De l’homo sapiens à l’homo cyborg

Auteur Eric LEMAITRE

De l’homo sapiens à l’homo cyborg

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« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant ».

 Le post-humain sera-t-il le prochain stade de notre évolution ? La profusion en masse de produits technologiques de ces nouveaux artefacts, familiarise et conditionne l’homme sur l’avènement d’une suprématie de la technologie qui embrassera le monde ou l’embrasera.  La promesse de se façonner en s’appuyant sur les convergences technologiques dans les quatre domaines de l’informatique, de l’information cognitive, de la génétique et de la bio technologie afin de rendre possible la greffe l’homme avec de nouveaux attributs décuplant une puissance démiurgique.  L’homme cyborg ne relève plus de l’imaginaire de romanciers de science-fiction mais bien d’une réalité qui est bientôt aux portes de notre humanité.

Passer de l’homo sapiens à l’homo cyborg, c’est passer finalement à une autre nature, celle du « glébeux » comme l’entonne le cantique « comme l’argile entre les mains du potier », à celle d’un être qui le transcende biologiquement. Ce cantique spirituel nous rappelle que nous avons été façonnés par le potier, pétris par lui, autrement dit, nous avons été conçus par Dieu à partir de la poussière. Mais cette nature-là est contestée par l’homme qui ne se satisfait ni de ce corps, ni de cette faculté de penser dans les limites que lui confère la nature reçue. Comment alors ne pas songer à ce texte de Pascal :

« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant ».

L’homme est ainsi et finalement « assis » entre deux infinis, lui, l’être fini, délimité mais la vanité l’emmène ou le conduit à dépasser sa finitude à reculer les frontières de ces deux infinis, il entend ici explorer au-delà de ces deux barrières, passer si possible par-dessus l’encerclement de son corps pour s’approcher de ces deux horizons de l’incalculable.

L’homme entend ainsi agir à l’échelle de l’infiniment petit, celle du nanomètre, échelle que nous avons souvent dû mal à imaginer mais qui avoisinerait à titre de comparaison la proportion d’une orange à l’échelle de la terre. Ici l’homme entend exécuter ses projets pour agir au niveau le plus élémentaire de la matière et juste au-dessus de cette échelle, modifier la structure de l’ADN comme nous l’avions vu précédemment. Mais l’aspiration de l’homme est aussi son dépassement, la possibilité de se connecter et d’implémenter ou d’embarquer de nouveaux composants, des composants extra biologiques, des micro structures bardés d’intelligence. C’est l’homme intriqué, homme biologique et homme matière, l’homme génétiquement modifié. Ce combat-là devrait intéresser les écologistes, mais je doute qu’ils en fassent en réalité leur priorité.

A l’envers de ce monde naturel, le monde de la cognitique[1], cette discipline de l’ingénierie rattachée aux sciences de l’information aurait pour vocation d’interfacer l’homme, interconnecter le vivant avec le numérique et conférer de nouveaux attributs, l’homme deviendrait de fait une nouvelle forme d’entité, une entité hybride moitié homme, moitié machine, un homme cyborg. De fait l’homme appareillé ne saurait en soi choqué ou bouleversé la pensée transhumaniste, puisque l’homme est vu comme une machine biologique et non un être trinaire corps, âme, esprit. De fait modifier, interfacer l’homme d’attributs non biologiques est au fond, selon la conception transhumaniste, une dimension qui fait partie intégralement de la nature future de l’homme. L’habillage technologique de l’être humain s’articulera dès lors autour de nouvelles technologies, résultant des progrès faramineux de l’ingénierie, associés aux sciences de l’informatique, cognitives, de l’information et génétiques, de la « convergence des NBIC ». Cette confluence des NBIC est considérée comme l’ultime saut qui permettra de penser l’évolution de l’homme, centrée sur la performance à la fois physique et cognitive de l’homme, le nouvel homme. Si cela paraît être impossible pour nos lecteurs, certains qui nous lisent ont dans leur entourage ou eux-mêmes un pacemaker, une prothèse auditive ou autres dispositifs bio embarqués dans l’organisme, la possibilité d’imaginer demain que l’être humain s’inocule de microstructures ne relève pas de fait de l’impossible. Subrepticement l’ingénierie cognitique entend bien s’affranchir de ces barrières morales et rendre de facto possible la mutation de l’être humain.

La vision projetée concernant l’évolution du genre humain relève d’une conception purement matérialiste et mécaniste touchant le fonctionnement du corps biologique, il n’y avait donc plus qu’un pas à faire entre l’approche de « l’homme machine » de Julien Offroy de la Mettrie et l’homme automate de Jacques Vaucanson[2] inventeur du premier automate reproduisant les principales fonctions mécaniques de l’homme. Il suffisait d’imaginer la symbiose de l’homme et de la machine. Le rêve de greffer ou de connecter le corps humain n’appartient plus ainsi au domaine de la science-fiction, de nombreuses avancées tendent toujours et aujourd’hui démontrer la possibilité d’unir à la chair de l’homme, des pièces artificielles, d’hybrider ainsi l’homme, de connecter les prothèses et le cerveau humain. Le cyborg, une nouvelle vision anthropologique de l’homme est devenue le fruit d’un fantasme humain visant à libérer finalement l’homme du dualisme corps/esprit, c’est l’homme composite, moitié nature, moitié artifice, c’est l’homme greffé d’extensions artificielles. L’hybridation notamment à l’intelligence artificielle, pourrait à terme le dispenser de raisonner, puisqu’en un clic, la greffe lui permettra d’arbitrer rationnellement ses choix, de penser le monde, l’environnement avec une vision augmentée, une acuité accrue, une perception étendue.

Notre Faust humain entend ainsi bouleverser les paradigmes, franchir le Rubicon, passer outre les lois de la nature et les interdits, l’homme fusionne avec la matière non cette fois-ci pour réparer les dysfonctionnements de son corps (oreilles, yeux, cœur, amputation) mais bien pour l’augmenter, l’homme devient non pas l’homme appareillé mais il devient l’homme mutant.

Ainsi l’évolution continue des progrès technologiques vise bien à mettre en place les technologies de réparation et d’amélioration en proposant un dépassement progressif de notre condition humaine actuelle : prothèses contrôlées par la pensée, cœurs artificiels, yeux bioniques. Dépasser la mort biologique c’est bien s’affranchir le plus possible des limites physiques. Le rêve transhumaniste comme le décrit Laurent Alexandre dans son livre « La guerre des intelligences » c’est décupler les connaissances cognitives et corporelles, c’est dépasser les frontières, les clôtures entre le vivant et la matière.  Ainsi en s’affranchissant des barrières du vivant et de la matière inerte, nous banalisons le vivant, nous transformons le vivant en jeu de lego, remplaçable, transformable à souhait, interchangeable.

Ray Kurzweil   ingénieur, chercheur, et futurologue américain, directeur de recherche chez google prédit que dès les années 2030 « nous allons grâce à l’hybridation de nos cerveaux, avec des nano composants électroniques, disposer d’un pouvoir démiurgique ». Pour la neuro biologiste Catherine Vidal pondère l’enthousiasme de Ray Kurzweil « Le cerveau humain est d’abord et avant tout spécifique de la matière vivante … Si la connaissance que l’on en a est encore très sommaire, vu son immense complexité, on sait qu’il compte 100 milliards de neurones ». Chaque neurone est connecté à 10.000 autres. Elle poursuit : « L’information qui circule dans le cerveau est à la fois électrique et chimique. C’est cette combinaison absolument unique qui va permettre de nuancer à l’infini les messages qui y circulent entre les neurones ». Pourtant grâce à des interfaces cerveau machine, des résultats spectaculaires ont été obtenus. Notamment chez des patients tétraplégiques. La prédiction de Ray Kurzweil n’est pourtant pas dénuée de fondements absurdes mais on ne peut cependant faire l’impasse de la complexité du vivant jusqu’à présent inimitable comme le souligne la neuro biologiste Catherine Vidal.

Mais le cyborg sera-t-il vraiment la fin du processus de l’évolution ? Serait-il la fin de l’évolution de l’espèce humaine, ou bien l’imaginaire nous projettera-t-il vers d’autres formes possibles de l’humanité. Il ne semble pas que ce processus s’achèvera, sans doute que Dieu mettra fin à cette entreprise démente, une humanité qui se transcende elle-même. Le délire des transhumanistes est aussi de songer de dématérialiser l’humain, autrement dit de le scanner numériquement, de scanner l’ensemble de son cerveau ou bien la totalité de ses souvenirs pour le réimplanter dans un cerveau reconstitué. Mais la conscience humaine ne se réduit pas un corps et je reprends cette citation extraite d’un blog « Est-ce uniquement la conscience qui fait notre identité ou bien l’union du corps et de la conscience ? », dans les deux cas la radicalisation transhumaniste touchant à la transformation de notre être modifie la perception de l’être humain, bouscule la vision anthropologique de l’homme.

Or il est urgent pour l’homme de se raisonner et de considérer que c’est bien dans l’éphémère d’une vie si fragile soit-elle que nous puisons le vrai sens de la vie et que la beauté d’un sourire, celui d’un proche, d’une main tendue pourrait bien changer notre condition d’homme et lui conférer l’espérance parfaite, d’être aimé, car c’est bien dans l’amour que nous trouvons la dimension parfaite que nous recherchons et qu’en vain nous courrons vers un bonheur factice en investissant la matière.

[1] La cognitique est une discipline de l’ingénierie rattachée au cadre plus global des sciences de l’information

[2] Jacques Vaucanson, 17091782 à Parisinventeur  Il conçut plusieurs automates, il perfectionna également et  entre autres les métiers à tisser.

La révolution anthropologique et ses conséquences bioéthiques

Dans son livre « La nouvelle idéologie dominante », le sociologue Shmuel Trigano, rend compte de « cette reconsidération (métaphysique et anthropologique) du vivant et de l’humain, qui aboutit nécessairement à la redéfinition de la personne post-humaine, non plus dans son essence, mais dans son incarnation individuelle. »

Ainsi, le manifeste transhumaniste, résumé par ces mots « Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles », prend le contrepied de l’anthropologie biblique et définit, de facto, une nouvelle conception de l’homme et de son corps : 

Le transhumanisme, repose à la fois sur « un mélange assez hétéroclite d’ésotérisme religieux et de scientisme laïc », débouche sur une « certaine négation de la création, c’est-à-dire de la finitude de l’homme créé ». « Le transhumanisme percute l’incarnation, le corps créé dans sa dimension finie. Il s’agit de contrecarrer la nature, en modifiant l’ADN, en transmutant le corps humain, en revendiquant sa plasticité.

Le transhumanisme est ainsi marqué par la volonté de s’inscrire dans la transformation du réel aux frontières d’un monde désincarné où tous les rêves de mutation deviennent possibles.

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Un texte

de

Eric LEMAITRE

Les Institutions font de nos jours un usage quasi exclusif du terme genre.

En moins d’une décennie le concept de genre s’est imposé se substituant à la notion de sexe, Nous comprenons que la dimension idéologique du concept de  genre qui désigne des différences non biologiques hommes et femmes  est une forme de nivellement et d’indifférenciation des rapports sociaux et sexués hommes et femmes.

Il s’agit notamment pour les tenants et les promoteurs de cette terminologie de lutter in fine contre toutes les formes de patriarcat, Or derrière la promotion de l’égalité des sexes se cache sournoisement la volonté consciente ou non de combattre l’essentialisme biblique.

Cette nouvelle métaphysique qui redéfinit l’homme n’est ni plus ni moins qu’une forme nouvelle d’aliénation de l’être humain dans toute sa dimension d’être créé à l’image de Dieu. Une métaphysique radicale, édifiée, soutenue, promue par le féminisme matérialiste qui revendique une forme de lutte marxiste contre toutes les formes d’oppressions culturelles. Les conséquences bioéthiques des idéologies issues des études sur le genre préparent la post modernité et l’avènement d’un homme nouveau libéré de tout déterminisme grâce à l’évolution d’une techno science capable d’assouvir demain tous les fantasmes humains

Qu’est-ce que l’anthropologie ? 

Avant d’aller plus loin, il me semble cependant pertinent de définir en premier lieu le terme anthropologie qui étymologiquement est construit à partir de deux mots grecs, anthrôpos, ce qui signifie « l’homme » (au sens générique, ce terme embrasse bien entendu la femme), et logos, ce qui signifie la parole, le discours. Le domaine de l’anthropologie entremêle des notions très divers, se situe à la croisée des sciences humaines et naturelles, l’anthropologie étudie l’être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques et culturels (morphologique, social, religieux, psychologique, géographique…). Dans l’approche qui est la nôtre, c’est à dire comme Chrétien, nous mettrons l’accent dans notre propos sur l’anthropologie dans sa définition biblique puis l’accent sur l’approche culturelle et sociale en regard des nouvelles idéologies contemporaines.

Une révolution anthropologique ?

Qu’est-ce qui se cache derrière ces mots « révolution anthropologique » ?

Notre monde est en mutation, nous l’avions déjà évoqué dans d’autres articles publiés dans ce site. La première mutation est l’homme lui-même, certes il ne s’agit « pas encore » d’une mutation génétique, mais culturelle, cette mutation[1] concerne en premier lieu le rapport à l’altérité, au corps, aux autres, à soi.

  • Le rapport à l’altérité, au prétexte de l’égalité homme/femme, c’est l’idée même de complémentarité et de différences sexuées qui est remise en question. Alléguant l’interchangeabilité, la plasticité des êtres,le « je ne suis pas mon corps ». Dans ce rapport à l’altérité, la nouvelle anthropologie revendique l’affranchissement des stéréotypes et des environnements culturels qui déterminent les représentations, figent l’homme dans une identité non choisie[2], cette recherche d’égalité absolue, et non la complémentarité, annonce la fin, ni plus ni moins, de la femme, ou l’apparition d’un être anthropologiquement neutre.
  • Le rapport au corps, ce sont ces notions de finitude et de l’homme déchu, qui sont progressivement et proprement contestées, dans une époque matérialiste, résolument tournée vers l’idée de progrès.
  • Le rapport aux autres, la notion même de prochain ne saurait faire sens chez les transhumanistes, puisque l’idée même de compassion et de charité est supplantée par l’idée d’un état ou d’une collectivité universelle amicale, un égrégore bienveillant, pour tous, et bientôt la bienveillance d’un nouveau communisme numérique.
  • Le rapport à soi, c’est dans l’interaction aux autres que nous nous construisons, or, ce monde virtuel ne construit pas des interactions, mais des interconnexions, qui modifient également les représentations de soi comme sujet incarné.

Dans ces contextes de rapports à soi et aux autres, l’idéologie transhumaniste vient également entrer en collision avec les conceptions anthropologiques de l’homme « tel qu’il est », c’est l’idée même de finitude, de limites naturelles, que le transhumanisme entend percuter.

L’anthropologie transhumaniste « bouscule » l’idée chrétienne d’un Dieu souverain, qui a créé le premier couple humain (l’altérité), premier couple qui transgresse l’ordre divin, qui fut de ne pas goûter au fruit de la connaissance du bien et du mal, et se revêt par conséquent d’une nature mortelle.

Dans son livre « La nouvelle idéologie dominante », le sociologue Shmuel Trigano, rend compte de « cette reconsidération (métaphysique et anthropologique) du vivant et de l’humain, qui aboutit nécessairement à la redéfinition de la personne post-humaine, non plus dans son essence, mais dans son incarnation individuelle. »

Ainsi, le manifeste transhumaniste, résumé par ces mots « Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles », prend le contrepied de l’anthropologie biblique et définit, de facto, une nouvelle conception de l’homme et de son corps :

Le transhumanisme, repose à la fois sur « un mélange assez hétéroclite d’ésotérisme religieux et de scientisme laïc », débouche sur une « certaine négation de la création, c’est-à-dire de la finitude de l’homme créé ». « Le transhumanisme percute l’incarnation, le corps créé dans sa dimension finie. Il s’agit de contrecarrer la nature, en modifiant l’ADN, en transmutant le corps humain, en revendiquant sa plasticité.

Le transhumanisme est ainsi marqué par la volonté de s’inscrire dans la transformation du réel aux frontières d’un monde désincarné où tous les rêves de mutation deviennent possibles.

L’anthropologie biblique

Concernant l’approche de l’anthropologie biblique, rappelons que celle-ci nous présente l’homme comme étant fait à l’image de Dieu, conçu comme « une même unité » et un être relationnel. L’homme est âme, corps et esprit. L’être humain se définit ainsi comme « un tout » en quelque sorte, dans une entièreté indivisible, il est ainsi à la fois corps, âme et esprit et non une entité disjointe, le corps est de fait étroitement conjointement uni à l’âme. Ainsi si mon corps est en souffrance, c’est bien la totalité de mon être qui peut en souffrir. Ces trois termes Corps, âme et esprit renvoient ainsi à trois dimensions différentes d’une seule et même réalité : l’homme.

Par ailleurs l’apôtre Paul évoque bien l’être entier (Holos en grec c’est-à-dire le tout), la conception unitaire concernant ces trois aspects de l’être humain corps, âme esprit forment donc une unité, Paul n’écrit-il pas aux Thessaloniciens : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, celui qui vous appelle : c’est encore lui qui fera cela » (1Th 5,23-24). Ce qui conforte par ailleurs et également ce principe d’unité et cette vision anthropologique issu de la lecture des écritures, tient au fait que la nature pécheresse de l’homme s’hérite, non seulement physiquement, mais également en regard de son être entier.  « Ma mère m’a conçu dans le péché » (Psa 51:7)

En outre, la bible nous rappelle que l’homme possède une composante spirituelle, il est « esprit », il apparaît comme un être spirituel capable d’être également rempli par l’Esprit de Dieu. « J’ai rempli Beçalel, fils d’Ouri, de la ruah de Dieu pour qu’il ait sagesse, intelligence, connaissance et savoir-faire universel » (quelques références : Ex 31,3 ; 35,31 ; 28,3 ; voir aussi Dt 34,9). L’anthropologie biblique, est ainsi ancrée dans une dimension essentialiste, nous sommes (Corps, âme et Esprit) pourtant une seule personne, fait à l’image de Dieu. C’est pourquoi nous sommes invités à « respecter l’humain, tout l’humain » et préserver son intégrité. Dans cette dimension essentialiste, la femme est également issue de la chair de l’homme, à la fois parfaitement semblable (« Os de mes os et chair de ma chair » à l’homme et complémentaire « L’Eternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui » Genèse 2.18, « La femme a été créée à cause de l’homme » 1 Corinthiens 11.9.

Selon la conception Biblique les hommes et les femmes diffèrent également par essence, ainsi la nature sexuée homme et femme ne détermine pas que les fonctions d’ordre physiologique, mais a une influence sur leurs rôles à jouer respectivement, dans une dimension relationnelle et sociale, se complétant réciproquement. La femme apportant la vie et le secours, la première femme est appelée Eve ce qui signifie celle qui donne la vie et sa vocation est d’être une aide, celle qui vient secourir (Aide en hébreu est Ezer, ce qui signifie secourir). Ainsi comme le rapporte Daniel Saglietto sur le blog le bon combat, entre les hommes et les femmes il y a bien une notion d’égalité quant à “leur nature commune”, et une notion de complémentarité quant à leur “fonction”. Ephésiens 5.22-24

La conception biblique

de l’anthropologie, loin d’être partagée de nos jours  

Nous assistons bel et bien à une tentative de déconstruction de la vision biblique. L’anthropologie biblique est une anthropologie résolument « holistique » et essentialiste qui prend en compte l’homme dans sa totalité comme corps âme et esprit et nous invite de fait à respecter cette dimension complète qui définit l’homme dans cette vision de la transcendance, d’un Dieu créateur qui a fait l’homme.

Or si La thèse matérialiste qui a pleinement prévalu au XIXème siècle prétendant que tout ce qui existe, est une manifestation « mécanique » et physique, que tout phénomène est le résultat d’interactions matérielles, force est de reconnaitre que de nouvelles idéologies s’inscrivant dans la post modernité connaissent dans les esprits un essor considérable…

En effet l’une des doctrines contemporaines, opposée à cette approche essentialiste[3] est la théorie constructiviste, il faut ici ajouter le constructivisme social[4]. Par exemple pour appréhender simplement le concept d’essentialisme comparativement à la théorie constructiviste, la BIBLE affirme que tout homme est né pécheur, il est de fait par essence pécheur.

Dans le constructivisme d’inspiration rousseauiste et individualiste, l’homme est au contraire naturellement bon, la bonté de l’homme est dès lors dédouané de tout péché originel. Selon cette même approche rousseauiste, la condition humaine est en réalité pervertie en raison de contingences sociales qui ont déterminé les comportements, gangrené en quelque sorte les attitudes infectant dès lors toute la vie sociale de l’être humain.

Or de nos jours dans la déconstruction de l’homme qui s’opère, une autre dimension idéologique s’ajoute à celle de la théorie constructiviste, cette idéologie vise à séquencer, segmenter, désunir, disjoindre, dissocier ce qui fait « l’entier » de l’homme, lui ôter toute part de transcendance. Je donne ici à mon propos deux illustrations de cette idéologie :

  • La première, les idéologies issues des études sur le genre. Ces idéologies prétendent arracher l’identité masculine ou féminine de leurs stéréotypes culturels, autrement dit nous ne sommes pas notre corps, ni sexué masculin, ni sexué féminin[5].

Ainsi, tout ce qui serait susceptible de nous définir, selon les idéologies du genre, relève de déterminants sociaux et culturels. Dès lors les caractéristiques ou les propriétés psychologiques qui nous façonnent comme homme ou femme n’ont pas de sens en soi. Toujours selon les idéologies issues des études du genre nous ne naissons ni fille, ni garçon, notre corps ne détermine pas dès lors notre identité et pas plus notre ressenti homme ou femme.

Cette conception de l’homme et de la femme est ainsi proche du nominalisme, selon la théorie nominaliste les identités désignant la notion d’homme et de femme ne nous renvoient pas nécessairement à une existence ontologique réelle

  • La seconde le transhumanisme qui rêve de décoder le cerveau pour éventuellement le réimplanter dans un autre corps. S’accomplirait ainsi le rêve démiurgique du cyborg, ce qui est l’opposé d’une vision biblique qui ne dissocie pas l’être humain. Dans l’approche biblique le moi vivant incarné dans la chair est entièrement fait à l’image de Dieu, nous sommes tenus de respecter l’intégrité du corps, non dissociable de son entité ontologique âme et esprit.

Une nouvelle anthropologie

qui serait d’abord de dimension idéologique ? 

Ce sont souvent les idéologies qui orientent parfois les recherches scientifiques engagées par les hommes.

La philosophe Chantal Delsol avait utilisé, le terme de monde « hors sol », j’ai repris ce terme dans notre livre « La déconstruction de l’homme » pour qualifier les idéologies transhumanistes. Ces idéologies transhumanistes veulent en effet défier l’ordre dans la création, promettant de performer l’homme, de modifier ou d’en finir avec la finitude qui encercle l’homme.

Dans un monde virtuel qui tente de déconnecter, de déraciner le corps du réel, le monde d’aujourd’hui envahi par la technicité se plaît de nous faire oublier que l’être, (l’identité humaine) est aussi inscrit dans la dimension du corps et de fait dans sa composante biologique.

N’oublions pas également notre ancrage, l’enracinement de l’être humain dans toutes ces composantes complexes, biologique culture, social spirituel. Toutes ces composantes sont bel et bien, un principe d’unité et de diversification de l’espèce humaine. Toutes ces dimensions s’intriquent et forment l’identité mais une identité qui n’est pas déconnectée de sa nature également biologique.

Or prétendre dissocier ces dimensions, c’est en quelque sorte aliéner ce qui fait l’homme dans son entièreté, dans son unité corps âme et esprit. D’ailleurs la Bible souligne ce principe d’unité Corps, Âme et Esprit. Jésus lui-même ne transforme pas seulement l’âme, il guérit le corps et restaure l’esprit. Dieu lui-même s’est ainsi incarné dans notre chair et a embrassé l’entièreté de la chair, en éprouvant lui-même la souffrance, la fatigue.

De fait nous vivons bel et bien à ce jour comme un renversement de la table de la loi, cette loi divine à propos du corps, la dimension de la révolution anthropologique est en conséquence profondément idéologique, comme une forme de révolte contre l’essentialisme biblique qui plaide et valorise l’unicité de l’être fait à l’image de Dieu. Ce changement de paradigme anthropologique, touche bien entendu à la dimension du corps. Dans cette révolution quasi culturelle il s’agit en premier lieu de toucher à l’identité même de l’esprit humain, de dissocier l’âme et le corps, de véritablement déconstruire en omettant souvent les réalités biologiques qui différencient le masculin et le féminin et qui sont propres à interagir sur la nature différenciée des hommes et des femmes. Nous reviendrons à ces questions pour aborder le concept de genre ou plutôt les idéologies concernant le genre à travers l’idéologie la plus extrême, le courant Queer.

Les sources

d’un changement de paradigme  

Ce changement de paradigme, tous ces changements en réalité puisqu’ils sont culturels et sociaux, ont un même dénominateur, la déconstruction ontologique, ce que les philosophes appellent l’être, une déconstruction militante en réalité, une déconstruction idéologique qui est en réalité du même ordre que la tentative darwinienne de remettre en cause la dimension même de la création. Cette déconstruction de l’être, cette remise en cause de l’essentialisme biblique était hélas prévisible, déjà prédite dans le livre de la Genèse, depuis le Jardin d’Éden, depuis la prétention de l’homme à devenir l’égal de Dieu, cette tentative d’effacer son image en nous.

Cette dissociation quasi propagandiste de l’entièreté associée à notre humanité homme et femme, résulte de la prétention à nier finalement notre finitude ou plutôt à contester également l’enfermement dans notre corps. Il s’agit finalement de militer puis de prétendre à une forme d’autosuffisance singulière jusqu’à l’affranchissement de son corps de toute représentation culturelle et sociale.

À ce propos, permettez-moi d’évoquer le philosophe Bertrand Vergely, auteur du livre « la destruction du réel », l’auteur dénonce les trois dernières folies majeures de l’homme fait Dieu, folies qu’il assimile à trois névroses et qui sont finalement les sources de la déconstruction :

  • La névrose à l’égard du réel avec l’avènement d’un monde virtuel engendrant le corps déconnecté de tout ancrage à la réalité.
  • La névrose à l’égard de la dimension relationnelle, une névrose nous connectant au monde sans être relié à la table de son prochain.
  • La névrose à l’égard de la manière de naître qui se traduit par les nouvelles parentalités, et touchera demain à la dimension d’une fécondation artificielle faisant rencontrer dans un futur non improbable, le désir et la technique.

Toutes ces névroses sont bel et bien l’expression d’une dissociation de l’être, d’un corps finalement déconnecté de son milieu, de son environnement, de toute réalité extérieure à lui.

Ainsi comme l’écrit Bertrand Vergely « L’homme-Dieu est fort tant qu’il n’est pas démasqué. Comme tous les pervers, il n’aime guère que sa perversion soit nommée ».

La déconstruction ontologique,

est une tentative de dénaturation de l’être

« La liberté d’être indéterminée est le fantasme de notre civilisation d’aujourd’hui », ici je me suis permis de citer François Xavier Bellamy pour introduire ma réponse relativement à cette déconstruction ontologique, des termes savants, je vous l’accorde, mais qui en réalité recouvrent une réalité idéologique qu’il nous faut pourtant appréhender.

« La liberté d’être indéterminée » est une vision asexuée répandue par les idéologies issues des études sur le genre.

Autrement dit pour les tenants de cette idéologie, nous ne sommes pas notre corps, ce que nous sommes a été socialement construit et ne relève que d’éléments de langage et culturels, pas d’une réalité biologique. Etre masculin ou féminin n’est de fait pas déterminé par notre condition sexuée, notre corps d’homme ou de femme est selon l’idéologie du genre, façonné culturellement ou socialement, c’est en soi une forme de nominalisme[6] radical contestant une supposée réalité. Réalité qui n’en est pas une, selon les idéologies issues des études sur le genre. Cette conception nominaliste revient donc à dire à propos de la différence supposée homme et femme qui transcenderait en quelque sorte leur identité, qu’elle n’existe pas en réalité en soi.

Inversement, pour nous Chrétiens, notre identité d’homme et de femme est un donné intentionnel, un marqueur divin, cependant notre nature est déchue, et du fait que celle-ci le soit c’est notre rapport à Dieu qui en a été altéré. Pour percevoir la réalité divine de notre nature nous avons besoin de cette restauration en Christ. N’est-ce pas ce que l’apôtre Paul disait  dans l’épître aux corinthiens (1 Cor 2.14) en quelque sorte confortant ici notre propos

« Mais l’homme animal ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge »

Précédemment nous évoquions la conception biblique de la vie fondée sur l’approche essentialiste, la vie humaine a été selon nous créée par Dieu, Dieu crée l’homme et la femme à la fois semblables et complémentaires. Dieu institue en quelque sorte la différenciation féconde, puisque c’est bien l’altérité qui engendre la vie et perpétue l’espèce humaine.

Or nous comprenons bien le refus de cette altérité, le rejet de l’altérité sexuée qui forme ce changement de paradigme, cette révolution anthropologique qui est un des aspects de la post modernité.

Le passage

d’une anthropologie relationnelle à l’anthropologie de l’individu

Ce n’est pas dans le monde virtuel que nous instaurons la rencontre, mais c’est bien en allant dans les ruelles de nos quartiers, sur l’aréopage, les places, sur l’asphalte, à la rencontre du prochain, de la personne malade, de l’étranger, de la personne isolée que nous manifestons le royaume de Dieu par la présence de Christ en nous.

Les mots compassionnels que nous laissons sur nos réseaux sociaux ne valent en réalité rien, ces épigraphes et ces louanges artificielles nous dédouanent finalement de notre réalité à aller vers l’autre. Cet autre, ce prochain qui attend de nous un geste, une parole qui l’englobe, qui l’embrasse dans toute la dimension de sa réalité.  Le monde glacial et technologique de nos réseaux sociaux est en réalité un épais rideau, un mur subterfuge nous empêchant de rencontrer le prochain, car ce réseau virtuel et non social vient nous priver, s’il n’y a pas hélas de suites, de rencontres vécus nous reliant à la table de l’autre. Nous sommes foncièrement des êtres relationnels, nous défendons ici cette anthropologie de l’échange incarné, nous soutenons l’homme grégaire et valorisons cette nature relationnelle qui est l’essence même d’une identité reçue. Cette nature est aujourd’hui malmenée, marquée par une anthropologie recentrée sur l’individu.

Nous sommes ainsi passés de l’anthropologie relationnelle, à celle d’un être plus isolé que jamais noyé dans les subterfuges de la technologie, les artifices des objets numériques nous connectant au monde et nous dissociant des autres. Cette anthropologie de l’individu est en passe de fabriquer une contre-culture héritée de l’échange vécu ou parfois conflictuel, cette anthropologie de l’individu est celle de l’être atomisé et isolé qui est transformé en avatar, un avatar qui a l’illusion de vivre alors qu’il est enfermé dans un écran.

Le constructivisme social

une thèse opposée à l’essentialisme

Alors dans ces contextes sociétaux, faut-il s’étonner des glissements idéologiques qui contrefont l’héritage culturel passé, un mouvement de contre-culture, imposant de nouveaux stéréotypes est ainsi sur le point d’émerger en quelques décennies. Cette contre-culture est née de mouvements nihilistes, de l’existentialisme incarné remettant en cause l’essentialisme chrétien. Peu à peu les coups de pelle ou coups de butoir ont été donnés afin que s’effrite, se désagrège le vieux monde des conservateurs judéo-chrétiens. Simone de Beauvoir fut en quelque sorte l’égérie de cette nouvelle contre-culture.

Simone de Beauvoir dont nous reprenons une citation célèbre affirmait qu’« On ne naît pas femme, on le devient », le propos de Simone Beauvoir illustre cette dimension sociale qui selon elle prédit en quelque sorte ce que nous serons, l’écrivaine convoque ainsi la thèse marxiste de la dialectique du maître et de l’esclave pour décrire une forme de domination masculine et de pouvoir exercé par les hommes sur les femmes. Ainsi selon Simone de Beauvoir, l’homme est habité par une forme de conscience dominatrice, et revendique une position en niant la figure d’un plus faible que lui.

En regard de ces évolutions sociétales marquées par les thèses du constructivisme social, nous relevons pourtant une problématique : celle qui touche la dimension de toutes nos relations … Notre obsession de rester libre pour ne pas être finalement marquée par une identité figée… Cette obsession de liberté finit paradoxalement par nous murer, nous évitant alors d’entrer dans la relation incarnée et se traduit par un refus implicite de la différenciation.

Nous vivons, je crois, une immense bizarrerie : notre monde court vers l’indifférenciation, l’uniformisation qui gomme les frontières mais atomise les relations, les solidarités, la rencontre du prochain (le syndrome de Babel, rassemblons-nous dans la même ville ou le même continent virtuel). Dans ce continent virtuel, nous sommes comme alors tentés de nous enfermer dans nos univers, à ne plus incarner une relation réelle, dans un monde réel qui est caractérisé par la rencontre du prochain, dans un face-à-face fécond…

Dans ce milieu idéologique du constructivisme social, une certaine doctrine de pensée avec la théorie « Queer » va encore plus loin et postule la liberté totale d’indétermination de l’être humain.

Les formes extrêmes de l’indétermination

remettant en question l’identité homme, femme

L’autre idéologie montante et qui dépasse les débats autour des études du genre, c’est l’idéologie Queer.

Queer est au départ une insulte nord-américaine, qui vient nommer l’autre dans son étrangeté, sa bizarrerie, son anomalie, son excentricité…

En effet des groupes de lesbiennes, composés de latinos, de femmes sans emplois et n’appartenant pas à l’univers homosexuel nord-américain, elles se sont autoproclamées « queers » pour marquer leur volonté de rejet et de non-intégration dans la société, leur refus de marcher au pas de la norme hétérosexuelle, blanche et middle class

Dans les formes extrêmes de l’indétermination, l’approche Queer est le combat idéologique le plus radical qui ait été mené contre l’essentialisme, vu comme largement dominé par une vision hétéro sexuelle. Pourtant l’anthropologue Margareth MEAD souligne dans son livre « L’un et l’autre sexe » le rôle primordial que joue depuis l’origine de l’humanité la différenciation des sexes dans la vie et le travail, elle va jusqu’àalmos-bechtold-436812-unsplash évoquer l’universalité de la distinction homme et femme dans toutes les formes de civilisation. N’y aurait-il pas de fait une dimension essentialiste qui dépasse la dimension culturelle qui certes interagit sur les rapports hommes et femmes mais pas seulement.

Dans ce contexte l’approche Queer qui s’exprime comme une promotion fétichiste et radicale de l’individu a-sexué, refuse l’enfermement des sexes dans de nouvelles catégories identitaires qui pourraient perdurer socialement et dans le temps.  L’approche de ce courant, réduit finalement le sujet à un objet du plaisir, c’est une forme de réification hédoniste de l’individu.

Ainsi le cœur de la philosophie « queer », c’est la déconstruction revendiquée du sexe, du genre, et partant du corps et de la jouissance sexuelle tels que l’un et l’autre sont normalisés.   Pour les tenants de l’idéologie queer « les modalités fondées sur le binaire masculin/féminin sont de pures fictions », ces modalités résultent de constructions d’un discours dominant marqué par une vision hétérosexuelle, c’est dès lors la remise en cause de toute norme hétéro sexuelle.

Cette vision défendue par l’idéologie Queer est de fait une forme de nominalisme radical, une forme de nihilisme extrême refusant toute idée de transcendance. L’identité, elle-même est fictive et il s’agira de détruire tout essentialisme déclaré ou caché dans les modes de la pensée. Il s’agit même d’un combat idéologique et revendiqué contre l’hétérosexualité, une manière de pointer l’animalité du rapport hétérosexuel…Or « A mal nommer les choses, on ajoute à la misère du monde. (Albert Camus) » et cela inévitablement peut conduire à des formes de destructuration et de confusion des repères.

Le conflit entre le réel et l’idéologie

Les exemples biologiques confirmant la différentiation essentialiste homme femme sont pour nous incontestables. Le rapport utérin entre la mère et l’enfant conduit ainsi à une intimité mère et enfant qui marquera existentiellement l’enfant y compris dans sa mémoire prénatale. L’autre exemple tient à nos propres hormones, l’homme est doté de testostérones en quantité plus importante que la femme, or ces hormones agissent sur l’humeur, la virilité, la psyché de l’homme de manière différente comparativement à la femme. Bien entendu l’homme et la femme sont semblables mais différents également par nature pour permettre la fécondité, la rencontre fertile.

Comme nous l’écrivions avec Alain LEDAIN, la féminité et la masculinité demeurent des principes nécessaires à la construction de l’enfant, à la formation de sa personne dans une vision de l’acceptation de la différence, la différence se vit au travers des échanges, la différence entretient un esprit fécond, fertile, créatif. L’uniformisation atténue, sinon affaiblit les potentialités d’enrichissement. La différence sexuée participe de facto à cette construction de la personne, non en opposition mais en rencontres nécessaires à notre humanité. L’épanouissement des enfants garçon ou fille se trouve dans l’apprentissage progressif du respect de la compréhension de l’autre, la compréhension de leurs différences, de leurs sensibilités respectives. L’éduction unisexe ne saurait prétendre structurer psychiquement l’enfant, il constituerait de fait une tentative de dissociation de l’entièreté de l’être humain.

Une révolution anthropologique

qui aurait pour dessein de modifier le patrimoine génétique de l’homme ?   

Il est en effet bien étrange d’utiliser les termes de révolution anthropologique et nous vous l’accordons volontiers, excepté qu’il s’agit bien d’une révolution anthropologique dans sa dimension culturelle ! Il ne s’agit donc, pas en effet dans mon propos de révolution génétique, de mutation en conséquence du génome humain. Sauf qu’il faut savoir qu’à terme les techno sciences, les biotechnologies auront bel et bien pour dessein de changer la condition humaine. Les techno sciences feront ce que la nature par elle-même n’a pas été capable de proposer, en intervenant dans un futur proche, directement sur le patrimoine génétique humain en vue de réparer, de corriger, voire de résoudre notamment pour répondre à tous les désirs jusqu’aux fantasmes, fantasmes qui iront jusqu’à la corruption de la nature humaine telle qu’elle fut créée.

Ainsi la rencontre des fantasmes et d’une techno science sans conscience, pourrait bien aboutir à des individus génétiquement modifiés ou à la création dans un futur de cyborgs humains comme nous l’avions déjà évoqué.

Précisons en outre que nous ne sommes pas en effet très loin de la transformation de l’être humain avec une médecine qui n’est plus seulement réparatrice au sens de restauration, orientée sur le soin, mais une médecine qui vise l’amélioration de l’être humain, voire à son optimisation ou sa performance. Les expérimentations conduites par exemple en Angleterre autorisées en 2016, sur des embryons humains ouvrent de nouvelles perspectives dans ce sens. Les expérimentations sur l’embryon réduisent potentiellement l’être humain à une forme d’OHGM, un Organisme Humain Génétiquement Modifiable. S’il s’agit d’une des toutes premières autorisations de manipulation d’embryons humains à des fins thérapeutiques, nous pouvons craindre le rejet des interdits moraux. Comme nous l’enseigne, l’histoire humaine ce qui est prohibé, est toujours un « Rubicon » franchissable.

Mais vous savez les « Rubicon » ou les interdits moraux, comme nous l’enseigne l’histoire humaine sont faits pour être enjambés, ou sont toujours franchissables.

Toutefois rappelons qu’en France il existe des lois apparemment draconiennes encadrant les recherches sur l’embryon. Nonobstant les digues au fil de l’eau se fragilisent et finissent hélas par rompre, céder face aux nouvelles pressions sociales.  Nonobstant précise le docteur Jérôme Sainton « si ces lois sont certes plus restrictives qu’ailleurs et comparativement aux pays Anglosaxons, elles ont cependant cédé sur l’essentiel à savoir le sacrifice humain de l’homme (embryonnaire) à la sacro-sainte science. Dès lors ses restrictions sont hypocrites et n’ont pas eu d’autre but que d’avaliser les transgressions progressivement, celles qui étaient jugées nécessaires « pour le moment » …

Mais revenons si vous voulez bien aux termes de révolution anthropologique qui à mon sens est aujourd’hui davantage une révolution culturelle ouvrant demain les avancées d’une technique au service du désir humain et d’un désir parfois plus proche d’un fantasme exprimant une forme de rébellion contre les limites fixées par la nature.

Les conséquences bioéthiques

Nous sommes à l’aube de bouleversements et de nouvelles transgressions. Nous allons devoir et dès aujourd’hui considérer les conséquences bioéthiques du fait des « disruptions techniques » et des idéologies de déconstruction de l’homme.

De moins en moins le post modernisme parle en effet de morale, les éléments de langage du post modernisme nous convient plutôt à utiliser le terme d’éthique. Or l’éthique n’est plus vue aujourd’hui comme un curseur face à la montée des fantasmes mais comme un simple régulateur dans l’attente que s’installe dans les mentalités les dispositions sociétales permettant l’avancée de la folie technique.

N’est-ce pas à ce propos le Comité Consultatif National d’Ethique, qui indique qu’il faut que « notre société exprime les usages qu’elle veut privilégier et ceux qu’elle entend bannir »[7]. Or voilà bien la problématique résumée dans ce propos que je raccourcis à dessein, « il faut que notre société exprime les usages qu’elle veut privilégier ». Est-ce à notre société d’exprimer les usages qu’elle veut privilégier ? Plus rien dès lors n’arrêtera, la folie humaine si celle-ci aspire à vivre ses fantasmes en pensant qu’il serait juste de donner raison aux aspirations les plus folles au nom d’une égalité qui n’est pas donnée par la nature.

Ainsi la procréation médicale assistée ou la gestation pour autrui sont les prémices d’une avancée de la technique venant au secours des nouveaux désidérata sociétaux que ne comblent pas les limites données à notre corps. Ainsi se déploie un vaste éventail de possibilités qu’offre les avancées de la techno science, or, il est plus que jamais nécessaire de comprendre le sens et les effets des avancées de la technoscience, sauf demain à se retrouver dans la situation de ces nations qui s’effondrent faute d’avoir eu à leurs têtes des sages mais des fous qui n’ont gouverné en étant seulement les miroirs des opinions de leurs peuples.

[1] Ces dimensions concernant les mutations affectant la culture sociale nous les avons développées dans un livre co-écrit avec Alain LEDAIN Masculin/Féminin que faut-il choisir ? Editions FAREL, sur l’altérité je vous renvoie également à un article écrit par Éric LEMAITRE sur le Blog Ethiques Chrétiennes.

[2] Gender Trouble est un essai philosophique de Judith Butler qui a eu beaucoup d’influence sur la la théorie queer.

[3] En philosophie l’essentialisme postule l’existence d’une essence précédant l’existence.

[4] Le constructivisme appréhende la réalité comme un terme subjectif, socialement construit par la culture, par la vie sociale

[5]L’idéologie queer (de l’anglais « étrange », « bizarre ») est une approche constructiviste et sociologique qui remet en cause l’idée que le genre et l’orientation sexuelle seraient déterminés génétiquement ou encore biologiquement

[6] Le nominalisme est une doctrine de pensée qui réduit les idées à l’emploi de concepts en leur refusant une dimension tangible qui préexisterait, une réalité dans l’esprit ou hors de lui.  « Le nominalisme pose que n’existe rien que ce qu’un individu sert à désigner (pense) » Citation extraite de : http://www.histophilo.com/nominalisme.php

[7] Professeur Jean-François Delfraissy, président de Comité consultatif national d’éthique (CCNE), propos retranscrit par le journal l’humanité https://www.humanite.fr/lois-de-bioethique-quels-sont-les-enjeux-et-pourquoi-les-reviser-648638

Les idéologues du genre et leurs lectures déconstructives du monde social

Il convient de prendre conscience que la notion idéologique de genre est aujourd’hui appréhendée au-delà de la réalité biologique, ce qui fait débat aujourd’hui !  Cette déconnexion du genre masculin, féminin est la résultante d’une réflexion qui puise sa source  dans toute une littérature française, Jacques Dérida, Foucault puis Judith Butler. Judith Butller ira encore plus loin dans la réflexion notamment dans son essai qui l’a fit connaitre Trouble dans le genre paru en 1990…

C’est cette idéologie autour des études du genre, et donc la construction sociale qui en découle selon ses partisans , qui assigne de façon quasi exclusive un sens aux différences sexuelles …

Donc effectivement déconnecter totalement l’identité de la part biologique nous conduit à une forme de conception extrême, voire à une confusion des genres, en fait c’est nous conduire à refuser l’altérité y compris dans nos regards. C’est un déni de différences ou de la différence … 

Quand nous faisons usage du terme idéologie ce n’est pas dans un sens péjoratif, le mot idéologie est ici utilisé pour indiquer comment une conception du monde se construit. L’idéologie est adossée à une série d’idées à des fins de structurer une représentation du monde. Il est vrai que la notion d’idéologie a dérivé en connotation péjorative, mais ce n’est pas le sens de mon propos, lorsque j’emploie le terme. Le terme idéologie (littéralement science des idées, un terme qui avait été utilisé lors de la révolution française par le philosophe et général Antoine Destutt de Tracy) était ainsi employé par Condorcet pour désigner l’apport des sciences au progrès de l’esprit humain. Donc pour revenir aux études du genre, nous pouvons ici indiquer qu’un certain nombre d’auteurs ont conceptualisé, structurer, construit une représentation argumentée et étayée du monde, parmi ces auteurs, j’en citerai au moins deux … Joan Wallach.Scott et Judith BUTLER.

Dans un contexte d’emploi du concept genre, plusieurs universitaires américains se nourrissent alors, à partir de années 1980 en particulier, de ce qu’on appelle alors aux États-Unis la « French Theory », c’est-à-dire notamment les travaux de Jacques Derrida, Michel Foucault, Jacques Lacan, Roland Barthes.

La lute des sexes la vision marxiste des idéologues du genre

L’historienne Joan Wallach. Scott qui travaillait depuis les années 1970 sur l’histoire des femmes, a contextualisé sa lecture du monde social et l’histoire de la femme dans une perspective marxiste. L’historienne rapporte la vie de la femme dans le récit humain et ses successions générationnelles comme une lutte de classe.

Pour rappel la perspective marxiste est l’évocation d’une dialectique se focalisant sur la lutte sociale des classes du maitre à l’esclave, de la plèbe et des propriétaires, des gueux et de la noblesse, en un mot des oppresseurs et des opprimés.

Pour revenir à Joan Wallach.Scott, l’historienne questionne en 1988 dans son essai Gender and the Politics of History l’approche patriarcale et masculiniste de l’histoire et reproche notamment à certains auteurs marxistes de considérer la culture de classe comme universelle sans prendre en compte la dimension de la domination masculine.

Ainsi Joan Wallach.Scott souligne la division sexuée du travail qui maintient les femmes dans une position subalterne, de dominée dans la société, et ce, en dépit de leur accès au salariat. Cette division sexuée se trouve éclairée par l’articulation entre sphère économique et sphère familiale. Les auteures portent ainsi une attention soutenue aux facettes multiples de la travailleuse qui est aussi épouse, mère ou encore soutien de la vie familiale. Ces identités imbriquées, convergeant dans la soumission des femmes à la cellule familiale, expliquent que leurs pratiques économiques soient également subordonnées aux besoins de cette dernière.

Pour Joan W.Scott , il ne s’agit plus en effet de simplement décrire l’histoire des femmes mais de mettre en lumière les rapports de genre jusque-là cachés qui définissent l’organisation des sociétés, en fait au-delà d’une lecture réductrice de lutte des classes. Une idéologie funeste, une forme de lutte marxiste des sexes se dessine dont l’aboutissement ou la fin de cette lutte pourrait bien être de sortir de l’animalité sexuée ou autrement dit de l’hétérosexualité mettant ainsi fin finalement à des rapports de hiérarchisation et de domination.

Le rapport au sexe vu comme une construction seulement sociale

Il convient de prendre conscience que la notion idéologique de genre aujourd’hui est appréhendée au-delà de la réalité biologique, ce qui fait débat aujourd’hui !  Cette déconnexion du genre masculin, féminin est la résultante d’une réflexion qui puise sa source  dans toute une littérature française, Jacques Dérida, Foucault puis Judith Butler. Judith Butler ira notamment encore plus loin dans la réflexion notamment dans son essai qui l’a fit connaitre Trouble dans le genre paru en 1990…

pour Judith Butler, c’est le genre qui construit le sexe : je résume en deux mots sa pensée autrement plus étayée, s’il existe selon elles des différences biologiques, elles ne sont pas en elles-mêmes significatives.

C’est cette idéologie autour du genre, et donc la construction sociale qui en découle selon ses partisans , qui assigne de façon quasi exclusive un sens aux différences sexuelles …

Donc effectivement déconnecter totalement l’identité de la part biologique nous conduit à une forme de conception extrême, voire à une confusion des genres, en fait c’est nous conduire à refuser l’altérité y compris dans nos regards. C’est un déni de différences ou de la différence …

La radicalité idéologique 

L’autre idéologie montante et qui dépasse les débats autour des études du genre, c’est l’idéologie Queer.

Queer est au départ une insulte nord-américaine, qui vient nommer l’autre dans son étrangeté, sa bizarrerie, son anomalie, son excentricité…

En effet des groupes de lesbiennes, composés de chicanas (latinos), de chômeuses et n’appartenant pas au monde homosexuel nord-américain intégré (par sa lutte) dès les années 1970-1980, ont fait de cette insulte un étendard et se sont autoproclamées « queers » pour marquer leur volonté de non-intégration dans la société marchant au pas de la norme hétérosexuelle, blanche et middle class

L’approche Queer refuse ainsi l’enfermement de ces nouveaux sujets dans de nouvelles prisons identitaires qui pourraient perdurer dans le temps.

Le cœur du « queer », c’est la déconstruction du sexe, du genre, et partant du corps et de la jouissance sexuelle tels que l’un et l’autre sont normalisés.  Le genre (l’identité sexuelle) est fondée sur le binaire masculin/féminin, Pour les tenants de l’idéologie queer ces modalités sont de pures fictions, ces modalités résultent de constructions d’un discours dominant marqué une vision hétérosexuelle. Le sujet lui-même est fictif et il s’agira de détruire tout essentialisme déclaré ou caché dans les modes de la pensée. Il s’agit même d’un combat idéologique et revendiqué contre l’hétérosexualité, une manière de pointer l’animalité du rapport hétérosexuel…

La nature façonne-t-elle ce que nous sommes ?

Selon nous il y a dans toute construction une part de culture et une part de nature. La nature façonne aussi ce que nous sommes intrinsèquement. Si à nouveau nous revenons à la dimension de la couleur, la couleur lumineuse réfléchit la lumière, la couleur sombre l’absorbe. C’est bien une réalité au-delà de la perception cognitive et symbolique associée aux couleurs, dont nous comprenons aussi que les évocations associées divergent dans les contextes ou ces couleurs sont diffusées.

Là et nous pouvons tous objectivement le comprendre on est plus tout à fait dans le domaine des études sur le genre, nous n’entrons plus dans l’observation et l’analyse des comportements, ici Judith Butler tire une conclusion en regard de convictions affichées et revendiquées. Judith Butler s’inscrit dans une posture idéologique étayée, argumentée et assumée. Chacun est ici libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à ce concept de genre qu’elle développe souvent avec brio.

Revenons si vous voulez bien à Judith BUTLER l’essai qui la fit connaitre est Gender Trouble, paru en anglais pour la première fois en 1990, c’est le livre dans lequel Judith Butler expose sa conception du genre. Son essai je l’avoue est parfois complexe et je reconnais toute ma difficulté à saisir les subtilités de ses analyses… C’est un vrai défi d’appréhender  sa pensée complexe, j’oserais écrire tourmentée, « la fécondité de sa pensée, d’autres plus critiques ont évoqué une logorrhée » ….

Par exemple Judith BUTLER entreprend dans son ouvrage de faire sauter le verrou de la ‘naturalité’ du sexe par rapport au genre. En abordant la sexualité dans d’autres termes que ceux de l’alternative domination/pro-sexe.

« Soyons féministes, non parce que nous sommes des femmes, mais parce que nous contestons les fondements de cette catégorie qui nous enferme, et au titre de laquelle nous sont imposées des normes oppressantes »

Butler réinterprète Simone de Beauvoir, « On ne naît pas femme, on le devient » ; pour Monique Wittig, idéologiquement très proche de Judith BUTLER, « Les lesbiennes ne sont pas des femmes » OU « Ce sexe qui n’en est pas un ». Judith BUTLER entend se démarquer du « système sexe-genre : pour Judith BUTLER il n’y a point de ‘nature’ antérieure à la construction sociale du genre ; le sexe, comme le genre, est une catégorie construite par le discours QUI FAIT advenir mais qui ne restitue pas un fait (la performativité) ; en d’autres termes : le sexe, c’est aussi (ou déjà) du genre.

Chez Judith Butler la contestation de la norme sexuelle s’explique par le fait que l’hétérosexualité serait selon elle le produit d’un conditionnement culturel qui nous imposerait dès le plus jeune âge le désir de l’autre sexe, d’où la structure parodique du genre puisque nous ne ferions que mimer un rôle que la société nous impose, et que nous serions tous des travestis

L’autre point abordée par Judith BUTLER porte sur le désir … Le désir selon elle n’étant pas un donné de la nature…

Le désir est SELON Judith BUTLER structuré par la relation et relève d’un rapport AU culturel. Or l’altérité n’est pas niée dans le désir homosexuel, elle est symboliquement intériorisée.

L’altérité est donc constitutive du désir. Or Butler ne voit pas que le désir est irréductible à la pulsion, qui est certes une construction psycho-affective irréductible à la pulsion sexuelle animale, mais dont l’objet est indéterminé. L’objet du désir authentique, lui, n’est pas indéterminé, puisqu’il est suscité par le mystère de la différence et de l’altérité, ce que montre très bien un philosophe comme Levinas.

Gender un changement de paradigme, l’analyse des contextes…

Le genre un changement de paradigme

La société postmoderne (occidentale) est marquée par l’éviction de la transcendance, cette éviction du référentiel autour d’un rapport à la transcendance a un effet accélérateur sur la promotion d’une déconstruction des stéréotypes, sur la promotion parallèlement de nouvelles conceptions sociales autour de nouveaux modèles pensant aujourd’hui la modernité : le transhumanisme et le genre.

Le genre, qui dans ses extrêmes COMME l’idéologie Queer prône la plasticité de l’identité sexuelle, son interchangeabilité, conduit à une forme de confusion, de tohu-bohu des repères jusqu’alors normés construit au fil de l’histoire sexuée Hommes et Femmes dans leurs rôles, leurs complémentarités et leurs singularités.

Cette déconstruction n’est pas selon nous, la résultante d’une doctrine savamment orchestrée qui nous serait imposée ; elle est en réalité l’émanation de plusieurs constats, constats qui ont certainement façonné une nouvelle anthropologie et une idéologie qui participent de cette déconstruction. Quels sont alors ces constats ?

  • L’uniformisation
  • L’égalitarisme
  • La liberté d’être indéterminée
  • Le relativisme
  • L’obsession de rester libres
  • Le consumérisme des biens à celui de la marchandisation des corps
  • La désincarnation du réel (la déprise sociale, la relation non incarnée)
  • L’éviction de la transcendance
  • La disparition de la figure de la mère
  • La disparition de la figure du Père

L’uniformisation.

La mondialisation est un processus économique d’universalisation des échanges s’est accompagnée d’une uniformisation des modes de consommation, des comportements culturels. Les métissages, les brassages qui sont en soi positifs et sont source de fécondité ont aussi subi la dictature d’un modèle de consommation qui au fil de matraquages promotionnels, publicitaires, fabriquent nos perceptions et représentations, conditionnant des attitudes, des pratiques de consommation.

Cette uniformisation devient plus visible aujourd’hui et par capillarité façonne subrepticement, inexorablement le monde.

Ce processus envahit toutes les sphères de la consommation et toutes les dimensions sociales, culturelles de notre monde.

Avec cette uniformisation qui gagne le monde, il n’est pas étonnant que la lecture de la culture devienne alors plus globale, moins signifiante… Au fond il est à craindre à terme que l’indifférenciation ne fabrique que des miroirs de semblables, que l’altérité ne fasse plus sens.

Une forme de conformisme social à laquelle participe la mondialisation, se dessine, glissant vers un narcissisme individuel, la volonté d’une promotion de l’individu, de son image.  Dans cette culture consumériste, ou l’on vante l’individu, il faut vanter la prévalence du conformisme, de la performance et effacer la différence. En me conformant à des modèles de consommation, lissés   je ne rencontre plus l’autre dans sa singularité. Comme le rappelle mon ami Alain LEDAIN et co-auteur de notre livre « Masculin-Féminin faut-il choisir ? », s’inspirant de l’écrivain Philosophe Emmanuel Mounier « Aucune communauté (nationale, associative, ecclésiale…) n’est possible dans un monde où il n’y a plus de prochain mais seulement des semblables qui ne se regardent pas. Chacun y vit dans une solitude et ignore la présence de l’autre : au plus appelle-t-il « ses amis » quelques doubles de lui-même, en qui il puisse se satisfaire et se rassurer. […]

Dans ce processus de lissage, d’uniformisation qui n’est pas nouveau, nous passons comme le décrit le livre de la Genèse (premier livre de La Bible) du monde de Babel (la fameuse tour), une seule langue, une seule ville, un seul type de matériau (la brique) à celui de Babylone le monde uniforme des marchands de bonheur qui atomise, formate ou pire lobotomise les esprits en fabriquant les illusions d’un paradis artificiel.

Pour François Xavier Bellamy « l’uniformisation nous laisse imaginer que si tout est partout identique, notre liberté n’aurait plus alors de frontières », notre marche, nos déplacements ne seraient plus alors entravés, à rebours de l’image d’un monde fait de reliefs et de défis à relever, où la rencontre avec le prochain, et non son semblable, donne de la saveur aux rencontres.

Quels que soient les convictions qui sont les nôtres, nos sensibilités culturelles, sociales, religieuses, politiques, etc. prenons conscience qu’il y a une forme d’emprise mondialiste, une forme d’universalisme d’un prêt-à-penser, d’un prêt à consommer aseptisé, qui nivelle les différences culturelles, lisse et codifie les comportements…

L’égalitarisme

L’égalitarisme, ce souci prégnant hier, de réparer les injustices, aujourd’hui de corriger ce que la nature a fait.

L’égalitarisme qui finit par dissoudre les cultures, arase les singularités, gomme les spécificités des identités qui caractérisent les êtres humains, jusqu’à nous dire finalement que la femme c’est n’importe quel homme. L’égalitarisme efface toute idée de l’autre dans sa dimension d’altérité et nous conduit à ce troisième constat…

La liberté d’être indéterminé

La Liberté d’être indéterminé (une vision ASEXUEE) est à rebours de l’altérité (vision sexuée). L’altérité qui est la condition de tout émerveillement.

Or pour François Xavier BELLAMY que je cite à nouveau « L’altérité est la condition de tout émerveillement, il faut donc que tout ne soit pas identique pour que mon attention, trouve de quoi s’étonner La liberté d’être indéterminée est le fantasme de notre civilisation d’aujourd’hui« . C’est cette liberté d’indétermination qui va influer toute une conception de l’homme et sur laquelle s’articule le socle de l’idéologie Queer.

Le relativisme

Pour les relativistes « il n’existe aucune vérité absolue ». Le relativisme c’est appeler bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien, c’est confondre comme les hommes de Ninive au temps de Jonas, la droite de sa gauche.

On peut même à l’instar de Benoît XVI évoquer « une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. »

L’obsession de rester libre emmurée dans le monde virtuel

A cette liberté d’indétermination de l’être humain, je relève une autre problématique : celle qui touche la dimension de toutes nos relations … Notre obsession de rester libre … Cette obsession de liberté finit paradoxalement par nous murer (sur nos tablettes numériques), nous évitant alors d’entrer dans la relation incarnée…

Nous vivons, je crois, une immense bizarrerie : notre monde court vers l’indifférenciation, l’uniformisation qui gomme les frontières mais atomise les relations, les solidarités, la rencontre du prochain (le syndrome de Babel, rassemblons-nous dans la même ville ou le même continent virtuel). Dans ce continent virtuel, nous sommes comme alors tentés de nous enfermer dans nos univers, à ne plus incarner une relation réelle, dans un monde réel qui est caractérisé par la rencontre du prochain, dans un face à face fécond…

Sixième constat : Du consumérisme à la marchandisation du corps humain

Nous l’observons, nous dérapons vers une société où le tout consumérisme dicte et soumet la nature à des impératifs économiques.

Ce dérapage de la dictature économique, nous en avons eu la récente illustration à travers la proposition de deux sociétés du numérique d’encourager leurs employées de congeler leurs ovocytes Google, Apple. J’imagine que beaucoup parmi vous ont pu être choqués par ce glissement de nos sociétés consuméristes vers la marchandisation de l’être humain. Alors que file l’horloge biologique, Google Facebook et Apple pourraient ainsi subventionner demain la congélation des cellules reproductrices de leurs employées, afin de rendre ces femmes finalement corvéables à leurs métier et leur permettre de faire carrière.

Or c’est une boîte de pandore qui s’ouvre une nouvelle fois vers la commercialisation possible des ovocytes humains, en incitant les mères à le devenir le plus tard possible pour ne pas interrompre la belle carrière qui leur est promise et ce au nom de l’égalité femmes/hommes.

la déprise sociale, le repli sur soi, la désincarnation du lien social.

Etranges, n’est-ce pas justement ces mondes de la consommation qui nous poussent à une forme de déprise sociale, à nous replier sur nous-mêmes en nous rendant addictifs d’une société de consommation de plus en plus éthérée et de plus en plus virtuelle.

Nous vivons dans un monde désincarné où les rapports entre individus se dématérialisent : Nous prenons l’habitude de communiquer via les SMS, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…)  Parallèlement, nous perdons le contact avec la nature. En fait, nous sommes dans une époque de grand mépris pour les corps et l’homme se donne bien souvent des projets qui dénient le réel. Il convient pourtant de se réconcilier avec lui.  La vraie culture doit ancrer l’homme dans la réalité et l’amener à fuir l’« hyper-connexion » et « l’hyper-virtualité » qui fatiguent les esprits. »

Nous entrons finalement dans un univers social désincarné, dont le projet social funeste est de nous libérer des stéréotypes culturels, une société qui s’ouvrira inévitablement à un technicisme et à la technologie numérique appuyé par des idéologies qui croient nous affranchir des contingences de la nature.

Dans ces contextes d’une société éloignée du réel, Jacques ATTALI fait valoir que nous nous séparerons à terme de la procréation. Nous entrons selon l’essayiste dans l’apologie de la liberté individuelle.

Toujours pour Jacques Attali, « nous allons inexorablement vers une humanité unisexe, sinon qu’une moitié aura des ovocytes et l’autre des spermatozoïdes, qu’ils mettront en commun pour faire naître des enfants, seul ou à plusieurs, sans relation physique, et sans même que nul ne les porte. Sans même que nul ne les conçoive si on se laisse aller au vertige du clonage ». Ce n’est ni plus ni moins que « le meilleur des mondes » décrit par Aldous Huxley.

L’éviction de la transcendance

Ce dernier constat est la négation de la transcendance, la promotion d’une religion laïciste,  « l’homme devient la mesure de toutes choses, plus rien ne peut mesurer l’homme… » ? L’homme débarrassé de toute idée et toute référence à un Créateur auquel il aurait à rendre compte.

Au nom d’une idéologie égalitariste, nous passons d’une conception anthropologique d’un homme et d’une femme semblables, différents mais aussi complémentaires vers une forme de société postmoderne transhumaniste qui veut réparer la conception sexuée. Accomplir enfin le fantasme de l’humanité qui non seulement prétend à l’indétermination mais aspire à se libérer de toutes les contingences imposées par la nature.

Pour conclure notre propos et rappelé par l’un de mes amis philosophe, citons ici le mythe de l’androgyne dans Le Banquet de Platon, mythe d’une humanité autosuffisante et rebelle que Zeus a puni en séparant les êtres humains originels en deux, pour diminuer leurs forces concurrençant celle des dieux. Nier la sexualité revient à nier sa propre insuffisance et rêver d’autosuffisance sur la base d’une liberté toute puissante en apparence, mais en réalité, impuissante parce que fantasmée et faisant l’économie du réel qu’elle nie plutôt que de s’y confronter. Se confronter au réel, c’est se confronter à ses propres limites, à ses propres insuffisances.

L’égalité forcenée qui conduit à « la perte du pouvoir maternel ».

La révolution anthropologique s’inscrit dans une réinvention de la nature et dans ce projet d’ectogenèse, concerne l’identité même de la femme, « la perte du pouvoir maternel » comme l’écrit Laetitia Pouliquen (Auteur du livre, Femme 2.0, Féminisme et transhumanisme, quel avenir pour la femme). Nous sommes dans des contextes d’évolution générale de la société où la femme d’une manière générale est incitée à devenir un homme comme les autres.

Les changements en cours, et notamment transhumanistes, peuvent s’associer à une évolution des marqueurs identitaires, et engager un réajustement des équilibres biologiques, des différences entre l’homme et la femme.

Ainsi le monde scientiste, numérique, le cyborg dans lequel nous avons basculé, est de nature à muter le rapport au mystère et à l’altérité en offrant à la femme de nouvelles perspectives, en la faisant évoluer dans une nouvelle dimension de transmutation, une nouvelle expérience de la matière autorisant la fécondation hors de l’utérus féminin.

Avec ce projet de fécondation hors de l’utérus féminin, il ne s’agit ni plus ni moins que :

de modifier le corps de la femme

de prôner la liberté morphologique, de rendre la liberté à son corps,

de dépasser pour les transhumanistes, les mythes biologiques,

d’enjamber les barrières biologiques de manière radicale,

de donner enfin la possibilité à la femme de vivre une vie débarrassée des contraintes sociales

L’appareil génital destiné à porter un enfant est finalement vu dans l’idéologie cyborg et chez les transhumanistes comme une forme d’assujettissement qui ne permet pas à la femme de vivre pleinement son projet social.

Cette idéologie de l’égalité absolue libérée du prisme de la différence sexuée, des contraintes du corps de par les apports que lui offriront demain les évolutions de la science, pousseront la femme à être finalement n’importe quel homme. Cette dimension de la représentation de la femme vécue dans cette perspective idéologique et scientifique est de fait une inversion des représentations féministes passées, elle ne conduit ni plus ni moins qu’à l’effacement même de la femme en termes d’identité.

La nouvelle idéologie féministe fondant en quelque sorte l’incitation de la femme à devenir n’importe quel homme, ôte finalement à la femme toute dimension touchant son altérité, sa différence. Il en résulte alors pour la femme une perte de la complémentarité, une perte des fonctions qui permettent l’imbrication harmonieuse des identités quand elles évoluent dans la concordance. Une harmonie qui a été en effet pervertie depuis la chute de l’homme et de la femme rendant parfois impossible cette complémentarité épanouissante.

La disparition de la figure paternelle 

Lors de la construction de notre identité dans notre petite enfance, nous avons tous besoin de repère, de représentation de garçon vis-à-vis de son père, de fille vis-à-vis de sa mère. Nous avons également besoin de nous identifier vis-à-vis de l’autre sexe, mais il est difficile de se construire en garçon si on n’a pas d’homme autour de soi et de fille si on a pas de mère. De plus, les relations parentales sont triangulaires, ce qui permet de défusionner avec la mère en s’identifiant à l’autre sexe

Le contact de l’enfant s’opère en premier lieu dans l’utérus de la mère, c’est la dimension maternelle qui est prégnante pour l’enfant à naitre qui entend le cœur et la voix de sa mère. C’est cette fonction matrice, qui est à la fois source nourricière, protection et réceptacle de vie qui vont jouer un rôle déterminant dans le processus de vie de l’enfant et de contact en premier lieu avec la vie que lui transmet la mère. Très vite la mère représente l’abri, la sécurité, la protection, la chaleur, l’affection, la fusion, la compréhension La mère représente l’amour.

Le rôle du père est essentiel, en ce sens qu’il intervient dans cette fonction de séparation (il coupe le cordon ombilical), « d’expulsion du sein maternel », de distinction, de différenciation. Le père doit éduquer ses enfants dans le sens étymologique du mot  » educare  » : faire sortir, tirer dehors, conduire au-dehors avec soin, mettre debout.

La fonction du père est de séparer l’enfant de la mère. Il doit s’interposer entre la mère et l’enfant pour permettre à l’enfant de développer son identité en dehors de la symbiose maternelle et rappeler à la mère qu’elle est aussi une femme, une amante, un être de plaisir, non seulement un être de devoir généreux. Si la mère représente l’amour fusionnel, le père représente les limites, les frontières, la séparation psychologique.

L’enfant a besoin de sentir toute l’attention de la mère pour découvrir sa puissance. Mais il a aussi besoin des interdits de son père pour connaître ses limites et apprendre à faire attention aux autres. L’enfant apprend, par sa mère, qu’il est au centre de l’univers, de son univers ; il doit apprendre, par son père, qu’il existe d’autres univers avec lesquels il devra collaborer pour survivre et s’épanouir. Un psychiatre rapporte que l’enfant doit apprendre à se situer à mi-chemin entre l’attitude du chat et du chien. « Le chat se croit le maître en voyant tout ce que son  » esclave  » fait pour lui, alors que le chien perçoit son propriétaire comme son maître parce qu’il est capable de tout faire pour lui ».

La présence du père permet d’éviter d’être fasciné par des modèles, mais si cette figure est absente, alors le garçon va partir à la recherche de cette construction virile

Le dépassement des limites de la finitude

 Plus cette humanité se soumet à la nécessité de la Technique (terme que j’emprunte à Jacques Ellul), de l’organisation sociale, de l’accès au « bonheur matériel » moins elle évoque le besoin de religion. L’homme n’a plus besoin du secours de Dieu puisqu’il peut compter sur la science conquérante- pour vivre sur de nouvelles idéologies pour prétendre au confort, au bien vivre.

Nous entrons comme le définissait Julian Sorell Huxley, biologiste et père de l’eugénisme (1887-1975) dans une forme de transhumanisme dépassant les limites de la finitude que lui impose notamment la mort.

Nous prenons ainsi conscience du fantasme de l’humanité et de la perversion auxquelles conduisent de telles aspirations, une telle utopie mêlant idéologies de libération du corps et nouveaux pouvoirs qui par enchantement augmentent les capacités cognitives et physiologiques de l’homme en lui greffant de nouveaux attributs. N’allons-nous pas finalement vers une société démiurgique ?

Il est intéressant de noter le sens étymologique de démiurge totalisant dont la racine grec est démiourgos   comprenant le mot « démos », désignant «le peuple » et de «ergos», « travail », le mot signifiant artisan ou fabricant. Le transhumanisme évoqué apparait comme le reflet d’un Démiurge qui traduit la parfaite synthèse conjuguant à la fois le travail sur la matière (la puissance technique) et de l’esprit totalisant !