Le nouveau monde

La cité de Babel modernisée et rêvée par la nouvelle « civilisation » transhumaniste concentre toutes les envies de bien-être faisant vivre en harmonie une organisation sociale singulière fondée sur le progrès dont la matrice est la cybernétique et dont la reine mère est le léviathan, l’homme artificiel ou « l’intelligence artificielle ». La cybernétique comme nous le rappelions dans le premier chapitre de ce livre, est cette science des contrôles, une science qui contrôle les hommes, les systèmes, les écosystèmes, cette science qui surveille [ra] l’ensemble de nos écosystèmes dans ces contextes de crises notamment climatique, et régulera les harmonies planétaires, ce sera la bonne déesse, la déesse Maïa assurant la fertilité et le printemps de l’humanité.

Mais afin que toute ceci fonctionne, il faudra non pas s’en remettre à une organisation humaine dépassée par la complexité, l’enchevêtrement des galaxies qui touchent à toutes les formes de fonctionnement de la vie sociale mais à une organisation sophistiquée dominée par la mathématisation et le pouvoir des algorithmes. Ce changement de paradigme concernant la gestion des pouvoirs résulte de toute cette complexité et il conviendra en effet de la gérer, d’arbitrer, d’orienter, de la réguler, cela ne pourra être possible que par l’entremise d’un homme artificiel plutôt d’une intelligence artificielle, laquelle sera chargée d’assurer l’harmonie, la sécurité des humains en échange de leur domestication, de leur soumission, de leur obéissance, formant ainsi un pacte social et politique, harmonisant les rapports sociaux.

Auteur Eric LEMAITRE

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Pour introduire ce nouveau texte, permettez-moi de citer Pascal Ruffenache auteur du roman NEVERSAY, cette citation est extraite de son livre publié en 2018 et illustrera le cœur même de notre sujet dans la mouvance de la toute-puissance des algorithmes informatiques, de l’omnipotence et de la suprématie numérique qui sont sur le point d’envahir l’ensemble de nos écosystèmes, toute la dimension de l’écologie intégrale l’homme et son milieu. Pour illustrer cet avant-propos je vous invite à vous laisser interpeller par le texte de l’écrivain Pascal Ruffenache qui écrit un roman intitulé Never Say dans les contextes de l’affaire Snowden ancien agent de la CIA et de la NSA qui révéla à l’opinion publique la surveillance quasi mondialisée de millions de citoyens qui consultent Internet. C’est à la suite de ce scandale planétaire, de surveillance généralisée que Pascal Ruffenache écrivit ce roman.

De ce livre « Never Say » nous avons extrait ce texte le plus symptomatique du roman qui nous semble le mieux introduire la réflexion que nous engageons autour de la société transhumaniste qui est à venir : « De l’homme transparent à l’homme tout puissant Gus (Gus Hant) inquiétant directeur d’une agence de surveillance généralisée), avait presque naturellement glissé vers les recherches menées par RAY Kurzweil, le pape du transhumanisme. Vie éternelle, fin des maladies, oubli du passé, brûlé par la lumière incandescente d’un présent continu. Kurzweil promettait de construire Babel, une cité sans souffrance, sans fragilité et sans mémoire. L’immortalité était son étendard. Une immortalité dégagée de l’histoire, sans récit. Et la promesse de corps trafiqués à l’infini pour accéder à l’éternelle jeunesse des Dieux ».

Le propos de Pascal Ruffenache évoque les deux dimensions de ce livre « de l’homme déchu à l’homme Deus ». La première de ces dimensions est celle de la toute-puissance de l’homme, la toute-puissance rêvée par la pensée transhumaniste qui traverse le nouveau siècle « inquiétant » dans lequel nous sommes aujourd’hui entrés, la seconde dimension aborde la cité sans souffrance, indolente, molle et sans relief d’un monde aseptisé aux couleurs de Gattaca, c’est la promesse d’une ruche fourmillante d’idées et d’innovations, monde aspiré par le progrès sans fin et à la conquête de ces deux infinis, les deux pôles d’un monde où tout reste à découvrir en dépassant autant que possible les frontières du réel. Pascal Ruffenache dans ce roman « Never Say », annonce que le projet de Ray Kurzweil est bel et bien la construction [qu]antique de la nouvelle Babel, la construction d’une cité rationnelle, l’incarnation de l’utopie concentrant les fantasmes d’un monde ravagé par l’envie de croissance, d’expansion, et le prolongement indéfini de la vie humaine « sans souffrance, sans fragilité et sans mémoire ».

La cité de Babel modernisée et rêvée par la nouvelle « civilisation » transhumaniste concentre toutes les envies de bien-être faisant vivre en harmonie une organisation sociale singulière fondée sur le progrès dont la matrice est la cybernétique et dont la reine mère est le léviathan, l’homme artificiel ou « l’intelligence artificielle ». La cybernétique comme nous le rappelions dans le premier chapitre de ce livre, est cette science des contrôles, une science qui contrôle les hommes, les systèmes, les écosystèmes, cette science qui surveille [ra] l’ensemble de nos écosystèmes dans ces contextes de crises notamment climatique, régulera les harmonies planétaires, ce sera la bonne déesse, la déesse Maïa assurant la fertilité et le « printemps de l’humanité ».

Mais afin que toute ceci fonctionne, il faudra non pas s’en remettre à une organisation humaine dépassée par la complexité, l’enchevêtrement des galaxies qui touchent à toutes les formes de fonctionnement de la vie sociale mais à une organisation sophistiquée dominée par la mathématisation et le pouvoir des algorithmes. Ce changement de paradigme concernant la gestion des pouvoirs, résulte de toute cette complexité qu’il conviendra en effet de gérer, d’arbitrer, d’orienter, de réguler. Cette complexité ne pourra être gérée que par l’entremise d’un homme artificiel plutôt d’une intelligence artificielle, laquelle sera chargée d’assurer l’harmonie, la sécurité des humains en échange de leur domestication, de leur soumission, de leur obéissance, formant ainsi un pacte social et politique, harmonisant la totalité des rapports sociaux.

Nous brossons là, le portrait de la « singularité technique[1] », celle d’un monde qui aura basculé entre les mains de la puissance technique, la puissance technique qui se verra déléguer bien entendu notre incapacité de gérer nos relations conflictuelles. Le léviathan technologique n’a-t-il pas le meilleur profil pour réguler le tempérament humain, et puisque aucun humain n’est franchement à sa hauteur, il prendra alors le relais, l’humanité se « machinisera » docilement. Le léviathan technologique et ses instruments de navigation préviendront et anticiperont les risques, établiront ou imposeront sous forme d’injonctions, l’itinéraire que nous devrons emprunter afin de ne pas déroger aux règles qui présideront l’harmonie établie, de ne pas enfreindre les principes normatifs qui guideront la vie quotidienne, la vie des citoyens seront ainsi assujettis au pouvoir de la « machine mathématisée ».  La mathématisation de la société, est une expression que j’avais déjà utilisé dans le premier essai « la déconstruction de l’homme » pour évoquer ce monde qui se métamorphose en formules algorithmiques.  Ces formules qui exprimeront dans la matrice cybernétique les liaisons causales générales, et les lois garantissant l’harmonie, celles qui préviendront les dérives et les conflits.

Il convient pour tous, de nous questionner sur ce phénomène qui subrepticement est sur le point d’envahir clandestinement toutes les sphères de la vie. Ces sphères de la vie, associées à tous les écosystèmes de l’existence sont en quelque sorte colonisées par une forme de mécanique matérialiste qui nous distrait de toute vie intérieure.  L’écrivain Bernanos auteur entre autres, du livre la France contre les robots a dit un jour « que l’on ne comprend rien au monde moderne tant que l’on ne perçoit pas que tout est fait pour empêcher l’homme d’avoir une vie intérieure ». Aujourd’hui ajoute le philosophe Bertrand Vergely « il importe d’aller plus loin, et de se rendre compte que l’on ne comprend rien à la postmodernité si l’on ne prend pas conscience que tout est fait pour faire disparaître l’homme ». En effet ce que le progrès technologique a détruit selon le Philosophe et urbaniste Paul Virilio « c’est l’humble préférence du proche et du prochain, le savoir être soi-même dont Montaigne nous entretenait comme la plus grande chose au monde ».

Dans ces contextes de vie sociale et des changements qui vont s’opérer sur la vie humaine, toutes les sphères de notre « vie intérieure » seront ainsi concernées, colonisées, vampirisées par ces objets du futur que nous avons déjà pour la plupart d’entre-nous soit dans la veste ou la poche. Tous ces objets du futur envahiront la totalité des étendues non seulement de notre vie intérieure mais celle de notre vie sociale, de la vie économique : l’agriculture, le transport, la santé, la justice, l’urbanisme, la finance, la consommation, la logistique. Pour les transhumanistes, le salut de la « vie » [l’humanité] passera par la technologie. Dans ces contextes d’un monde demain gouverné par la mathématisation, c’est Kepler qui a dit que la différence entre Dieu et l’homme, « c’est que Dieu connaît tous les théorèmes depuis toute l’éternité alors que l’homme ne connait pas tout…enfin pas encore … », mais la question est bien de savoir ce que l’homme prétendra faire de cette science et de la techniques si elle sont respectivement sans conscience et donc sans limites.

Notre humanité s’est ainsi prise d’ivresse et de passion pour la technique au sens où Jacques Ellul le définit. Cette technique se modernise et a le vent en poupe avec l’impulsion des convergences technologiques et par capillarité est sur le point de façonner l’homme nouveau, l’homme domestiqué, l’homme sous l’étau des algorithmes qui le surveillent, le contrôlent, le consomment même.

La technique dans cet univers de la modernité est englobante et va au-delà de la technologie, quand Jacques Ellul[2] emploie le terme de technique, il l’associe à la dimension à la fois de phénomène et de système.  Selon Jacques Ellul la technique c’est avant tout « rechercher en toute chose la méthode absolument la plus efficace ». Or, c’est bien la méthode la plus efficace qui est recherchée depuis la nuit des temps, et c’est bien l’approche de la modernité de s’en remettre au pouvoir de la technique pour penser rationnellement le monde, et trouver les solutions rationnelles pour le gérer. Or aujourd’hui penser la technique à l’échelle d’un pays ou du monde, c’est imaginer la mise en place d’un système assurant l’efficacité ou la capacité afin de réduire les problématiques, les tensions, les conflits, les disputes qui se dessinent.

Dans les contextes de modernité et de la suprématie de la technique, comme le précise par ailleurs le théologien et penseur de la modernité Jacques Ellul, la technique renforce nécessairement l’État : « une société technicienne est [une société qui pensera globalement] nécessairement une société de surveillance et de contrôle ». Et de cette dimension de contrôle à la contrainte, ce n’est l’affaire que de quelques paliers, nous sommes en train de franchir et sans doute, nous sommes sur le point de franchir la dernière marche pour basculer dans un monde incertain, celui de la singularité technique « déclenchant des changements imprévisibles sur la société humaine ».

Or cela pourrait bien être un monde sans état, c’est-à-dire sans organisation humaine ; cela pourrait bien être la suppression de l’état et des corps intermédiaires, la fin des institutions humaines, le léviathan technologique prenant le relais de « la nouvelle civilisation ». Si notre monde débouche vers cette forme nouvelle d’organisation dont « les sujets devront agir comme la technique le leur imposera » c’est-à-dire la singularité technologique dont la figure pourrait bien être une nouvelle super intelligence qui poursuivra l’augmentation et l’amélioration technologique en encartant l’humanité sous le marteau de ses algorithmes et l’étau de ses normes rationnelles.

Jacques Ellul n’exprime pas autrement cette pensée que nous exprimons : « La technique conduit à deux conséquences : la suppression du sujet [Le marteau] et la suppression du sens [l’étau].». La technique conduit à la suppression du sujet, à son aliénation. « Le sujet ne peut pas se livrer à des fantaisies purement subjectives : dans la mesure où il est entré dans un cadre technique, le sujet doit agir comme la technique l’impose. Cette suppression du sujet par la technique est acceptée par un certain nombre d’intellectuels, Michel Foucault par exemple, qui estiment que l’on peut très bien abandonner le sujet ». La technique c’est également la fin de la dimension du sens. « Les finalités de l’existence semblent progressivement effacées par la prédominance des moyens. La technique, c’est le développement extrême des moyens. Tout, dans le développement technique, est moyen et uniquement moyen, et les finalités ont pratiquement disparu. La technique ne se développe pas en vue d’atteindre quelque chose, mais parce que le monde des moyens s’est développé. En même temps, il y a suppression du sens, du sens de l’existence dans la mesure où la technique a développé considérablement la puissance. La puissance est toujours destructrice de valeur et de sens. Là où la puissance augmente indéfiniment, il y a de moins en moins de significations.» Au total, la suppression du sujet et la suppression du sens sont des conséquences importantes de la technique et contribuent au malaise et au malheur de l’humanité. »

Dans la réflexion de cette deuxième partie de l’ouvrage, j’hésitais sur l’emploi du mot civilisation, il était tentant d’utiliser le terme civilisationnel ; puis au cours d’une émission radio, mon ami Dominique qui m’interrogeait sur un des aspects du transhumanisme me reprit sur le terme de « nouvelle civilisation ». Si la vie technologique devient notre milieu, notre environnement, si le monde est gouverné par la puissance des algorithmes, ; pourra-t-on en effet parler de civilisation ?

Pourtant la civilisation définie par les philosophes des lumières est centrée sur l’idée de progrès, un terme qui caractérisait la pensée des lumières et qui s’oppose au sauvage, au non civilisé. De fait parler de civilisation transhumaniste n’est pas en soi entachée d’un problème particulier. Sauf à penser que la civilisation est celle qui est dominée par l’homme, mais si l’homme n’était plus le sujet de cette civilisation et si l’inverse se produisait ? Autrement dit le règne de la technologie ! Un tel basculement amènerait de facto un changement de paradigme, conduirait à des changements de contours de la société humaine, celle-ci serait régulée et surveillée par l’ère des machines et des cyborgs, ce ne serait une civilisation au sens où nous l’entendions.

Rappelons que la civilisation est définie comme cette culture qui embrasse tous les phénomènes de la vie humaine.  Le terme civilisation ne se départit pas de l’histoire, des confluences de l’histoire, la civilisation est en soi liée à des dimensions multiples touchant la morale, le progrès, les religions. Au sein des civilisations humaines, les arrières plans, les croyances pluriformes irréductibles les uns aux autres qui ont façonné bien ou mal l’humanité. Mais comme nous le formulions précédemment, est-ce qu’en soi la civilisation qui se définit comme une caractéristique humaine sera toujours une civilisation si c’est la technique gère demain l’humain ?

Mais quand viendra l’avènement de la communauté technique, l’ère de la singularité technologique, pourra-t-on encore parler de fait de civilisation ? Pourra-ton encore parler de civilisation si la modernité s’emploie à supprimer le récit passé ? Si l’histoire a été gommée pour reprendre la citation extraite du livre « Never Say » et commentée précédemment nous ne pourrons plus ainsi utiliser le concept de civilisation, car une ère nouvelle serait alors née, celle d’un monde sans transcendance, qui a fait l’éviction de la mort !

Vous me rétorquerez poliment je présume, mais ce que vous racontez là, c’est de la pure fantaisie, vous élucubrez, vous divaguez sur un avenir qui n’adviendra pas ! Alors j’aimerais dire à cette personne, commencez donc par ne plus tapoter sur vos écrans et ne pas vous y plonger quand vos enfants vous parlent, quand votre épouse veut avoir un moment d’intimité avec vous ! Vous enchaînerez en m’indiquant mais quel est le rapport Monsieur ? Le rapport est que le monde technique a progressé lorsque la dimension relationnelle a fini par être occulté comme celle de la proximité !

[1] Source Wikipédia : La singularité technologique (ou simplement la singularité) est l’hypothèse selon laquelle l’invention de l’intelligence artificielle déclencherait un emballement de la croissance technologique qui induirait des changements imprévisibles sur la société humaine

[2] Pour retrouver toute la pensée de Jacques Ellul, nous vous renvoyons à ce document PDF qui résume les échanges entre Bernard Charbonneau et Jacques Ellul. Jacques Ellul y aborde la technique Selon Jacques Ellul  la technique n’est pas l’équivalent du mot machine, alors que la technologie en est le terme voisin puisque la technologie est le discours sur la machine, a contrario la technique pour Jacques Ellul, « c’est rechercher en toute chose la méthode absolument la plus efficace »https://lesamisdebartleby.files.wordpress.com/2017/01/bcje-toile.pdf

Transhumanisme : CRISPR-CAS9 : l’ouverture mortifère d’une nouvelle anthropologie

Notre civilisation est confrontée incontestablement à un changement de paradigme anthropologique, la civilisation matérialiste gagne peu à peu les consciences, j’hésitais un instant à utiliser les termes de « gagner les esprits » et pourtant cette civilisation est aux antipodes de celle qui se réclame en quelque sorte de l’esprit. En utilisant le terme de paradigme, il faut ici comprendre le changement de modèle civilisationnel qui se place aujourd’hui dans le déni de la spiritualité, et surtout de la spiritualité chrétienne.  Le paradigme anthropologique est ainsi celui de la représentation que nous nous faisons de l’homme, à savoir ce qui le définit. Le changement de modèle anthropologique est celui d’une rupture de lecture concernant la façon dont nous appréhendions l’homme, ce qui le définit dans sa dimension existentielle, un être fait à l’image de Dieu. De fait tout ce qui caractérise l’être y compris dans son infirmité, ses limites, son handicap, est une part en soi de l’image de Dieu.

Quant à l’esprit, c’est une part mystérieuse, surnaturelle de notre être spirituel ou transcendant.  Cette part en nous qui a besoin de naître d’en haut, de recevoir cette vie qui vient de notre relation avec Dieu. Blaise Pascal prend soin de particulariser les trois « ordres de réalité ». Blaise Pascal évoque[1] en effet « la distance infinie des corps et des esprits, [qui] figure la distance plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle ».  Le corps est interface comme nous le rappelions précédemment et ce corps est ouverture en quelque sorte au monde physique, au contact de notre environnement nous ressentons le monde, nous éprouvons des sensations plaisir ou douleur, bien-être ou souffrance, l’âme associée à notre chair nous met en relation avec l’intelligence, le monde psychique. L’esprit quant à lui nous ouvre sur le monde spirituel, cette dimension de l’esprit est largement évoquée dans deux chapitres de l’évangile de Jean, Évangile de Jean au chapitre 3 et Évangile de Jean au chapitre IV. Jésus rencontre deux figures, Nicodème et la Samaritaine, à l’un Nicodème Jésus appuiera sur cette dimension, l’importance de naître d’en haut pour que Dieu lui soit révélé afin de découvrir une autre réalité qui n’est pas terrestre, à l’autre la Samaritaine Jésus lui parle de l’esprit saint, l’eau vive, cette eau vive qui comble l’insatiété, l’impossibilité en soi d’être finalement rassasié dans sa chair, nous éprouverons bien et perpétuellement la faim, la soif, l’insatisfaction au sens psychique, mais nous pouvons être mystérieusement comblés par la présence de l’esprit saint, c’est un mystère, l’esprit est un mystère, mais il est occulté si nous ne recherchons pas cette transcendance en nous qui entend combler notre être intérieur. Nous comprenons qu’un tel discours est nécessairement aux antipodes d’une vision purement matérialiste de l’homme.

Or la nouvelle métaphysique qui redéfinit l’homme s’inscrit dans une nouvelle anthropologie, un changement radical de paradigme, les concepts trinaire corps, âme et esprit sont remis en cause. Le concept trinaire corps, âme, esprit, c’est-à-dire la part transcendante de l’homme est niée.  Notre civilisation est absorbée par la révolution technoscientifique dont le projet est aujourd’hui vérifié de par l’avancement des recherches dans les domaines de la génétique et des mutations potentiellement délétères, de l’intelligence artificielle relais substrat des limites associées à notre cerveau , qui n’est autre que d’apporter à l’humanité des capacités nouvelles de se transcender et de prolonger la vie ici-bas, ceci grâce aux performances génétiques, aux prouesses de l’intelligence artificielle et aux prodiges promis par la civilisation transhumaniste.

Le transhumanisme interroge finalement le sens de la vie, la question essentielle qui est celle du sens ! La doctrine transhumaniste nie la portée de cette dimension du corps, de l’âme et de l’esprit réduisant ces trois dimensions à une seule et même substance et assimilant la totalité de l’être à un être purement mécanisé, un être certes complexe, mais un être décodable ou la part de mystère est en soi inexistante. L’anthropologie transhumaniste ne peut concevoir le sens que dans le seul registre de l’augmentation, de la performance, de la multiplication des exploits qui seraient de nature à transcender l’homme, l’homme étant réduit à une matière corrigible, il suffit dès lors de le muter pour lui donner la forme que l’on veut. L’anthropologie transhumaniste est une forme d’anti entropie, un processus contre la dégradation de l’espèce humaine. La matrice philosophique du transhumanisme est réductible à une seule expression, « c’est survivre, ici-bas, sans rien attendre d’un au-delà ».   Toute une humanité, peut ainsi s’engouffrer vers cette promesse faustienne, ce fruit de la connaissance qui ouvre l’humanité à une autre forme de destinée, destinée non dans la vie intérieure, mais dans la matière, non dans la relation avec Dieu mais dans le cyborg, l’organisme cybernétique, greffée de nouveaux attributs, revêtu de puissance, celle de la matière mais non celle de l’esprit.

Aussi c’est bien le sens de la vie qui est ici interrogé, or la vision de la civilisation transhumaniste ne peut pas y répondre comme le souligne le philosophe Bertrand Vergely, car l’anthropologie transhumaniste ne saurait en soi répondre à une telle question car elle est réduite qu’à des notions de performance, de consommation matérielle, de course à la survie.  Je ne suis pas certain que la civilisation transhumaniste nous dise quelque chose du bonheur et si elle comprend qu’en réalité le bonheur, le véritable bonheur n’est pas séparable d’une vie intérieure, et j’en reviens de fait à ce propos de Jésus s’adressant à la samaritaine et lui indiquant qu’elle aura toujours soif, mais de l’eau vive promise par Christ, elle en sera en réalité définitivement comblée. L’eau vive est celle qui touche à cette dimension de l’esprit, or dissocier l’esprit du corps, de l’âme, de l’esprit, c’est plonger l’homme dans la réalité d’un monde mortifère et en perpétuelle souffrance, car l’homme ne saura jamais être comblé par la civilisation des biens. Dieu nous invite à entrer dans sa création par l’esprit, l’homme transhumaniste choisit l’arbre de la connaissance et non l’arbre qui lui donne la vie.

Le transhumanisme est une volonté de s’approprier l’homme et non de lui être utile, de servir l’autre, le transhumanisme est un miroir aux alouettes, une forme d’armoire magique où se produit un illusionniste qui révèle une autre anthropologie, une conception millénariste d’une religion qui promet le prolongement indéfini de la vie sans la vie intérieure, la vie incarnée par le souffle d’un Dieu vivant auteur de notre existence. La science transhumaniste veut bricoler la vie mais peut produire de redoutables dommages comme en témoigne la rechercher sur le CRIPR-CAS9, technique utilisée pour modifier des gènes défectueux et sur laquelle la médecine transhumaniste fonde de grands espoirs. En réalité cette technique est moins précise qu’on l’espérait et ce en raison des mutations inattendues, selon une étude parue le 16 juillet 2018 publiée dans la revue Nature Biotechnology[2] : « Ces ciseaux génétiques ont provoqué des mutations « importantes » et « fréquentes » lors d’expériences menées sur des souris et des cellules humaines dans le cadre de l’étude ». Le bricolage de l’ADN qui constitue l’identité anthropologique de l’être ne s’en trouverait-il pas et dès lors altéré. Selon la même revue « ce type de modifications pourrait conduire à l’activation ou à la désactivation de gènes importants, et entraîner des conséquences potentiellement lourdes. ». Or à force de réduire l’être humain à un objet mécanique, une enveloppe biologique, sans substance spirituelle, nous pourrions bien préparer notre humanité à son pire cauchemar. La perfectibilité auxquels aspiraient les lumières se confronteraient alors à un échec pitoyable celle d’une humanité désincarnée, vidée de toute transcendance soumises aux aléas d’un monde sans âme, celui d’une matière inerte et sans sens.  Mais la lueur même dans ce nuage noir peut luire et nous conduire à espérer et à sortir l’homme de ce cauchemar transhumaniste.

[1] L’extrait de la citation est tirée du Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 11 / 24 http://www.penseesdepascal.fr/JC/JC11-moderne.php

[2] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/crispr-cas9-provoquerait-des-mutations-involontaires-et-potentiellement-deleteres_125925