité par ce que l’on est, mais « d’être » par ce que l’on possède. Les objets que l’on porte sur soi deviennent ainsi les marqueurs de cette identité, transcendant l’être dans ses émotions, sa culture, ses croyances.

L’idolâtrie des temps modernes, c’est le consumérisme qui joue à fond sur le plaisir de consommer, de posséder. Nous consommons, non seulement par utilité, mais pour combler des désirs. Il y a une véritable quête de plaisir ; plaisir qui favorise certains secteurs : les loisirs et les nouvelles technologies notamment. »

Au cours d’un discours prononcé à l’assemblé nationale[5], Victor Hugo ce géant de la littérature parlant de son siècle, le XIXème, soulignait déjà la tentation consumériste et mettait ainsi en exergue un même mal qui au fil de l’histoire de l’humanité ronge l’homme, lamine, broie, atrophie son esprit, la conscience du bien, du beau et du vrai.

Dans ce discours, Victor Hugo évoquera un mal « un mal moral, un mal moral profond nous travaille et nous tourmente ; ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles » puis plus loin il ajoute « Eh bien, la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel. Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission […] relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société. ». Que dire alors des tentations consuméristes associées à ce monde virtuel qui caractérise la société contemporaine, le discours de Victor Hugo aurait été identique à celui prononcé il y a un peu plus d’un siècle.

Dans texte admirable de Charles Péguy[6], texte qui fait écho à Victor Hugo, Charles Péguy souligne la Babylone matérialiste et consumériste qui se dessine et souligne ce mal chronique et puissant d’une société soumise au veau d’or :

« Pour la première fois dans l’histoire du monde, les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Et pour être juste, il faut même dire : Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et du même mouvement et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement qui est le même ont été refoulées par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement ont reculé sur la face de la terre. Et comme une immense ligne elles ont reculé sur toute la ligne. Et pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation ni mesure. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit… »

Gilles Lipovetsky dans son livre Le bonheur paradoxal décrivant la modernité, évoque à propos de cette société matérialiste quant à lui, l’idée d’une société dopante flattant la performance construite autour « des idéaux de compétition et de dépassement ». C’est l’impératif de l’optimisation de soi en toute situation, à tout âge et ce par tous les moyens. Gilles Lipovetsky dénonce ainsi cette société de la prouesse, cette société qui pousse les individus de façon continue à idéaliser les savoir-faire, les savoir être. Il faut se construire, se surpasser, toujours exceller, briller. « La société de performance tend ainsi à devenir l’image d’une nouvelle prévalence résultant de l’hyper modernité. »

La marchandisation numérisée et généralisée de la vie.

Dans ces contextes nous entrons dans une marchandisation totale et globale de toutes les parcelles de la vie sociale et des besoins qui l’accompagnent.

Cet extrait d’un article du monde[7] est tout à fait éclairant « Derrière les bonnes intentions déclarées des GAFA[8], l’objectif est bien de marchandiser toutes les parcelles de nos existences. La libération promise par les technologies est aussi notre prison ». C’est ce que le philosophe Eric Sadin souligne : « le modèle dominant développé par l’industrie du numérique consiste à offrir une infinité de « solutions » à l’égard de tous les moments du quotidien. Nous assistons actuellement à une « servicisation » généralisée de la vie ».

Nous « infiltrons » comme nous l’avons par ailleurs écrit dans un monde « serviciel » et dématérialisé ou tout est construit pour offrir la plus large palette de services, donnant l’illusion de combler la totalité des besoins dérivés de l’être humain, l’ensemble de ses désirs.

Au-delà de la marchandisation numérique des biens et des services, nous voyons le jour d’un nouveau commerce c’est aujourd’hui la marchandisation de tous les processus vitaux qui représente une nouvelle phase de la mondialisation et de la globalisation – concernant au premier chef le corps. Le corps humain constitue également et de nos jours une « matière première essentielle au déploiement de l’industrie biomédicale » et « destinataire des innovations biotechnologiques ». Ce corps en morceaux, en pièces détachées pourrait être demain achalandé dans les rayons du web. Cette marchandisation touchera non seulement le corps mais également la commercialisation du sperme et d’ovocytes, l’eugénisme « high tech », cette pratique d’achat en ligne du sperme semble avoir déjà eu lieu[9].

Il est impossible de ne pas songer dans cette réflexion sur la marchandisation généralisée de la vie au livre de Saint Jean Apocalypse 18, un passage au verset 11 aborde littéralement la vente des corps et des âmes d’hommes comme objets de commerce de la Grande Babylone.

L’eldorado numérique un leurre social et économique

L’eldorado numérique brosse l’idée d’une économie florissante, d’un nouvel âge d’or, libéré des astreintes de l’économie issue du monde réel. Les axiomes posés promettent un changement des paradigmes, promettant un monde libéré de toute attache, une liberté des consommateurs sans cesse augmentée, promettant à chacun du moins en apparence de n’obéir qu’à sa seule « autonomie », sa propre volonté. En fait le consommateur « autonome » sera assujetti à de nouvelles normes sociales encadrant son vouloir et son faire. Les normes sociales sans cesse codifieront les gestes, remplaceront les lois de l’ancien monde. La « disparition des lois » donneront l’illusion de la liberté, en réalité les normes s’avéreront être de véritables carcans, encartant la liberté de penser, de mouvement. Certes l’homme se considérera comme autonome mais non libre, libre de sa mobilité mais sans cesse surveillé.

L’eldorado numérique ne sera pas accompagné en réalité d’un plein emploi et risque bien, sinon avec certitude de créer de nouveaux fossés entre les riches et les pauvres. L’eldorado économique sera un leurre, une tromperie, l’économie numérique n’effacera et n’endiguera nullement le chômage. La croissance économique comme nous le savons n’est pas nécessairement associé à l’emploi, mais elle peut être adossé à des efforts de rationalisation et d’économie d’échelle avec la volonté drastique de toujours réduire le coût des ressources humaines dans la seule optique de satisfaire les investisseurs spéculateurs.

Comme l’écrivait Jacques Ellul dans son livre le Bluff technologique « Est-ce que les techniques de pointe nouvelles, ne seraient pas à l’origine de la crise économique (exactement l’inverse de ce que croient les politiques) ? L’hypothèse (qui est plus qu’une hypothèse, puisqu’elle reçoit un début de démonstration) avait été soutenue entre les deux guerres par des économistes comme Kondratieff et Schumpeter. Elle reparait aujourd’hui en reprenant la thèse essentielle de Schumpeter : le progrès technique représente le principal facteur dynamique caractérisant le développement économique, mais il a un effet déstabilisant en raison de son moment d’apparition, de sa vitesse de diffusion et de la multiplication de ses applications qui sont toutes perturbantes. Chaque grande innovation met en question des secteurs entiers des activités économiques, traditionnelles… »[10]

Ecrivain américain, futuriste et auteur de romans de science-fiction Ramez Naam dit que nous devons absolument prendre conscience du potentiel « chômage technologique » susceptible d’être engendré par l’économie numérique et robotique, par l’économie de l’automatisation. Ce non emploi des êtres humains sera créé par le déploiement sauvage de l’automatisation des technologies numériques et robotiques qui remplaceront demain le travail humain.   Pour conforter notre propos, nous renvoyons notre lecteur à son usage des autoroutes, s’il est un « vieux » conducteur, il se souvient sans doute, des aires d’autoroutes équipées de cabines dans lesquelles des hommes et des femmes effectuaient l’encaissement des paiements. Ces personnels des aires d’autoroutes ont finalement fini par totalement disparaitre, remplacés par l’automatisation des péages.

Ainsi l’auteur de romans de sciences fiction Ramez Naam, précise les enjeux prospectifs liés aux développement d’une société devenue hyper technique, numérisée et robotisée, en précisant les conséquences et les ravages d’un monde dominé par l’automatisation, l’« ordinisation » le pouvoir technicien.  L’un des enjeux décrit par le romancier est celui concernant « le taux de chômage potentiel des chauffeurs de taxi, les conducteurs de poids lourds, suscité vraisemblablement par des véhicules demain sans conducteurs, des voitures autonomes ».

Ce phénomène de destruction de l’emploi n’est certes pas nouveau, la problématique date des siècles, et a souvent galvanisé les transformations sociales les plus radicales. Un tel mouvement de transformation sociale tendra à s’amplifier avec la révolution numérique et transhumaniste. Pour éclairer notre propos et aller au-delà de la simple assertion, prenons quelques exemples issus de secteurs en pleine mutation, le textile, l’agriculture, la logistique e. commerce, le transport…

Jadis la fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des fileurs ou des tisseurs qui exerçaient leur activité à domicile. Or en quelques siècles les progrès techniques, la révolution technologique dans le monde du textile ont fait naître de grandes entreprises textiles économiquement plus performantes.   Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à l’origine de mutations considérables issues de cette révolution industrielle, révolution industrielle accompagnée de transformations familiales et sociales profondes.

De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les entreprises textiles les plus importantes se délocalisent vers les pays en voie de développement offrant une main-d’œuvre et des ressources moins onéreuses, tandis que la bataille concurrentielle suscite des développements techniques incessants tels que la robotisation, l’informatisation. Ces avancées technologiques permettent de réduire drastiquement les effectifs et d’améliorer sans cesse la productivité, hélas les conséquences sociales sont vécues comme une fatalité quasi programmée dans ce monde où la rationalité et l’efficience technique deviennent les règles d’une nouvelle gouvernance du monde marchand.

L’autre révolution touche également le monde paysan, l’image passéiste du paysan jardinier de nos campagnes se ringardise. Enfant j’arpentais et sillonnais les champs avec mon Père qui me faisait découvrir toute la biodiversité, et me sensibilisait à la terre, au monde des végétaux. Aussi loin que remonte mes souvenirs, je me souviens de chevaux qui tiraient une herse, c’était dans le début des années 60. La ferme de mes grands-parents occupait alors plus d’une dizaine de personnes vaquant à toutes les tâches agricoles y compris l’élevage.

Enfant, puis adolescent, J’étais le témoin d’une mécanisation progressive de la terre et d’une réduction drastique des personnels. La mécanisation de la terre se poursuit et au cours d’un échange avec mon père qui fut lui-même paysan, ce dernier me confia que pour viabiliser l’exploitation agricole, cette dernière devait être adossée à la fois à une gestion nettement plus techniciste et à la gestion d’une terre comprenant au moins deux cents hectares, demain probablement 400 hectares. En l’espace de 40 années de vie agricole, le monde paysan a vu le départ d’un nombre important d’agriculteurs et parfois même le suicide de nombreux paysans n’étant plus en mesure d’assurer leurs charges.

Or le monde agricole est en train de franchir un nouveau cap, l’agriculture comme l’univers industriel est en passe de vivre une profonde mutation[11], ces champs qui étaient l’espace du réel, une image d’un monde évoquant la nature sera lui aussi envahi par les drones, les robots, de nouvelles applications du génie génétique et du monde numérique, les GPS[12] qui constitueront demain les guides de machines sans chauffeurs.

Yves Darcourt Lézat dans un article le paysage une question de société souligne cette mutation qui se déroule à grands pas : « Le développement techno-scientifique qui prévaut depuis la fin du XVIIIeme siècle a changé la donne : la fonctionnalisation des espaces agricoles, l’industrialisation de l’agriculture, l’expansion des villes, le foisonnement des périphéries urbaines, la propension à “grossir coûte que coûte”, les spéculations à outrance… se conjuguent pour percuter des trames structurantes et leur substituer, trop souvent, l’exhibition spectaculaire d’une modernité conquérante et hégémonique, la gestion des flux et des temps primant sur la qualité et la singularité des territoires. »

L’agriculture vit sans doute la plus importante mutation de son histoire après celle du tracteur apparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans le monde agricole, les technologies toujours plus perfectionnées envahissent d’ores et déjà les exploitations. Les engins deviennent de super véhicules high-techs, les agriculteurs sont de plus en plus des hommes connectés, rivés sur leurs écrans et pilotant sans doute dans un très proche avenir de leurs bureaux, leurs « machines high tech » sans chauffeurs. D’ailleurs aura-t-on encore besoin de superviseurs humain pour contrôler un tel dispositif technique qui pourrait être contrôlé par lui-même.

La logistique « e. commerce » est également sur le point de connaitre une profonde mutation et l’exemple vient de l’une des quatre grandes entreprises du WEB, la société AMAZON qui a engagé une évolution majeure de son organisation, l’articulant autour de la robotisation de l’entreprise. L’enjeu pour l’entreprise est d’augmenter constamment l’efficience, ses cadences, ses marges, son efficacité et de remplacer l’humain par la machine effectuant les tâches de gestion logistique, de préparation des commandes.

La robotique n’est qu’un des aspects de l’innovation logistique made in Amazon.  Toutes les tâches liées aux contacts clients, à la vente des produits font l’objet des dernières applications techniques qui sont des concentrés de savoir-faire numérique, et de gestion des données.[13]

Dans le domaine du transport, c’est également là, l’autre révolution technologique qui n’est pas pour demain, mais qui est bel et bien amorcé. La « google car [14]» a été le premier prototype de véhicule de transport, piloté sans chauffeur grâce à de nombreux applicateurs, adossé à un système de guidage particulièrement sophistiqué.

Aujourd’hui c’est dans le domaine du transport collectif et également dans le transport de frets que les changements s’opèrent avec des expérimentations déjà mises en œuvre, y compris en France. Ces transports collectifs ou transports de marchandises sont aujourd’hui parfaitement en mesure de détecter les obstacles statiques et dynamiques, d’adapter et de synchroniser la conduite à l’environnement, en fonction également des flux routiers en journée.

Aujourd’hui, le remplacement des ressources humaines par l’automatisation, les systèmes de guidage, la robotisation s’étend au-delà de la production industrielle.

Dans les années 86, au début de ma carrière professionnelle, je menais une étude de marché sur la gestion automatisée des files d’attente et je fus conduis à rencontrer les administrations, les banques et les hypermarchés.

Un directeur d’hypermarché m’avait indiqué en 1987 lorsque je lui exposais le concept de caisse automatisée (produits auto-scannés par les clients sans l’intervention d’une caissière), que cette idée avait certainement un grand avenir et il pronostiquait l’avènement des caisses entièrement automatisées dans les cinquante prochaines années. Aujourd’hui et au début de ce XXIème siècle, dans les supermarchés, les caissières sont peu à peu remplacées par une série de machines enregistreuses en self-service qui permettent aux clients de transcrire leurs achats sous la surveillance d’un seul employé, ce qui est d’ailleurs le cas dans les enseignes IKEA.

Pour ceux qui appréhendent la menace que l’automatisation fait peser sur les travailleurs non qualifiés, la première réponse qui vient à l’esprit est d’adapter les ressources humaines, de former les salariés. Mais voilà inéluctablement le progrès technologique commence également à détruire, anéantir les emplois qualifiés, y compris les emplois hautement qualifiés, et il n’y a probablement aucune sphère qui ne soit demain impactée par la conquête technique celle de la digitalisation, robotisation, de l’automatisation et de l’« ordinisation ».

La déshumanisation de la société est dès lors bel et bien en marche et cette marche est incontestablement violente et augure d’une prochaine barbarie à visage économique.

Vers l’ubérisation[15] de la société

La question à ce jour est d’appréhender la capacité de l’homme à s’adapter à un monde en perpétuel changement, à des changements qui se dessinent avec la mutation révolutionnaire de l’économie numérique susceptible d’engendrer de nouvelles crises sur l’emploi. C’est « l’uberisation » de la société qui est en route, un phénomène social récent dans le domaine de l’économie numérique qui se traduit par l’utilisation de services permettant ainsi aux professionnels comme à leurs clients de construire des transactions commerciales directes, de manière quasi-instantanée, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. La mutualisation de la gestion administrative et des nouveaux systèmes de l’économie numérique réduit de facto le coût de revient de ce type de service mais cette ubérisation n’est pas sans conséquence sur la vie sociale des artisans qui légitimement s’inquiètent des développements et des avancées du monde numérique, d’un monde transhumaniste.

Dans ce contexte de bouleversements introduits par l’industrie numérique, la robotique et l’intelligence artificielle, il importe de prendre conscience du leurre numérique, fossoyeur social des temps modernes et des desseins qui se dessinent dans un monde qui chancelle, dont les fondations au fur et à mesure des avancées de la technique fragilisent les ressources issues de la vie relationnelle, les rapports entre les hommes, les équilibres des écosystèmes dans lesquels l’humain est fondamentalement inscrit. Inévitablement les bouleversements conduiront les salariés dans l’ensemble des secteurs économiques à des situations anxiogènes, des troubles résultant de taux massifs de chômage, d’effondrements sociaux et de crises déconstruisant les liens au sein même des familles.

Le client consommateur sous contrôle de l’intelligence artificielle

Nous sommes nombreux à avoir effectué des achats sur des sites Internet, nous ignorons sans doute que pendant l’achat, des robots assistants peuvent guider le client en comprenant et interprétant ses besoins et en enrichissant l’expérience client. L’intelligence artificielle est devenue de façon quasi incontournable, l’outil informatique intrusif mobilisé par les plateformes des grandes enseignes d’achat du monde numérique. L’Intelligence artificielle est devenue ainsi un outil capable de fouiller les habitudes, de suggérer, d’adapter les réponses, capables même d’empathie envers le client.

Pour Catherine Michaud[16] ; l’intelligence artificielle est devenue l’instrument de la relation client permettant de comprendre les modalités d’achat et d’interpréter les données de l’achat client[17]: « L’intelligence artificielle offre une capacité de connaissance qui devient infinie. Non seulement c’est de la connaissance en temps réel mais elle apporte en prime une information précise et puissante dans la relation client ». Elle inaugure aussi une nouvelle ère dans la relation client car elle est adaptative. Elle permet en amont du parcours d’achat d’aller chercher et interpréter des données dans le monde ouvert.

 Le monde de la finance régulée par la machine[18]

Le monde des transactions boursières manifeste un appétit marchand de plus en plus dévorant. Ce monde de la finance est aujourd’hui au pouvoir des algorithmes et des logiciels les plus sophistiqués. Les transactions boursières s’effectuent au moyen de robots, surnommés les robots de trading.  Les démarches spéculatives et organisées au moyen d’algorithmes et de techniques élaborées permettent d’engranger des revenus substantiels mais totalement immoraux puisque fondés sur des gains spéculatifs et virtuels.

Ainsi l’ensemble des volumes de transactions sur les marchés de la bourse sont désormais traités par de nouveaux acteurs non humains mais des traders technologiques appelés « les traders à haute fréquence ». Pour l’expliquer en des termes simples, le trading à haute fréquence consiste à recourir de façon automatisée à des algorithmes et des technologies sophistiqués pour repérer et exploiter les mouvements de marché avec une échelle de temps d’une dizaine de millisecondes, un temps qui ne saurait être maitrisé par l’homme.

Citons le journaliste suisse François Pilet[19] « On est passé d’une seconde à une microseconde [un millionième de seconde qu’on peut appeler la nouvelle seconde puisque c’est la nouvelle unité de temps du fonctionnement des marchés : c’est un million de fois plus petit. Un exemple : si vous prenez une journée et que vous l’agrandissez un million de fois ça fait 4000 ans de transaction boursière et durant ce temps, il se passe beaucoup de choses. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui dans une seconde il se passe énormément de choses. »

Les transactions menées au moyen des logiciels sophistiqués totalisent désormais plus de la moitié des échanges sur les marchés de la bourse. Ces transactions traduites en ordres de bourses (acheter ou vendre) se réalisent dans des temps qui ne peuvent être gérés par l’être humain puisque les transactions s’opèrent en millième de seconde.

Or ces transactions, ces ordres de bourses confiées aux algorithmes ont été la cause de dysfonctionnements graves, d’un mini krach le 6 mai 2010[20] et les problématiques posées aujourd’hui par l’intervention de ces traders non humains inclinent largement à penser qu’une régulation de leur usage est devenu absolument nécessaire.

La révolution numérique est aussi une révolution sociale et économique effeuillant l’individu

La révolution numérique a commencé, elle relève bien plus que d’une innovation majeure, d’un événement technique fascinant, cette révolution touchera en réalité toute la vie sociale d’abord en la décryptant puis en l’organisant. SI le lien social à l’heure numérique est « fabriqué » par les ordinateurs, la numérisation du monde franchira un nouveau pas, en emmagasinant toutes les données concernant notre quotidien puis en contrôlant une vie sociale intégralement numérisée. Avec ce monde numérique à qui nous léguons de l’information sur nous-même ; nous sommes sur le point de lui troquer une partie de nous-même croyant gagner la liberté, la fluidité, la facilité, le gain de temps, or nous sommes sur le point de lui céder notre âme contre un nombre.

Nous sommes comme chacun le sait, environnés d’objets numériques, nous nous en accommodons depuis trois décennies. Nous sommes également usagers de cartes de paiement contenant un microprocesseur (une puce) capable de traiter une information. Chaque fois que nous faisons usage d’internet, que nous réalisons une commande sur un site commercial, laissons un commentaire sur un réseau social, effectuons un achat avec notre carte bancaire, nous laissons une trace, nous abandonnons une information, nous communiquons une partie de nous-même.

Cette trace est une donnée, elle constitue un support d’informations, propagée dans l’environnement du WEB mais également exploitée par les réseaux bancaires. Ces données, associées à nos usages d’internet, nos usages de paiements numérisés sont immédiatement consignés. Toutes ces données indexées, enregistrées, autorisent de fait une lecture de nos pratiques, de nos habitudes d’achat, de nos façons d’utiliser les réseaux sociaux.

Peu à peu notre personnalité numérique s’affiche, nous devenons un livre ouvert (là où un livre ne donne accès qu’à des connaissances, votre personnalité numérique ouvre les portes de votre intimité), une forme de tableau qui restitue peu à peu une image et au-delà même une identité. Nous constituons peu à peu un matériel d’informations pour les géants du WEB et pour l’ensemble des acteurs du monde bancaire. Aujourd’hui ces acteurs, ceux du WEB et du monde bancaire sont conscients de posséder une mine de renseignements.

Or, posséder cette double information touchant simultanément les registres des comportements sociaux et de consommation, constitue le rêve d’une société totalisante qui pourrait de fait posséder une forme de pouvoir et de contrôle sur les individus. Dans ce nouveau chapitre, nous vous invitons à regarder avec nous comment ce processus est devenu possible. Nous vous convions à comprendre pourquoi notre monde est en train de basculer, de dériver vers une forme d’asservissement des êtres humains.

La numérisation du secteur bancaire

La numérisation du secteur bancaire est en marche : « La numérisation pousse les banques vers la plus grande transformation de leur histoire », de nombreuses banques se sont d’ores et déjà lancées dans le monde digital. Cette révolution est également inquiétante, elle augure une nouvelle fois une déshumanisation du monde dans lequel nous entrons inévitablement.

Le constat de cette révolution numérique est sans appel, les agences dans le secteur bancaire sont de moins en moins sollicitées, fréquentées. En effet, dans des proportions de plus en plus importantes, les usagers déjà largement familiarisés au monde numérique, ont pris l’habitude, de consulter leurs comptes à partir de leurs écrans tablettes, ordinateurs, smartphones…

C’est l’organisation de la banque de détail qui a maillé autrefois les territoires qui est remise en cause radicalement. Cette transformation que le monde numérique opère, n’affecte pas seulement le monde bancaire : nous n’évoquerons pas ici la disparition des services dans certaines zones de nos territoires, tels que les services sociaux, la Poste, les points de distribution s alimentaires, les écoles, les maternités etc. qui sont autant d’agoras, de lieux désormais inopérants.

Aujourd’hui le modèle économique bancaire (la banque de détails) est confronté à des crises successives, à une baisse implacable des fréquentations de clientèles.  L’accélération et la conversion de la banque de détails au modèle d’organisation numérique de la banque digitale se sont littéralement imposées.  Cette mutation numérique est un couperet net en matière de nombre d’emplois.  Pourtant le consommateur lambda ne se lamente pas de la disparition de son guichetier, il voit à travers ses opérations effectuées sur son smartphone, un gain de temps extraordinaire, fini pour lui les files d’attente interminable et ses rendez-vous ratés.

Face à ce phénomène touchant les nouvelles pratiques de ses clients, les banques sont conduites à faire évoluer leurs services, elles seront à terme amenées à diminuer physiquement le nombre de succursales. Nous pourrions d’ailleurs parier la disparition prochaine des agences bancaires de proximité. Cette disparition se fera au profit du monde des portables téléphoniques, ces smartphones deviendront ainsi le premier guichet pour bon nombre d’usagers.

Le monde bancaire deviendra digital, c’est l’autre révolution qui est en marche. Le client pourra éventuellement rencontrer son conseiller sur écran avec « Skype », ou échanger avec une intelligence artificielle sur d’éventuels conseils financiers, des transactions ou des demandes de prêts. Les conséquences pour les salariés seront évidemment dramatiques, l’emploi dans le secteur bancaire subira les effets de la numérisation. Cette numérisation de la banque aggravera, accentuera la baisse tendancielle des effectifs déjà connue dans le monde bancaire. Cette tendance mondiale ne touche pas seulement le monde bancaire. La recherche du profit via la numérisation du monde économique n’est que le facteur d’une transformation majeure de nos sociétés : le travail n’est plus ainsi le seul outil de répartition des richesses.

C’est cette fragilité du monde bancaire qui pourrait bien constituer le socle des ambitions des géants du WEB, de leurs velléités à vouloir franchir un nouveau cap dans la gestion des profits en exploitant au mieux les « datas » de leurs clients.

L’intrusion du monde bancaire dans la vie privée des consommateurs

Comme nous l’avons déjà largement appréhendé dans le livre « La déconstruction de l’homme », les nouveaux services déclinés par les géants du WEB apportés aux consommateurs seront de nature à chambouler la donne des grands équilibres économiques actuels. À terme ces bouleversements seront inévitablement destructeurs de valeurs.

L’autre réalité du monde numérique, c’est celui d’avoir fait émerger un média (le WEB) qui a généré de multiples marchés sans équivalent dans le monde, cassant certains monopoles de la distribution et du commerce physique. Demain, il est à parier que c’est l’ensemble du monde bancaire dans sa forme traditionnelle, qui sera remis en cause.

Ce monde numérique génère dès lors des problématiques nouvelles, typiques parce que nous sommes face à de nouveaux géants mondiaux (Google, Facebook, Apple, Amazon…) qui cumulent des caractéristiques leur conférant un pouvoir sur les marchés économiques sans égal au monde. Les géants du numérique ont ainsi une parfaite maîtrise des algorithmes. La maîtrise  liée à la gestion des data (données sur nos usages, nos opinions, nos humeurs, leur confère à ce jour la détention de données comportementales, touchant à nos représentations, croyances, convictions, sans équivalent dans le monde. Mais le risque à venir, c’est celui du franchissement d’un nouveau « Rubicon », croisant les « data » de notre vie sociale et les « data » de consommations gérées par le monde bancaire.

Il n’est pas inimaginable de concevoir l’émergence au sein même de l’économie numérique de nouvelles alliances, entre les géants du WEB et le secteur bancaire. Les géants de l’Internet ne font plus mystère de leurs ambitions de développement dans les services bancaires et notamment dans le domaine des paiements, de monnaies électroniques (Facebook serait en passe de réfléchir à de nouvelles modalités d’échanges entre consommateurs, permettant aux usagers du réseau social de procéder à des transferts d’argent entre eux). Votre téléphone scanne les codes-barres et peut permettre déjà dans de nombreux pays, d’effectuer des paiements de factures, de les effectuer chez les commerçants. Dans ce monde totalement numérisé à terme, les banques et les opérateurs de téléphonie mobile ne feront plus qu’un dans l’émergence de ce nouveau marché.

Nous le savons bien , les moyens de paiement transitant par la banque est une des sources de revenus du monde bancaire. Comment alors ne pas se saisir pour les géants du WEB, d’une telle aubaine et telle une pieuvre, agripper une nouvelle proie augmentant ainsi sa soif intarissable de puissance et de domination.  La connaissance du client et la possibilité de gérer le risque prédictif le concernant, sont sans doute l’investissement à venir. La capitalisation des données clients pour adapter les services et générer des sources de revenus est sans doute l’autre enjeu.

Comme me le confiait le cadre d’une très grande banque française, le client n’a plus de secret pour sa banque. La monétisation numérisée de nos moyens de paiement (5,9 milliards de transactions par an sont effectuées en France) nous rend soudainement totalement transparent aux yeux de notre banque. Grâce à ses algorithmes en un clic, la banque est en effet en capacité aujourd’hui, d’analyser le profil des comptes de ses clients. Le client est mis à nu, effeuillé, la banque sonde les data des achats effectués, l’intégrité et la plénitude du portrait de son client se dessinent.

Sur l’écran, le banquier a immédiatement connaissance des caractéristiques des dépenses et du profil risque que représente le client. La banque croise, analyse, recoupe les données, établit des corrélations, structure les informations touchant les dépenses, les mouvements des comptes. Une véritable intrusion s’organise. Une connaissance fine et détaillée du client se déploie sous les yeux du banquier. Le client devient prévisible, il est possible de le catégoriser, de le caser dans des typologies de client Pépère, client Flambeur, client Prometteur, client sans Avenir.

C’est toute la vie du client qui se confesse devant ses yeux, même si ce dernier s’imagine qu’il n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier. Aucune autre entreprise, comme la banque ne détient ainsi autant de données sur ses clients : revenus, propension à dépenser ou au contraire à épargner, enseignes fréquentées, habitudes alimentaires, dépenses santé. Le client est dévisagé, totalement dévisagé. Dans ce jeu des data, la banque est en mesure d’apprécier les évolutions, les changements intervenus, les rythmes de consommation, y compris l’intime du client ce que lui-même n’oserait confier à ses amis, sa banque, elle en revanche le sait. Le client ne saurait alors tricher, mentir, les demi-vérités n’existent pas pour le banquier.

Le client est en quelque sorte en train de devenir un livre ouvert, un livre que toutes les entreprises aimeraient pouvoir lire, que des organisations étatiques, que les géants du WEB, pourraient bien vouloir sonder, si les mesures touchant à la sécurité des citoyens devaient se développer. D’ores et déjà ces big data bancaires savent localiser les déplacements, les lieux que vous fréquentez, les habitudes, les récurrences de ces achats.

Le mariage quasi diabolique du secteur bancaire et des GAFA

Mais le plus inquiétant est à venir, face à la puissance financière des big data, nous pourrions dans un proche avenir, imaginer sans peine les fusions des majors de la finance mondiale et des entreprises comme Google et Facebook.

Le souci de la connaissance client est en effet un axe de développement primordial pour le secteur bancaire et d’ailleurs cela est aussi vrai pour l’économie numérique, qui peut espérer l’emploi et l’usage des nouvelles formes d’interactivité offertes par les réseaux sociaux. Les mondes des réseaux sociaux et des data exploités dans le secteur bancaire, inéluctablement et inévitablement s’intriqueront et se croiseront.

Dans ce monde déjà dystopique, les partenariats  entre les secteurs bancaires et les géants du WEB se renforcent. La collaboration entre les banques et les géants du numérique, œuvre pleinement en ce sens. Ces collaborations s’appuient sur une nouvelle gouvernance des rapports clients, construite autour d’une feuille de route nécessairement commune celui de la connaissance du client. Mais au-delà des ententes possibles et envisageables, il est tout à fait concevable que les géants du WEB, disposeront demain de leurs propres moyens de paiement comme nous l’avons indiqué en préambule en évoquant cette possibilité par Facebook de permettre à ses internautes de transférer de l’argent numérique entre eux.

Les géants du WEB disposent de moyens financiers colossaux et sont en mesure de déstabiliser les banques traditionnelles, de faire demain irruption non seulement sur les marchés des moyens de paiement mais également de l’épargne.

Notons, pour illustrer notre propos, ce service de paiement en ligne appelé PayPal qui permet de payer des achats, de recevoir des paiements, d’envoyer et de recevoir de l’argent. PayPal a été créé en 1998 par la fusion de deux start-ups : Confinity et X.com. En 2002 PayPal a été racheté par la société eBay pour 1,5 milliard de dollars US, ce rachat était expliqué par l’usage important du site d’enchère lié aux transactions utilisant ce service de paiement en ligne.  Nous voyons bien dès lors l’intrusion de sociétés spécialistes du WEB investissant le monde bancaire et la possibilité immense d’exploiter allégrement les données clients pour augmenter le pouvoir d’informations sur les clients.

Le secteur bancaire est sur le point de connaître  des bouleversements sans précédent quand on sait aujourd’hui à quel point les consommateurs sont devenus si familiers avec l’usage de leur smartphone, dont la convivialité d’usage est devenue si intuitive. Le smartphone devenant à terme le concurrent de la banque de proximité, du guichet bancaire, qui pourrait à terme disparaître. Rappelons ce chiffre, 67 % des détenteurs de smartphone (étude TNS Sofres) se servent de leur téléphone mobile pour effectuer des opérations bancaires. Les Banques se doivent dès lors de suivre en permanence les performances de leurs supports on line de manière à les faire évoluer afin de s’adapter aux nouvelles pratiques consuméristes de leurs clients.

Mais au-delà de la disparition plus que probable du guichet bancaire, le plus inquiétant n’est sans doute pas cette transformation inévitable des modalités de vente, d’achat, d’emprunts bancaires mais bien l’utilisation intrusive des données touchant les comportements de consommation et les croyances des consommateurs. Il deviendrait donc aisé en numérisant les connaissances des comportements et les connaissances des croyances de tracer, de suivre, d’ausculter, de surveiller chaque consommateur. Le consommateur ne devenant ainsi qu’un nombre.

Nous comprenons alors beaucoup mieux la dimension prémonitoire que nous trouvons dans le livre de l’apocalypse 13.17 : « personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom ».

Les perspectives discriminantes du monde numérique

Les variables changent, le monde économique est en train de muter à toute vitesse vers le tout numérique, vers la dématérialisation. Cette mutation se traduisant par moins de travail pour les hommes, par des discriminations et des exclusions possibles, ceux socialement jugés indignes. Les mutations vécues via ce monde numérique se traduisent ainsi comme un changement de modèle radical, un bouleversement de paradigme, avec des implications sociales équivalentes à celles de la révolution industrielle.

Pour être appréhendé par le plus grand nombre, ce monde en mutation incessante nécessite de nouvelles grilles de lecture, pour les citoyens, les usagers d’un service, les consommateurs. Le monde numérique n’offre aucune assistance en face à face, mais une pléiade d’intelligences artificielles et de services, en changement permanent, suivant des modes et des tendances, à la merci de marchés à conquérir, ou de parts de marchés.

Que dire de tous ceux qui n’ont pas accès à ce type de services, qui sont donc de facto « exclus » des data. Seront-ils représentés ailleurs ? Comment et par qui ? Pas de téléphone, pas de place de ciné ; pas de courses, pas de commandes ; pas de smartphone lié à un compte, pas de livraisons etc…

Nous parlions dans un précédent article du vol de données, nous reposons la question, tout en voulant bien accepter le bond en avant que constituent toutes ces avancées, il est plus facile aujourd’hui de pirater un téléphone que de cambrioler une banque : avantage ou inconvénient du numérique… ?

Enfin pour terminer cet article, nous aimerions donner une illustration à l’ensemble de notre propos, cette illustration nous vient de Chine. L’état chinois entend en effet utiliser les fameux big data pour mieux évaluer ses citoyens dans leurs actes sociaux et citoyens, leurs bonnes conduites par exemple comme automobiliste, leurs comportements vis-à-vis du parti unique. Sur quelques zones tests la chine met ainsi en place, un dispositif d’évaluation qui permettra aux personnes les mieux évaluées d’accéder à tels ou tels services, d’autoriser ou non ses citoyens à voyager hors de chine. Cette information nous l’avons relevé dans un article écrit dans la revue la Tribune publié le 24 octobre 2016 dont nous vous proposons un extrait :

« Prévu pour 2020, ce dispositif dénommé « Système de crédit social »[21] doit collecter les données des 700 millions d’internautes chinois. Du respect du code de la route aux discours tenus sur les réseaux, tout élément pouvant décrire le comportement d’un citoyen est comptabilisé. Il suffit donc d’un feu rouge grillé pour voir sa note s’abaisser. »

[1] http://www.itu.int/net/pressoffice/press_releases/2015/17-fr.aspx

[2] 90% des données numériques ont été créées durant ces deux dernières années

[3] Données issus d’un rapport de la Banque Mondiale.

[4] http://www.numerama.com/sciences/188251-les-ballons-stratospheriques-de-google-une-opportunite-pour-le-cnes.html

[5]http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/victor_hugo/discours_fichiers/seance_11novembre1848.asp

[6]  Charles Péguy – L’argent (1913) Éditions des Équateurs parallèles, 1992, p. 29-37.

[7] Le Monde du 14.02.2016.  citation extrait d’un article rédigé par Lionel Meneghin (Rédacteur en chef du magazine « Dirigeant »)

[8] GAFA est l’acronyme de Google, Amazon, Facebook et Apple

[9] http://www.e-sante.fr/achat-sperme-en-ligne/actualite/1454

[10] Citation de Jacques ELLUL reprise du livre le Bluff technologique Page 465 Pluriel.

[11] Lire l’article de Romain Charbonnier Demain l’agriculteur sera encore-t-il dans le pré : http://acteursdeleconomie.latribune.fr/territoire/attractivite/2015-10-08/demain-l-agriculteur-sera-t-il-encore-dans-le-pre.html

[12] GPS : « Global Positioning System ». « Système de positionnement par satellite ». Système qui permet de se repérer et de se mouvoir par guidage satellite.

[13] Nous vous renvoyons à l’article des échos, qui décrit la révolution technologique engagée par la société AMAEON

http://www.lesechos.fr/16/10/2015/LesEchosWeekEnd/00003-009-ECWE_amazon-danse-avec-les-robots.htm#SRQFjikaGUxEGJOi.99

[14] La Google Car est un système de pilotage automatique pour automobile aidé de radars, caméras vidéo et GPS lancé en octobre 2010 par la société Google devenu Alphabet

[15] Ubérisation est un néologisme un terme provient de l’entreprise Uber qui a généralisé à l’échelle planétaire un service de voiture de tourisme avec chauffeur entrant directement en concurrence avec les taxis.  Ce service se caractérise par la mutualisation des ressources et la faible part d’infrastructure lourde (bureaux, services supports, etc.) dans le coût du service, ainsi que la maîtrise des outils numériques.

[16] Catherine Michaud est CEO d’Integer et administrateur à l’AACC.

[17]Extrait d’un commentaire paru sur le web e.marketing :  http://www.e-marketing.fr/Thematique/general-1080/Breves/Intelligence-artificielle-quelles-opportunites-marques-308916.htm#lbH6mDwoSU5xtW0z.99

[18] http://www.creg.ac-versailles.fr/la-regulation-de-la-finance-et-ses-limites

[19] Citation de François Pillet extraite du site France Inter

[20] https://www.franceinter.fr/emissions/l-enquete/l-enquete-08-avril-2016

[21] Extrait de l’article lu dans la tribune : http://www.latribune.fr/economie/international/chine-le-big-data-pour-noter-les-citoyens-et-sanctionner-les-deviants-610374.html

 [Auteur in1]smartphones (tout pluriel)

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 [Auteur in4]maîtrise

 [Auteur in5], (virgule)

 [Auteur in6]Entre les

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