La barbarie moderne

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal.

Texte de Eric LEMAITRE

En 2014, je publiais sur le site d’Éthiques Chrétiennes, sous un pseudonyme un texte qui était une réflexion sur la barbarie, je décidais de l’exhumer et de l’intégrer à mon nouvel essai, car de façon intuitive il évoquait déjà la trame d’un monde en passe de se déchirer, broyé par les exactions, les outrances, les violences, mais aussi par des lois iniques qui deviennent de véritables abominations comme celles qui ont recueilli un premier assentiment favorable lors d’un premier vote de l’Assemblée nationale[1] et qui concernait selon mes termes l’autorisation de l’infanticide au terme de l’accouchement sous prétexte que la femme en souffrance psychologique ne pourrait assurer sa maternité. L’humanisme de la loi vient en l’état, légitimer le crime d’un enfant innocent qui lui n’a pas demandé qu’une telle peine lui soit infligée. On s’étonne qu’en pleine pandémie, le gouvernement et les élus de la nation veuillent s’attarder à voter de nouvelles mesures bioéthiques. Ces lois bioéthiques qui forment comme beaucoup l’ont auparavant écrit avant moi, une antiphrase, une loi qui n’est ni bio, ni éthique. Ni bio, car cette loi promeut le recours à des techniques artificielles et contre nature pour répondre aux désirs de femmes ne pouvant enfanter, de leur accorder cette possibilité, d’être elles-mêmes enceintes. Ni éthique, car aucune limite n’est en réalité donnée à des « expérimentations invraisemblables [2]» notamment en autorisant la recherche à des fins médicales sur les chimères mêlant le génome humain et le génome animal. Ainsi il sera plausible avec l’aval du législateur d’introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal. En implantant L’embryon dans l’utérus d’un animal, les chercheurs espèrent ainsi développer des organes humains chez des animaux en vue d’une transplantation dans un corps malade. Ces organes pourraient être, en effet, prélevés pour être à nouveau greffés sur des patients humains malades. Il y invariablement dans l’avancée des progrès scientifiques encouragés par la loi, une coloration très humaniste pour nous faire avaler la pilule puis reléguer les opposants à ces lois mortifères, dans le camp de radicaux malfaisants, empêchant la marche du progrès transhumaniste.  

Notre époque assiste à une forme d’accélération de la déconstruction de l’homme ; le pire est le rapprochement d’une dissolution totale de ces civilisations, civilisations qui fuient vers le consumérisme, le nihilisme, l’eugénisme, le technicisme, ou le fondamentalisme. Il est frappant que dans ces périodes de crise, de relever la propagation de la violence, de l’empilement des maux qui viennent submerger les nations. Ouvrons le journal et c’est l’étalement de l’horreur qui se répand sur la terre. Même l’Europe à ses portes est en proie à des exactions et à des déchirements qui lui font craindre le pire. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020 à Reims, un quartier Rémois a été confronté à des violences urbaines, à des tirs de mortiers et à une série d’incendies, il n’y a pas eu de blessés, mais on relève comme une forme « d’ensauvagement[3] » généralisée de la société, une jeunesse qui transgresse tous les interdits et ne se prive pas de braver les lois, d’enfreindre la tranquillité des quartiers. Dans le même département et quelques jours plus tôt précédant les événements vécus à Reims, la ville de Saint-Dizier était également en proie à des tensions urbaines. L’année 2020 est ainsi traversée par des épisodes de brutalités, d’exactions parfois communautaires comme nous si nous vivions à une forme de dérèglement de la planète impactant toutes les dimensions sociales, comme climatiques ou sanitaires. Le monde en délogeant le Dieu du ciel et toutes ses lois a finalement engendré le lit de la « barbarie » en abandonnant les valeurs prétendues civilisationnelles et morales, les repères, les attaches, les piliers qui nous faisaient discerner le Bien et le Mal. L’occident au cours de son histoire s’est longuement, fait le chantre de la civilisation, en s’identifiant à ce processus des nations civilisatrices, considérant les autres nations comme primitives rassemblant des barbares, dans le sens d’êtres attachés à une vie archaïque, de personnes qui ne connaissent pas ou sont demeurées dans l’ignorance des références qui qualifient la civilisation. Le mot même de barbare était entaché par une notion d’inculture avant d’embrasser plus tard celui de cruauté, pendant longtemps le corollaire de la cruauté fut ainsi associé à celui de barbarie.   

Cette époque de relativisation qui caractérise les dernières décennies précédant le XXIe siècle, a accouché les idéologies les plus extrêmes, celles de déconstruire l’homme, en enfantant les lois les plus radicales, l’aliénant. Ce constat contemporain nous renvoie plusieurs millénaires en arrière à ce récit de la Genèse qui depuis la chute de l’homme, cette rupture avec Dieu est entrée dans un cycle de violence. Cycle qui commença avec Caïn : ce dernier assassine son frère. Pourtant, Dieu entend casser ce cycle pour ne pas engendrer des générations de meurtriers ; Il protège Caïn comme la manifestation d’un premier signe de sa grâce. La violence telle qu’elle est décrite dans le livre de la Genèse, est devenue l’un des maux qui couronne les autres calamités traversant l’humanité. Mais qui en est responsable ? La Bible déclare que toute chair porte cette responsabilité : c’est le commentaire extrait du livre de la Genèse au chapitre 6, verset 11. « Toute chair est corrompue, la terre s’est remplie de violence ». La violence ne résulte pas ainsi et en soi d’une catégorie d’hommes. Intrinsèquement et structurellement toute chair porte en elle cette dimension de corruption et de violence qui en représente l’aboutissement. La violence est quelque part destructrice et les traumatismes l’accompagnant, dévastateurs. La violence est autant du fait d’individus que d’organisations ou d’états. Avortements, crimes, terrorisme, génocide constituent les illustrations de la violence menée à son paroxysme, et ce à différentes échelles, de l’individu à l’état. La violence demeure une forme de corollaire de la barbarie. Les sociétés violentes sont imprégnées d’une forme de nihilisme de la pitié, une contre-humanité. La violence, est-elle lors la traduction de la barbarie ou le retour à la barbarie primitive ? La dimension même de la barbarie est devenue une expression qui a été au cours des dernières années, utilisée à de nombreuses reprises par les médias et sur réseaux sociaux, pour évoquer la cruauté de l’Etat Islamique (L’EI), la monstruosité, l’inhumanité d’hommes qui sous couvert d’une idéologie s’emploie à imposer une conception religieuse et ultra-légaliste de leur monde au mépris des cultures, des valeurs, des croyances d’autres peuples, d’autres humains.

L’expression de cette barbarie brutale, atroce secoue l’entendement et les consciences à l’aune d’un XXIe siècle en proie à de profondes mutations culturelles, sociétales, écologiques, politiques. Siècle soudainement secoué par des images féroces qui traduisent l’insensibilité et la bestialité d’hommes qui s’excluent du coup du genre humain, tant les actes commis nous font horreur, abîment et blessent l’image même de l’homme lui-même image de Dieu, d’un Dieu compassionnel. Le mot barbare ou d’autres mots similaires reviennent sur toutes les lèvres, mais les mots mêmes sont impuissants et révèlent parfois leurs limites. L’emploi du mot barbare couvre comme nous l’avions déjà rappelé deux notions que déclinent la cruauté et l’archaïsme. Cette cruauté est devenue une forme même d’inculture poussée à son paroxysme, mais associée le plus souvent à l’archaïsme. Pourtant, l’absence de culture n’a pas toujours caractérisé ceux que l’on qualifiait de barbares. Contrairement à l’idée reçue la Barbarie n’est pas systématiquement l’inculture L’histoire récente, nous renvoie ainsi et pour mémoire à l’idéologie nazie, où certaines figures cruelles de cette idéologie inhumaine ont été éprises de cultures. Ces mêmes nazis ont porté au pinacle des œuvres qui ont marqué l’humanité, voire jusqu’à les protéger. Le savoir civilisé, soi-disant policé de l’Europe n’engendra-t-il pas d’une certaine manière un monstre, le monstre lui-même célébré par le philosophe Heidegger qui ne se dissimula pas, de partager les thèses nazies. Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » nous évoque avec stupeur un paradoxe sur la culture anthropologique : Le plus barbare n’est pas nécessairement celui que l’on se figure. Ainsi le plus sauvage n’est pas nécessairement celui que l’on a coutume de caractériser à l’aune de nos constructions culturelles et des représentations de notre civilisation qui impactent et influent ces mêmes représentations. Le cannibalisme n’est pas ainsi l’exclusivité ou l’apanage des hommes que l’on qualifie habituellement de primitifs, une forme de « cannibalisme » peut aussi caractériser les civilisations dites les plus avancées. Dans sa vision critique, Montaigne juge en évoquant sa propre civilisation que les cannibales du royaume s’avèrent bien plus barbares que ceux du royaume des cannibales. « Les cannibales du royaume sont spécialistes en trahison, tyrannie, cruauté et déloyauté, accusant les « barbares » d’attitudes qui se révèlent pourtant moins graves que les leurs, et ceci sans démarche d’introspection. » Pour poursuivre son analyse Montaigne juge les guerres de religion notamment l’inquisition et fait valoir qu’elles ne sont pas plus civilisées que les rituels d’anthropophagie des cannibales, « mangeurs de chairs humaines ». La barbarie participe d’une forme d’aliénation de l’être humain comme différence. Nous osons en effet aborder la notion de barbarie comme l’expression même de la violence, une violence qui est le mépris de l’autre, de l’humain, le mépris de la différence, une violence qui est tout simplement la négation de l’autre, l’aliénation de l’être humain comme l’expression de la diversité. La barbarie qui est une forme de puissance aliénante est une façon de gommer les disparités, d’imposer une forme de totalitarisme nivelant les autres au nom même d’une croyance, d’une idéologie. Il faut alors exécuter le bouc émissaire qui porte en lui ce que je hais comme symbole de l’altérité ou de la dissemblance. L’eugénisme est en soi une forme de barbarie, quand elle dicte qui doit vivre ou est digne d’être. La barbarie se traduit ainsi par une forme totalitaire de rejet absolu, une stigmatisation des populations voire même des êtres parmi les plus vulnérables, les plus fragiles, une exclusion violente de l’être humain dans ce qu’il peut incarner à travers son histoire, son identité, sa croyance, sa naissance, ses infirmités, son handicap. Comme l’exprime Fabrice Hadjad dans le livre la foi des démons, cette forme de barbarie atroce « gît dans le mal et a l’angoisse du bien ».

Le monde occidental a coutume de pointer la barbarie des autres civilisations, mais sa civilisation n’est pas en soi exempte d’en porter également les germes ou même de manifester les symptômes d’une société mortifère. Je reprends ici l’intégralité d’un texte écrit par Fabrice Hadjadj  : « Après Auschwitz et Hiroshima : le pire de notre époque est l’imminence de la destruction totale. Peut-on encore parler d’un Dieu bon et puissant ? S’il est bon, il est faible, vu qu’il n’a pas pu empêcher la catastrophe (position de philosophe juif Hans Jonas). Mais dans ce cas, si Dieu n’est plus celui qui intervient dans l’Histoire, Hitler n’a-t-il pas détruit le Dieu de la Bible ? Si la religion de David est invalidée, il ne reste plus que le culte de la Shoah. C’est ce que reproche Benny Lévy à ses frères lorsqu’il les accuse d’avoir fait une idole d’Auschwitz. Ce qui interroge avec la Shoah et le Goulag, c’est la forme prise par le mal, sa banalité comme dit Hannah Arendt.Ces destructions ne sont pas le fruit d’un accès de rage barbare, mais d’une froide planification pour obéir à de prétendues lois de l’Histoire ou de la nature. Ceci démontre que l’idéologie du progrès mène à la catastrophe et que le libéralisme a engendré d’une manière indéniable le totalitarisme, ils éprouvent la même volonté d’exploitation de l’homme. A cela s’ajoute la possibilité pour l’homme d’anéantir l’espèce humaine. La spécificité de la crise actuelle et notamment de la pandémie est la conscience de notre disparition probable, pas seulement en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’espèce. « L’humanisme a fait long feu et les lendemains ne chanteront pas ».La barbarie occidentale de la prétendue civilisation, est de la sorte un anti prochain une forme de contre idéologie de l’amourLa Barbarie est en soi la manifestation possible d’une puissance démoniaque en ce sens qu’elle est une haine de l’autre, le contraire de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il est parfaitement concevable de supposer une volonté démoniaque d’être le contre-pied de l’amour du prochain : L’amour du prochain dans toute sa dimension relationnelle est à combattre dans la pensée qui incarne « le monde de demain », il ne saurait faire sens. Combien de religions se sont finalement fourvoyées y compris celles d’inspiration chrétienne en occultant le message fondamental qui est l’amour de l’autre, un amour de l’autre qui est sans condition. L’amour de l’autre est en effet sans dogmatisme, sans hypocrisie, c’est un amour christique. « Tu aimes ton prochain » dans ce qu’il a de différent. Ce qui ne plait pas en lui y compris sa vulnérabilité insupportable, ne doit pas nous conduire l’avorter[4] ou à le supprimer, même sous prétexte même d’humanisme.Le livre d’Ézéchiel évoque la violence du Prince de Tyr rappelant qu’initialement il siégeait auprès de Dieu « Tu as été intègre dans tes voies, depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. Par la grandeur de ton commerce, tu as été rempli de violence, et tu as péché ; Je te précipite de la montagne de Dieu, Et, je te fais disparaître, chérubin protecteur, Du milieu des pierres étincelantes. » Ezéchiel 28 : 11-15 ». L’expression « tu as été rempli de violence », d’une certaine manière orchestre l’influence qu’exerce Satan dans le monde faisant de l’humanité empreinte divine, l’ennemi à abattre.Ce constat de cette violence envers la notion du prochain a été décrit par le philosophe espagnol Ortega qui dépeint un autre trait de la barbarie à travers la haine, « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel – non pas un assassinat qui se fait d’un coup ; haïr, c’est assassiner sans relâche, effacer l’être haï de l’existence ».Un étudiant posa un jour cette question à Hannah Arendt « pourquoi appelez-vous « crime contre l’humanité un crime contre le peuple juif ? », elle répondit : « parce que les Juifs sont d’abord des hommes ». Je crois tout simplement que Hannah Arendt résumait parfaitement le propos que nous souhaitons défendre : la Barbarie ne s’inscrit pas comme un crime contre un groupe, une entité ou une catégorie d’hommes, c’est avant tout un crime contre l’homme. Les barbaries que nous dénonçons, en témoignant au cours de nos veillées, sur les places publiques où nous nous rassemblons, sont la manifestation de notre attachement à l’être humain, à tout l’être humain. C’est pourquoi nous sommes aussi solidaires à nos frères non seulement chrétiens, mais tous ceux qui doivent souffrir au nom de leur foi, de leurs croyances. Cette expression de l’amour est aussi pour les plus vulnérables, les plus fragiles, les enfants, ceux qui sont à naître également, les plus âgés également, les plus dépendants parmi eux.Dans cette revue de l’humanité haïe pour des raisons d’identité, Hannah Arendt inscrit le problème du mal radical advenu avec la Shoah dans la perspective de l’universalisme humain.

La nouvelle Barbarie occidentale est un habillage humaniste. Le barbare n’est pas seulement l’expression d’une violence d’un individu, ou d’un groupe d’individus, elle peut résulter d’une organisation qui peut habiller sa barbarie en la justifiant de concepts humanistes. Comme nous l’avons par ailleurs rappelé, la notion même de barbarie n’est pas nécessairement l’antithèse de la civilisation. La barbarie peut être le produit de la civilisation, Montaigne ne dit pas autre chose. Notre civilisation, n’est-elle pas entrée dans une crise profonde. Cette crise qui annonce une forme de délitement des valeurs morales peut générer comme le décrit Montaigne « le cannibalisme du Royaume » de nouvelles violences non nécessairement produit par les fanatismes religieux, mais par des dogmatismes idéologiques, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le marxisme-léniniste, le nazisme. Il est étrange que l’Europe démocrate qui a combattu les idéologies barbares caresse aujourd’hui les idéologies mortifères, malthusiennes qu’elle voulait combattre jadis.  Comme me le partageait un ami « Nous, dénonçons, à juste titre, la barbarie de certains fondamentalistes musulmans, mais que leur répondre quand, à leur tour, ils dénoncent la barbarie de certaines pratiques occidentales comme celle consistant à aspirer l’enfant dans le ventre de sa mère, comme c’est le cas lors d’un avortement ? Cet acte est-il plus « digne » que l’excision que nous dénonçons chez eux… ». Mais nous le réécrivons : rien ne vient gommer ou légitimer tout acte de violence, et ce, quelle que soit la culture qui la promeut, occidentale ou non. Cette civilisation occidentale puisqu’il faut aussi parler d’elle, sombre en réalité et subrepticement dans la barbarie. Nous devons être prudents sur les leçons données par l’Occident laïque et démocrate qui s’arroge, s’accommode de donner des « leçons de civilisation à l’ensemble de la Planète ». Notre civilisation occidentale a développé des concepts normatifs pour évoquer la barbarie (Génocide, camps de concentration, Euthanasie, Eugénisme, les Lebensborn …), mais est sur le point de réintroduire, de reproduire, de répliquer les lois mortifères du Nazisme, ceux qu’elle considérait comme une atteinte à l’humain et n’ose qualifier par exemple de barbarie l’atteinte à l’enfant conçu dans le ventre d’une mère ou l’eugénisme en sélectionnant l’enfant à naître si ce dernier correspond aux dimensions normatives de la société occidentale. La GPA qui tôt ou tard sera adoptée après la PMA (commençons par habituer l’opinion) réintroduira une forme de darwinisme social. D’ailleurs l’actualité ne l’a-t-elle pas démontrée ? Cette même GPA est susceptible de détruire la notion de filiation, de créer des troubles identitaires comme ce fut le cas avec les Lebensborn qui ont été dévastateurs pour des enfants qui n’ont pas connu l’affection paternel et maternel. L’actualité n’a-t-elle pas mis à jour ces nouvelles formes de Lebensborn, ces cliniques et maternités ou des femmes pauvres accueillies, marchandent leurs corps au profit de couples en manque d’enfants ? La GPA, si ce dispositif est mis en œuvre, violera demain le droit des enfants à avoir un père et une mère biologique et exploitera les femmes sans ressource et dans le besoin pour donner satisfaction aux désirs de deux adultes, lesquels pourront rejeter cet enfant s’il n’est pas « conforme » aux normes en vigueur, comme on l’a déjà vu par le passé.

Faut-il également évoquer dans les arcanes des pouvoirs publics, ces réflexions menées sur l’euthanasie pour abréger les souffrances, l’incurabilité au lieu d’accompagner le mourant au travers des soins palliatifs. L’euthanasie dont les pratiques humanistes pourraient bien couvrir des raisons purement « économiques ». L’avortement (quoi de plus barbare qu’un tel acte, même si on peut excuser la femme qui le commet et qui, bien souvent, n’a pas le choix ?), la GPA, la théorie du genre dans sa version extrême le « queer » (qui conduira comme nous le développons plus loin à une sexualisation de l’enfance s’il est vrai que l’identité sexuelle est déconnectée de tout rapport au « corps sexué »), tout cela témoigne alors d’une plongée dans la barbarie. Ainsi la « Queer theory » de Judith Butler, fait du travesti la norme moderne venant se substituer à l’hétérosexualité, déconstruite comme pure convention sociale, et dont on peut craindre qu’elle ne conduise, à terme, à cautionner des pratiques comme celles de la pédophilie puisque si le « corps sexué » ne signifie plus rien, il ne faudra bientôt plus attendre la puberté pour admettre une forme de « sexualité » aux enfants et abuser d’eux sous couvert d’un consentement qu’il leur sera bien difficile de refuser aux adultes, comme l’a illustré une affaire récente en Italie ». C’est sûr que c’est assez crû, mais mieux vaut prévenir et alerter que guérir ! Comme nous l’avons écrit à propos et à l’instar de Montaigne, la barbarie n’est pas l’apanage des seuls extrémistes, la barbarie des civilisés, des cols blancs peut s’avérer aussi abject que la barbarie des fondamentalistes qu’elle condamne. Nous condamnons explicitement ces deux barbaries, ces deux tyrannies qui aliènent l’être humain. Sans oublier que les incivilités les plus insignifiantes sont les premiers pas vers la barbarie. Or, qui parmi nous pourrait affirmer qu’il est exempt de toute ignominie, qu’aucune flétrissure ne l’a jamais atteint ? Les Écritures (la Bible) évoquent que toute chair est corrompue et que nous portons tous des germes de barbarie.

Mais face à la barbarie occidentale, faut-il encourager la bienveillance ou dénoncer l’iniquité de ces lois mortifères ? Face à la barbarie, la prière évoquée dans le Psaume 63 respectivement aux versets 10-12 : « Qu’ils aillent à la ruine ceux qui en veulent à ma vie ! Qu’ils rentrent dans les profondeurs de la terre ! Qu’on les passe au fil de l’épée… » ne revêt-elle pas une forme de légitimité ? N’y-a-t-il pas une forme d’imprécation angélique que d’en appeler à aimer malgré tout, ses ennemis ? Mais ne serions-nous pas les reflets, les miroirs des barbares que nous accusons ? Mettons fin cependant au cycle de la violence ! Face à la barbarie, la vengeance (se faire justice) est d’emblée totalement inadaptée ; elle serait même amplificatrice de la cruauté. La réponse adaptée est celle de la justice (rendre justice), une réponse pour mettre fin au cycle de la violence. La justice est un principe moral qui relève même d’une dimension de transcendance ; elle fait appel à des valeurs universelles. Enclencher la guerre, déclarer la guerre pour mettre fin à la guerre, à la barbarie, nous comprenons que cela fut légitime au cours de notre histoire ; c’est la tentation de toujours, c’est cette logique de pensée qui a amené le déluge. Le déluge est décidé par Dieu, mais il ne résout en réalité rien. La pédagogie du déluge, s’est avérée inadaptée, inefficace, le mal est sans doute beaucoup plus grave et nécessite une transformation volontaire et non une destruction subie de l’homme. Lisons cette déclaration étonnante dans le livre de Genèse « Je ne recommencerai plus à maudire le sol à cause de l’homme, car le produit du cœur de l’homme est le mal, dès sa jeunesse. Plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait ! ». Dieu décide d’abolir à jamais le déluge et envoie le signe d’un arc-en-ciel qui annonce la fin de toute destruction. L’arc en ciel préfigure la croix qui annonce le pardon et par son pardon, la transformation de l’homme. Voilà la justice de Dieu, le choix de Dieu de sauver l’homme, malgré la barbarie, le cœur corrompu, la violence de son âme. Dieu choisit le salut de quiconque afin que celui qui croit ne périsse pas (Jean 3 : 16). Pour conclure, comment ne pourrais-je pas penser à cette conclusion de ce texte admirable écrit en 2014 par Natalia TROUILLER « Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué…. » « L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai revu quelques jours après être rentrée, sur une photo entourée de roses envoyée par ses parents : c’était sa dernière image vivant, souriant, beau, endimanché. Il avait été coupé en deux par un tir de mortier lors de la prise de Qaraqosh. L’enfant que j’ai vu en Irak, je l’ai cherché, pleine d’angoisse, parmi les centaines de photos prises là-bas pour savoir s’il était de ceux qui ont ri avec moi – la réponse importe peu. L’enfant que j’ai vu en Irak, j’ai reçu la photo de lui, coupé en deux avec du sang partout, envoyée par un djihadiste sur mon compte Twitter. Frère de France, sœur d’ici, allume une bougie et veille pour l’enfant que j’ai vu en Irak, et pour le salut de celui qui l’a tué. »

Cette prière qui semble insignifiante est finalement celle qui a le pouvoir de mettre fin au cycle de la barbarie. Et si nous osions finalement répondre à l’appel de Jésus, aimer nos ennemis.  Matthieu 5.43-45 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.… »


[1] En des termes édulcorés Les députés ont adopté un amendement pour clarifier le fait que la « détresse psychosociale » peut être une cause de « péril grave », justifiant une interruption médicale de grossesse.

[2] Expression reprise de l’archevêque de Paris, Michel Aupetit lors d’une interview accordée à France Info.

[3] Ensauvagement : Terme utilisé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, « l’ensauvagement » est devenu le nouveau concept au cœur du débat sur l’insécurité.  

[4] Une grossesse sur cinq environ aboutit à une IVG. Source : L’avortement en chiffres [FRED DUFOUR / AFP]

Les enfants cobayes modifiés par CRISPR Cas9

deoxyribonucleic-acid-3171255_1920

Source : Alliance Vita :

Bébés CRISPR : Les inquiétudes se confirment

L’affaire des premiers bébés génétiquement modifiés par CRISPR-Cas9, nés en novembre 2018, ne cesse de se compléter d’informations alarmantes. Cette expérimentation a abouti à la naissance de deux fillettes, véritables cobayes de la technique qui les a créées.

Lors de son annonce, qui avait suscité une réprobation mondiale, le scientifique à l’origine de cette grave transgression, He Jiankui, expliquait avoir franchi cette ligne rouge car il poursuivait l’hypothèse de « rendre ces bébés résistants au VIH », en désactivant un gène, le gène CCR5. Ce gène code, notamment, pour un récepteur placé sur des cellules du système immunitaire (les lymphocytes). Or, le virus VIH utilise justement ce récepteur pour pénétrer ces cellules et les infecter.

Peu après, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui semble être les réelles intentions de cet apprenti-sorcier. Il souhaitait expérimenter l’impact de cette modification sur les facultés cognitives, car ce même gène CCR5 pourrait être impliqué dans les facultés d’apprentissage, ce qui n’est qu’une supposition.

Rapidement, et face au tollé mondial suscité, les revues scientifiques avaient refusé de publier l’étude, car le scientifique avait enfreint des règles éthiques et déontologiques. Si bien que ce document a été tenu relativement secret. Mais il semblerait que JAMA (Journal of the American Medical Association) soit actuellement en train de l’étudier, et l’aurait confié à de nombreux experts, y compris à George Church de la Harvard Medical School. Mais est-ce aux revues scientifiques de faire « la police » des transgressions éthiques ? Des experts ont demandé à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de se pencher sur ce grave problème. L’OMS a créé un groupe d’experts et élaboré l’idée d’une hotline pour signaler toute tentative de fabrication de bébés génétiquement modifiés.

Une journaliste de la MIT Technology Review a pu se procurer le document d’origine et l’a transmis à quelques experts. Leurs conclusions, présentées en 12 points, sont accablantes. Les questions soulevées sont multiples. Elles concernent, par exemple, la liberté et le consentement éclairé des parents ; n’ont-ils pas été contraints, tenus dans l’ignorance des enjeux, manipulés ? Mais aussi les données tenues secrètes, comme les noms des personnes impliquées (spécialistes de la fécondation in vitro, obstétriciens) ne sont pas mentionnés. Pourquoi ? Etaient-ils au courant de ce qu’ils faisaient ? Et bien entendu, ces experts dénoncent les nombreux biais scientifiques, une fraude à la réglementation de la procréation assistée etc.

Le document de He Jiankui démontrait déjà que ces embryons génétiquement modifiés étaient des « mosaïques », c’est-à-dire que d’autres mutations que celles ayant motivé l’expérience se sont produites à d’autres endroits du génome, de manière différente d’une cellule embryonnaire à l’autre, ce qui rend les conséquences imprévisibles.

Ces enfants, nés de bricolages procréatifs, sont pris en otage de leur mode de conception, et en payent le prix. Il est urgent de mettre un coup d’arrêt mondial à ces transgressions, qui ne sont même plus des essais sur l’homme, mais des essais d’homme.

En ouvrant la voie à la création d’embryons transgéniques pour la recherche, la loi bioéthique française alimenterait cette transgression. Il est encore temps pour les sénateurs, qui examineront cette loi en janvier 2020, de revenir sur cette mesure.

Manipulation et bricolage génétique

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il devient possible d’être l’acteur de sa propre évolution, de l’évolution de notre ADN. L’humain veut avoir la main mise dans sa propre chair, de la muter ce qui ne semble plus impossible de par la possibilité de changer le brin défectueux ou bien imparfait et d’attribuer un brin sain, sans défaut. Nous comprenons de fait beaucoup mieux cette intuition partagée par Aldous Huxley dans la préface de la nouvelle édition de son livre le meilleur des mondes, « La révolution véritablement révolutionnaire se réalisera non pas dans la société, mais dans l’âme et la chair des êtres humains. » du fait même et sans doute de côtoyer son frère biologiste, théoricien de l’eugénisme et père du terme « Transhumanisme ».

Auteur Eric LEMAITRE

Manipulation et bricolage génétique

deoxyribonucleic-acid-3171255_1920

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il devient possible d’être l’acteur de sa propre évolution, de l’évolution de notre ADN. L’humain veut avoir la main mise dans sa propre chair, de la muter ce qui ne semble plus impossible de par la possibilité de changer le brin défectueux ou bien imparfait et d’attribuer un brin sain, sans défaut. Nous comprenons de fait beaucoup mieux cette intuition partagée par Aldous Huxley dans la préface de la nouvelle édition de son livre le meilleur des mondes, « La révolution véritablement révolutionnaire se réalisera non pas dans la société, mais dans l’âme et la chair des êtres humains. » du fait même et sans doute de côtoyer son frère biologiste, théoricien de l’eugénisme et père du terme « Transhumanisme ».

Mais l’évolution génétique [ou le bricolage génétique] ne se limite pas au cadre de notre génome. La révolution génétique ne consiste pas seulement à prolonger radicalement la vie, cette révolution génétique peut s’associer à d’autres techniques et augmenter également le nombre des connexions neuronales, ou encore, nous interfacer ou nous hybrider avec des « organes » artificiels afin d’augmenter l’homme, de fournir de nouvelles facultés physiques et cognitives.

La science transhumaniste entend ainsi bricoler la vie mais peut produire de redoutables dommages comme en témoigne la recherche sur le CRISPR-CAS9, technique utilisée pour modifier des gènes défectueux et sur laquelle la médecine transhumaniste fonde avec un fol enthousiasme de grands espoirs. La   technique CRISPR-Cas9[1] récemment découverte par la microbiologiste, généticienne et biochimiste Emmanuelle Charpentier, en collaboration avec l’Américaine Jennifer Doudna, cette technique de ciseau moléculaire, du nom d’un système immunitaire bactérien est utilisé en génie génétique pour modifier facilement et rapidement le génome, la protéine Cas9 a été notamment largement mobilisée comme un dispositif d’ingénierie du génome pour produire des ruptures du double brin d’ADN ciblé, ce qui permet entre autres d’éditer avec précision des portions d’ADN et modifier ainsi le génome des cellules, de provoquer une nouvelle mutation ou bien de procéder au remplacement d’un gène défectueux par un gène sain. Comme le mentionne le blog du CNRS[2] « L’utilisation des CRISPR démultiplie en effet les possibilités de recherche fondamentale en neurosciences : en coupant un gène précis sur un modèle animal, on peut déterminer plus précisément son rôle, dans le développement du cerveau par exemple. De plus, elle ouvre la voie à de nombreuses applications thérapeutiques. Par exemple, si un gène est incriminé dans une maladie mentale, il devient envisageable, à terme, de l’éliminer, le corriger ou le remplacer avec notre bistouri génétique ».

En réalité cette technique est beaucoup moins précise et enthousiasmante qu’on le supposait et ce en raison des mutations inattendues. Selon une autre publication scientifique parue le 16 juillet 2018 publiée dans la revue Nature Biotechnology [2] : « Ces ciseaux génétiques ont provoqué des mutations « importantes » et « fréquentes » lors d’expériences menées sur des souris et des cellules humaines dans le cadre de l’étude ». Le bricolage de l’ADN qui constitue ainsi l’identité anthropologique de l’être ne s’en trouverait-il pas et dès lors dangereusement altéré. Selon la même revue « ce type de modifications pourrait conduire à l’activation ou à la désactivation de gènes importants, [d’augmenter l’expression du gène], et entraîner des conséquences potentiellement lourdes. »[3], les généticiens emploient l’expression de gènes délétères, des gènes altérées susceptibles d’entraîner l’apparition de caractères anormaux et de les transmettre à la génération suivante. Or si de telles transformations sont activées, elles conduiront à ce que l’on appelle communément le « forçage génétique », c’est-à-dire la transmission de toutes les modifications apportées au génome, ce qui serait de nature à impacter la nature même de l’homme, d’influer le corps humain sur sa destinée anthropologique. Or ici l’homme s’attribue des pouvoirs démiurgiques déniant l’éthique et toute réflexion morale, « l’homme devient la mesure de toutes choses, et plus rien ne saurait mesurer l’homme »[4].

C’est dès lors dans ces contextes que la mutabilité est promue par les idéologies de la post modernité. Mutabilité du corps promue, en raison des recherches engagées dans le domaine de la génétique, il devient donc peu à peu concevable de modifier le génome humain et de lui conférer une autre nature mais une nature qui pourrait bien être délétère pour reprendre l’expression des généticiens, et rendre possible une modification quasi hégémonique, imprévisible et incontrôlable des écosystèmes, .

La citation[5] que nous reproduisons et que nous restituons dans sa complétude illustre notre propos précédent :  « En cette fin de siècle, cette idée n’est point abandonnée, on voit même la possibilité de sa réalisation par l’extension systématique à l’espèce humaine des procédés de parthénogénèse expérimentale qui ont réussi chez les animaux, par la mise en œuvre de la fécondation artificielle, de la microchirurgie portant sur les cellules sexuelles, leur noyau et leurs chromosomes, par l’éventualité de création d’individus par la seule multiplication asexuée, sans que ni un sexe ni l’autre soit nécessaire à aucun stade de la reproduction, ce qui constitue « le clonage », par lequel on obtiendrait des individus tous uniformément semblables et confondus dans une même identité et dans un anonymat complet !. Vous noterez ici toute la dimension que prend le « Faust » de Goethe, toute la portée de l’œuvre et le pressentiment prémonitoire en quelque sorte du propos qu’il fait en quelque sortir tenir dans la bouche de Méphistophélès.    

 Ainsi les tentatives de manipulation et de bricolages génétiques pour modifier l’homme, réparer les failles de son génome augurent de conséquences susceptibles d’être cauchemardesques non seulement pour l’ensemble des écosystèmes mais bien plus, c’est-à-dire affecter l’âme humaine, la vie humaine et l’essence d’une nature crée à l’image de Dieu.

La conclusion[6] nous est donnée par le Dr Denis Alexander : « … Dans son ordre créateur, Dieu a rassemblé certaines choses ; leur dissociation par l’homme ne pourra se faire qu’au prix de certaines conséquences psychologiques, physiques et sociales qui, à long terme, auront pour effet de le déshumaniser. Ainsi, Dieu a associé la sexualité et le mariage, le mariage et la paternité, le foyer et l’éducation des enfants. Les dissocier est mauvais, puisque cela revient à traiter Dieu de menteur en prétendant qu’il ne sait pas ce qui convient le mieux aux êtres humains qu’Il a créés, et parce qu’en dernier ressort, c’est l’homme lui-même qui souffrira de s’être éloigné de l’idéal créateur de Dieu. »

[1] https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau

[2] Citation extraite du blog https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau

[3]  Une étude produite en 2017, par l’université Columbia, aux États-Unis, a remarqué que le découpage génétique entraînait de nombreuses réactions inattendues. Si les chercheurs ont pu corriger un gène de la cécité chez la souris, ils ont constaté que les animaux, en apparence sains, avaient pourtant développé plusieurs centaines de mutations, délétions et insertions nouvelles.

[4] La formule est citée par le sophiste Protagoras extraite de son ouvrage De la vérité, évoquée par Platon notamment dans le Théétète et selon laquelle « l’homme est la mesure de toutes choses ; pour celles qui sont, mesure de leur être ; pour celles qui ne sont pas, mesure de leur non être » (formule également évoquée dans le Protagoras de Platon).

[5] Référence : (A. Rosenfeld : L’homme futur, 1970, p. 122-123).

[6]  Dr Denis Alexander : (Au-delà de la Science, 1978, p. 199-200).

Transhumanisme : CRISPR-CAS9 : l’ouverture mortifère d’une nouvelle anthropologie

Notre civilisation est confrontée incontestablement à un changement de paradigme anthropologique, la civilisation matérialiste gagne peu à peu les consciences, j’hésitais un instant à utiliser les termes de « gagner les esprits » et pourtant cette civilisation est aux antipodes de celle qui se réclame en quelque sorte de l’esprit. En utilisant le terme de paradigme, il faut ici comprendre le changement de modèle civilisationnel qui se place aujourd’hui dans le déni de la spiritualité, et surtout de la spiritualité chrétienne.  Le paradigme anthropologique est ainsi celui de la représentation que nous nous faisons de l’homme, à savoir ce qui le définit. Le changement de modèle anthropologique est celui d’une rupture de lecture concernant la façon dont nous appréhendions l’homme, ce qui le définit dans sa dimension existentielle, un être fait à l’image de Dieu. De fait tout ce qui caractérise l’être y compris dans son infirmité, ses limites, son handicap, est une part en soi de l’image de Dieu.

Quant à l’esprit, c’est une part mystérieuse, surnaturelle de notre être spirituel ou transcendant.  Cette part en nous qui a besoin de naître d’en haut, de recevoir cette vie qui vient de notre relation avec Dieu. Blaise Pascal prend soin de particulariser les trois « ordres de réalité ». Blaise Pascal évoque[1] en effet « la distance infinie des corps et des esprits, [qui] figure la distance plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle ».  Le corps est interface comme nous le rappelions précédemment et ce corps est ouverture en quelque sorte au monde physique, au contact de notre environnement nous ressentons le monde, nous éprouvons des sensations plaisir ou douleur, bien-être ou souffrance, l’âme associée à notre chair nous met en relation avec l’intelligence, le monde psychique. L’esprit quant à lui nous ouvre sur le monde spirituel, cette dimension de l’esprit est largement évoquée dans deux chapitres de l’évangile de Jean, Évangile de Jean au chapitre 3 et Évangile de Jean au chapitre IV. Jésus rencontre deux figures, Nicodème et la Samaritaine, à l’un Nicodème Jésus appuiera sur cette dimension, l’importance de naître d’en haut pour que Dieu lui soit révélé afin de découvrir une autre réalité qui n’est pas terrestre, à l’autre la Samaritaine Jésus lui parle de l’esprit saint, l’eau vive, cette eau vive qui comble l’insatiété, l’impossibilité en soi d’être finalement rassasié dans sa chair, nous éprouverons bien et perpétuellement la faim, la soif, l’insatisfaction au sens psychique, mais nous pouvons être mystérieusement comblés par la présence de l’esprit saint, c’est un mystère, l’esprit est un mystère, mais il est occulté si nous ne recherchons pas cette transcendance en nous qui entend combler notre être intérieur. Nous comprenons qu’un tel discours est nécessairement aux antipodes d’une vision purement matérialiste de l’homme.

Or la nouvelle métaphysique qui redéfinit l’homme s’inscrit dans une nouvelle anthropologie, un changement radical de paradigme, les concepts trinaire corps, âme et esprit sont remis en cause. Le concept trinaire corps, âme, esprit, c’est-à-dire la part transcendante de l’homme est niée.  Notre civilisation est absorbée par la révolution technoscientifique dont le projet est aujourd’hui vérifié de par l’avancement des recherches dans les domaines de la génétique et des mutations potentiellement délétères, de l’intelligence artificielle relais substrat des limites associées à notre cerveau , qui n’est autre que d’apporter à l’humanité des capacités nouvelles de se transcender et de prolonger la vie ici-bas, ceci grâce aux performances génétiques, aux prouesses de l’intelligence artificielle et aux prodiges promis par la civilisation transhumaniste.

Le transhumanisme interroge finalement le sens de la vie, la question essentielle qui est celle du sens ! La doctrine transhumaniste nie la portée de cette dimension du corps, de l’âme et de l’esprit réduisant ces trois dimensions à une seule et même substance et assimilant la totalité de l’être à un être purement mécanisé, un être certes complexe, mais un être décodable ou la part de mystère est en soi inexistante. L’anthropologie transhumaniste ne peut concevoir le sens que dans le seul registre de l’augmentation, de la performance, de la multiplication des exploits qui seraient de nature à transcender l’homme, l’homme étant réduit à une matière corrigible, il suffit dès lors de le muter pour lui donner la forme que l’on veut. L’anthropologie transhumaniste est une forme d’anti entropie, un processus contre la dégradation de l’espèce humaine. La matrice philosophique du transhumanisme est réductible à une seule expression, « c’est survivre, ici-bas, sans rien attendre d’un au-delà ».   Toute une humanité, peut ainsi s’engouffrer vers cette promesse faustienne, ce fruit de la connaissance qui ouvre l’humanité à une autre forme de destinée, destinée non dans la vie intérieure, mais dans la matière, non dans la relation avec Dieu mais dans le cyborg, l’organisme cybernétique, greffée de nouveaux attributs, revêtu de puissance, celle de la matière mais non celle de l’esprit.

Aussi c’est bien le sens de la vie qui est ici interrogé, or la vision de la civilisation transhumaniste ne peut pas y répondre comme le souligne le philosophe Bertrand Vergely, car l’anthropologie transhumaniste ne saurait en soi répondre à une telle question car elle est réduite qu’à des notions de performance, de consommation matérielle, de course à la survie.  Je ne suis pas certain que la civilisation transhumaniste nous dise quelque chose du bonheur et si elle comprend qu’en réalité le bonheur, le véritable bonheur n’est pas séparable d’une vie intérieure, et j’en reviens de fait à ce propos de Jésus s’adressant à la samaritaine et lui indiquant qu’elle aura toujours soif, mais de l’eau vive promise par Christ, elle en sera en réalité définitivement comblée. L’eau vive est celle qui touche à cette dimension de l’esprit, or dissocier l’esprit du corps, de l’âme, de l’esprit, c’est plonger l’homme dans la réalité d’un monde mortifère et en perpétuelle souffrance, car l’homme ne saura jamais être comblé par la civilisation des biens. Dieu nous invite à entrer dans sa création par l’esprit, l’homme transhumaniste choisit l’arbre de la connaissance et non l’arbre qui lui donne la vie.

Le transhumanisme est une volonté de s’approprier l’homme et non de lui être utile, de servir l’autre, le transhumanisme est un miroir aux alouettes, une forme d’armoire magique où se produit un illusionniste qui révèle une autre anthropologie, une conception millénariste d’une religion qui promet le prolongement indéfini de la vie sans la vie intérieure, la vie incarnée par le souffle d’un Dieu vivant auteur de notre existence. La science transhumaniste veut bricoler la vie mais peut produire de redoutables dommages comme en témoigne la rechercher sur le CRIPR-CAS9, technique utilisée pour modifier des gènes défectueux et sur laquelle la médecine transhumaniste fonde de grands espoirs. En réalité cette technique est moins précise qu’on l’espérait et ce en raison des mutations inattendues, selon une étude parue le 16 juillet 2018 publiée dans la revue Nature Biotechnology[2] : « Ces ciseaux génétiques ont provoqué des mutations « importantes » et « fréquentes » lors d’expériences menées sur des souris et des cellules humaines dans le cadre de l’étude ». Le bricolage de l’ADN qui constitue l’identité anthropologique de l’être ne s’en trouverait-il pas et dès lors altéré. Selon la même revue « ce type de modifications pourrait conduire à l’activation ou à la désactivation de gènes importants, et entraîner des conséquences potentiellement lourdes. ». Or à force de réduire l’être humain à un objet mécanique, une enveloppe biologique, sans substance spirituelle, nous pourrions bien préparer notre humanité à son pire cauchemar. La perfectibilité auxquels aspiraient les lumières se confronteraient alors à un échec pitoyable celle d’une humanité désincarnée, vidée de toute transcendance soumises aux aléas d’un monde sans âme, celui d’une matière inerte et sans sens.  Mais la lueur même dans ce nuage noir peut luire et nous conduire à espérer et à sortir l’homme de ce cauchemar transhumaniste.

[1] L’extrait de la citation est tirée du Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 11 / 24 http://www.penseesdepascal.fr/JC/JC11-moderne.php

[2] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/crispr-cas9-provoquerait-des-mutations-involontaires-et-potentiellement-deleteres_125925

Le post humain

Auteur Eric LEMAITRE 

cyborg-4045661_1920

 

A l’heure des hybridations rêvées par les transhumanistes et des manipulations génétiques d’un savant chinois qui prétend avoir modifié génétiquement des bébés, il convient de lire les avertissements déclinés par ceux là même qui travaillent dans les domaines de la nano technologie et les lectures d’anticipation de romanciers qui s’interrogent sur les méfaits de telles avancées scientifiques. Ce nouveau texte que je produis interroge, la folie d’une science sans aucune éthique.

Dans Planète interdite, film sorti en 1958, le synopsis évoque une civilisation très avancée qui existait il y 200 000 ans sur cette planète terre et qui s’éteignit mystérieusement. Le personnage central du film montre un appareil capable de mesurer et d’augmenter les capacités intellectuelles, ce même personnage fit le constat après un premier usage qui faillit mal tourner, que l’appareil contribuait à doubler les capacités de l’intellect : ses nouvelles capacités améliorées par la machine, le conduisirent à étudier les archives de cette civilisation ancienne et à élaborer d’autres appareils technologiquement plus avancés.  Planète interdite est l’un des premiers films de science-fiction à évoquer le rapport de l’homme et de la machine dans l’aptitude de la machine à conférer à l’être humain de nouveaux pouvoirs, de nouveaux attributs démiurgiques.

Cette dimension de l’hybridation effleurée dans le film « Planète interdite » sera traité dans l’œuvre de science-fiction de Greg Bear, la musique du sang. L’œuvre de science-fiction aborde Les premières recherches dans les domaines de la nano technologie et en vous partageant un récit dystopique que relate le roman de science-fiction.

Le roman s’inscrit sans doute dans les contextes d’un discours donné le 29 décembre 1959 à la Société américaine de physique, Richard Feynman physicien éminent spécialiste dans les domaines de la physique quantique évoque en effet un domaine de recherche possible alors inexploré : l’infiniment petit ; Feynman envisage un aspect de la physique « dans lequel peu de choses ont été faites, et dans lequel beaucoup reste à faire » Se fondant sur la taille minuscule des atomes, il considère malgré tout comme possible de transcrire de grandes quantités d’informations sur de très petites surfaces. Le physicien eut ce propos quasiment hallucinant à l’époque mais ne semble pas avoir fait réagir, sans doute que le contenu est passé inaperçu, car totalement énigmatique ou encore obscur. Feynman disait en effet : « Pourquoi ne pourrions-nous pas écrire l’intégralité de l’Encyclopædia Britannica sur une tête d’épingle ? ». Le propos du Physicien n’avait pas été spécifiquement relevée, et qui est depuis et jusqu’à aujourd’hui abondamment cité et relayé. Ce qui à l’époque était infaisable, semble aujourd’hui parfaitement réalisable, grâce aux progrès en micro technologie.  Cette micro-technologie est de fait le matériau intelligent qui servira l’intrigue du Roman écrit par Greg Bear. Je ne sais si Greg Bear était au courant des propos tenus par le savant mais Feynman entendait aller au-delà des machines macroscopiques avec lesquelles nous vivons : il imaginait un monde où les atomes seraient manipulés un par un et agencés en structures cohérentes de très petite taille, des microsystèmes en quelque sorte, des micro robots autonomes qui ouvrent des voies inexplorées et qui pourraient être télécommandées pour soigner une lésion dans le corps humain et c’est aujourd’hui à la portée des laboratoires. Les dernières avancées dans ce domaine sont sur le point de dépasser la science-fiction, de dépasser le roman de Greg Bear.

Ainsi dans la même veine le roman de science-fiction de Greg Bear anticipe ce futur des nanotechnologies. Rappelons que Le livre dystopique est écrit en 1985, et il est intitulé la « Musique du Sang » un roman qui reçut plusieurs prix littéraires. Le roman de science-fiction met en scène un chercheur généticien qui invente des ordinateurs biologiques à l’échelle d’une cellule humaine, ce qui pourrait s’apparenter aujourd’hui à l’ensemble des études et des procédés de fabrication, de manipulations de structures physiques, biologiques et de systèmes matériels à l’échelle du nanomètre. Pour se représenter le nanomètre, disons que c’est la taille d’une orange comparée à l’échelle de la terre. Nous comprenons que cette dimension a quelque chose d’extraordinaire en soi. L’être humain est ainsi capable de construire des objets infiniment petits comme le canon à gênes créé par Sanford Cornell et ses collègues qui ont développé le « biolistique de particules Delivery System ».

Le roman écrit par Greg Bear est de fait bel et bien un roman d’anticipation, le contenu fictif anticipe ce qui touchera quelques décennies plus tard à l’ingénierie moléculaire et l’incorporation de matériaux nanotechnologiques qui s’appliqueront demain au corps humain.

Mais revenons à nouveau au Roman de Greg Bear, un chercheur en génétique est menacé par son entreprise de licenciement après sa découverte inquiétante, le généticien (docteur folamour) décide alors de s’implémenter, de s’inoculer, d’injecter et d’incorporer ces ordinateurs de la taille d’une cellule humaine, dans son propre corps après sa rupture de contrat avec son laboratoire.

Ce généticien qui dans le roman de Greg Bear est appelé Vergil Ulam est myope, après avoir inoculé ce qui s’apparente aujourd’hui à un « micro » système informatique nommé noocyte ; constate qu’il est guéri de sa myopie, il est conduit à être tenté d’injecter dans sa peau ses créations informatiques, ces noocytes, puis il fait au fil de ses injections le constat, d’une augmentation de sa puissance, de sa toute-puissance. Puis peu à peu ses inventions noocytes se substituent à son corps biologique. Les « perfusions » répétées de ces systèmes sont sur le point de muter, d’opérer une transformation radicale de son corps, celles-ci métamorphosent son être tout entier, un peu comme dans le roman de Kafka, il se transforme en une forme de « vermine monstrueuse », de bête immonde, une galaxie de noocytes conscients d’eux-mêmes. Le corps devient au fur et à mesure un système embarqué avec des éléments matières qui interagissent d’elles-mêmes, avec le monde qui les environne et en impactant tout le milieu naturel avec lequel ces noocytes sont en contact.

Le roman montre que finalement ces cellules métamorphosées commencent peu à peu à manipuler leur environnement et c’est une véritable pandémie qui gagnera le monde. Le romancier Greg Bear théorise ces galaxies de mondes noocytes comme des éléments qui dans un monde dystopique anéantissent le vivant, l’humanité devenue impuissante avec une création qui lui a littéralement échappé.

De fait et au-delà d’un roman qui décrit un monde finalement transhumaniste qu’il est prégnant, que l’incorporation, l’injection de matériaux nanotechnologiques notamment ce que l’on appelle les nanoparticules engendreront demain des inquiétudes évidentes. Les applications qui seront permises du fait de la maîtrise de systèmes matériels biologiques à l’échelle du nanomètre, légitiment les appréhensions les plus prudentes.

La vision dystopique et cauchemardesque du romancier américain nous renvoie de fait à l’ensemble des réflexions que nous partageons concernant la folie transhumaniste qui rêve d’amélioration de l’être, si certes, le scénario entrevu par Greg Bear différera de  ce qui est sorti de l’imaginaire de l’auteur du « Sang de la musique », il n’en demeure pas moins que la symphonie  transhumaniste montre bel et bien la perversion ontologique susceptible d’être engendrée en combinant matière et vivant en visant l’augmentation de l’homme et en réduisant le vivant à de vulgaires pièces de lego. Et si ces micro pièces technologiques d’un étrange puzzle biologique infiniment petit ne venaient pas finalement à dompter demain l’homme ?

Au même moment en 1986 un an après la parution du livre « La musique de Sang », Eric Drexler Ingénieur américain qui a travaillé pour la NASA et conçu des pièces de dizaines de nanomètres (voile solaire) a également publié un ouvrage sur l’avenir des nanotechnologies, Engines of Creation. Dans cet essai, Eric Drexler délivre à la fois sa vision positive mais également dystopique des progrès faramineux possibles avec l’essor des nanotechnologies.

La révolution génétique ou le nouvel Eugénisme

Dans le contexte d’un monde social envahi par un consumérisme progressiste, ces idéologies d’hier, que l’on croyait en définitive à jamais éteintes, ressurgissent sous la forme d’un être bestial, revêtu d’un masque d’agneau ! C’est ainsi qu’avec les avancées des techniques de procréation médicalement assistée, et la possibilité de déceler sur l’embryon ou le fœtus, les anomalies génétiques, est évoqué le « retour de l’eugénisme », un eugénisme plus angélique, plus doux forcément !

Un texte de Eric LEMAITRE

avec les contributions de Jérôme SAINTON Docteur en Médecine et Claude BOUCTON

La révolution

génétique

ou le nouvel Eugénisme

 

L’Eugénisme, l’idéologie transhumaniste

auréolée aujourd’hui d’humanisme

L’eugénisme qui fut jadis une théorie scientifique visant à intervenir sur le patrimoine génétique de l’espèce humaine, engendra hier la pire monstruosité que connut l’humanité, avec la montée de l’idéologie Nazie. Pourtant l’idéologie eugéniste refait bel et bien surface, cette hydre que l’on croyait définitivement éteinte, s’est enveloppée d’un nouvel habit plus convenable, d’une apparence séante.

Ainsi les idéologies barbares combattues hier, continuent d’avancer dans les esprits de manière plus subtile, ce que certains ont qualifié de « monstre doux », nouveau spectre qui avance, masqué, auréolé d’humanisme, mais au demeurant terrifiant.

Ce monstre doux que décrivait Alexis d’Alexis de Tocqueville « un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre? ».

Dans le contexte d’un monde social envahi par un consumérisme progressiste, ces idéologies d’hier, que l’on croyait en définitive à jamais éteintes, ressurgissent sous la forme d’un être bestial, revêtu d’un masque d’agneau ! C’est ainsi qu’avec les avancées des techniques de procréation médicalement assistée, et la possibilité de déceler sur l’embryon ou le fœtus, les anomalies génétiques, est évoqué le « retour de l’eugénisme », un eugénisme plus angélique, plus acceptable forcément !

Si les pro GPA et PMA se défendent en dénonçant un pur fantasme, se moquant de l’accusation de pratiques qui ne s’éloignent pas des idéologies eugénistes, il importe que ces derniers reconnaissent que l’apparition et l’évolution de techniques de plus en plus sophistiquées, conduisent nécessairement à développer les pratiques eugéniques. Après les infanticides connus au cours de l’histoire, ou ceux qui épisodiquement sont relatés dans les actualités, l’interruption de grossesses ou le fœticide sélectif ont été largement prescrits après l’épisode de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Le fœticide sélectif s’est imposé dans les esprits avec les nouvelles capacités techniques de diagnostic génétique (analyse chromosomique), ou morphologique (échographie), sur le fœtus. Enfin, comme le rapporte le biologiste Jacques Testart[1] « la conjonction de la fécondation hors du corps (1978) et de l’examen de l’ADN embryonnaire (1990) a permis de développer le diagnostic préimplantatoire (DPI) sur les embryons issus de la fécondation in vitro (FIV) depuis les années 1990 ».

Subrepticement, l’idée d’une sélection des êtres humains dès leur naissance, gagne les esprits. Lorsque l’expression de société eugéniste est utilisée, l’usage de ces mots suscite une opposition vive, targuant souvent ceux qui utilisent ces termes, de communiquer une pure invention, dénigrant le progrès ou s’opposant à toute forme d’égalité. Pourtant nous sommes bel et bien arrivés à une conception eugéniste de la société, lorsque notamment le dépistage est proposé aux femmes enceintes, pour détecter d’éventuelles anomalies, et proposer ainsi aux mères, l’interruption de leur grossesse. A ce jour, il importe de porter à la connaissance de chacun, que tous les fœtus trisomiques ont quasiment fait l’objet d’une interruption de grossesse. Ainsi au cours de ces dernières décennies, le dépistage de la trisomie 21 a connu un essor indéniable, avec un taux de couverture croissant de femmes enceintes demandant un diagnostic prénatal, ce qui a eu pour résultat, une très importante augmentation du nombre d’amniocentèses, une procédure médicale invasive utilisée lors du diagnostic prénatal.

Sur un plan sociologique, toutes les dernières enquêtes d’opinion révèlent que les femmes sondées reconnaissent qu’elles choisiraient d’éliminer un fœtus ayant été diagnostiqué comme trisomique. Or avec l’avènement d’une société orientée vers la performance, l’image de soi, c’est un monde profondément consumériste qui aspire dès lors à un bien-être idéalisé, et à un enfant idéal indemne de toute anomalie génétique.

La fragilité d’un enfant différent des autres, constituerait pour beaucoup, et dès lors, dans l’imaginaire social, une charge insurmontable pour les parents. Cette idée d’accueillir, puis d’accompagner, un enfant avec un handicap, devient, hélas et bien souvent, une idée intolérable. Cela en dit long sur les mutations sociales mortifères que nous vivons aujourd’hui dans ces contextes idéologiques, où les tenants d’un darwinisme social, ne rencontreraient plus à terme d’opposition. Dans un futur proche nous pourrions ainsi accepter « la sélection des plus aptes ».

Implicitement, avec les progrès de la techno science, les avancées techniques conduiront certainement à un déplacement de la dimension de l’accueil et du don de l’enfant, vers une notion de désir d’enfant et d’un désir choisissant ce que devra être cet enfant, répondant ainsi parfaitement aux normes et conventions sociales. Cette dimension que nous décrivons est bien souvent objectée, or l’empreinte consumériste progresse dans les mentalités au fur et à mesure que les conceptions matérialistes de la vie avancent, de fait l’idée de choisir un embryon sain peut conduire demain au choix d’un embryon ne présentant certes aucune anomalie mais dont le désir est aussi qu’il soit doté de caractères répondant aux désirs des parents si l’offre médicale le permet. Rappelons qu’en France la loi bioéthique encadre rigoureusement à ce jour les pratiques génétiques, le diagnostic préimplantatoire est ainsi autorisé quand l’un des parents peut transmettre une maladie génétique grave. Nonobstant rien interdit d’imaginer,  un futur plus laxiste moins préventif et passant par-dessus les lois morales.

L’eugénisme dans l’histoire

Le mot Eugénisme, est inévitablement associé à l’idéologie Nazie, qui fut à son paroxysme, l’expression d’une idéologie foncièrement anti humaine. Pourtant, l’eugénisme, qui signifie littéralement, bien naître, s’est défini au fil du temps, à la fois comme une méthode et comme une pratique visant à surpasser le patrimoine génétique initial de l’espèce humaine. La pensée eugéniste est pourtant très ancienne, il faut remonter à plusieurs millénaires, à l’époque où Pharaon entendait organiser le meurtre des enfants hébreux mâles, afin d’éviter que les Hébreux ne deviennent trop nombreux[2]. La Grèce Antique fut le témoin de l’élimination des enfants faibles, qui ne pouvaient que constituer une charge pour la société. A Sparte, ancienne ville du Péloponnèse, les anciens examinaient les aptitudes de l’enfant nouveau-né, et s’ils estimaient que l’enfant fût trop faible, vulnérable, ils le faisaient jeter dans un gouffre appelé « les Aphotètes ». Un enfant chétif, selon la conception et l’idéologie répandue à Sparte, ne devait pas à cette époque, être une charge pour la cité.

Il n’est pas contestable que le christianisme a combattu au sein de la société, une forme de rejet du plus fragile, et que de fait, l’Évangile constituât une forme de rempart à toute tentative de rejet du plus faible. Mais au cours du XIXe siècle, l’idée de laisser faire une sélection naturelle au sein de la société, gagna les esprits. Albert Spencer, sociologue et philosophe anglais, défendit en effet une forme de philosophie évolutionniste, il fut très tôt identifié comme l’un des principaux défenseurs de la théorie de l’évolution au XIXe siècle, avec Charles Darwin. Sociologue, Spencer conçut la société comme un ensemble, une organisation qui sélectionne naturellement les plus aptes, il est par ailleurs l’auteur même de cette expression « Sélection des plus aptes ».

L’eugénisme est une approche idéologique, qui fut développée par Francis Galton, un cousin de Charles Darwin. L’un et l’autre, ont tenu des thèses, qui en leur temps ont bousculé les conceptions, qui étaient jusqu’à présent, associées au monde du vivant.  Charles Darwin entendait donner une explication théorique de l’hérédité des caractères acquis par les espèces, et concluait à l’évolution naturelle des espèces. Francis Galton anthropologue, pionnier de la biométrie, et brillant statisticien, souligne le rôle primordial et prédictif des facteurs héréditaires, jouant un rôle corrélatif dans la détermination des différences individuelles. Francis Galton promouvait les concepts de race inférieure et supérieure, même s’il fallait recontextualiser les positions idéologiques de l’anthropologue, il convient cependant de souligner que Galton fera valoir l’hérédité des qualités intellectuelles et des qualités physiques, ceci lui donnant à penser, selon Dominique Aubert-Marson[3] Biologiste et chercheur, « que l’appartenance à une « race douée » (nature) joue un rôle majeur, l’environnement (nurture) jouant un rôle mineur… »

Etrange destin de deux hommes et de même parenté, Charles DARWIN et Francis Galton dont les idéologies furent finalement assez proches, l’un défendant la sélection naturelle, et l’autre la sélection sociale.

Relativement à l’analyse sociale, Galton eut recours à la courbe de Gauss pour classer les individus et repérer non pas « l’homme moyen », mais « l’homme génial », puisque c’est ce dernier qui évolue vers l’être parfait, la visée nécessaire de sa politique eugéniste. Nous comprenons mieux, comment une telle thèse mortifère a ainsi influencé des conceptions idéologiques dévastatrices, et marqué indélébilement le XXème d’une noirceur à la fois ineffaçable, et d’une odeur nauséabonde.

Le génie génétique

au service du nouvel eugénisme

Dans la période contemporaine, les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicalement assistée, ont ouvert de nouvelles perspectives et possibilités médicales.  Avec le transhumanisme, s’ouvrent littéralement de nouveaux enjeux.

En effet, les transhumanistes accréditent l’idée, que le génome humain n’est finalement que le reflet d’une forme de programmation. Certes le génome est immensément complexe, mais la technoscience s’est employée à le décoder, à le manipuler, à le décrypter. Reprogrammer l’humain, ne relève plus, dès lors, d’une idée insolite ou biscornue. Concevoir des programmes génétiques, tels ces tests de programmation génétique du cerveau, sont, bel et bien, des tentatives menées dans les laboratoires du vivant. C’est dans ce contexte que les ingénieurs biologiques du Massachusetts Institute of Technology, ont en effet, créé un langage de programmation, qui leur permet d’appréhender, puis, de concevoir rapidement des circuits complexes ; l’ADN codé donnant ainsi de nouvelles fonctions pour les cellules vivantes. Que ne laisserait entrevoir de telles recherches, visant demain à doper artificiellement des hommes, voir les corriger, même avec des visées humanistes ! Si l’on commence ainsi, à réparer les dysfonctionnements du cerveau et guérir les anomalies, n’adviendra-t-il pas le temps de rechercher à idéaliser l’être humain, et anticiper le temps de l’homme augmenté et « performé », un nouveau type d’humain, un sur homme amélioré par le génie génétique.

Mais comme le souligne à nouveau Jacques Testart « c’est surtout la préoccupation de qualité du produit-enfant qui anime désormais la fabrique de l’humain. Outre les méthodes sélectives (choix d’un tiers géniteur, sélection d’un embryon), l’Aide Médicale à la Procréation vise à proposer l’amélioration de l’embryon, et des praticiens s’emballent de projets eugéniques quand la technologie prétend disposer d’outils efficaces et précis pour modifier le génome ».

De la sorte, le projet de conquête absurde et qui touche au génome humain ne semble plus avoir de limites, subséquemment la fécondation de bébés issus de plusieurs parents[4], pour obtenir un bébé « génétiquement parfait » n’est plus si improbable, le premier bébé, résultat d’une manipulation du génome de trois parents, est né au Mexique, l’enfant est en effet né de la manipulation de l’ADN de trois parents. Il s’agissait de transférer des matériaux génétiques du noyau pour éviter que la mère ne transmette à son enfant des gènes défectueux responsables du syndrome de Leigh « de transmission maternelle », une maladie neurologique progressive caractérisée par des lésions neuropathologiques.

La Grande-Bretagne était devenue le premier pays au monde à autoriser la conception d’enfants « à trois parents ». La technique imaginée par Doug Turnbull, de l’université de Newcastle, au Royaume-Uni, et dénommée « transfert pronucléaire » (PNT), consiste à prélever le noyau de l’ovule de la mère contenant des mitochondries défaillantes. L’ovocyte est ensuite fécondé avec le sperme du père, puis le noyau de l’œuf est transféré dans l’ovule énucléé de la donneuse.

Or pour le professeur Royère, le directeur procréation, génétique et embryologie humaine à l’Agence de la biomédecine en France, « Le risque est que la manipulation induise chez l’embryon de nouvelles pathologies ou anomalies, alors qu’on cherchait au contraire à obtenir un bébé sain ».

Les avancées sournoises du transhumanisme

Les avancées du transhumanisme sont sournoises, subtiles comme nous l’écrivions précédemment, le nouvel eugénisme, empreinte un nouveau langage, teinté d’humanisme et de progressisme, et qui dans l’air du temps, passe beaucoup mieux, nous faisant ainsi passer pour des ringards, des conservateurs surannés, ne comprenant rien à l’avènement du progrès.

Or ce nouvel Eugénisme revêtu, des habits du transhumanisme, progresse du fait, à la fois de notre désertion, de l’abandon des valeurs morales, et de la défection de l’éthique, que l’on nous défend de promouvoir, sans être taxé de défenseur de l’inégalité.

Ainsi, qu’est-ce qu’aujourd’hui le Conseil Consultatif National d’Éthique, sinon des hommes et des femmes, dont la plupart ne sont plus habités par la dimension du spirituel, qui apporte la raison à la conscience, « la conscience, à la science ».

Jérôme Sainton Docteur en Médecine évoquait dans un mémoire de fin d’étude en Bioéthique, l’Éthique de la mise en œuvre[5] et non du fond, la bioéthique a dans ce nouveau contexte sociétal pour fonction de compenser la réalité, de mettre des mots sur des pratiques, afin de nous convaincre que c’est bien l’homme qui fixe les règles. Elle a donc in fine pour objectif de familiariser, « d’habituer les gens aux développements technologiques pour les amener à désirer bientôt ce dont ils ont peur aujourd’hui. […] Le Comité National d’Éthique est d’abord un comité de bienveillance de l’essor technoscientifique. Certaines technologies seraient très mal acceptées aujourd’hui, mais si, dans quinze ou vingt ans, elles sont bien acceptées, ce sera en partie grâce aux comités d’éthique, qui auront dit : “il faut développer la recherche, il faut faire attention, il faut attendre un peu, il faut un moratoire…” toutes sortes de propositions qui n’ont rien à voir avec un interdit et qui permettent de s’accoutumer à l’idée. » (J Testart, en collaboration avec Christian Godin, Au bazar du vivant : biologie, médecine et bioéthique sous la coupe libérale, Seuil (points virgule), Paris, 2001, p.132-133). Ainsi la bioéthique a pour finalité d’adapter l’homme au système technicien : c’est elle qui assure la transition entre les anciennes et les nouvelles valeurs.

Le monde, habité par des désirs prométhéens, installe ainsi, et au fil de son histoire, une technicité qui réduira l’humain au rang de machines, puisque notre génome en est réduit à n’être qu’un logiciel programmable à souhait. En écrivant ces lignes, résonne en moi ces mots de l’écologie humaine, « Prendre soin de l’homme, de tout l’homme » qui est l’antithèse de l’homme modifié ou augmenté, l’antithèse d’un transhumanisme qui aliène la dimension ontologique de l’homme, l’essence même d’une finitude qui ne trouve sa grandeur qu’en son créateur.

[1] Jacques Testart Biologiste français qui a permis la naissance du premier bébé éprouvette en France en 1982.

[2] Le récit est rapporté dans le livre d’Exode chapitre 1.

[3] Dominique Aubert-Marson Maître de conférences, Laboratoire de biologie du développement et de la différenciation neuromusculaire, Université Paris Descartes

[4]http://www.rtl.be/info/magazine/science-nature/un-bebe-issu-de-trois-parents-biologiques-differents-voit-le-jour-grace-a-une-methode-controversee-854463.aspx

[5] Nous reprenons ici l’intégralité du texte de Jérôme Sainton, extrait de son mémoire de Bioéthique, Jérôme Sainton est Docteur en médecine.

La révolution bioéthique

Dans la destruction du réel, dernier livre de Bertrand Vergely , le philosophe dénonce les trois dernières folies majeures de l’homme fait Dieu, folies qu’il assimile à trois névroses :

La névrose à l’égard de la manière de naître qui se traduit par les nouvelles parentalités, et touche à la dimension d’une fécondation artificielle faisant rencontrer le désir et la technique.
La névrose à l’égard de la dimension relationnelle qui se traduit par l’apparition demain d’un robot affectif, nouveau substitut du rapport à l’autre et impacte la dimension de l’identité
Et la névrose à l’égard du réel qui se traduit par l’avènement d’un monde virtuel engendrant le corps déconnecté de tout ancrage à la réalité.
Tous ces changements ont un même dénominateur, la déconstruction ontologique, ce que les philosophes appellent l’être. Cette destruction de l’être, était hélas prévisible, déjà prédite dans le livre de la Genèse, depuis le Jardin d’Eden, depuis la prétention de l’homme à devenir l’égal de Dieu et cette tentative d’effacer son image en nous.

Cette destruction de l’entièreté associée à notre humanité résulte de la prétention à nier notre finitude, la prétention de nous orienter vers une forme d’autosuffisance singulière.

Ainsi comme l’écrit Bertrand Vergely « L’homme-Dieu est fort tant qu’il n’est pas démasqué. Comme tous les pervers, il n’aime guère que sa perversion soit nommée ».

laercio-cavalcanti-624388-unsplash

Les névroses contemporaines

Dans la destruction du réel, dernier livre de Bertrand Vergely , le philosophe dénonce les trois dernières folies majeures de l’homme fait Dieu, folies qu’il assimile à trois névroses :

  • la névrose à l’égard du réel avec l’avènement d’un monde virtuel engendrant le corps déconnecté de tout ancrage à la réalité.
  • La névrose à l’égard de la dimension relationnelle  nous connectant au monde sans être relié à la table de son prochain
  • La névrose à l’égard de la manière de naître qui se traduit par les nouvelles parentalités, et touche à la dimension d’une fécondation artificielle faisant rencontrer le désir et la technique.

Tous ces changements ont un même dénominateur, la déconstruction ontologique, ce que les philosophes appellent l’être. Cette destruction de l’être, était hélas prévisible, déjà prédite dans le livre de la Genèse, depuis le Jardin d’Eden, depuis la prétention de l’homme à devenir l’égal de Dieu et cette tentative d’effacer son image en nous.

Cette destruction de l’entièreté associée à notre humanité résulte de la prétention à nier notre finitude, la prétention de nous orienter vers une forme d’autosuffisance singulière.

Ainsi comme l’écrit Bertrand Vergely « L’homme-Dieu est fort tant qu’il n’est pas démasqué. Comme tous les pervers, il n’aime guère que sa perversion soit nommée ».

Pour prolonger la réflexion du Philosophe Bertrand Vergely et revenir à ces dimensions du désiré et de l’identité, ces deux thématiques sont en effet importantes, car elles convoquent des dimensions à la fois anthropologiques et métaphysiques …

Aussi chaque dimension autour des notions de désir et d’identité devrait être appréhendée, dans toute leur amplitude.

Cette question autour de ces thèmes du désir et de l’identité nous renvoie ainsi à celle formulée par Edgar Morin sur la complexité de l’individu que l’on tente de segmenter, de catégoriser sans relier les parties de l’identité humaine entre elles. Il faut ainsi penser la complexité humaine dans son identité biologique, subjective, sociale, culturelle et spirituelle. Dans un monde virtuel qui tente de déconnecter, de déraciner le corps du réel, et on oublie alors que l’être, l’identité humaine est aussi inscrite dans la dimension biologique. L’ancrage de l’être humain dans toutes ces composantes, biologique culture, social spirituel sont un principe d’unité et de diversification de l’espèce humaine. Toutes ces dimensions s’intriquent et forment l’identité mais une identité qui n’est pas déconnectée de sa nature également biologique. Or prétendre dissocier ces dimensions, c’est en quelque sorte aliéner ce qui fait l’homme dans son entièreté

Pourtant je ne vais pas me livrer à une explication de textes, mais plutôt vous partager les résonances de ces mots. Les réflexions qui sont les miennes autour du mot désiré et de l’identité « être soi ».

Or avec la fécondation in vitro, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, la question posée « Suffit-il d’être désiré pour être aimé et être soi » nous renvoie à nous interroger sur les enjeux de demain face à un changement de paradigme celle de la manière de naître.

Sommes-nous en fait, en train de basculer dans une nouvelle ère de la modernité, celle du transhumanisme ? Un transhumanisme parfois déconnecté qui n’a pas pris toute la mesure de la dimension ontologique de l’homme, en effet notre identité demeure entre autres, enracinée dans le biologique :

Mais qu’est-ce que nous dit cette technique qui gomme la paternité ou la maternité, interfère dans la manière de naître, ouvrant désormais la possibilité de faire jaillir la vie hors de la vie ?

Quelles incidences auront de fait un système technicien qui efface le Père ou la Mère sur la construction de l’être, de son identité, de soi pour reprendre cette question autour de l’identité et du désiré ?

Mais avant d’aller plus loin sur les enjeux et répondre aux éléments déclinés dans cet avant-propos, reprenons la dimension du désiré et celle de l’identité…

La dimension du désiré.

Le mot « désiré » en soi a des résonances forcément multiformes et qui s’applique à la dimension même de l’objet. Le désir se définit en philosophie comme ce qui « nous porte vers une réalité que l’on se représente comme une source possible de satisfaction ».

Il est ainsi étrange que dans notre monde, d’être les témoins d’un glissement sémantique, nous ne parlons plus ainsi de don, d’accueil de l’enfant mais de désir d’enfant. Ainsi nous sommes passés de l’accueil de l’enfant au « désiré ». Nous prenons de fait conscience d’un déplacement, de la part de signifiant dans les mots, allant de l’accueil inconditionnel au désir d’enfant, du don à la satisfaction d’un besoin.

Nous entrons de fait de plain-pied dans un monde de réification, d’envie non nécessairement altruiste, avec en arrière-plan la rupture du lien générationnel.

Avec la dimension du désiré, nous enfonçons enfin dans un monde qui rêve l’aboutissement d’un homme désincarné de son réel, auto construit qui se suffit à lui-même, qui n’a plus besoin de l’autre, qui évacue le relationnel, car le monde technique et numérique répondrait à l’ensemble de ses besoins. A partir du moment où l’enfant n’est plus reçu mais construit (construit par la rencontre entre le désir et la technique), cette construction augure d’un monde où, en dernière analyse, l’homme ne dépend plus que de lui-même : un homme auto-construit qui se suffit à lui-même. Perspective révélatrice d’une profonde solitude et de futures souffrances.

Mais au fond qu’est-ce que cette société qui veut la performance, qui aspire à un désiré, une norme et non à la dimension relationnelle qui touche à l’enfant accueilli tel qu’il est, né depuis des millénaires d’une relation homme et femme et non fécondé par une techno science augurant bien, et inévitablement dépeint par Aldous Huxley, un monde transhumaniste.

Avec la GPA nous passons bien d’une dimension de verticalité, c’est-à-dire celle du lien générationnel, à celle d’une dimension (plus) horizontale, la gestation pour autrui, ce n’est plus la gestation pour l’enfant, mais bien la gestation pour autrui et il y a là avec cette dimension du désiré, une dimension clientéliste qui forcément m’interroge et doit tous nous questionner.

En passant du lien générationnel, à une dimension plus horizontale, il y a de facto une rupture avec une histoire, un passé, une filiation, un héritage. Nous entrons de fait, de plain-pied dans l’horizontalité. L’horizontalité qui avec la GPA s’appuie nécessairement sur les avancées de la science pour faire émerger la vie.  

Au fond la question est aussi la suivante, le désir et aimer suffisent-ils pour combler toutes les dimensions qui toucheront ce qui fait que j’existe ?

La dimension de l’identité

En réfléchissant à la question de l’identité orientée sur le devenir de l’enfant, il semble sans doute important de postuler que l’identité proprement dite se façonne autour d’un environnement multiforme qui ne saurait être seulement réduit à la seule dimension sociale, culturelle, affective, la construction de l’identité de l’enfant est également inséparable de conditions qui touchent à la dimension de la vie prénatale mais également au fait qu’il reçoit un capital épigénétique qui imprime en lui une mémoire parentale. Ce capital épigénétique qui se construit en regard de l’impact de notre environnement et que nous transmettrons potentiellement à notre descendance.

  •   La vie prénatale participe de la construction de l’enfant

Des chercheurs ont en effet en premier lieu postulé que la mémoire parentale et prénatale s’imprime en effet durablement dans l’enfant à naître.  Un enfant sera en effet marqué à la fois par son héritage génétique mais également par le lien utérin qui l’unit très tôt à sa mère, et un enfant à naître peut ressentir négativement les impacts d’une dissociation, d’une rupture, un enfant sera comme touché dans son inconscient par les effets d’une séparation.

Ainsi l’étape de la fécondation et la naissance sont loin d’être une parenthèse sociale, un événement abstrait dans la vie de la mère et de l’enfant à naître du fait même des échanges utérins existant entre l’enfant et sa mère.

Plusieurs chercheurs ont mis à jour, le fait suivant : le fœtus à naître est un être à la sensorialité très développée ce qui va fonder des échanges d’une grande intensité avec la mère, il y aura dès lors comme une empreinte indélébile. Nous savons également aujourd’hui à quel chaos peut mener et aboutir une grossesse qui n’a pas été investie psychiquement par la mère qui s’inscrit dans le déni de la grossesse. Dans le cas de la GPA, la personne qui porte l’enfant ne s’investit pas dans la grossesse d’un enfant qui n’est pas le sien, elle s’inscrit, cette personne dans une prestation de service et une prestation technique.

La « Gestation Par Autrui » conduit de fait à une forme de rupture du lien, et cela touche aussi et au-delà à des questions profondes autour de la vie.

A ce propos une psycho thérapeute écrivait « N’est-il pas tragique de volontairement gommer les attaches de filiations biologiques maternelles et/ou paternelles comme repères majeurs dans la vie d’un enfant, de lui dire implicitement : » Tu oublies tes origines, ce n’est pas si important, tout se passe bien de cette façon aussi » ? Il se fait que non. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent » fin de citation.

Ainsi notre identité d’homme et de femme demeure également enracinée dans le biologique et il me semble que l’existence d’une hérédité épigénétique transgénérationnelle est totalement démontrée. L’épigénétique s’exprime au travers de couches d’informations induites par l’environnement au sens large (une mémoire parentale  transmise soit par le Père, soit par la Mère) ; certaines marques épigénétiques pourraient même passer à la descendance.

Les incidences d’un système technicien qui efface la paternité ou la maternité

sur la construction de l’identité

En regard d’une techno science qui rend possible la fécondation sans relation sexuée, que signifiera demain le fait de grandir sans Père  ?

Nous sommes d’ores et déjà les témoins de mutations sociales importantes, les témoins d’un effacement du Père, sous l’influence de la redistribution sociologique des rôles interchangeables des hommes et des femmes au sein d’une civilisation qui réinvente l’humanité, nous assistons ainsi à un mouvement inéluctable «vers une société sans père» dans laquelle la figure paternelle s’efface et l’autorité se délité de tout contenu.. Or gommer le Père c’est aliéner une part de l’essence même de notre humanité, c’est la vider de toute substance spirituelle, c’est proclamer l’immanence sans transcendance.  

Puis avec l’émergence des avancées et des techniques médicales, les progrès de la médecine conduisent à un « jaillissement de la vie qui ne se fait plus dans la vie », et à une sortie demain, du vivant hors du vivant, finalement à l’accomplissement d’une dénaturation de la manière de naître, nous entrons dans un post humanisme annonciateur d’une vision mortifère et de destruction, d’une part de notre humanité, dépouillée de l’amour inconditionnel.

Soulignant la dimension mortifère sur cette dénaturation de la manière de naître, le docteur Benoît Bayle écrivait ainsi en 2004 : « La révolution “conceptionnelle” repose sur une incontestable réification de l’embryon humain. Celui-ci devient objet de surproduction, et par conséquent de destruction de masse, objet de contrôle qualitatif et bientôt peut-être, prothèse thérapeutique. Cette surproduction et cette surconsommation embryonnaire sont l’objet d’un refoulement massif. Leur étude mérite pourtant d’être entreprise, par-delà les enjeux idéologiques qu’elle soulève… La révolution procréatique repose sur une véritable logique de surproduction, de sélection et de destruction des embryons humains ».

De fait dans ces contextes de vision mortifère de la vie, nous apprenons bien que la matrice maternelle et paternelle est indissociable au devenir même de l’enfant, l’enfant à naître peut de fait, ressentir négativement la rupture et être marqué dans sa mémoire prénatale des effets mêmes de cette désunion en quelque sorte.

S’il faut entendre le désir parental, et en effet il faut en effet entendre la souffrance des adultes. Cependant la question de la souffrance de l’enfant doit aussi être entendue. Or nous aurions tendance à oublier que ce qui est en cause, ce n’est pas tant le désir individuel que le bien des enfants. Il s’agit de fait de prendre la mesure de toutes les conséquences des désirs d’adultes qui peuvent amener plus tard de la souffrance dans le cœur des enfants puis l’inscrire durablement dans leurs mémoires.

Gommer, effacer, faire l’impasse, Ignorer les dissociations dans ce rapport utérin peut conduire ainsi à de profonds ravages en appréhendant pas toutes les conséquences d’une dénaturation de la vie du fait du pouvoir de la technique, d’un système technicien prométhéen qui jouerait avec le feu, en aliénant une part de la dimension ontologique d’un être humain, c’est-à-dire son âme, sa dimension spirituelle.  

En outre le besoin bien réel de connaître ses origines donne tort à tous ceux qui nient l’importance des caractéristiques biologiques de l’homme, en y voyant seulement des déterminismes et stéréotypes dont il faudrait se libérer.

Pour illustrer et conclure ce premier propos et conclure sur cette question, je citerai ce médecin pédiatre Janusz Korczak qui s’est engagé toute sa vie pour les droits de l’enfant « Plus le niveau spirituel de l’éducateur est pauvre, plus sa morale est incolore, plus grand sera le nombre des injonctions qu’il imposera aux enfants, non par souci de leur bien, mais pour sa propre tranquillité, et son propre confort égoïste ».

Il est intéressant de noter que Korczak s’était au cours de la seconde guerre mondiale totalement investi dans son travail de pédiatre auprès des enfants d’un orphelinat et qu’il ait volontairement renoncé à sa vie pour ses convictions, cela nous parle pour la grandeur de l’homme. Mais cela est secondaire, en regarde de la force de son message résumé dans cette citation si profonde.
Remerciements de l’auteur : « j’aimerais remercier mes amis Claude et Edmond Boucton, mon Ami le Docteur Jérôme Sainton, sans qui ce texte n’aurait pu être produit avec cette dimension réflexive et cette richesse notamment sur des références à la fois philosophiques et anthropologiques ».