A lire : La philosophie est devenue folle

A travers le livre de la Genèse,  le premier livre de la bible, nous sommes étonnés de la façon dont Dieu structure, organise l’univers, et lui a donné un ordre, en procédant à une série de distinctions, de terme à terme : Dieu/l’homme ; l’ordre/ le tohu bohu, le jour/la nuit, l’homme mâle/femelle, l’homme/les animaux ; les animaux/les végétaux ; la terre/l’eau/le ciel.

Dans le livre de la Genèse, la création du monde procède par éléments séparés. Pour respecter l’ordre introduit par Dieu, il convient de fait de maintenir cette séparation, au risque de retourner au chaos, au tohu bohu, à une forme de confusion. Or, implicitement selon les Écritures, l’un des enseignements majeurs que l’on peut ici extraire, en partant de la lecture du livre de la Genèse, montrant définitivement la vision écologique de la création, ce qui a été différencié ne saurait être mélangé. La création ne saurait faire l’objet de transgressions, en mêlant, à nouveau, ou en confondant, ce qui a été à l’origine de la création « séparé », ce qui entraînerait la confusion, celle de « ne pas distinguer la main droite et la main gauche, » tel que le rapporte le livre du prophète Jonas, qui décrit une ville plongée dans la confusion.

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Or dans les débats actuels qui obsèdent notre monde actuel, nous observons deux folies majeures qui touchent les concepts de genre et l’‎Antispécisme comme le rapporte le philosophe Jean-François Braunstein dont nous rapportons la citation provocante, mais une provocation en fin de compte très pertinente

Si le genre n’est pas lié au sexe, pourquoi ne pas en changer tous les matins ? Si le corps est à la disposition de notre conscience, pourquoi ne pas le modifier à l’infini ? S’il n’y a pas de différence entre animaux et humains, pourquoi ne pas faire des expériences scientifiques sur les comateux plutôt que sur les animaux ? Pourquoi ne pas avoir de relations sexuelles avec son chien ?

Dans ce contexte décrit par le Philosophe Jean-François Braunstein et d’une lecture extrême de l’égalité concernant l’humanité y compris avec le règne animal, nous sommes bel et bien confrontée à une conception philosophique faussée, une lecture qui résulte en  somme d’une incompréhension de l’homme sur la nature même de la diversité, du métissage, de la variété de la complémentarité, de la richesse des différences, de la biodiversité et de l’étendue infinie des écosystèmes peuplant harmonieusement le monde terrestre.

L’observation même de la nature ne conduit-elle pas à admirer ses reliefs, ses paysages, les espèces peuplant l’environnement de l’habitat humain. Tous les reliefs multiformes de l’univers furent ainsi préférés à un simple trait horizontal, à la brique de Babel. Le cosmos n’est pas ainsi plat mais pluridimensionnel. Il nous semble dès lors essentiel de comprendre la matrice et l’essence même de la différence, de comprendre le choc qui s’en est suivi pour les civilisations dont certaines d’entre elles, submergées par le poids des idéologies totalitaires et égalitaires, ont parfois cherché à anéantir la différence religieuse, ethnique, culturelle et même animale au point de considérer par l’absurde que son chien est n’importe quel homme.

Aussi appréhender l’anthropologie biblique, la conception de l’homme telle que la Bible la conçoit nous parait essentiel pour analyser les dérives d’une déconstruction de l’homme. L’altérité et la différence doivent être perçues comme des éléments de richesse nécessaires au bien commun et non perçues comme une injustice à réparer coûte que coûte.

Depuis le commencement, tout l’univers se caractérise par une prodigieuse, une incroyable diversité des éléments et des espèces, une anti uniformité. Le cosmos infini ne se propose pas comme un univers plat, parfaitement égalisé ; il semble à l’évidence que le relief fut préféré au trait horizontal. La création se présente dès lors comme un ensemble de matériaux riches de plusieurs dimensions, un univers composite, de formes multiples étonnantes et singulières. Le cosmos se définit à travers de multiples dimensions, un univers qui se manifeste à travers l’extraordinaire profusion, la variété des éléments et du vivant.

Concernant les éléments, il est ainsi frappant d’observer la phénoménale diversité des cristaux de flocons de neige, cette architecture tellement diverse et symétriquement parfaite.

Dans le vivant, comment ne pas s’émerveiller de l’aboutissement d’un homme en mesure lui aussi de penser l’univers puis de créer à son tour.

Le livre de la Genèse offre d’abord une vision différenciée de la création. Du premier au sixième jour, Dieu crée d’abord les éléments (la lumière, la matière, la flore, la faune) puis les êtres vivants.

La création se fait en plusieurs séquences dans une perspective inégalitaire. A ce propos, il existe une idéologie l’antispécisme qui s’oppose clairement à l’anthropologie Biblique et fait valoir une égalité en dignité et en valeur entre les animaux et l’humanité ; rien en
l’espèce ne les différencie. Selon cette idéologie, l’homme créé rationnel ne se distingue pas de l’animal gouverné par l’instinct. Or la réalité telle que le récit du livre de la Genèse le rapporte est autre : les animaux ne sont pas de rang égal avec l’homme ; seule l’humanité a été créée à l’image de Dieu.

Il y a une différence entre le minéral et le monde vivant, et une différence entre les êtres créés. Le monde vivant n’est pas seulement diversifié, il est conçu comme inégal.

La caractéristique de l’Univers n’est donc pas l’uniformité : Les créatures ne sont pas mises à la même échelle, ne sont pas tous conçus de manière uniforme. Dieu ordonne, Dieu structure l’univers en partant du Tohu-Bohu de l’informe jusqu’à la forme parfaite portant l’identité même du Créateur : l’homme fait à son image. Oui, la forme parfaite conçue dans le monde vivant est  ainsi l’homme : ce terreux, ce glaiseux, ce glébeux, infiniment petit à l’échelle de l’univers. Dieu l’a créé ainsi, à cette échelle, car sa conscience d’être ne doit pas être limitée à sa finitude.

A propos de la différence, si l’apôtre Paul souligne « Il n’y a plus l’homme et la femme » en Christ, il ne signifie pas que la foi effacerait la différence des sexes : Il souligne que le principe de la foi n’empêche pas la diversité et d’être tous faits à l’image de Dieu. Et il en va ainsi de toutes les autres diversités culturelles, religieuses ou sociales. La différence, l’altérité la complémentarité, n’empêchent pas que nous soyons tous faits à l’image de Dieu.

Pourtant la pensée contemporaine dénie la différence entre les hommes et les femmes, dénie l’altérité, comme elle s’insupporte de la souffrance et du handicap. Elle est au point de créer de nouvelles catégories : demain il ne sera sans doute plus question de parler d’hommes et de femmes mais de genres et d’orientations sexuelles délibérément choisies.

Méconnaissant l’amour et la justice de Dieu, l’humanité dans sa nouvelle religion anthropologique lit et explique le Cosmos selon un nouvel horizon géométrique : la seule horizontalité et de niveau égale. Dans cette nouvelle anthropologie, l’immense diversité des êtres est disposée sur un même plan. Tout s’entasse dans un champ matérialiste aux horizons incertains, aux contingences indéfinies. Du coup, le combat pour l’égalité se transforme en dogme de l’égalitarisme. La différence n’est plus alors valorisée. Quand on arase tous les épis d’un champ sur un même plan, la disparité comme la diversité apparaît comme une inégalité (l’épi le plus haut devient en soi
insupportable).

C’est donc un même mouvement consumériste et idéologique qui conduit, d’une part, à nier la différence substantielle entre les personnes et les biens et, d’autre part, à nier les diversités et la richesse des différences entre les hommes.

Gender un changement de paradigme, l’analyse des contextes…

Le genre un changement de paradigme

La société postmoderne (occidentale) est marquée par l’éviction de la transcendance, cette éviction du référentiel autour d’un rapport à la transcendance a un effet accélérateur sur la promotion d’une déconstruction des stéréotypes, sur la promotion parallèlement de nouvelles conceptions sociales autour de nouveaux modèles pensant aujourd’hui la modernité : le transhumanisme et le genre.

Le genre, qui dans ses extrêmes COMME l’idéologie Queer prône la plasticité de l’identité sexuelle, son interchangeabilité, conduit à une forme de confusion, de tohu-bohu des repères jusqu’alors normés construit au fil de l’histoire sexuée Hommes et Femmes dans leurs rôles, leurs complémentarités et leurs singularités.

Cette déconstruction n’est pas selon nous, la résultante d’une doctrine savamment orchestrée qui nous serait imposée ; elle est en réalité l’émanation de plusieurs constats, constats qui ont certainement façonné une nouvelle anthropologie et une idéologie qui participent de cette déconstruction. Quels sont alors ces constats ?

  • L’uniformisation
  • L’égalitarisme
  • La liberté d’être indéterminée
  • Le relativisme
  • L’obsession de rester libres
  • Le consumérisme des biens à celui de la marchandisation des corps
  • La désincarnation du réel (la déprise sociale, la relation non incarnée)
  • L’éviction de la transcendance
  • La disparition de la figure de la mère
  • La disparition de la figure du Père

L’uniformisation.

La mondialisation est un processus économique d’universalisation des échanges s’est accompagnée d’une uniformisation des modes de consommation, des comportements culturels. Les métissages, les brassages qui sont en soi positifs et sont source de fécondité ont aussi subi la dictature d’un modèle de consommation qui au fil de matraquages promotionnels, publicitaires, fabriquent nos perceptions et représentations, conditionnant des attitudes, des pratiques de consommation.

Cette uniformisation devient plus visible aujourd’hui et par capillarité façonne subrepticement, inexorablement le monde.

Ce processus envahit toutes les sphères de la consommation et toutes les dimensions sociales, culturelles de notre monde.

Avec cette uniformisation qui gagne le monde, il n’est pas étonnant que la lecture de la culture devienne alors plus globale, moins signifiante… Au fond il est à craindre à terme que l’indifférenciation ne fabrique que des miroirs de semblables, que l’altérité ne fasse plus sens.

Une forme de conformisme social à laquelle participe la mondialisation, se dessine, glissant vers un narcissisme individuel, la volonté d’une promotion de l’individu, de son image.  Dans cette culture consumériste, ou l’on vante l’individu, il faut vanter la prévalence du conformisme, de la performance et effacer la différence. En me conformant à des modèles de consommation, lissés   je ne rencontre plus l’autre dans sa singularité. Comme le rappelle mon ami Alain LEDAIN et co-auteur de notre livre « Masculin-Féminin faut-il choisir ? », s’inspirant de l’écrivain Philosophe Emmanuel Mounier « Aucune communauté (nationale, associative, ecclésiale…) n’est possible dans un monde où il n’y a plus de prochain mais seulement des semblables qui ne se regardent pas. Chacun y vit dans une solitude et ignore la présence de l’autre : au plus appelle-t-il « ses amis » quelques doubles de lui-même, en qui il puisse se satisfaire et se rassurer. […]

Dans ce processus de lissage, d’uniformisation qui n’est pas nouveau, nous passons comme le décrit le livre de la Genèse (premier livre de La Bible) du monde de Babel (la fameuse tour), une seule langue, une seule ville, un seul type de matériau (la brique) à celui de Babylone le monde uniforme des marchands de bonheur qui atomise, formate ou pire lobotomise les esprits en fabriquant les illusions d’un paradis artificiel.

Pour François Xavier Bellamy « l’uniformisation nous laisse imaginer que si tout est partout identique, notre liberté n’aurait plus alors de frontières », notre marche, nos déplacements ne seraient plus alors entravés, à rebours de l’image d’un monde fait de reliefs et de défis à relever, où la rencontre avec le prochain, et non son semblable, donne de la saveur aux rencontres.

Quels que soient les convictions qui sont les nôtres, nos sensibilités culturelles, sociales, religieuses, politiques, etc. prenons conscience qu’il y a une forme d’emprise mondialiste, une forme d’universalisme d’un prêt-à-penser, d’un prêt à consommer aseptisé, qui nivelle les différences culturelles, lisse et codifie les comportements…

L’égalitarisme

L’égalitarisme, ce souci prégnant hier, de réparer les injustices, aujourd’hui de corriger ce que la nature a fait.

L’égalitarisme qui finit par dissoudre les cultures, arase les singularités, gomme les spécificités des identités qui caractérisent les êtres humains, jusqu’à nous dire finalement que la femme c’est n’importe quel homme. L’égalitarisme efface toute idée de l’autre dans sa dimension d’altérité et nous conduit à ce troisième constat…

La liberté d’être indéterminé

La Liberté d’être indéterminé (une vision ASEXUEE) est à rebours de l’altérité (vision sexuée). L’altérité qui est la condition de tout émerveillement.

Or pour François Xavier BELLAMY que je cite à nouveau « L’altérité est la condition de tout émerveillement, il faut donc que tout ne soit pas identique pour que mon attention, trouve de quoi s’étonner La liberté d’être indéterminée est le fantasme de notre civilisation d’aujourd’hui« . C’est cette liberté d’indétermination qui va influer toute une conception de l’homme et sur laquelle s’articule le socle de l’idéologie Queer.

Le relativisme

Pour les relativistes « il n’existe aucune vérité absolue ». Le relativisme c’est appeler bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien, c’est confondre comme les hommes de Ninive au temps de Jonas, la droite de sa gauche.

On peut même à l’instar de Benoît XVI évoquer « une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. »

L’obsession de rester libre emmurée dans le monde virtuel

A cette liberté d’indétermination de l’être humain, je relève une autre problématique : celle qui touche la dimension de toutes nos relations … Notre obsession de rester libre … Cette obsession de liberté finit paradoxalement par nous murer (sur nos tablettes numériques), nous évitant alors d’entrer dans la relation incarnée…

Nous vivons, je crois, une immense bizarrerie : notre monde court vers l’indifférenciation, l’uniformisation qui gomme les frontières mais atomise les relations, les solidarités, la rencontre du prochain (le syndrome de Babel, rassemblons-nous dans la même ville ou le même continent virtuel). Dans ce continent virtuel, nous sommes comme alors tentés de nous enfermer dans nos univers, à ne plus incarner une relation réelle, dans un monde réel qui est caractérisé par la rencontre du prochain, dans un face à face fécond…

Sixième constat : Du consumérisme à la marchandisation du corps humain

Nous l’observons, nous dérapons vers une société où le tout consumérisme dicte et soumet la nature à des impératifs économiques.

Ce dérapage de la dictature économique, nous en avons eu la récente illustration à travers la proposition de deux sociétés du numérique d’encourager leurs employées de congeler leurs ovocytes Google, Apple. J’imagine que beaucoup parmi vous ont pu être choqués par ce glissement de nos sociétés consuméristes vers la marchandisation de l’être humain. Alors que file l’horloge biologique, Google Facebook et Apple pourraient ainsi subventionner demain la congélation des cellules reproductrices de leurs employées, afin de rendre ces femmes finalement corvéables à leurs métier et leur permettre de faire carrière.

Or c’est une boîte de pandore qui s’ouvre une nouvelle fois vers la commercialisation possible des ovocytes humains, en incitant les mères à le devenir le plus tard possible pour ne pas interrompre la belle carrière qui leur est promise et ce au nom de l’égalité femmes/hommes.

la déprise sociale, le repli sur soi, la désincarnation du lien social.

Etranges, n’est-ce pas justement ces mondes de la consommation qui nous poussent à une forme de déprise sociale, à nous replier sur nous-mêmes en nous rendant addictifs d’une société de consommation de plus en plus éthérée et de plus en plus virtuelle.

Nous vivons dans un monde désincarné où les rapports entre individus se dématérialisent : Nous prenons l’habitude de communiquer via les SMS, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…)  Parallèlement, nous perdons le contact avec la nature. En fait, nous sommes dans une époque de grand mépris pour les corps et l’homme se donne bien souvent des projets qui dénient le réel. Il convient pourtant de se réconcilier avec lui.  La vraie culture doit ancrer l’homme dans la réalité et l’amener à fuir l’« hyper-connexion » et « l’hyper-virtualité » qui fatiguent les esprits. »

Nous entrons finalement dans un univers social désincarné, dont le projet social funeste est de nous libérer des stéréotypes culturels, une société qui s’ouvrira inévitablement à un technicisme et à la technologie numérique appuyé par des idéologies qui croient nous affranchir des contingences de la nature.

Dans ces contextes d’une société éloignée du réel, Jacques ATTALI fait valoir que nous nous séparerons à terme de la procréation. Nous entrons selon l’essayiste dans l’apologie de la liberté individuelle.

Toujours pour Jacques Attali, « nous allons inexorablement vers une humanité unisexe, sinon qu’une moitié aura des ovocytes et l’autre des spermatozoïdes, qu’ils mettront en commun pour faire naître des enfants, seul ou à plusieurs, sans relation physique, et sans même que nul ne les porte. Sans même que nul ne les conçoive si on se laisse aller au vertige du clonage ». Ce n’est ni plus ni moins que « le meilleur des mondes » décrit par Aldous Huxley.

L’éviction de la transcendance

Ce dernier constat est la négation de la transcendance, la promotion d’une religion laïciste,  « l’homme devient la mesure de toutes choses, plus rien ne peut mesurer l’homme… » ? L’homme débarrassé de toute idée et toute référence à un Créateur auquel il aurait à rendre compte.

Au nom d’une idéologie égalitariste, nous passons d’une conception anthropologique d’un homme et d’une femme semblables, différents mais aussi complémentaires vers une forme de société postmoderne transhumaniste qui veut réparer la conception sexuée. Accomplir enfin le fantasme de l’humanité qui non seulement prétend à l’indétermination mais aspire à se libérer de toutes les contingences imposées par la nature.

Pour conclure notre propos et rappelé par l’un de mes amis philosophe, citons ici le mythe de l’androgyne dans Le Banquet de Platon, mythe d’une humanité autosuffisante et rebelle que Zeus a puni en séparant les êtres humains originels en deux, pour diminuer leurs forces concurrençant celle des dieux. Nier la sexualité revient à nier sa propre insuffisance et rêver d’autosuffisance sur la base d’une liberté toute puissante en apparence, mais en réalité, impuissante parce que fantasmée et faisant l’économie du réel qu’elle nie plutôt que de s’y confronter. Se confronter au réel, c’est se confronter à ses propres limites, à ses propres insuffisances.

L’égalité forcenée qui conduit à « la perte du pouvoir maternel ».

La révolution anthropologique s’inscrit dans une réinvention de la nature et dans ce projet d’ectogenèse, concerne l’identité même de la femme, « la perte du pouvoir maternel » comme l’écrit Laetitia Pouliquen (Auteur du livre, Femme 2.0, Féminisme et transhumanisme, quel avenir pour la femme). Nous sommes dans des contextes d’évolution générale de la société où la femme d’une manière générale est incitée à devenir un homme comme les autres.

Les changements en cours, et notamment transhumanistes, peuvent s’associer à une évolution des marqueurs identitaires, et engager un réajustement des équilibres biologiques, des différences entre l’homme et la femme.

Ainsi le monde scientiste, numérique, le cyborg dans lequel nous avons basculé, est de nature à muter le rapport au mystère et à l’altérité en offrant à la femme de nouvelles perspectives, en la faisant évoluer dans une nouvelle dimension de transmutation, une nouvelle expérience de la matière autorisant la fécondation hors de l’utérus féminin.

Avec ce projet de fécondation hors de l’utérus féminin, il ne s’agit ni plus ni moins que :

de modifier le corps de la femme

de prôner la liberté morphologique, de rendre la liberté à son corps,

de dépasser pour les transhumanistes, les mythes biologiques,

d’enjamber les barrières biologiques de manière radicale,

de donner enfin la possibilité à la femme de vivre une vie débarrassée des contraintes sociales

L’appareil génital destiné à porter un enfant est finalement vu dans l’idéologie cyborg et chez les transhumanistes comme une forme d’assujettissement qui ne permet pas à la femme de vivre pleinement son projet social.

Cette idéologie de l’égalité absolue libérée du prisme de la différence sexuée, des contraintes du corps de par les apports que lui offriront demain les évolutions de la science, pousseront la femme à être finalement n’importe quel homme. Cette dimension de la représentation de la femme vécue dans cette perspective idéologique et scientifique est de fait une inversion des représentations féministes passées, elle ne conduit ni plus ni moins qu’à l’effacement même de la femme en termes d’identité.

La nouvelle idéologie féministe fondant en quelque sorte l’incitation de la femme à devenir n’importe quel homme, ôte finalement à la femme toute dimension touchant son altérité, sa différence. Il en résulte alors pour la femme une perte de la complémentarité, une perte des fonctions qui permettent l’imbrication harmonieuse des identités quand elles évoluent dans la concordance. Une harmonie qui a été en effet pervertie depuis la chute de l’homme et de la femme rendant parfois impossible cette complémentarité épanouissante.

La disparition de la figure paternelle 

Lors de la construction de notre identité dans notre petite enfance, nous avons tous besoin de repère, de représentation de garçon vis-à-vis de son père, de fille vis-à-vis de sa mère. Nous avons également besoin de nous identifier vis-à-vis de l’autre sexe, mais il est difficile de se construire en garçon si on n’a pas d’homme autour de soi et de fille si on a pas de mère. De plus, les relations parentales sont triangulaires, ce qui permet de défusionner avec la mère en s’identifiant à l’autre sexe

Le contact de l’enfant s’opère en premier lieu dans l’utérus de la mère, c’est la dimension maternelle qui est prégnante pour l’enfant à naitre qui entend le cœur et la voix de sa mère. C’est cette fonction matrice, qui est à la fois source nourricière, protection et réceptacle de vie qui vont jouer un rôle déterminant dans le processus de vie de l’enfant et de contact en premier lieu avec la vie que lui transmet la mère. Très vite la mère représente l’abri, la sécurité, la protection, la chaleur, l’affection, la fusion, la compréhension La mère représente l’amour.

Le rôle du père est essentiel, en ce sens qu’il intervient dans cette fonction de séparation (il coupe le cordon ombilical), « d’expulsion du sein maternel », de distinction, de différenciation. Le père doit éduquer ses enfants dans le sens étymologique du mot  » educare  » : faire sortir, tirer dehors, conduire au-dehors avec soin, mettre debout.

La fonction du père est de séparer l’enfant de la mère. Il doit s’interposer entre la mère et l’enfant pour permettre à l’enfant de développer son identité en dehors de la symbiose maternelle et rappeler à la mère qu’elle est aussi une femme, une amante, un être de plaisir, non seulement un être de devoir généreux. Si la mère représente l’amour fusionnel, le père représente les limites, les frontières, la séparation psychologique.

L’enfant a besoin de sentir toute l’attention de la mère pour découvrir sa puissance. Mais il a aussi besoin des interdits de son père pour connaître ses limites et apprendre à faire attention aux autres. L’enfant apprend, par sa mère, qu’il est au centre de l’univers, de son univers ; il doit apprendre, par son père, qu’il existe d’autres univers avec lesquels il devra collaborer pour survivre et s’épanouir. Un psychiatre rapporte que l’enfant doit apprendre à se situer à mi-chemin entre l’attitude du chat et du chien. « Le chat se croit le maître en voyant tout ce que son  » esclave  » fait pour lui, alors que le chien perçoit son propriétaire comme son maître parce qu’il est capable de tout faire pour lui ».

La présence du père permet d’éviter d’être fasciné par des modèles, mais si cette figure est absente, alors le garçon va partir à la recherche de cette construction virile

Le dépassement des limites de la finitude

 Plus cette humanité se soumet à la nécessité de la Technique (terme que j’emprunte à Jacques Ellul), de l’organisation sociale, de l’accès au « bonheur matériel » moins elle évoque le besoin de religion. L’homme n’a plus besoin du secours de Dieu puisqu’il peut compter sur la science conquérante- pour vivre sur de nouvelles idéologies pour prétendre au confort, au bien vivre.

Nous entrons comme le définissait Julian Sorell Huxley, biologiste et père de l’eugénisme (1887-1975) dans une forme de transhumanisme dépassant les limites de la finitude que lui impose notamment la mort.

Nous prenons ainsi conscience du fantasme de l’humanité et de la perversion auxquelles conduisent de telles aspirations, une telle utopie mêlant idéologies de libération du corps et nouveaux pouvoirs qui par enchantement augmentent les capacités cognitives et physiologiques de l’homme en lui greffant de nouveaux attributs. N’allons-nous pas finalement vers une société démiurgique ?

Il est intéressant de noter le sens étymologique de démiurge totalisant dont la racine grec est démiourgos   comprenant le mot « démos », désignant «le peuple » et de «ergos», « travail », le mot signifiant artisan ou fabricant. Le transhumanisme évoqué apparait comme le reflet d’un Démiurge qui traduit la parfaite synthèse conjuguant à la fois le travail sur la matière (la puissance technique) et de l’esprit totalisant !