Auteur Eric LEMAITRE
Manipulation et bricolage génétique
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il devient possible d’être l’acteur de sa propre évolution, de l’évolution de notre ADN. L’humain veut avoir la main mise dans sa propre chair, de la muter ce qui ne semble plus impossible de par la possibilité de changer le brin défectueux ou bien imparfait et d’attribuer un brin sain, sans défaut. Nous comprenons de fait beaucoup mieux cette intuition partagée par Aldous Huxley dans la préface de la nouvelle édition de son livre le meilleur des mondes, « La révolution véritablement révolutionnaire se réalisera non pas dans la société, mais dans l’âme et la chair des êtres humains. » du fait même et sans doute de côtoyer son frère biologiste, théoricien de l’eugénisme et père du terme « Transhumanisme ».
Mais l’évolution génétique [ou le bricolage génétique] ne se limite pas au cadre de notre génome. La révolution génétique ne consiste pas seulement à prolonger radicalement la vie, cette révolution génétique peut s’associer à d’autres techniques et augmenter également le nombre des connexions neuronales, ou encore, nous interfacer ou nous hybrider avec des « organes » artificiels afin d’augmenter l’homme, de fournir de nouvelles facultés physiques et cognitives.
La science transhumaniste entend ainsi bricoler la vie mais peut produire de redoutables dommages comme en témoigne la recherche sur le CRISPR-CAS9, technique utilisée pour modifier des gènes défectueux et sur laquelle la médecine transhumaniste fonde avec un fol enthousiasme de grands espoirs. La technique CRISPR-Cas9[1] récemment découverte par la microbiologiste, généticienne et biochimiste Emmanuelle Charpentier, en collaboration avec l’Américaine Jennifer Doudna, cette technique de ciseau moléculaire, du nom d’un système immunitaire bactérien est utilisé en génie génétique pour modifier facilement et rapidement le génome, la protéine Cas9 a été notamment largement mobilisée comme un dispositif d’ingénierie du génome pour produire des ruptures du double brin d’ADN ciblé, ce qui permet entre autres d’éditer avec précision des portions d’ADN et modifier ainsi le génome des cellules, de provoquer une nouvelle mutation ou bien de procéder au remplacement d’un gène défectueux par un gène sain. Comme le mentionne le blog du CNRS[2] « L’utilisation des CRISPR démultiplie en effet les possibilités de recherche fondamentale en neurosciences : en coupant un gène précis sur un modèle animal, on peut déterminer plus précisément son rôle, dans le développement du cerveau par exemple. De plus, elle ouvre la voie à de nombreuses applications thérapeutiques. Par exemple, si un gène est incriminé dans une maladie mentale, il devient envisageable, à terme, de l’éliminer, le corriger ou le remplacer avec notre bistouri génétique ».
En réalité cette technique est beaucoup moins précise et enthousiasmante qu’on le supposait et ce en raison des mutations inattendues. Selon une autre publication scientifique parue le 16 juillet 2018 publiée dans la revue Nature Biotechnology [2] : « Ces ciseaux génétiques ont provoqué des mutations « importantes » et « fréquentes » lors d’expériences menées sur des souris et des cellules humaines dans le cadre de l’étude ». Le bricolage de l’ADN qui constitue ainsi l’identité anthropologique de l’être ne s’en trouverait-il pas et dès lors dangereusement altéré. Selon la même revue « ce type de modifications pourrait conduire à l’activation ou à la désactivation de gènes importants, [d’augmenter l’expression du gène], et entraîner des conséquences potentiellement lourdes. »[3], les généticiens emploient l’expression de gènes délétères, des gènes altérées susceptibles d’entraîner l’apparition de caractères anormaux et de les transmettre à la génération suivante. Or si de telles transformations sont activées, elles conduiront à ce que l’on appelle communément le « forçage génétique », c’est-à-dire la transmission de toutes les modifications apportées au génome, ce qui serait de nature à impacter la nature même de l’homme, d’influer le corps humain sur sa destinée anthropologique. Or ici l’homme s’attribue des pouvoirs démiurgiques déniant l’éthique et toute réflexion morale, « l’homme devient la mesure de toutes choses, et plus rien ne saurait mesurer l’homme »[4].
C’est dès lors dans ces contextes que la mutabilité est promue par les idéologies de la post modernité. Mutabilité du corps promue, en raison des recherches engagées dans le domaine de la génétique, il devient donc peu à peu concevable de modifier le génome humain et de lui conférer une autre nature mais une nature qui pourrait bien être délétère pour reprendre l’expression des généticiens, et rendre possible une modification quasi hégémonique, imprévisible et incontrôlable des écosystèmes, .
La citation[5] que nous reproduisons et que nous restituons dans sa complétude illustre notre propos précédent : « En cette fin de siècle, cette idée n’est point abandonnée, on voit même la possibilité de sa réalisation par l’extension systématique à l’espèce humaine des procédés de parthénogénèse expérimentale qui ont réussi chez les animaux, par la mise en œuvre de la fécondation artificielle, de la microchirurgie portant sur les cellules sexuelles, leur noyau et leurs chromosomes, par l’éventualité de création d’individus par la seule multiplication asexuée, sans que ni un sexe ni l’autre soit nécessaire à aucun stade de la reproduction, ce qui constitue « le clonage », par lequel on obtiendrait des individus tous uniformément semblables et confondus dans une même identité et dans un anonymat complet !. Vous noterez ici toute la dimension que prend le « Faust » de Goethe, toute la portée de l’œuvre et le pressentiment prémonitoire en quelque sorte du propos qu’il fait en quelque sortir tenir dans la bouche de Méphistophélès.
Ainsi les tentatives de manipulation et de bricolages génétiques pour modifier l’homme, réparer les failles de son génome augurent de conséquences susceptibles d’être cauchemardesques non seulement pour l’ensemble des écosystèmes mais bien plus, c’est-à-dire affecter l’âme humaine, la vie humaine et l’essence d’une nature crée à l’image de Dieu.
La conclusion[6] nous est donnée par le Dr Denis Alexander : « … Dans son ordre créateur, Dieu a rassemblé certaines choses ; leur dissociation par l’homme ne pourra se faire qu’au prix de certaines conséquences psychologiques, physiques et sociales qui, à long terme, auront pour effet de le déshumaniser. Ainsi, Dieu a associé la sexualité et le mariage, le mariage et la paternité, le foyer et l’éducation des enfants. Les dissocier est mauvais, puisque cela revient à traiter Dieu de menteur en prétendant qu’il ne sait pas ce qui convient le mieux aux êtres humains qu’Il a créés, et parce qu’en dernier ressort, c’est l’homme lui-même qui souffrira de s’être éloigné de l’idéal créateur de Dieu. »
[1] https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau
[2] Citation extraite du blog https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau
[3] Une étude produite en 2017, par l’université Columbia, aux États-Unis, a remarqué que le découpage génétique entraînait de nombreuses réactions inattendues. Si les chercheurs ont pu corriger un gène de la cécité chez la souris, ils ont constaté que les animaux, en apparence sains, avaient pourtant développé plusieurs centaines de mutations, délétions et insertions nouvelles.
[4] La formule est citée par le sophiste Protagoras extraite de son ouvrage De la vérité, évoquée par Platon notamment dans le Théétète et selon laquelle « l’homme est la mesure de toutes choses ; pour celles qui sont, mesure de leur être ; pour celles qui ne sont pas, mesure de leur non être » (formule également évoquée dans le Protagoras de Platon).
[5] Référence : (A. Rosenfeld : L’homme futur, 1970, p. 122-123).
[6] Dr Denis Alexander : (Au-delà de la Science, 1978, p. 199-200).
Bienvenue en enfer 🙂
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