la marque ou le tatouage quantique

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Notre site ne s’intéresse aux faits, rien qu’aux faits, ni aux rumeurs, ni à de prétendus complots… Nonobstant en pleine pandémie du coronavirus, nous sommes frappés par l’émergence et l’accélération de moyens techniques, d’applicatifs de supervision et de contrôle. C’est ce point là et seulement ce point là qui ne concerne que la seule dimension du contrôle, que nous souhaitions mettre en avant. A partir des seuls éléments factuels, chacun devra réfléchir aux conséquences induites par de tels progrès et ce que ces progrès signifient … Émettons ainsi l’hypothèse non farfelue que la pandémie devait se prolonger puis la découverte à moyen terme d’un vaccin enfin obtenue, vaccin qui serait rendu finalement obligatoire pour mettre fin à une contagion létale. Il est tout à fait concevable alors d’imaginer des moyens coercitifs pour inciter et conduire les populations à accepter leur mise en conformité avec cette solution de tatouage accompagnant le vaccin vérifiant ainsi qu’aucun ne fasse courir de danger à autrui … Une telle réflexion est loin d’être saugrenue, c’est une pure hypothèse dystopique mais non émanant d’un cerveau dérangé.

Le premier document émane du site d’une chaîne française : LCI : https://www.lci.fr/sciences/il-devient-fluorescent-lorsqu-on-pointe-un-smartphone-demain-un-carnet-de-vaccination-sous-la-peau-2140786.html

Le document

Des chercheurs ont développé une technologie qui permet, grâce à un tatouage invisible incrusté sous la peau, de faire apparaître le carnet de santé d’une personne via la caméra d’un smartphone. De quoi fournir aux médecins, notamment dans les pays en voie de développement, la preuve que la personne a été vaccinée.

19 déc. 2019 14:05 – La rédaction de LCI

Les implants technologiques sous-cutanés, utilisés dans le monde entier pour le bétail et les animaux domestiques, commencent à se répandre chez l’homme, comme en Suède où plusieurs milliers de personnes les utilisent déjà comme clé, ticket de train ou carte bancaire. Dans le domaine de la santé, cette fois, une équipe de scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a annoncé avoir mis au point un procédé révolutionnaire : au lieu d’implanter une puce électronique entre l’index et le pouce, des nanoparticules sont injectées sous la peau via une seringue spéciale.

Ces nanoparticules ont la particularité d’émettre une lumière fluorescente imperceptible à l’œil nu, mais visible depuis l’écran d’un smartphone. Concrètement, l’idée est d’établir sur le corps lui-même la preuve du vaccin, notamment dans les pays en voie de développement où les cartes de vaccination en papier sont souvent erronées ou incomplètes et où les dossiers médicaux électroniques inexistants. Pour l’instant, la technologie a été testée uniquement sur des rats, mais les chercheurs espèrent les tester sur des humains en Afrique dans les deux prochaines années.

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Des nanocristaux à base de cuivre

Les scientifiques ont passé beaucoup de temps à trouver des composants à la fois sûrs pour l’organisme, stables et capables de durer plusieurs années. La recette finale est composée de nanocristaux à base de cuivre, appelées « boîtes quantiques » (en anglais, « quantum dots »), mesurant 3,7 nanomètres de diamètre. Ces nanocristaux sont ensuite encapsulés dans des microparticules de 16 micromètres (1 micromètre égale un millionième de mètre, ndlr), détaillent les chercheurs dans un article paru mercredi 18 décembre dans la revue Science Translational Medicine.

L’implantation, qui se fait grâce à une seringue spéciale dotée d’un patch de microaiguilles de 1,5 millimètre de longueur, est presque indolore. Une fois appliquées sur la peau pendant deux minutes, les microaiguilles se dissolvent et laissent sous la peau les petits points, répartis par exemple en forme de cercle ou bien d’une croix. Ils apparaissent sous l’effet d’une partie du spectre lumineux invisible pour nous, proche de l’infrarouge. Par le biais de la caméra d’un smartphone modifié, pointé sur la peau, apparaissent, fluorescent sur l’écran, le cercle ou la croix. 

Les chercheurs voudraient que l’on puisse injecter le vaccin contre la rougeole en même temps que ces petits points. De ce fait, un médecin pourrait des années plus tard vérifier si la personne a été vaccinée. La technique est censée être plus durable que le marquage par feutre indélébile. Dans le compte-rendu de leurs travaux, les scientifiques indiquent qu’ils ont simulé cinq années d’exposition au Soleil au cours de tests en laboratoire. Autre avantage de ce dispositif, il requiert moins de technologie qu’un scan de l’iris ou que la maintenance de bases de données médicales.

ARCHIVES – Des diagnostics médicaux bientôt réalisés à l’aide d’une simple puce sous la peau ?

L’obstacle de l’adoption par la population

TOUTE L’INFO SURQUEL FUTUR POUR DEMAIN ?

La limite du concept est que la technique ne sera utile pour identifier les enfants non-vaccinés que si elle devient l’outil exclusif. En outre, les gens accepteront-ils de multiples marquages sous la peau, pour chaque vaccin ? Et qu’adviendra-t-il des points quand le corps des enfants grandira ? 

La Fondation Bill et Melinda Gates, qui finance ce projet, mène actuellement des enquêtes d’opinion au Kenya, au Malawi et au Bangladesh pour déterminer si les populations seront prêtes à adopter ces microscopiques boîtes quantiques ou préféreront en rester aux vieilles cartes de vaccination.

Le second document émane d’un article de recherche scientifique https://stm.sciencemag.org/content/11/523/eaay7162

La tenue de dossiers médicaux précis est un défi majeur dans de nombreux milieux à faibles ressources où il n’existe pas de bases de données centralisées bien entretenues, contribuant à 1,5 million de décès évitables par la vaccination chaque année. Ici, nous présentons une approche pour coder les antécédents médicaux sur un patient en utilisant la distribution spatiale des points quantiques biocompatibles dans le proche infrarouge (NIR QD) dans le derme. Les QD sont invisibles à l’œil nu mais détectables lorsqu’ils sont exposés à la lumière NIR. Les QD avec un noyau en séléniure de cuivre et d’indium et une coque en sulfure de zinc dopé à l’aluminium ont été réglés pour émettre dans le spectre NIR en contrôlant la stœchiométrie et le temps de décorticage. La formulation présentant la plus grande résistance au photoblanchiment après exposition au soleil simulée (équivalence sur 5 ans) à travers la peau humaine pigmentée a été encapsulée dans des microparticules pour une utilisation in vivo. En parallèle, la géométrie des microaiguilles a été optimisée in silico et validée ex vivo à l’aide de peau humaine porcine et synthétique. Des microparticules contenant de la QD ont ensuite été incorporées dans des microaiguilles solubles et administrées à des rats avec ou sans vaccin. L’imagerie longitudinale in vivo à l’aide d’un smartphone adapté pour détecter la lumière NIR a démontré que les motifs QD délivrés par microaiguille restaient brillants et pouvaient être identifiés avec précision à l’aide d’un algorithme d’apprentissage automatique 9 mois après l’application. En outre, la délivrance de codes avec le vaccin antipoliomyélitique inactivé a produit des titres d’anticorps neutralisants supérieurs au seuil considéré comme protecteur. Ces résultats suggèrent que les QD intradermiques peuvent être utilisés pour coder de manière fiable les informations et peuvent être délivrés avec un vaccin,

Divergence

Pourquoi traiter de la « Divergence » dans cette nouvelle chronique d’un monde en pièces. Que vais-je écrire qui ait une réelle portée, de l’intérêt ? Qu’est-ce qui peut bien motiver ce nouveau texte ? En fait une nouvelle fois l’actualité nourrit la réflexion, le thème même de la divergencAuteure s’est naturellement imposé en raison de cette lecture quotidienne ressassée par nos médias qui deviennent en fin de compte les prêts à penser de notre monde, la nouvelle religion qui cause, pense, réfléchit à notre place. Que les médias s’expriment, apparaît en soi, totalement légitime, ce n’est donc nullement cette faculté d’exposer son point de vue, qui est contestée, mais bien cette impossibilité ou cette propension de ne pas aller plus loin, de s’ouvrir à d’autres pistes, d’autres réflexions alternatives, de réflexions divergentes, qui ne rentrent pas nécessairement dans les clous du conformisme social, du conformisme y compris scientifique.

Le conformisme confortable, de la pensée admise peut être un frein à la recherche de solutions présentant d’autres choix face à un problème irrésolu. À ce jour où ces lignes furent écrites, la pandémie qui s’avère d’une rare complexité n’est pas résolue. Moquer ou railler les pensées alternatives face à ce qui fait consensus aujourd’hui, peut-être demain un sérieux handicap, pour endiguer les problèmes du futur. Il nous importe donc de favoriser l’écoute, de consulter d’autres voix et voies ; l’urgence l’impose. Il nous faut ainsi prêter l’attention à toute lecture divergente, déclinée par les experts ou de simples lambda ou même écouter les pratiques des autres nations confrontées elles aussi à la pandémie, mais qui ont su l’endiguer, y faire face, alors que leurs dispositifs sanitaires dénotent d’un système archaïque et qui aurait pu mettre en péril la totalité de leurs habitants[1]. Il nous faut peut-être revenir à l’empirisme scientifique et à une forme de pragmatisme social nous faisant ancrer davantage dans la réalité et dans la proximité des vécus locaux.

Auteur

Eric LEMAITRE

Pourquoi traiter de la « Divergence » dans cette nouvelle chronique d’un monde en pièces. Que vais-je écrire qui a une réelle portée, de l’intérêt ? Qu’est-ce qui peut bien motiver ce nouveau texte ? En fait une nouvelle fois l’actualité nourrit la réflexion, le thème même de la divergence s’est naturellement imposé en raison de cette lecture quotidienne ressassée par nos médias qui deviennent en fin de compte les prêts à penser de notre monde, la nouvelle religion qui cause, pense, réfléchit à notre place. Que les médias s’expriment, apparaît en soi, totalement légitime, ce n’est donc nullement cette faculté d’exposer son point de vue, qui est contestée, mais bien cette impossibilité ou cette propension de ne pas aller plus loin, de s’ouvrir à d’autres pistes, d’autres réflexions alternatives, de réflexions divergentes, qui ne rentrent pas nécessairement dans les clous du conformisme social, du conformisme y compris scientifique. En école d’Ingénieurs, j’introduisais mon cours sur l’innovation en l’illustrant avec un exemple connu de tous, et je sollicitais l’intelligence des élèves afin que ces derniers relient les six points formant un carré (le carré à 9 points) qui doivent être joints avec seulement quatre segments sans jamais lever le crayon. Cet exercice simple en soi, devait conduire à chacun l’importance de sortir parfois de nos schémas et cadres de pensée nous contraignant à limiter les capacités intuitives et créatives de l’être humain. Dans un monde formaté et normé, conditionné par le conformisme, nous avons dû mal à admettre l’alternative, nous sommes en peine de sortir du cadre imposé. Pour ma part, j’encourage les lectures systémiques, l’audace, sortant de cadres formels. Or pour trouver les remèdes les plus adéquats à une société formatée condamnée à se diriger vers la faillite il convient de ne pas s’obstiner à raisonner par le haut. Les pouvoirs jacobins ou totalitaires pétris de certitudes se persuadent toujours de ne jamais déléguer l’initiative en la déclinant à la plus petite échelle pour identifier les résolutions des problèmes touchant à toutes les sphères de la vie de la cité. Or la tempête virale qui a traversé l’ensemble de notre société a montré l’inaptitude de l’état à répondre à l’urgence et ce sont par exemple les petites mains des couturières qui ont cousu masques et blouses pour nos infirmières et que dire également de l’entreprise privée qui a su mieux que l’état gérer l’approvisionnement et la gestion logistique des masques jusqu’à leur acheminement en direction des points de vente.  Je plaide en fait pour une pensée divergente, créative qui sort des sentiers battus, chemine et ose l’originalité, le dépassement des dogmes habituellement acceptés par tous, mais s’appuyant sur une dimension créative raisonnée, intelligente et argumentée. Je plaide également pour la liberté de conscience et la liberté de dire qui conduit à tout chacun à se remettre en cause.

Le conformisme confortable, de la pensée admise peut être un frein à la recherche de solutions présentant d’autres choix face à un problème irrésolu. À ce jour où ces lignes furent écrites, la pandémie qui s’avère d’une rare complexité n’est pas résolue. Moquer ou railler les pensées alternatives face à ce qui fait consensus aujourd’hui, peut-être demain un sérieux handicap, pour endiguer les problèmes du futur. Il nous importe donc de favoriser l’écoute, de consulter d’autres voix et voies ; l’urgence l’impose. Il nous faut ainsi prêter l’attention à toute lecture divergente, déclinée par les experts ou de simples lambda ou même écouter les pratiques des autres nations confrontées elles aussi à la pandémie, mais qui ont su l’endiguer, y faire face, alors que leurs dispositifs sanitaires dénotent d’un système archaïque et qui aurait pu mettre en péril la totalité de leurs habitants[1]. Il nous faut peut-être revenir à l’empirisme scientifique et à une forme de pragmatisme social nous faisant ancrer davantage dans la réalité et dans la proximité des vécus locaux.

Nous sommes conscients qu’une certaine idéologie ambiante et notamment jacobine[2] pénètre l’ADN culturel de notre nation et sans doute par capillarité le monde. Le jacobinisme qui passe pour l’ancêtre du totalitarisme contemporain ne supporte pas ainsi que l’on veuille déroger à la norme. Vous pourrez cependant m’indiquer que certaines radios ou télévisions invitent des chroniqueurs et des experts non conformistes, qui osent traverser le Rubicon, enjamber les lignes Maginot de la bien-pensance. En effet la parole leur est donnée, ils s’affranchissent allégrement des codes, les transgressent volontiers, quitte à provoquer, déranger. Pourtant ce qui manque, à ces débats, c’est l’éthique en matière de discussion, qui pose comme règle la condition minimale de se comprendre sans préjuger de la pertinence ou non de l’opinion partagée. Trop souvent, nous sommes les témoins de scènes surjouées où il faut entrer en conflit.

La difficulté est en conséquence, trop souvent, l’inacceptation de débats mutualisant les apports, les réponses de chacun. Il est impérieux de surmonter les débats équilibrés et contradictoires en autorisant les échanges qui confortent ou ne confortent pas les opinions des auditeurs, des débats qui n’appellent pas à la véhémence de la critique face à la pensée divergente. La pensée divergente n’est pas suffisamment cultivée, elle n’est pas dans les nations qui cultivent l’idéologie totalitaire, ni même ou sans doute pas dans l’ADN de la culture occidentale.

L’absence de culture concernant la pensée divergente, nous prive dès lors de nous nourrir de lectures nuancées ou franchement contradictoires qui peuvent concerner des champs pluriels en anthropologie, en médecine, en économie, en philosophie, en science, en politique. Dans le domaine de l’écologie, je me souviens d’une proposition divergente, émise par la liste Reims Avenir aux municipales de Reims, qui suggéra dès 2019 comme proposition, d’aménager une ceinture verte déminéralisant et débitumant la ville et ses abords pour la végétaliser et la reforester, mais également en imaginant le développement d’une permaculture capable de nourrir la population locale afin de développer en tout point la proximité, pareillement l’idée de développer des jardins en ville comme c’est déjà le cas à Reims avec l’Ilot Saint-Gilles[3]. L’idée d’une ceinture verte n’est pas nouvelle, Platon et le pentateuque défendaient ce concept de ceinture verte aux abords des villes. La proposition de la liste rémoise avait été émise bien avant la propagation du virus. Aujourd’hui nous pouvons mesurer que cette opinion raillée par ses adversaires politiques, prend aujourd’hui une dimension nouvelle à l’heure d’une paupérisation future de la société dont on imagine que les conséquences économiques conduiront à une accélération de la pauvreté et voire même de famines. Parler de famine, oh voilà une pensée bien divergente dans un monde occidental qui ne semble pas connaitre la faim. Imaginons cependant une seconde vague, une nouvelle fois brutale, fulgurante, provoquant un nouveau confinement social, et qui nous obligerait de nouveau à nous calfeutrer. Mais dans ces nouveaux contextes, la peur étreindrait toutes les populations, y compris au sein de nos premières lignes, le lierre, le chardon et l’ortie[4] : nos éboueurs, nos infirmières, nos vendeuses en magasins et nos cultivateurs. Imaginons que ces premières lignes ne veuillent plus s’exposer. Nous serions alors non seulement confrontés à une crise fatale et dramatique, mais les conséquences sociales du fait de l’effondrement des plus exposés, seront accompagnées bel et bien par la famine[5] , ou suivies dans une moindre mesure par de très sérieuses restrictions alimentaires conduisant à de nouvelles régulations sociales et à une perte des libertés.

Mais approfondissons cette notion de « divergence ». Faute de contradicteurs les médias sombrent parfois dans le prêt à penser, nous conduisant à une forme de conformisme obligé, c’est l’idéologie dominante du moment. Avec cette crise sanitaire, au fil des débats, nous avons pris conscience sans doute et pour beaucoup d’entre-nous que nous devions comme de gentils soldats, nous empêcher de penser par nous-mêmes,  de réfléchir, les mises en garde répétées par les médias, jalonnées par les chroniqueurs de nos écrans nous répétaient leurs vérités, la façon dont nous devions comprendre, appréhender l’épidémie et  rejeter ainsi avec le concert de la bien-pensance, les idées émises par le dissident et fantasque Professeurs Raoult, sorte de druide de Marseille qui distribue sa potion magique auprès de milliers d’habitants de la cité phocéenne.  

Pour décocher les flèches en direction de ce druide des temps modernes, l’expertise fut convoquée, mais bien souvent, les experts furent confus, parfois même contradictoire targuant que les essais cliniques n’avaient finalement rien donné faute en réalité de patients testeurs ou bien s’employaient pour moquer le professeur Raoult, à agiter l’autre ami du druide, l’épouvantail Trump ou plutôt sa chevelure, sa tignasse blonde, lui Trump pareil à Astérix, le grand consommateur de la potion chloroquine, le copain de Panoramix.

Plus nous avancions dans les débats ; moins en réalité, nous étions éclairés, plus le devoir de modestie devait s’imposer. Nous fûmes invités à adhérer à la doxa de la pensée unique, ne pas contester la convergence du conseil scientifique, seul à penser ce qui relève de la vérité, pardon de sa vérité.  Mais la modestie de tous, s’est invitée aux débats, convoquant l’humilité pour appréhender cette nouvelle pandémie qui nous révèle l’infinie complexité du vivant, et la difficulté d’indiquer si tel ou tel traitement faisant ou non l’affaire, il n’y avait pas dans cette affaire du Coronavirus, d’universalisme dans les réactions hétérogènes des patients. Concernant le traitement médical, nous découvrions alors que le vivant lui-même n’était pas enfermable dans une doctrine scientifique.  

Si cette pandémie n’était pas plus grave comparativement aux précédentes, celles connues au cours de notre histoire, cette pandémie devait nous révéler une dimension nouvelle, celle d’une humanité, impuissante face à ce bien mystérieux virus déjouant, tous les pronostics, toutes les représentations simplistes qui l’enfermaient hier dans le vocable d’une « simple gripette ». Le profil de cette simple gripette s’est très vite éloigné d’une grippe simplement saisonnière pour devenir le profil d’une véritable pneumonie virale, bien plus encore complexe que nous l’imaginions.   

Autant dire que je n’ai aucune connaissance épidémiologique à propos de ce nouveau fléau qui en sanskrit désigne « ce qui détruit » et en latin « pestis » qui désigne une maladie contagieuse véhiculant avec elle des choses funestes, apportant la ruine. Je ne vais pas revenir sur la dimension symbolique de ce que le mot fléau signifie et véhicule, je l’ai abondamment traité au cours de ces différentes chroniques. Il me semble en effet avoir suffisamment insisté sur la dimension de messager que revêt le Coronavirus. Je reste en effet persuadé au fil de l’écriture de ce livre, que le coronavirus n’est pas en soi, une simple maladie épidémique : cette contagion universelle porte en elle-même un message pour notre monde.  Ce virus est l’exact miroir d’une société qui ne se conforme pas à un projet initial, celui d’un autre modèle de vie, un autre paradigme social, un autre idéal écologique. L’idéologie contemporaine est portée depuis le temps des « Lumières » par la dimension du progrès continu, d’un monde infini et ouvert, mais sans avoir pris la précaution de comprendre que la gestion même du monde suppose que l’on en prenne soin.

Nous avons fini par négliger, omettre, oublier que ce monde est formé par des lois naturelles qu’en nous en affranchissant, nous sommes en mesure de précipiter le dérèglement de toutes les harmonies qui fondent les écosystèmes, les grands équilibres de la biodiversité. Depuis Copernic, et cette révolution copernicienne nous avons pris conscience en effet que l’univers n’est ni clos, ni fondé sur un modèle géocentrique et nous sommes pris à imaginer que les ressources de la terre étaient elles aussi, sans limites, que nous pouvions consommer et gaspiller, nous engager dans le monde continu, et infini que ce qui était clos hier, est aujourd’hui ouvert. Le monde ouvert, inclusif, transfrontalier, transculturel, voilà la nouvelle lecture qui nous fut imposée, nous est imposée. Nous sommes conditionnés à nous habituer à nous conformer à l’esprit de ce siècle, à épouser le prêt à penser distillé par une forme de police de la pensée. Gare à la pensée non conforme et divergente qui oserait une autre voie, une autre façon de lire et de penser le monde, de penser la prétendue vérité que nous aurions aujourd’hui à consommer. Je suis frappé dans tous ces débats, que nous ne soyons jamais invités à réfléchir, à méditer le monde.  Peu de médias ont osé convoquer des sociologues, des historiens, des théologiens, des économistes altermondialistes pour partager leurs lectures et de remonter bien entendu des lectures divergentes.

Nous évoquions précédemment Nicolas Copernic, ce chanoine, médecin et mathématicien, qui a défendu la conception d’une nouvelle cosmologie selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil, dont tout le monde, admettait au XVème siècle qu’elle était au centre de l’Univers, contre l’opinion alors admise, d’une Terre centrale et immobile. Les conséquences de cette théorie furent à l’inverse du prêt à penser de l’époque, et les conséquences théologiques, philosophiques et scientifiques en furent un changement de paradigme radical au point que la pensée de Copernic fut nommée révolution copernicienne. Pour expliquer le concept de divergence, je cherchais un exemple radical qui explique cette notion de divergence ou plutôt de pensée divergente. Au-delà de la dimension de processus, de créativité, la pensée divergente est finalement axée sur une part d’intuition géniale, hors des normes, en rupture avec ce qui habituellement normé. Il a fallu finalement beaucoup de courage à Copernic pour aller à l’encontre de la pensée de son époque, mais tout croyant qu’il fut, il plaça l’intelligence scientifique comme un idéal auquel il n’avait pas à renoncer pour faire avancer une autre lecture du monde. Incontestablement, Copernic fut un divergent.

Nos universités continuent à privilégier, à travers leur méthodologie, un type de pensée clairement convergent qui consiste à donner des réponses correctes   à des questions standardisées ne requérant pas de créativité particulière. Or ce dont le monde a besoin, c’est de reconnaitre la faculté aux divergents d’apporter une tout autre lecture, non conforme à un monde qui parle d’une même lèvre. Mais au lieu de cela, il convient de surveiller la pensée de ceux qui se réclameraient de la pensée des divergents.  Dans le roman « Divergente[6] » une trilogie écrite par Veronica Roth : les divergents forment un des groupes en rupture d’une société dystopique sous contrôle. Les divergents sont traqués, car ils menacent l’équilibre de la société. Sans doute, imaginez-vous que nous n’en sommes pas là, que rien ne saurait menacer les équilibres de la société, que seuls les terroristes à juste raison, sont épiés.

Eh bien « bonnes gens », détrompez-vous le gouvernement a écrit une circulaire à l’attention des centres académiques pour surveiller les divergents. Oui vous avez bien lu surveiller les divergents. Ainsi le Conseil National des Églises Évangéliques a alerté récemment l’Observatoire de la laïcité sur le document « Covid 19″ et risques de dérives sectaires », un document largement diffusé par le ministère de l’Éducation nationale.

Le document incriminé par le CNEF, dénonce les opinions ou les idées émises par des élèves divergents et juge l’émission de ces idées, comme préoccupantes, en jugeant ces idées préoccupantes, le ministère de la pensée unique, viole ainsi le principe de laïcité à l’école. Au fond il y a là comme un encouragement à inciter l’esprit de délation, incitant à dénoncer de prétendues sectes qui auraient une lecture jugée fondamentaliste de l’évangile de Saint-Luc[7], ou Saint Mathieu[8] où un autre « divergent », annonçait les signes qui accompagneraient la fin des temps, sa venue prochaine (pandémies et famines). 

Bientôt le pouvoir Jacobin se préoccupera davantage des vierges sages qui aiment passionnément les écritures et s’en expliquent auprès de leurs camarades. Ceux-là risquent bien de devenir les futurs fichés S, pires que tous les dangereux terroristes. Je pense que l’intention de ces jeunes gens participe d’une autre lecture de notre monde, l’invitant à ne pas reléguer l’Éternel aux Oubliettes.

Le CNEF met en garde également contre l’effet dissuasif en matière de liberté d’expression des élèves et de liberté pédagogique des professeurs, résultant du nouvel article L. 141-5-2 du Code de l’éducation[9]. Le monde totalitaire est en marche, les divergents dans un monde crépusculaire pourraient constituer demain les cailloux de l’état qui pourrait bien inventer les nouveaux applicatifs pour veiller au bon cheminement de ses nouvelles ouailles et écarter les insoumis. En ces temps de confinement et de déconfinement :

« Les lois et les censures compromettent la liberté de pensée bien moins que ne le fait la peur. Toute divergence d’opinions devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger comme il faut. [10]»  

Ainsi le jacobinisme politique n’est pas une idée morte. Le jacobinisme est l’expression d’une fonction première, celle de légitimer des jugements de valeur sur la politique en cours afin de contrôler l’appareil d’état et ne pas admettre que des idées divergentes viennent à fragiliser le socle d’un état, éclairé par le seul esprit des lumières.  

[1] https://www.ouest-france.fr/monde/afrique/coronavirus-l-afrique-s-en-sort-mieux-que-prevu-pour-l-instant-6831939

 [3] https://forumeco.fr/lilot-saint-gilles-un-projet-federateur/

[4] La parabole du Chardin, du Lierre et de l’ortie voire la chronique traitant de la Vertu. Les mal-aimés du jardin qui jouent pourtant un rôle essentiel.

[5] Il s’agit donc d’anticiper le futur, de le prévoir et surtout pour nous changer de modèle et de paradigme économique

[6] Divergent est le premier roman d’une trilogie paru en 2011 et écrit par Veronica Roth. C’est un roman dystopique post-apocalyptique non daté situé dans un quartier de Chicago où la population est soumise au système des factions. Cependant, classer la population par faction est-elle vraiment nécessaire ou n’est-ce qu’un moyen pour contrôler la population ?

[7] Saint Luc : 21 : 10-11 « Alors il leur disait : “On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, par endroits, des pestes (loimoi) et des famines (limoi) ; il y aura aussi des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes. » 

[8] Saint Mathieu 24 : 6-14

[9] L’Etat protège la liberté de conscience des élèves. Les comportements constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d’endoctrinement de ceux-ci sont interdits dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d’enseignement, à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l’enseignement. La méconnaissance de cette interdiction est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

[10] Extrait du journal de André Gide

La Résilience

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été totalement imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona

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Auteur : Eric LEMAITRE 

J’hésitais entre deux qualifications pour décrire à la fois notre siècle et l’irruption de la Reine Corona dans notre univers humain, un monde en miettes ou un monde en pièces. J’ai choisi le monde en pièces pour illustrer ce livre que je m’apprête d’achever, qui a été écrit sous forme de chroniques. Tout au long de ces pages et au fil de ces textes, j’ai souhaité partager une vision très personnelle de cet événement brusque et brutal, à la fois, interpellant et dérangeant. L’événement comme je l’avais écrit était totalement inattendu et certains voyants ou faux prophètes, ont été comme recalés, relégués à leurs prédictions fumeuses, faisant bien de consulter à nouveau leur opticien, de changer définitivement d’orientation quant à leur vocation. L’événement lui, en tant que tel nous conduit à une sérieuse remise en question. Cette remise en cause ne concerne pas la seule conduite d’une gouvernance idéologique, mais elle apostrophe chacun d’entre nous. L’événement vient en quelque sorte contester nos propres valeurs, nos choix idéologiques, la société de consommation dans sa totalité. Sans doute vivons-nous là un premier avertissement sans frais, une admonestation sous forme d’alarme corrodante afin d’attirer notre attention. Qu’allons-nous décider de faire au lendemain de cette crise ? Reprendrons-nous le chemin des écoliers qui n’auront pas retenu la leçon donnée la veille ? Il vaut mieux certainement oublier, et pour nous, l’enseignement donné par notre instituteur l’état qui a été en partie imprévoyant dans sa capacité à anticiper ; alors que les voyants des pays frontaliers comme l’Italie, indiquaient le péril que faisait courir « l’équipée sauvage[1] » de la reine Corona.

Cette reine Corona comme ces têtes brûlées, rebelles casqués et revêtus de casques de morts est venue semer la pagaille, le désordre au sein de toutes nos cités. Ces cités qui vaquaient à leurs vies marchandes, des vies tranquilles ou placides, quand soudainement la Reine virale et sa légion sont venus « silencieusement », en semant partout la peur sans pourtant jamais pétarader. Jamais autant le son du silence n’a fait autant fureur, si bien que même les milices les plus extrêmes se sont réfugiées dans leurs quatre murs. En revanche de cette crise pandémique, il nous faudra retenir la grande leçon de l’écologie intégrale, celle qui touche à la dimension de l’habitat et de ses habitants, de l’humanité et de son environnement.  Cette crise laissera probablement des traces indélébiles et chahutera pour longtemps la vie occidentale, bousculera toutes les nations qui ont souhaité emboiter le pas d’un monde frappé par la déréliction et la désolation morale. Ce sont les repères d’un monde qui a effacé la transcendance, qui découvre toute la finitude du genre humain. La force de cette crise nous montre en définitive que la valeur humaine est la plus importante, celle notamment de la relation aux autres. Nous avons même été claquemurés militari, avec des mesures draconiennes, interdisant à ceux qui souhaitaient pratiquer leur culte de se retrouver. Au soulagement de plusieurs, le Conseil d’État, la plus haute instance administrative a retoqué ce décret liberticide qui était une atteinte aux libertés les plus fondamentales de renouer avec l’incarnation, de cette vie authentique et relationnelle entre croyants.

Alors que le monde dans sa chair a été comme fracturé, je veux garder finalement l’espoir d’une reconstruction possible tandis que l’habitat en miettes signait définitivement la fin de toute espérance. Si le monde avait été en miettes, il aurait été littéralement atomisé tandis qu’à ce jour, et avec prudence, le diagnostic serait plutôt aujourd’hui celui d’un environnement social, morcelé, disloqué, mais non en débris. Un monde fractionné, en tout cas en apparence aujourd’hui, car il nous faudra rester, circonspect. Si dans notre imprudence, nous décidions de reconstruire le monde d’avant, consumériste et mondialiste, ce monde-là, nous imposera une fois de plus les seules lois technicistes de son marché. Nous propagerions alors une nouvelle fois, une forme de déshumanisation avec ses artefacts, ses productions d’objets toujours augmentés. Ainsi nous faudra-t-il relire le passé, écouter ce « messager virus », relire attentivement les enseignements qu’en ont tirés les victimes des pandémies qui sont venues ravager le monde au commencement de notre humanité et au fil de l’histoire de nos civilisations.

La pandémie de coronavirus n’est pas un évènement viral sans précédent dans l’histoire. Depuis le commencement de l’humanité, nous avons connu des épisodes de pandémie, la lèpre qui longtemps a été une maladie infectieuse chronique a été décrite très largement dans le livre du lévitique comme je l’avais déjà rappelé dans un autre texte.  Nous ne connaissons cependant pas l’importance morbide de cette maladie infectieuse, mais en revanche la stigmatisation sociale de la lèpre a été elle brutale et fulgurante. Un autre fléau d’une autre nature, décrit dans le livre d’Exode frappa tous les premiers nés d’Égypte[1] et marqua alors toute l’Égypte au point que le pharaon se résigna enfin à libérer les esclaves hébreux. Ce fut pour l’Égypte pharaonique une leçon à apprendre, une leçon à tirer de cette épidémie[2], il fallait définitivement lâcher prise, lâcher l’emprise sur les hommes et les femmes réduits à n’être que des machines corvéables. Toute l’histoire de l’humanité semble en conséquence, avoir été traversée par de graves épidémies, peste bubonique, choléras, fièvre typhoïde, grippe espagnole et plus récemment le sida et le virus Ebola. Toutes ces épidémies peuvent nous dire quelque chose de notre société et sans doute, en sont elles-mêmes les reflets, les messagers. Toutes ces épidémies ont été dévastatrices, en créant le plus souvent des situations irréparables là où la pandémie a frappé. Les sociétés alors ont été profondément chamboulées, mais ont retenu la nécessité d’une hygiène corporelle nécessaire pour endiguer la propagation et la diffusion de la peste.  L’odeur pestilentielle, puante, cloaque conduisirent les souverains comme Philippe Auguste et Louis IX à prendre des mesures drastiques, pour transférer notamment certaines activités à la périphérie des agglomérations, et « des systèmes de curage ont été par exemple mis en place pour les rivières et les canaux »[3]. Quelles leçons, allons-nous tirer de cette pandémie pour le monde de demain à la lumière des pandémies passées ? Ne conviendra-t-il pas d’avoir une lecture plus systémique ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause cette géographie mondialiste induisant des modes de propagation via les routes terrestres et les navigations qui s’opèrent dans le ciel ? Ne faudra-t-il pas remettre en cause les idéologies du progrès technologique et leurs effets délétères sur le plan social ? Ces technologies qui nous ont fait rêver et permis les apéros virtuels, mais freinent les véritables socialités.

À ce jour, le nombre de victimes de covid19 ne se compare ni à la peste noire, ni même à la grippe espagnole. Il n’en demeure pas moins que les autorités sanitaires restent prudentes, demeurent sur le qui-vive redoutant les effets possibles d’une seconde vague si l’insouciance, venait à gagner certains, trop heureux de reprendre leurs habitudes sociales guidées par le seul instinct grégaire. Souvenons-nous ainsi de cette seconde vague grippale résultant de ce germe pathogène que l’on nomma la grippe espagnole vécue comme une véritable pandémie totalisant 50 millions de victimes en à peine une année. Cette grippe espagnole fut un véritable cataclysme humain s’ajoutant aux victimes d’une autre secousse planétaire résultant elle de l’effroyable guerre qui traumatisa alors toute l’Europe. Sans aucun doute qu’au cours de ce XXe siècle, l’évocation d’un cataclysme apocalyptique ne fut nullement ni exagérée, ni excessive. Cette nouvelle pandémie qui affecte notre siècle n’a cependant ni les caractéristiques ni les particularismes d’une morbidité comparable à la peste noire de 1347 ou à la grippe espagnole de 1918 ni même à d’autres épidémies plus récentes dont les ravages ont mis également en péril des millions de personnes de par le monde. Nous savons aujourd’hui que d’autres épidémies exhumées récemment par nos historiens ont été comme effacées de notre mémoire collective, comme la grippe de Hong Kong qui surgit à la fin de l’hiver en 1968. Cette grippe provoqua la mort d’un million de personnes de par le monde et avait également déclenché aux États-Unis une vague importante de décès. Les autorités sanitaires américaines avaient dénombré à l’époque près de 50 000 morts. Se souvient-on de cette grippe ? En tout cas, elle a été peu évoquée et s’intéresse-ton d’ailleurs à l’histoire, je n’ai pas vu beaucoup de philosophes interviewés, ni d’historiens, pourquoi ?

Pourtant cette pandémie du covid19 par ses effets, a quelque chose qui n’a pas de précédent dans notre histoire. Plus de la moitié de notre humanité s’est en effet retrouvée, confinée en l’espace de quelques semaines, les frontières fermées, les déplacements contrôlés, les voyageurs en provenance de pays suspectés d’être contaminés, mis en quarantaine. Au-delà de cette maladie extrêmement grave, suscitée par un germe pathogène, naturel ou manipulé accidentellement, c’est toute une dimension systémique qui a impacté la totalité du genre humain. Les conséquences culturelles, sociales, économiques, sont ou pourraient être d’une extrême gravité. Cette crise majeure a également créé de graves dommages, de véritables traumatismes psychologiques de par l’isolement des familles, la séparation des liens d’affection avec notamment les personnes les plus avancées dans l’âge. Le confinement a conduit également à une forme de désocialisation et parfois de repli sur soi, avec le stress pour plusieurs, de retrouver une vie sociale normalisée ou de penser un tant soit peu que l’avenir est seulement écrit en pointillé et sans filets.

Les pouvoirs publics, les médias ont joué un rôle déterminant dans cette crise des mentalités, en ne jouant pas sur la responsabilisation, mais sur la dimension de l’infantilisation des publics, en assénant des messages essentiellement morbides, fondés sur la dimension d’un choc émotionnel, accompagné d’une mise en garde paternaliste, une dimension insuffisamment fondée sur la responsabilisation sociale et ne préparant pas les publics à un retour progressif, se faisant pas après pas. Il est évident que les nations jusqu’à aujourd’hui n’ont pas su préparer leurs populations à l’éventualité, d’un tel choc civilisationnel. Nous avons été comme habitués aux actes de terrorisme, mais nous n’avons pas voulu prendre conscience de la possibilité d’une pandémie qui viendrait en quelque sorte fracasser la marche de notre monde.

Mais ce que Corona a brisé ce n’est pas tant la dimension économique que nous avons déjà évoquée et que nous évoquerons à nouveau, mais bien la dimension du lien, ce qui relève de nos maillages affectifs, tissés avec des parents, des amis, des membres d’une communauté, d’un territoire, d’un quartier, de nos vies au quotidien avec nos engagements auprès des autres.

Au cours d’une émission radiophonique[4], le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui a échappé à Bordeaux, à une rafle contre les juifs en 1944[5],  a exprimé son inquiétude, « l’inquiétude d’une exacerbation des inégalités de résistance psychologique aggravées par les inégalités sociales et culturelles ». Certains amis, et des membres de mon entourage ont ainsi partagé leurs peurs, des parents angoissés n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école. Ces proches qui n’ont pas souhaité remettre leurs enfants à l’école sont pourtant des gens infiniment éprouvés et courageux, qui ont été les victimes d’atrocités commises en Centre-Afrique, ils ont été tous traqués, pourchassés, et l’un d’entre eux, a même été mitraillé et laissé comme mort près du fleuve Bangui. Mais plus que l’épreuve de la guerre, des djihadistes qui les ont menacés physiquement, c’est le virus qui leur semble encore plus dangereux. Aussi nous pouvons parfaitement saisir leur souci de ne pas être soumis à une nouvelle épreuve, à une nouvelle souffrance. Je crois que chacun d’entre nous, nous serons conduits à manifester plus que de l’empathie, pour comprendre que ce déconfinement ne sera pas simple pour tous, quant au dehors, le coronavirus n’a pas littéralement déguerpi. A l’heure de la distanciation sociale, et lorsque nous ne sommes pas obligés d’emprunter les transports en commun, comment alors ne pas songer à ceux et celles qui seront conduits à dépasser leur espace calfeutré, et protégé pour se confronter à nouveau à autrui sans la distanciation sociale et après avoir martelé que nous sommes nous-mêmes de potentiels agents agressifs.

Le déconfinement reste selon moi une mesure qui n’a pas été suffisamment réfléchie. Une réflexion insuffisamment conduite en amont, associant étroitement le collectif des corps intermédiaires, les associations familiales, les syndicats, les communes. La prétention d’un « État instituteur de la société » est devenue cette réalité dont se sont plaints les maires des villes, les premiers échelons de la vie sociale. Cet état « instituteur » a également sacrifié en quelques décennies, d’autres piliers comme la famille, tout ce qui constitue au fond la subsidiarité d’une société. Or aujourd’hui cette religion jacobine fait face à une crise majeure au plan social, qui nécessite une refondation, une reformulation du modèle social, qui ne sera pas seulement une résilience ; mais une remise en cause d’une certaine idéologie, d’une conception métaphysique de l’homme et de la société.

Le déconfinement ne s’ordonne pas d’un coup de baguette, d’un trait de plume et en une date décrétée, il nécessitait d’être préparé, de rassurer et d’accompagner. Nous connaissons de nombreuses personnes qui ont été dévastées par l’épreuve infligée par la pandémie, des deuils qui n’ont pas été faits, des familles brisées par la mort d’un proche, l’avenir pour eux est comme inhabitable, comme impossible, car la peine à surmonter, leur fait comprendre le poids immense de leur fragilité, de leur vulnérabilité. Songer à l’avenir pour ces personnes est inimaginable quand elles perçoivent ce qui a été littéralement détruit autour d’elles. Outre les effets psychologiques destructeurs, morbides, pour ceux qui n’ont plus les ressources pour relever le défi de la résilience, il faut aussi ajouter toutes ces personnes qui demain seront privées d’emplois, et seront confrontées à l’inquiétude d’un État-nation en déliquescence et qui pour partie est en train de perdre la boussole, en ne prenant pas la mesure des priorités essentielles. Il ne s’agira plus de sauver la finance selon moi, ni les grands groupes industriels, mais de préparer la restauration d’un pays non en injectant des milliards dans une économie consumériste et qui porte elle aussi en responsabilité le catastrophisme économique sous-jacent. Cette perfusion à coups d’interventions surendettera de façon irraisonnable les capacités d’une nation considérablement affaiblie par l’arrêt brutal du fonctionnement de toutes les activités. Au fond, gouverner demain, ce sera avant tout puiser dans l’intelligence collective, industrieuse et solidaire. Il me semble que le messager viral porte avec lui un message de véritable résilience face à l’agression germicide qui a renversé toutes les tables d’une insouciance qui n’avait pas envisagé l’ampleur du mal qui a assombri notre avenir social.  Mais effectuons à nouveau un voyage dans le temps, quelques temps après la peste noire, des mesures draconiennes ont été prises. Ainsi en 1374, Marguerite de Bourgogne la petite-fille de Saint-Louis et épouse du fils aîné de Philippe le Bel, Louis X le Hutin, demande que soit nettoyée sa ville[6]. Qu’allons-nous nettoyer, qu’allons-nous assainir en 2020 ? Quelles mesures draconiennes allons nous prendre pour anticiper les épidémies qui comme des messagers sociaux, nous disent ce qui au fond dysfonctionne au sein de nos sociétés ? Qu’allons-nous remettre en cause ? Allons-nous construire le prétendu Nouveau Monde, ou changer réellement de cap pour réorienter l’humain vers une dimension de sens ? Le sens ancré dans la sacralité, le bien commun, la proximité, le restaurant dans la dimension d’un monde réel dont on aura et je le souhaite, expurgé le fantasme et l’idolâtrie de l’objet.

Or comment dans ces contextes, faire résilience ?  Mais de quelle résilience, parlons-nous ? S’agit-il de résilience écologique, ou de résilience psychologique ? L’une en effet offre la capacité à un écosystème de reprendre forme après une grave perturbation, tandis que l’autre, est celle où l’aptitude à se relever après le vécu d’un véritable traumatisme, prend à nouveau rendez-vous avec la vie ! Vais-je faire également l’impasse de la résilience de l’économie, dont les structures mercantiles ont été soumises à un véritable choc ?

Dans les trois domaines de l’écologie, de l’économie et de la personne, toutes les lectures que l’on peut faire ici et là, convergent, tous les commentateurs avisés, s’attendent à l’intervention « omnipotente » de l’appareil de l’état pour intervenir sur ces trois champs ! Or ce serait une terrible erreur sociale de considérer que la toute-puissance de l’état est suffisante pour reconstruire, rebâtir, restaurer. Pour ma part et je l’ai déjà écrit, l’état ne pourra rien faire, s’il ne s’adosse pas à toutes les micro structures qui sont au plus près des réalités, au plus près des vécus. Une société est réellement résiliente lorsqu’elle est réellement capable d’activer réseaux de solidarité, de les développer. Au plus fort de la crise économique en 2008, nous avons relevé des initiatives fortes, où des hommes et des femmes se sont organisés pour réinventer l’économie solidaire. L’économie solidaire est une multiplication d’initiatives pour créer et échanger, faire de la richesse autrement. L’économie solidaire est une économie de proximité, soucieuse d’équité et de développement durable, soucieux de ne discriminer personne et encourageant l’initiative de tous. Partout nous avons vu se développer sur le territoire des maillages et des réseaux d’hommes et de femmes qui se sont levés pour témoigner envers les soignants des gestes de solidarité, ainsi des restaurants fermés, ont fait fonctionner leurs cuisines pour offrir des repas qui ont été comme une somme de réconforts, pour les personnels médicaux qui était au front et sous pression sanitaire, des associations de bénévoles se sont serrés les coudes pour apporter les repas auprès de personnes malades ou en souffrance. Une vie humaine s’est organisée également pour porter secours aux personnes confrontées à la solitude et ne la supportant pas. Toutes les combinaisons de ces gestes participent de la résilience. Et la résilience écologique tiendra en grande partie à cette culture de l’économie locale, l’économie de proximité. Dans cette dimension de résilience écologique, il faut se souvenir des travaux effectués par le chercheur David Thilman, qui fit cette observation riche d’enseignement touchant à la dimension de la biodiversité. Il fit ainsi le constat « que seules les parcelles abritant le plus de biodiversité avaient résisté à la grande sécheresse de 1988 qui avait causé la perte de toutes les récoltes dans les prairies du Minnesota. Dès lors, il semblait que seuls les écosystèmes présentant la plus grande variété d’espèces pouvaient encaisser une perturbation grave et se régénérer [7]». Le phénomène de résilience écologique dans son expression symbolique touchant à la biodiversité montre ceci, plus on croisera les énergies, les compétences, à la plus petite échelle, c’est-à-dire le niveau d’une parcelle, plus on sera en mesure de régénérer la vie sociale avec toutes ses formes d’interdépendance, d’entraide, de vie sociale et de solidarité économique. Cette biodiversité et qui touche également à l’écologie humaine me renvoie au texte de Saint Paul dans l’épitre aux corinthiens [8]: « Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps.  L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires … ». Le chardon, l’ortie, le lierre sont parfois les mal aimés des jardins mais remplissent bien souvent une fonction utile. On apprend ainsi que certaines plantes soignent d’autres plantes comme l’ortie, que certaines nourrissent les oiseaux comme le lierre, que le chardon possède un vrai potentiel thérapeutique. Le chardon, l’ortie et le lierre ne sont pas une nouvelle fable, mais constitue bel et bien une nouvelle parabole, L’ortie et le chardon ne sont pas sans rappeler le personnel soignant, le symbole de la défense périphérique, nous protégeant contre les assauts pernicieux du dehors : « Qui s’y frotte s’y pique » nous rappelle l’adage. Le lierre d’intérieur, est un agent dépolluant et nos éboueurs ont été comme ces invisibles indispensables, dépolluant nos chaussées. Non seulement dépolluant le lierre possède aussi cette fonction nourricière et c’est autant un hommage à toutes ces personnes qui dans les champs ou les magasins ont continué à approvisionner nos placards. Ils ne sont pas l’élite de la nation, mais sans eux, nous nous serions effondrés.

Le bien commun et sa sauvegarde tiendra ainsi à cette capacité de favoriser la biodiversité, de se serrer les coudes et d’entrevoir ainsi un horizon où l’on pourra rapprocher les pièces d’un monde disloqué et en considérant que nul ne pourra dire « Je n’ai pas besoin de toi ». Mais alors qu’en sera-t-il de nos élites, de nos ingénieurs, plusieurs milliers déjà en poste seront demain sans emplois. Je ne désespère pas qu’ils formeront une nouvelle cohorte industrieuse mettant leurs talents au service d’une collectivité soucieuse non plus d’efficience mais de qualité de vie et c’est à ce prix que l’on recollera les morceaux pour espérer une vie sociale plus humaine et plus proche des gens. Mais s’agit-il d’un rêve utopique ? C’est hélas fort probable, car l’homme augmenté ne choisira pas si facilement de courber l’échine considérant que ce serait trop humiliant de ne pas être porté en triomphe. Mais si l’humanité choisit de s’en remettre à ses instruments, elle passera alors, de leurs côtés ; la mécanisation de la conscience[1] sera alors en marche.

 

[1] La mécanisation de la conscience publiée le 31 décembre 2019 aux éditions Librinova

[1] L’Équipée sauvage est un film américain réalisé par László Benedek, sorti en 1953. Une description de jeunes rebelles qui vont semer le trouble dans une cité américaine.

[2] Bible : Exode 12 : 29-36

[3] Des types d’infections sont rapportés dans un vieux papyrus égyptien, qui remonte à 1.300 av. J.-C., le manuscrit mentionne une maladie de peau épidémique qui aurait touché les sujets du Pharaon. Le papyrus Ebers serait également l’un des plus anciens traités médicaux qui nous soient parvenus : il est daté du XVIe siècle av. J.-C Le papyrus Ebers mentionne et décrit entre autres quatre grands facteurs pathogènes circulants.

[4] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[5] https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/boris-cyrulnik-on-est-dans-la-resistance-pas-encore-dans-la-resilience

[6] Les parents, du neuropsychiatre, meurent en déportation. Son père est déporté par le Convoi No. 64, en date du 7 décembre 1943, du Camp de Drancy vers Auschwitz. Sa mère est déportée par le Convoi No. 7, en date du 19 juillet 1942, du Camp de Drancy vers Auschwitz.

[7] https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2463-hygiene-et-pollution-au-moyen-age.html

[8] https://www.latribune.fr/green-business/l-actualite/20120612trib000703435/de-la-necessite-d-une-economie-de-la-resilience.html

[9] Texte de Paul ; 1 Corinthiens 12 :20-22

LA PEUR

Il y a un mécanisme qui est inquiétant, bien plus redoutable que la dangerosité du virus, bien au-delà de la pandémie, ce mécanisme terrifiant qui constitue en soi une menace est celle de la peur. Mais une peur qui conditionne les mentalités, qui persuade notre affect, instrumentalise la crainte. Une peur exploitée par les autorités, et utilisée dans certains états, à des fins machiavéliques pour conduire notre monde à une forme d’obéissance servile, autoritaire et en effet une distanciation, une désincarnation de notre relation aux autres. Cette peur enveloppe la société et forme une nouvelle contagion de méfiance se répandant à tous les échelons de la vie sociale. La société toute entière semble gangrénée par la peur de la rencontre, hier nos civilisations étaient terrorisées par les risques naturels, plus récemment par le terrorisme. La peur semble avoir fait son terreau dans la civilisation comme le titrait le journal « Libération[2] », « la peur est même le moyen de faire obéir les hommes ». La peur instrumentalisée est celle que l’on montre en image, pour renforcer les discours de la prudence, la peur est mise en scène, celle largement diffusée sur les réseaux sociaux, les écrans cathodiques, pour que les règles sociales soient appliquées par tous. La philosophe Catherine Malabou dans le même journal « Libération » publié le 31 octobre 2009 nous rappelle l’essence et l’étymologie du mot peur :

Vient de paraître 

Chroniques d’un monde en pièces

Essai philosophique et théologique sur la pandémie

Auteur Eric LEMAITRE

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Auteur : Eric LEMAITRE 

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Le 11 mai, est-il réellement vécu comme un jour de délivrance, des millions d’entre nous reprenons le chemin du travail, enfin presque, je ferais exception, je prends quant à moi le chemin de la retraite, mais pas de bérézina en vue ni de fuite, la vie sociale m’attend dorénavant sur d’autres engagements.  Pourtant pour bon nombre d’entre nous, le déconfinement est entaché d’inquiétudes, de nouveaux clusters sont annoncés ici et là en France comme en Allemagne. Cité en exemple, l’Allemagne enregistre de nouvelles vagues, relançant ainsi l’épidémie, là où l’on croyait l’avoir vaincu. Décidément la Reine Corona n’a nullement décidé, quant à elle de battre en retraite, de prendre la poudre d’escampette effrayée par je ne sais quel traitement ou thérapie miraculeuse. Cette pandémie, une nouvelle fois m’interroge, et illustre bien une forme d’impuissance de l’homme face à ce minuscule virus, équipé d’une arme biologique capable d’atomiser le monde humain. Face au péril viral, en quelques semaines, et quelques soient les convictions qui nous animent, la philosophie qui nous habite, nous avons tous accepté sans exception ou presque, l’idée de renoncer à notre liberté. L’incertitude résultant de la contamination a gagné les esprits, il fallait rester confiné, consentant à mettre notre existence entre parenthèses pour sauver d’autres vies et sans aucun doute la nôtre. Les cas de covid qui nous sont rapportés y compris dans notre proche entourage sont plus nombreux, en tout cas dans la région Est et en région parisienne. Une forme de peur paralysante, elle-même contagieuse s’est étendue auprès de tous, le doigt sur la couture, nous avons obtempéré, accepté sans broncher, les règles de distanciation sociale, sinon gare à nos poumons. La Reine Corona impose ses lois, ses nouvelles règles et dont nous apprenons finalement que ces dernières étaient aussi appliquées dans les temps les plus lointains de notre humanité comme l’enseigne le livre du lévitique un des livres qui forme le Pentateuque.

La Reine Corona participe-t-elle à un changement civilisationnel, accélère-t-elle une mutation radicale de notre vie sociale. Cela ne fait pas de doute, le covid19 érigé en ennemi intérieur, n’est pas seulement une crise sanitaire, il n’est que la préfiguration de crises plus profondes, sous-jacentes, le covid19 est l’un des symptômes prédictifs d’une transformation radicale de notre monde, d’une nouvelle mutation sociale. Nous refusons sans doute d’en prendre conscience, mais le Covid19 est une revanche de la nature contre la tyrannie humaine qui en industrialisant le vivant, en réifiant la vie biologique et en chosifiant la vie humaine est finalement en passe de terrasser la civilisation humaine en lui susurrant que rien ne saurait lui résister, pas même nos idéologies, ce fléau comme l’écrivait une amie[1], c’est un messager.

Pourtant il y a un mécanisme qui est inquiétant, bien plus redoutable que la dangerosité du virus, bien au-delà de la pandémie, ce mécanisme terrifiant qui constitue en soi une menace est celle de la peur. Mais une peur qui conditionne les mentalités, qui persuade notre affect, instrumentalise la crainte. Une peur exploitée par les autorités, et utilisée dans certains états, à des fins machiavéliques pour conduire notre monde à une forme d’obéissance servile, autoritaire et en effet une distanciation, une désincarnation de notre relation aux autres. Cette peur enveloppe la société et forme une nouvelle contagion de méfiance se répandant à tous les échelons de la vie sociale. La société toute entière semble gangrénée par la peur de la rencontre, hier nos civilisations étaient terrorisées par les risques naturels, plus récemment par le terrorisme. La peur semble avoir fait son terreau dans la civilisation comme le titrait le journal « Libération[2] », « la peur est même le moyen de faire obéir les hommes ». La peur instrumentalisée est celle que l’on montre en image, pour renforcer les discours de la prudence, la peur est mise en scène, celle largement diffusée sur les réseaux sociaux, les écrans cathodiques, pour que les règles sociales soient appliquées par tous. La philosophe Catherine Malabou dans le même journal « Libération » publié le 31 octobre 2009 nous rappelle l’essence et l’étymologie du mot peur :

« La peur a des synonymes troublants dans leur proximité. Par exemple, tremor (qui a donné trembler), est une forme de peur pour les Latins. Tremor signifie au départ le frisson, le vacillement, (tremor ignis : le vacillement de la flamme), puis le déséquilibre, qu’on retrouve dans « tremblement de terre ». C’est à la fois ce qui tremble et fait trembler. Terror, mot masculin employé comme synonyme de panique, désignait un mouvement collectif : on parle de terror in exercitu, la panique qui s’est emparée de l’armée (panique, de pan, le tout, ou peut-être dieu Pan, qui effrayait par son aspect et sa musique). Mais la peur, c’est pavor. Or pavere veut effectivement dire « être frappé d’épouvante ». Avoir peur, cette fois, n’est plus trembler, mais « être frappé ». Il apparaît que pavor provient de la même racine que pavire, qui signifie « battre la terre pour l’aplanir », et du verbe paver, « niveler la terre ». L’émotion pénible que l’on ressent à la vue d’un danger nous frappe, nous aplatit, nous nivelle, nous rend sans différence, sans singularité ».

L’extrait de cette citation reprise du journal Libération nous montre finalement la force du propos, « L’émotion pénible que l’on ressent à la vue d’un danger nous frappe, nous aplatit, nous nivelle, nous rend sans différence, sans singularité ». Cette peur nous a finalement conduits à ce monde en pièces, à ce monde dérelié comme je l’ai déjà écrit dans une autre chronique. Nous nous sommes détachés des autres, cette peur non seulement, nous a aplatis, mais a également su endommager et sans doute effacer les singularités d’une vie vécue en communauté, en société. La vie en société souligne en fin de compte la singularité, la dimension relationnelle qui incarne ce qui définit en soi la vie. Avec cette crise sanitaire, nous avons formé en fin de compte, une société d’hommes et de femmes désolés, une société plus éparse, plus éclatée même si nous avons cru nous inventer en sortant de nos balcons. En interpelant et en hélant les voisins, nous avons eu le sentiment de tisser de nouveaux maillages, être les auteurs d’une nouvelle conception de la vie sociale, de nouvelles interactions, mais hélas construite trop souvent virtuellement. J’espère cependant me tromper et que les lendemains du déconfinement entraineront des regards qui se croiseront et éteindront les indifférences sociales. Mais hélas, l’être humain est souvent le sujet d’une mémoire qui se délite, oublie les enseignements du passé, perd le souvenir des communions collectives et le « Je suis Charlie » en est une illustration manifeste, flagrante d’une perte de sens où nous admirions hier les policiers, et où nous les invectivons aujourd’hui.

Pour revenir à ce monde anxiogène, la peur a pris subrepticement le visage de l’État paternaliste qui catalyse les angoisses de la nation. L’État tout puissant, ce « léviathan », entend rassurer, prodiguer ses règles en nous infantilisant parfois, qui au lieu de nous responsabiliser, a choisi le plus souvent de nous gendarmer, prétextant l’incorrigible nature du latin qui embrasse si facilement la fête.  Avec la peur du virus, notre relation à l’autre est en passe de s’effondrer, de s’étioler, l’existence est reléguée dans un monde où elle n’est plus chez elle, renvoyé à l’écosystème d’un appartement parfois étriqué où il faut supporter la solitude ou la mésentente, les disputes avec le congénère lui aussi calfeutré. Mais pour revenir à l’inquiétude exposée précédemment, c’est bien la culture de la peur entretenue par l’État qui revêt sournoisement le changement de civilisation qui se prépare. Nous n’ignorons pas depuis Hobbes que gouverner c’est gouverner par la peur, le fondement naturel du Droit et de l’État réside dans la capacité à cultiver la peur et à instaurer les conditions d’une gouvernance salutaire pour tous. Or tous les « Léviathan », naissent de la peur conditionnée par l’état. L’État Léviathan sait ainsi jouer de cette métaphysique éternelle que constitue la peur de l’autre (la peur d’être menacée, qu’autrui nous ôte la vie, que l’étranger vienne nous envahir et que sais-je …). Le philosophe Hobbes nous projette cette figure mythique monstrueusement humaine, cette figure paternaliste enveloppante « le Léviathan », dans laquelle les hommes se représentent, afin de conjurer le sort, la menace qui pèse sur les existences. Il faut ainsi compter sur l’état protecteur, l’état directeur pour endiguer le mal et assurer la protection, l’assistance et la défense de tous.

Or dans ces contextes de peur, la reine CORONA est devenue obsessionnellement le problème qu’il faut absolument fustiger, occultant bizarrement toutes les autres formes d’urgence [Le climat, la mondialisation, l’écart de richesses entre les nations africaines et le monde occidental, la technicisation outrancière du monde et ses dévastations sur le plan de la vie sociale …]. Comme dans un effet panoramique, le COVID19 est devenu la cause, l’origine des problèmes et non l’un de ses effets. Pour traiter un problème, il faut donc communiquer sur le problème, il nous faut donc communiquer sur le COVID19, CQFD. De facto nous prenons alors tous conscience de l’argument péremptoire et artificiel de ce postulat, de sa dimension irrationnelle.

Avec la répétitivité des messages médiatisés à longueur de journée, nous entrons littéralement dans une société paranoïaque qui entre de plain-pied sur le marché de la peur, la civilisation toute entière sera conduite par la peur. Avec cette civilisation moribonde, guidée par l’anxiété, nous avons au moins l’assurance qu’elle ne manquera jamais d’inventivité et de créativité. Grâce aux ressources inventives qui caractérisent l’espèce humaine, nous aurons bientôt toutes les solutions marchandes garantissant notre sauvegarde, tous les applicatifs tangibles et virtuels pour veiller sur notre existence fragile. Mais rechercher nonobstant, le vain secours dans les moyens sanitaires, rendre les recherches thérapeutiques du traitement contre le COVID ; comme les seules réponses possibles aux maux actuels de notre société, est en soi une forme de manipulation. En retardant l’examen des causes et en nous intéressant qu’au seul traitement des effets, nous ne faisons que retarder un problème plus grave encore. Si l’on ne prend pas en compte toutes les variables et les éléments contextuels de la maladie pour les traiter, nous serons acculés à considérer que nous avons affaire à une bombe à retardement et dont la puissance pourrait non pas nous mettre à nouveau en pièces, mais bien de nous mettre en miettes.

Admettons que nous trouvions le traitement miracle, sommes-nous assurés que nous aurons mis fin à de nouveaux risques pandémiques ? Sommes-nous assurés que tout cela relèvera d’un mauvais souvenir faisant écho à un souci éphémère ? Les remèdes si puissants soient-ils n’atténuent pas d’autres risques, d’autres pandémies, d’autres maux. La peur ne deviendrait-elle pas le remède finalement, le remède pour réprimer le désordre social, le remède pour étouffer les autres crises, le prétexte pour faire avancer au sein de la société de nouvelles idéologies qui auraient été hier jugées proprement scandaleuses. Nous avons également noté dans les nouveaux champs lexicaux, l’usage et l’emploi du mot guerre, j’avais déjà appréhendé ce terme dans une précédente chronique, si certes nous n’avons pas et heureusement de ministère de la guerre, celui de la santé, s’est transformé en revanche en ministère de guerre sanitaire, l’affrontement de toute une communauté contre une bactérie virulente. Depuis l’avènement de Corona et de ses légions de virus, nous sommes finalement entrés dans un état d’exception : l’état d’urgence. Notre pays est entré en état de sécurisation, il faut sécuriser le pays. Il nous faut neutraliser, éliminer Corona et ne pas lui permettre de s’immiscer dans nos rassemblements, il nous faut donc interdire les rencontres, proscrire les rencontres, maintenir les distanciations sociales. Peu à peu l’état se convertit en étau social, il faut enserrer la vie sociale et ne pas lâcher prise au risque d’une perpétuation de la pandémie. Le monde est chaos, comme le patient hébété par l’annonce d’une grave maladie, il leur faut survivre, et ils sont prêts à accepter les traitements les plus pénibles et même si besoin renoncer à la liberté, pourvu que nous respirions enfin… Nous assistons à l’émergence de cette culture de la vie anxiogène, à cette promotion de la peur qui nous fait perdre la raison, nous tentons d’expurger cette peur via ces médiateurs qui montent au front, en première ligne.  À travers eux, nous nous inventons de nouveaux héros, nous qui sommes entrés en repli, dans le désengagement de la vie sociale, encouragé par les médias, les politiques et sans doute, ce n’est pas sans raisons, mais faut-il continuer à avoir peur et à nous laisser manipuler par la peur ? Cette peur qui conduit le monde à céder à un Léviathan qui prétendra nous rassurer, mais pour mieux nous contrôler et réguler toute notre vie sociale.

[1] Françoise Blériot, déjà citée dans une précédente chronique

[2] https://www.liberation.fr/societe/2009/10/31/la-peur-un-moyen-de-faire-obeir-les-hommes_591003

LA VERTU

En des temps de confinement, où brutalement les relations ont cessé, où nous apprîmes un nouveau langage corporel, celui de la distanciation sociale ; nous sommes entrés dans le temps du déconfinement, où nous avons été initiés à une autre obligation celle du masque. Masques et distanciations sont aujourd’hui les gestes et postures imposées, les gestes d’une vie finalement antisociale en des temps où nous avions appris à saluer de la main ou à nous embrasser. Le geste courtois est aujourd’hui répréhensible et gare à celui qui s’aventure dans une poignée de main. Alors le coude ou le pied deviennent les nouvelles modalités de nos salutations. Les relations humaines ont été comme impactées, bouleversées, obligées d’apprendre de nouveaux codes de la civilité, de la courtoisie. Derrière nos masques nous avons à peine à esquisser un sourire, à dévoiler le visage, voilà que le visage ne dit plus, ne dit plus tout haut, ce que nous pensions tout bas. Le visage est en partie voilé, condamné à ne faire exprimer que les yeux, mais voici que l’on apprend que les postillons de Corona peuvent atteindre les yeux, alors certains s’équipent de lunettes et se transforment en chauve-souris. Ah la chauve-souris, ceux-là passeraient-ils dans le camp de l’ennemi ? Corona se jouant de nos nouveaux styles, ne manque vraiment pas d’humour ! Il nous faut alors apprendre à vivre masqués. La distanciation, le sourire absent condamnent-ils alors la dimension de l’amour, la rencontre avec le prochain, où nous faut-il apprendre à aimer différemment. La religion chrétienne parle des trois vertus théologales que sont l’amour, l’espérance et la foi, l’amour qui est la première vertu semble comme bousculé ! Résistera-t-elle ?

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Auteur : Eric LEMAITRE

En des temps de confinement, où brutalement les relations ont cessé, où nous apprîmes un nouveau langage corporel, celui de la distanciation sociale ; nous sommes entrés dans le temps du déconfinement, où nous avons été initiés à une autre obligation celle du masque. Masques et distanciations sont aujourd’hui les gestes et postures imposés, les gestes d’une vie finalement anti sociale en des temps où nous avions appris à saluer de la main ou à nous embrasser. Le geste courtois en ces « temps crépusculaires » est aujourd’hui répréhensible et gare à celui qui s’aventure dans une poignée de main ou la bise furtive. Alors le coude ou le pied deviennent les nouvelles modalités de nos salutations. Les relations humaines ont été comme impactées, bouleversées, obligées d’apprendre de nouveaux codes de la civilité, de la courtoisie. Derrière nos masques nous avons à peine à esquisser un sourire, à dévoiler le visage, voilà que le visage ne dit plus, ne dit plus tout haut, ce que nous pensions tout bas. Le visage est en partie voilé, condamné à ne faire exprimer que les yeux, mais voici que l’on apprend que les postillons de Corona peuvent atteindre les yeux, alors certains s’équipent de lunettes et se transforment en chauve-souris. Ah la chauve-souris, ceux-là passeraient-ils dans le camp de l’ennemi ? Corona se jouant de nos nouveaux styles, ne manque vraiment pas d’humour ! Il nous faut alors apprendre à vivre masqués et à nous prendre en nouveaux Zorro venant sauver notre cité. La distanciation, le sourire absent condamnent-ils alors la dimension de l’amour, la rencontre avec le prochain, où nous faut-il apprendre à aimer différemment ? La religion chrétienne parle des trois vertus théologales que sont l’amour, l’espérance et la foi. L’amour qui est la première vertu semble aujourd’hui comme bousculé ! Résistera-t-elle ? Hier soir, nous avions une assemblée virtuelle, une rencontre fraternelle et une amie au téléphone, nous déclare avec sa joie, vous êtes ma famille. Se pourrait-il cependant que nous vivions une fraternité sans rencontres incarnées, sans relations vivantes, sans gestes de fraternités ? Je reconnais que tout ceci nous bouscule, nous remet en cause, et je perçois là une forme de vie antisociale qui se dessine. Pourtant l’amour n’est qu’apparemment vaincu, car partout des gestes qui l’incarnent sont témoignés dans le quotidien, l’entraide a su résister, dépasser les distances et les masques. La résistance de l’amour est bien plus forte que toutes les barrières érigées, lui seul est capable de surmonter sans peine les précautions prises pour casser la chaîne virale. La chaîne de l’amour, elle comme un lien invisible n’a pas été vue par la Reine Corona et ne sera jamais vaincue.  Mais qu’en est-il alors des autres vertus, elles aussi ont été comme molestées, maltraitées, mais non, elles ne se sont pas avouées vaincues ! Sans doute ces vertus oubliées, donneront-elles partout des leçons aux pouvoirs jacobins qui devront bien compter sur les engagements, les dévouements de nos médecins, de nos infirmières, aides-soignantes, de nos éboueurs, de nos maires, de tous ces ouvriers silencieux et agissants mais aussi des familles. Les vertus du courage, du sacrifice, de l’humilité, de la vérité, de l’amour voilà les valeurs cardinales, essentielles que nous serons appelés à vivre comme une nouvelle contagion pour abattre une société de distanciation qui est devenue la norme imposée. J’ajouterai à ces vertus, celle de la subsidiarité, cette capacité à la plus petite échelle, de prendre les décisions qui s’imposent, celle que le médecin emploie quand il s’agit de tenter un traitement ultime pour permettre à son patient de vivre malgré tout ; nous voyons, bien que là aussi cette vertu est encadrée, brimée, malmenée, car il faut attendre que les protocoles technicistes de la bureaucratie valident le secours qu’entend apporter le médecin à son malade. Mais loin de moi d’instruire un procès, puis de monter une forme de bûcher pour juger l’état en plein désarroi. L’état est en réalité incarné par des hommes et des femmes parfois inhabités par ces vertus essentielles. Car sans doute qu’au-delà des procédures techniques, des mesures administratives, les vertus ont été les grandes absentes. Les vertus ont été tellement malmenées par les pouvoirs successifs, elles ont été de tout temps, combattues : la famille moquée, les églises chahutées et parfois conspuées, les maires de nos villes regardés avec une certaine condescendance alors qu’ils incarnent aujourd’hui une autorité de proximité et souvent bienveillante.

Dans une époque tordue comme celle que nous vivons, où les autorités ont dû mal à se confronter à la vérité, manipulent parfois l’information, il semble que nous entrons également dans une quête d’authenticité qui s’exprimera demain au-delà de tout conformisme social, une authenticité qui est l’expression elle aussi  de la vérité, qui ne supporte ni la manipulation, ni le mensonge, nous engagera dans une dimension de courage, d’intégrité avec soi, d’intégrité avec les autres. Et j’aimerais que vous preniez connaissance de ce vieux conte africain qui nous parle de vérité, une vérité, une autre vertu cardinale qui puise sa source dans l’humilité : « Le Royaume de Sabou avait un puissant chef du nom de Moro. […]. Un jour, Moro sentit la fin de sa vie arriver. Il fit venir ses enfants afin de leur parler : – Mes fils, écoutez-moi ! Je suis devenu faible, il faut que le plus courageux d’entre vous me remplace. Pour que je choisisse mon successeur, il faut que chacun me conte son œuvre la plus fantastique.  Le premier de ses fils pris alors la parole : – Père, tu te souviens lorsque les envahisseurs ont attaqué notre Royaume. Moi seul les ai combattus et les ai mis en déroute avec pour seule arme mes mains alors qu’ils étaient fortement armés et nombreux.  Le deuxième fils parla à son tour : – Père, tu te souviens lorsque les lions de la grande forêt ont attaqué notre peuple. Moi seul ai osé les combattre et les ai mis à mort avec comme seule arme mes poings.  Ce fut alors au tour du troisième enfant de Moro : – Il est vrai que nous avons été attaqués par des envahisseurs et par des lions. Moi, je ne les ai pas combattus seul et ni avec mes mains. J’ai pris mes meilleures armes et appelé l’armée ce qui a permis de vaincre les lions et de repousser nos agresseurs.  Le vieux chef, après l’audition de ses trois enfants réfléchit pendant longtemps et déduit que l’enfant le plus courageux était celui qui avait dit la vérité c’était à dire son troisième fils. Moro l’appela et lui dit : – Puisque tu as dit la vérité, tu es le plus courageux. Je te remets le sceptre de Viziok qui te permettra de diriger le royaume de Sabou une fois ma fin venue. Ses deux autres enfants apprirent alors à leurs dépens que dire la vérité est souvent l’acte le plus courageux qui existe en ce monde. » Le vieux sage salue finalement dans le cœur de l’un de ses trois fils, plusieurs vertus, la vérité, le courage, l’humilité, et sa capacité à mobiliser toute une armée sur qui il a pu compter pour vaincre l’ennemi. Ce conte infiniment simple, enfantin, en dit pourtant très long sur la vanité de nos pouvoirs. Ces pouvoirs ont encore beaucoup à apprendre de cette sagesse populaire, sagesse qui n’est pas enseignée dans les plus hautes sphères des universités, des grandes écoles. L’autorité s’exerce toujours avec humilité, en convoquant le plus grand nombre de conseillers, et surtout cette autorité s’adosse à la vérité en n’oubliant pas le courage qui s’allie au dévouement sans désinvolture, ni mépris pour quiconque voudra s’associer à la victoire d’un ennemi extérieur qui est aussi un ennemi intérieur, si la dimension intérieure n’est pas habitée par la vérité.

À partir de ce conte, ne nous faudrait-il pas tirer dès ce jour, un enseignement concernant l’époque, ce nouveau siècle qui est en crise, qui n’est pas seulement et finalement une crise sanitaire, climatique, mais qui met à jour une autre crise, bien plus grave, celle de l’abandon de toute forme de référence à la dimension de la vérité comme de la vertu. À la vertu, il faut ajouter l’humilité qui oublie les certitudes et s’oblige à écouter les points de vue divergents. Il nous faut aussi adjoindre les vertus liées à l’authenticité, la morale non normative, mais celle qui s’inscrit, qui est gravé dans les cœurs, comme celle, touchant, la dimension sacrificielle dont le pilier est le courage. Le courage d’oser l’affrontement pour sauver celui ou celle qui est en péril au détriment de sa propre vie.

La crise pandémique doit être vécue comme une remise en question de toutes les idéologies néo-libérales et de l’homme prétendument augmenté qui ont façonné jusqu’à aujourd’hui le monde au cours de ces dernières décennies. Cette idéologie néo-libérale s’est hélas imposée au monde avec l’ensemble de ses représentations fondées sur l’appétence du progrès matérialiste comme seul horizon, sur la seule appétence consumériste comme seul code moral. Notre environnement occidental gouverné par son idéologie capitaliste a tenté de construire le monde de l’éden artificiel avec toutes ses valeurs factices et artificielles, nous promettant paix et sécurité. Aujourd’hui le monde est confronté à la pire des crises et ne semble plus en capacité de se donner un cap, un avenir, tant le changement que nous subissons est d’une rare violence même si en apparence les beaux jours sont arrivés, le déconfinement est à l’œuvre et l’insouciance se donne à nouveau, rendez-vous avec les rayons, la chaleur de l’été dans les agoras, les plages et les lieux publics à l’exception des allées des jardins qui nous sont encore interdits en ce beau mois de mai 2020.

Nous espérons finalement beaucoup de ces rayons estivaux qu’ils portent avec eux l’espoir qu’ils terrasseront la violente chevauchée virale lancée par la Reine Corona contre notre monde humain. Mais si Corona veut nous accorder une mise en parenthèse, une forme de trêve, nous pourrions alors vaquer de nouveau à ce « monde d’avant ». Nous avons probablement en tête, le secret espoir, la conviction intime que tout ceci ne relèvera en fin de compte que d’un mauvais moment, un mauvais rêve qui ne s’inscrira pas dans la durée. Nous restons tellement persuadés que l’histoire nous enseigne que dans toutes ces épreuves, les crises ne seront bientôt que de mauvais souvenirs. Mais voilà l’oiseau de mauvais augure, vous savez celui qui hante la ville hitchcockienne, l’Organisme Mondial de la Santé, ce cassandre a rafraichi notre folle assurance, plombant l’ambiance, en nous annonçant finalement que nous devrons vivre pour longtemps sous le joug de la souveraine Corona.

Cette souveraine a mis le monde économique littéralement à genoux. Certains économistes avaient au départ comparé la crise de 2020 à celle de 2008 puis les jours s’égrenant, la crise de 1929 devenait finalement la référence. Mais le point de départ de la crise de 2008 comme celle de 1929 n’ont pas grand-chose à voir avec celle de 2020. Les crises économiques respectives de 1929 et 2008 dont les relances avaient été imaginées et pensées par Keynes ou résorbées grâce aux mécanismes d’autorégulation des marchés, ou de l’interventionnisme de l’état protecteur, ne pourront endiguer celle de 2020. Le marasme qui se prépare en 2020 est bien plus profond, bien plus grave. Les théories keynésiennes ou les planches magiques de ce nouveau siècle, fabriquant des billets virtuels ne suffiront pas à dénouer la profondeur d’un mal économique qui s’installera de façon endémique et durablement au sein de toutes les nations. La crise sociale qui se dessine à l’horizon déclenchera un véritable tsunami affectant les nations les plus faibles et en leur sein les populations les plus précaires.

La Reine Corona bien plus terrifiante que les cuirassiers des premières armées au monde, a emporté et dissout la mondialisation, non pas sur plusieurs décennies, mais quelques semaines lui ont suffi pour casser l’édifice de l’universalisation terrestre, de l’économie planétaire où nous avons cru bon de confier nos corvées. Ces corvées que nous ne voulions plus, qui ont été transmises en quelques sorte à ces nouvelles colonies sociales, composées par les pays déclarés comme en voie de développement.

C’est le monde multiculturel, ouvert, inclusif, porteur de nouvelles valeurs d’autosuffisance et rêvant sa propre transcendance qui disparait ainsi sous nos yeux, mais l’appétit dévorant de Corona s’en est pris aussi à toutes les institutions politiques, comme ces nouvelles institutions pseudo familiales et pseudo religieuses, le monde de nos représentations s’effondre tel un jeu de cartes, un jeu de dominos montrant de la sorte les immenses fragilités de ce qui nous relie à tout ce qui faisait le dogme des croyances humaines.  Le monde est ainsi sur le point de perdre définitivement sa boussole.  Ce monde qui perd la boussole me fait songer à ce texte du prophète Esaïe[1] : « La terre chancelle comme un homme ivre, Elle vacille comme une cabane ; Son péché pèse sur elle, Elle tombe, et ne se relève plus »

Il y quelques décennies de cela, dans les années 80, lors d’une course d’orientation, de jeux de piste en pleine forêt des landes, notre boussole dysfonctionna. Avec mes coreligionnaires infortunés égarés dans ce massif forestier, nous cherchions vainement notre chemin, posant la carte en fonction de l’orientation donnée par la boussole dont on espérait que cette fois-ci, tout rentrerait dans l’ordre. Mais le secours de la boussole fut en vain, nous étions sur le point de perdre tous nos repères et fébrilement nous appréhendions la nuit tombante, quand le collectif a repris le dessus et la somme des intelligences s’organisa en écoutant posément, les talents des uns et des autres pour poursuivre notre chemin. Dans les situations extrêmes, il faudra dorénavant compter sur l’intelligence collective et ne plus espérer dans celle d’un prétendu chef messianique ou charismatique. Comme dans ce conte africain que nous avons précédemment narré, l’un des trois fils a pu espérer l’appui d’une armée d’intelligences, de cette dimension collective pour nous conduire à identifier un nouveau cap mais supposant alors une remise en cause de cette culture de l’hyper individualisme qui a rejeté le bien commun.

Concernant le cap, j’évoquais précédemment celui de l’authenticité, mais je ne songeais nullement aux valeurs des années hippies incarnées par l’immense festival de de Woodstock rassemblant une jeunesse éprise d’un nouvel idéal et pour qui l’affichage de l’authenticité correspondait à une forme d’harmonie de soi et de la nature. Pour ma part je crois que la recherche de l’authenticité ne relève pas de cette dimension, même si au fond de moi-même, je reste persuadé que nous avons été carrément oublieux de ces écosystèmes qui touchent à notre relation avec notre environnement naturel. Le mal est hélas bien plus profond que cet oubli et celui concernant la recherche d’une harmonie perdue. La quête de l’authenticité est en réalité celle d’un retour à nos sources, le retour à un principe universel qui est l’amour du prochain et qui suppose en soi une dimension sacrificielle.

La société contemporaine rejette la dimension sacrificielle et pourtant elle y est aujourd’hui exposée, comme confrontée avec cette capacité que les soignants démontrent par leur dévouement, leur engagement pour les malades en souffrance et atteints du covid19.

Ces soignants bizarrement sont qualifiés comme ces militaires face à l’affrontement de l’ennemi, au plus près du danger, au cœur du combat. Les termes de première ligne pour qualifier ces personnels soignants ont été abondamment utilisés par nos médias qui avaient emboité le pas du président de la république qui dans son intervention en mars 2020, utilisait le terme de guerre.  Mais aujourd’hui nous savons bien que l’expression « premières lignes » embrasse aussi nos éboueurs, comme les caissières des hypermarchés ou bien les personnels exerçant une activité funéraire. Au-delà de leurs obligations, nous leur devons une fière chandelle, ne pas se porter aux abonnés absents. Nous les confinés, nous étions bien heureux d’être les protégés d’un système qui avantage certaines catégories de nos populations, tandis que les autres ont été exposés, plus gravement avec la pandémie virale. À la dimension de l’authenticité, il faut sans doute revaloriser celle du courage, une vertu qui n’était plus en vogue quand le monde évoluait dans la vacuité de l’hyper consommation indolente et négligente, attendant de la bonne mère hyper protectrice de l’institution jacobine qui pensait jusqu’alors la société à notre place.

Le courage est l’équivalent de cette capacité sacrificielle qui ne pense pas le monde en fonction de la peur et pour reprendre les propos du philosophe Platon, dans deux de ses dialogues de jeunesse, le Lâchés et le Protagoras : Le courage « […] ne se laisse pas ébranler par la crainte «  Le courage c’est la « … hardiesse au combat ; [la] science des choses relatives à la guerre ; [la] fermeté de l’âme face à ce qui est effrayant et terrible ; [l’]audace au service de la tempérance ; [l’] intrépidité dans l’attente de la mort ; [l’] état d’une âme qui garde sa capacité de juger correctement dans les périls ; [la] force qui fait contrepoids au péril ; [la] force de persévérer dans la vertu ; [le] calme de l’âme en présence de ce qui, suivant la droite raison, paraît devoir déclencher terreur ou confiance ; [la] capacité de ne pas se laisser aller à la lâcheté sous l’effet de la terreur que fait naître l’épreuve de la guerre ; [l’] état de fidélité constante à la foi[2] ». Il en a fallu du courage pour tous ces soignants, ces éboueurs, ces caissières, ces personnels de première ligne, mais nous ne devons pas pour autant les transformer en héros, car je ne crois nullement qu’ils désirent en endosser l’habit. Je pense que les actes produits par ces premières lignes sont une invitation pour nous tous, à oser l’affrontement demain à d’autres niveaux face aux périls économiques qui abattront les équilibres et les édifices sociaux.

Nous allons faire face à une crise sans précédent qui n’épargnera aucun d’entre nous et exigera de chacun les mêmes vaillances que ceux témoignés par ces innombrables blouses blanches et la multitude des ouvriers de l’ombre. Il nous faudra alors du courage et nous aussi être en premières lignes au travers d’une multiplication de gestes de solidarités, des gestes allant des plus insignifiants aux plus significatifs.  Nous n’attendrons plus rien de l’état, car l’état ne pourra plus rien pour nous.

Si nous avons fait preuve d’inventivité et de créativité dans les temps de confinement, nous devrons certainement faire preuve d’inventivités et de créativités pour poursuivre la vie en société en la sécurisant et en l’organisation de telle sorte que personne ne soit oublié. La vertu sera sans aucun doute l’unique bien, sur laquelle tout restera à bâtir, la vertu guidée par le sens du bien. La vertu supposera l’action comme le définissait la sagesse grecque, l’action adossée à une attitude exemplaire, c’est-à-dire une attitude qui manifeste le degré le plus élevé du sacrifice pour le bien commun et sans doute que chacun redécouvrira la dimension de l’amour, l’amour authentique, l’amou

[1] Texte biblique : Esaïe 24.21

[2] Platon d’après Luc Brisson (dir.) (trad. du grec ancien), Définitions, Paris, Éditions Gallimard, 2008 (1re éd. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9), p. 287, 289. A propos du courage lire également les réflexions sur le courage chez Thucydide et chez Platon [article] sem-linkJacqueline de Romilly. https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1980_num_93_442_4285

Le bien, le beau, le vrai

Le général de Villiers donne ici des pistes concernant le monde à rebâtir… Il faut peut être retrouver le sens de l’authenticité et des valeurs lorsque tout semble être définitivement perdu, l’héroïsme tient sans doute aux capacités sacrificielles à consentir pour sortir de notre zone de peur. Le vrai leadership est un don de soi qui revient à la dimension su sacré, du bien, du beau et du vrai. Il faut vraiment l’écouter …. ! 

 

 

Le général de Villiers donne ici des pistes concernant le monde à rebâtir… Il faut peut être retrouver le sens de l’authenticité et des valeurs lorsque tout semble être définitivement perdu, l’héroïsme tient sans doute aux capacités sacrificielles à consentir pour sortir de notre zone de peur. Le vrai leadership est un don de soi qui revient à la dimension su sacré, du bien, du beau et du vrai. Il faut vraiment l’écouter …. !

L’étau

En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

Auteur : Eric LEMAITRE

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En écrivant cette nouvelle chronique, je ne songeais pas a priori à ce film d’Alfred Hitchcock quoique ce dernier nous conduise dans sa filmographie à des scènes bien souvent pétrifiantes, à un univers glaçant, angoissant comme pour envelopper la passivité de nos esprits. Se pourrait-il d’ailleurs que notre monde soit comme médusé et que la scène qui se joue ne soit pas loin d’une forme de suspense. La scénographie de ce grand cinéaste n’est pas également sans nous rappeler d’autres synopsis d’épouvante qu’il a su nous brosser. Sans doute, le maitre du suspense comme beaucoup l’ont qualifié, se serait-il lui-même inspiré du vécu actuel des habitants de ce monde. D’ailleurs la scène de ces oiseaux effrayants pourrait bien servir de métaphore, de parabole pour notre monde notamment lorsque des nuées d’oiseaux emplissent les cieux et fondent sur « Bodega Bay », une calamité à laquelle les habitants ne s’attendaient nullement.

La scène des « oiseaux », ce thriller marquera sans doute et à jamais ma jeunesse, nous invitant nous-mêmes, à trouver un hypothétique refuge ; coûte que coûte contre ces infâmes envahisseurs que sont ces angoissants volatiles qui terrorisent les humains abasourdis, effrayés et suffoqués par la peur soudaine d’un ennemi tellement imprévisible.

Dans cette scène des oiseaux, les volatiles firent soudainement irruption par le toit, mais aussi la cheminée, envahissant la maisonnée, franchissant tous les barrages, pareils à des postillons, tels des messagers s’invitant dans le quotidien de tous les humains. Oui Corona à l’image de ces oiseaux hitchcockiens, chevauche bel et bien le postillon. La Reine virale semblable au cocher, invite le messager postillon à conduire son attelage et vient de façon intrusive se mêler à notre quotidien sans nous prévenir, comme cette volée de moineaux qui surgit de l’âtre dans cette fameuse scène produite par Hitchcock. Alors que tout en apparence, semble avoir été fait, pour se barricader, se protéger, les volatiles obstinés trouvent finalement la faille. Ces oiseaux terrifiants sèment l’effroi, se jouent de nos frontières, de nos murs calfeutrés et franchissent le seuil de notre logis, s’y introduisent comme pour vampiriser l’intime de l’intime. Mais au-delà de cette scène d’épouvante rapportée par Alfred Hitchcock, mon propos n’est pas ici de m’attarder seulement sur le célèbre cinéaste, mais de revenir également à un élément plus prosaïque et qui nous ramène à un quotidien celui de l’établi, du bricoleur. Alors nous allons nous éloigner un instant des oiseaux hitchcockiens et entrer dans le monde de la mécanique, celui de l’étau. Mais vous l’avez sans doute compris, j’aime les métaphores et la liberté de l’écrivain est d’en jouer pour interpeler les consciences, d’y revenir et de les mêler pour mieux frapper l’esprit et nous conduire à comprendre les enjeux d’une pièce qui se joue sous nos yeux, celui d’un monde en mutation, monde frappé par cette fameuse bestiole et qui vient comme le grain de sable fracasser la vanité et la marche progressiste de ce monde, celle qui est en faveur d’un progrès technologique sans limites. Mais revenons si vous voulez bien à l’étau !

Mon propos est ici d’évoquer cette forme allégorique de mise en position que revêt cet outil mécanique : l’étau, un étau social se dessine en effet peu à peu dans notre monde, subrepticement. Efforçons-nous d’en comprendre à la fois les enjeux et la portée. Au fil de mes précédentes chroniques, cette dimension de l’étau a été abordée, je l’avais déjà exposé dans mon précédent essai, la mécanisation de la conscience[1], l’étau agit comme une forme de resserrement social, nous privant de toute liberté de mouvement. Le confinement social, totalement compréhensible a cependant agi comme une sorte d’emprisonnement, vécue par beaucoup comme confortable, mais très vite l’instinct de vie collective, l’instinct grégaire a repris le dessus. Nous avons probablement vu en effet ces dizaines de jeunes gens vivant à Paris, envahir les bords du canal Saint-Martin. Pas de quoi finalement fouetter un chat, nous dira le cocher de la Reine Corona. Pourtant les forces de l’ordre sont intervenues pour mettre un terme aux attroupements de « cette volée de moineaux ». Il fallait serrer les vis, serrer l’étau afin de rappeler le danger que représentent les cas asymptomatiques dans la propagation du virus. Ce maintien de l’ordre est ce rôle finalement joué par l’étau, il faut ainsi selon une vision paternaliste, maintenir une forme de cohésion, de contrôle quasi mécanique d’un mouvement qui n’a pas toute sa stabilité et qui pourrait de facto mettre en péril le fragile équilibre qui contient le virus.

Pour ceux qui chez eux, possèdent un établi et sont en effet des bricoleurs patentés, le mot étau fait sens, il fait en effet écho à un mécanisme d’enserrement, de maintien des pièces que l’on entend travailler. L’étau est formé d’une mâchoire mobile et qui par un mécanisme de pression, finit par ceinturer la pièce, en y exerçant le contrôle nécessaire pour y effectuer les tâches destinées à transformer l’élément en quelque sorte séquestré. Comment alors ne pas songer étrangement à cette forme d’étau social qui s’organise au fil de l’eau, alors que nos esprits tétanisés ne sont pas en aptitude à réagir ou alors inversement comme ces jeunes gens flânant ou stationnant le long du canal Saint-Martin, décidèrent de transgresser toutes les précautions d’usage, défiant le risque, s’en moquant éperdument, « seuls les vieux sont terrassés, les jeunes eux survivront ».

Pourtant et nous en conviendrons, n’exagérons cependant pas ce mouvement coercitif d’enserrement social associé à ce confinement totalement légitime ! Si certes nos libertés ont été comme suspendues, il ne s’agissait pas pour autant de les remettre en question, nous l’espérons tout du moins et il ne s’agit pas d’interdire à ces jeunes de se rassembler, mais bien de prévenir tout mouvement, de contagion soudaine, embarquée par la folle chevauchée de Corona.

Dans des contextes de crise pandémique, je comprends la nécessité d’un contrôle social a minima, qui consiste à responsabiliser chacun et à conformer les uns et les autres à l’évitement de toute contagion mettant sa famille, son entourage, son voisin en péril ou toute personne croisée en chemin. Consubstantiellement le contrôle social a vocation à contenir les velléités d’indépendances, à maintenir la cohésion, à favoriser une certaine harmonie sociale en permettant par l’acceptation des règles imposées de vivre ensemble de façon sécurisée. Alors, pourquoi dans ce cas, parler d’étau social, alors qu’il n’y a pas de péril concernant nos libertés ?  En parler c’est nécessairement revenir quelques pages en arrière où j’abordais cette notion d’habituation à l’acceptation d’une diminution graduelle de nos libertés. Le contrôle social qui résultait des seules mesures sanitaires prises, que nous le voulions ou non, fut bel et bien coercitif, contraignant, mais aussi paradoxalement compréhensible. Une forme d’étau social s’est donc bien exercée à l’échelle de toute une vie sociale, non seulement à l’échelle de notre pays, mais également à celle de toute notre planète. Et pourtant, « Ce qui devrait faire peur ne fait pas peur [2]» nous avons peur des oiseaux hitchcockiens, nous avons peur de Corona nous en sommes effrayés mais hélas, nous ne semblons pas être effrayés par l’étau social, pourtant, elle est bien la sœur cadette de Corona. Nous ne semblons pas éprouver la moindre crainte face à une autre forme d’ennemi plus insidieux, plus sournois, qui certes ne veut pas attenter à notre vie biologique, ou tout du moins en apparence, car cet ennemi lui constitue l’ennemi de notre vie intérieure, l’ennemi de notre liberté.

L’étau social qui est le pendant du confinement rendu obligatoire s’en est en effet pris irrémédiablement à la dimension relationnelle, à évacuer la rencontre avec les autres. La collectivité en un instant s’est dissoute, l’impersonnel a surgi gommant les relations et les interactions entre les personnes, le confinement renvoyant à nos statuettes[3] faussement interactives et nous mutant en formes de domestiques obéissants. Ces statuettes numériques qui agissent comme des étaux nous enserrant dans le monde de la vie numérique, le monde de l’écran total. Je ne jetterai pas pour ma part, la pierre à ces jeunes gens qui ont refait société comprenant la nécessité de se voir, de se rencontrer même s’il est encore aujourd’hui aventureux de sortir à l’extérieur quand la Reine Corona s’y trouve. Mais le geste jugé désinvolte est au fond un vrai bol d’air d’une société qui sort enfin du réseautage virtuel, du télétravail, de nos univers cathodiques, qui est finalement le nid de ces oiseaux hitchcockiens, ces univers numériques qui finissent par mécaniser l’esprit, par régimenter la vie intérieure, la quête de l’autre, la rencontre avec son semblable. L’étau social ne se réduit pas aux seules mesures d’un état d’urgence, mais l’étau qui se renferme sur nous, comprend ce monde numérique qui referme la porte sur nous même, au point que nous pourrions craindre de prendre l’air, ces jeunes gens certes imprudents, nous renvoient cependant un signe sain, celui d’incarner l’existence vivante auprès des autres, nos semblables.

Au-delà de cette anecdote relatant un épisode finalement de vie sociale saine même si elle reste imprudente pour d’autres, depuis les nombreux attentats terroristes qui ont semé la mort, des graves troubles sociaux, la demande de sécurité dans le monde occidental, s’est intensifiée exigeant davantage de contrôle, ce qui s’est traduit sans coup férir par des réajustements de notre liberté en défaveur du droit absolu à la protection de sa vie privée. La volonté de sécuriser s’est en effet largement accrue dans tous les milieux de la démocratie, au sein des nations démocratiques qui prônent malgré cela la liberté comme une vertu cardinale non négociable. Au fil de l’eau, législation après législation, c’est cependant le dogme de la liberté inscrit sur les frontons de nos institutions qui se délite gravement, que l’on rogne sans vergogne. Les exigences, les demandes sociales comme politiques, incitent les gouvernements à épaissir finalement l’efficience de l’étau social. Lorsque le monde est confronté à de graves crises climatiques, économiques, sanitaires et aujourd’hui épidémiologiques, se déploient alors des mesures draconiennes qui entament les libertés. Et avec ces mesures législatives, subrepticement naissent les technologies qui les accompagnent, ces technologies se mettent au service de la loi, deviennent les serviteurs des législateurs.

La chine dans ces contextes d’étau social, figure parmi toutes les nations du monde, celle qui offre la forme la plus aboutie en matière de sécurité coercitive. C’est la nation bureaucrate, qui a mis en place les dispositifs les plus avancés en matière d’organisation sociale, de prévention, de sécurisation, de filtrage et de surveillance. L’étau chinois constitue le degré d’enserrement le plus élevé qu’aucun état démocratique ne saurait à ce jour supporter. Les dispositifs de fichage, de contrôle du WEB, de vidéosurveillance se déploient et se renforcent, notamment sur les dispositifs s’apparentant au fichage, au pistage et traçage des citoyens. En dehors des aspects purement viraux, les traçages et les maillages électroniques d’individus ou de minorités sociales chrétiennes ou musulmanes sont constamment épiés en chine, les pratiques de biométrie, géolocalisation, de drones, d’usages d’internet sont à leur paroxysme avec affichage des citoyens déviants, publication des visages des citoyens sortant des clous. La métaphore hitchcockienne prend alors tout son sens, celle de cette nuée d’oiseaux effrayants qui s’abat sur la cité jusqu’à pénétrer dans le foyer. Un reportage publié par la chaine franco-allemande Arte, mettait en évidence les usages des QR Code[4] parmi l’arsenal des moyens intrusifs déployés par la chine pour mettre au pas sa population. Bien que l’état français ait indiqué, qu’aucune information ne saurait être collectée via l’usage du QR Code, il est manifeste, que l’usage du QR code par le plus grand nombre conduit à une forme d’habituation des usages du monde numérique qui tôt ou tard fera pleinement partie de notre quotidien et d’une mise en contrôle des populations. A ces contextes numériques, il convient d’ajouter qu’une équipe de chercheurs britanniques de l’université d’Oxford[5], chercheurs multidisciplinaires dans les domaines aussi divers que l’épidémiologie, la virologie, les modélisations statistiques ont imaginé et commencé le développement d’une application qui, installée sur un smartphone, géolocalise en permanence son propriétaire, l’avertit au cas où ce dernier aurait croisé une personne infectée par le covid19. La réflexion d’un applicatif tel que celui imaginé par ces universitaires, a été mis en débat en France et en fonction de la dimension que prendra la pandémie, il n’est pas contestable d’imaginer qu’un tel dispositif fera l’objet de pressions pour qu’il soit en route pour faciliter le contrôle et de façon plus contraignante.

Certains de mes lecteurs riposteront en targuant que cela n’est pas près d’advenir en Europe. Et bien c’est là où nous devrions être les plus méfiants, car l’étau numérique se resserre au sein de toutes les nations et la crise pandémique peut être un formidable coup de boutoir à l’accélération d’un déploiement d’un système de fichage généralisé à l’échelle de toute une nation. La pandémie est un vecteur déterminant de demande de sécurisation. Il ne fait aucun doute que des pressions sociales naitront de ce besoin de sécurité, et ce besoin de sécurité fera émerger une panoplie d’outils et d’étaux numériques, de type vidéo surveillance, applicatifs de biométrie, d’applicatifs covid19 pour numériser, ficher identifier et tracer les parcours. Nous relevons en France, mais sans doute en Europe les balbutiements d’une économie de contrôle des citoyens. La ville de Nice est ainsi la municipalité la plus surveillée de France avec bientôt plus de mille caméras de vidéosurveillance installées dans l’ensemble des quartiers de la ville, et plusieurs agents municipaux sont affectés à ce vaste système de surveillance numérisée de la ville. Mais d’autres villes en France ont emboité le pas. Avec un réseau de centaines de caméras, la station de métro Châtelet est l’une des mieux surveillées d’Île-de-France, la station de métro est équipée de caméras dites intelligentes qui permettent de détecter des situations anormales. Mais pires que l’installation de ces caméras, nous verrons sans aucun doute des demandes pressantes pour l’installation de vidéos surveillances permettant, si la pandémie devait se prolonger, de détecter la température corporelle des personnes en temps réel.  Il s’agira alors via les nouvelles brigades sanitaires, d’identifier les individus fiévreux puis de décider de leur mise en quarantaine.

Avec la crise pandémique que nous traversons, les thématiques de détections, de fichage, de traçages, numériques resteront extrêmement présentes, et ces thématiques ne sont finalement pas prêtes de disparaitre, laissant de plus en plus place à de nouvelles problématiques qui toucheront à la surveillance planétairevia les nouvelles techniques et applicatifs issus des développements de « l’Intelligence Artificielle ». Après toutes les démarches conduites pour prévenir les attaques terroristes, de nouvelles traques s’organisent pour analyser en continu la circulation du virus dans le monde et les déplacements de personnes infectées dans les espaces publics semblent à terme devenir incontournables pour de nombreux états. Il est manifeste alors que l’étau se resserre anticipant les crises sociales à venir afin de prévenir les « jacqueries[6] », les autres peurs qui adviendront et qui conduiront à des logiques de durcissement des politiques sécuritaires.

[1] Essai philosophique et théologique publié le 31 décembre 2019 édité par Librinova.

[2] 1 Bernard Sève, « Hans Jonas et l’éthique de la responsabilité » in Esprit, octobre 1990, p. 109.

[3] Statuette est ici une métaphore pour évoque le monde de l’écran total, l’univers cathodique qui nous enserre.

[4] Reportage sur ARTE diffusé en Avril 2020 : https://www.arte.tv/fr/videos/083310-000-A/tous-surveilles-7-milliards-de-suspects/

[5] L’applicatif imaginée permettra de détecter les personnes éventuellement infectées et si elles avaient été préalablement diagnostiquées positif au SARS-CoV-2, l’application avertirait immédiatement tous les propriétaires de l’application qui ont été en contact rapproché avec lui. Selon leur degré de proximité, l’application leur ordonnera de se mettre en confinement total ou simplement de maintenir une distance de sécurité avec les gens qu’ils rencontrent. Elle peut aussi donner des indications aux autorités pour qu’elles puissent désinfecter les lieux où la personne contaminée s’est rendue. Voir l’article du monde :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/03/20/contre-la-pandemie-de-nombreux-pays-misent-sur-la-surveillance-permise-par-le-big-data_6033851_4408996.html

[6] Les jacqueries étaient un mouvement social perpétré par les paysans les plus aisés après la grande peste noire pour protester contre les seigneurs en quête de main d’œuvre peu après que les chevaliers français étaient écrasés par les anglais. Ces seigneurs cherchaient à extorquer ces paysans révoltés de nouvelles taxes.

L’enfermement

Nous sommes aujourd’hui le 8 mai 2020, nous célébrons sans tambours ni trompettes, les 75 années de la fin de la guerre contre l’Allemagne Nazie, mais nous n’avons pas fini notre guerre contre la Reine Corona, une bataille engagée depuis bientôt plus de trois mois. Le 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron, embrasse toute une dimension « gaullienne », une rhétorique avec laquelle, il martèlera à plusieurs reprises, « nous sommes en guerre ». Il enjoint l’enrôlement général de tous, afin de se mobiliser contre une bestiole redoutable, capable de dupliquer son venin mortel, de cloner des milliards et des milliards de fois l’ogive létale. Le mot « guerre », apostrophé comme une anaphore, utilisé par le président de la République a fait verser beaucoup d’encre, a fait sourire plus d’une personne, puisque ce mot avec une résonance décalée, très amplifié diffère avec la réalité. La guerre connue par nos aînés a été bien plus sanglante, plus effroyable. Les morts de ce terrible affrontement mondial se comptaient par millions et millions.  

 

Auteur Eric LEMAITRE 

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 Nous sommes aujourd’hui le 8 mai 2020, nous célébrons sans tambours ni trompettes, les 75 années de la fin de la guerre contre l’Allemagne Nazie, mais nous n’avons pas fini notre guerre contre la Reine Corona, une bataille engagée depuis bientôt plus de trois mois. Le 16 mars 2020, le président de la République Emmanuel Macron, embrasse toute une dimension « gaullienne », une rhétorique avec laquelle, il martèlera à plusieurs reprises, « nous sommes en guerre ». Il enjoint l’enrôlement général de tous, afin de se mobiliser contre une bestiole redoutable, capable de dupliquer son venin mortel, de cloner des milliards et des milliards de fois l’ogive létale. Le mot « guerre », apostrophé comme une anaphore, utilisé par le président de la République a fait verser beaucoup d’encre, a fait sourire plus d’une personne, puisque ce mot avec une résonance décalée, très amplifié diffère avec la réalité. La guerre connue par nos aînés a été bien plus sanglante, plus effroyable. Les morts de ce terrible affrontement mondial se comptaient par millions et millions.

Il y a 75 ans de cela les ainés de la Grande Guerre, furent en effet confrontés à un ennemi réel, alors que Corona que nous fustigeons, nous inflige sa punition pour nous conduire à une remise en cause quant à notre vaine manière de vivre. Certes cette maladie qui a fait une entrée fulgurante dans le XXIe siècle, est oh combien cruelle, car elle atteint les plus fragiles ; les plus désarmés en termes de protection immunitaire. Cette maladie nous oblige à bien des égards de nous épargner de toute ironie et surtout de comparaisons. Mais mon propos est ici d’analyser le discours anxiogène de l’État qui peut nous conduire à ouvrir une nouvelle boite de pandore et d’autres maux. En faisant usage à plusieurs reprises du mot Guerre, je ne peux m’empêcher et oui c’est bien plus fort que moi de souligner que le président de la République n’imagina nullement, que le plus beau fleuron de la défense nationale allait être mis en échec. Notre marine qui appartient à la cinquième puissance mondiale a été « terrassé » vaincu par cette petite bestiole qui allait contaminer des centaines de marins et de militaires à bord, allait se répandre en contagion auprès de toute une armée et désarçonnait ainsi l’amirauté. Le président ne croyait donc pas si bien dire, en indiquant que nous étions en guerre, mais ne se doutait pas alors que le port avion « Charles de Gaulle » allait illico presto rappliquer à son port.

Dans une logorrhée habituelle, notre président qui entend « chevaucher le tigre »[1], aime caresser les hyperboles pour dramatiser la situation, mais l’excès langagier n’est hélas pas entaché d’effets morbides sur l’ensemble de la société. Plutôt que l’usage très excessif du mot guerre et du langage ultra sécuritaire, Il fallait sans doute utiliser un propos ancré dans la réalité de la pandémie, un propos d’alerte, se limitant aux dimensions factuelles, à l’évaluation des risques. Cet usage abusif du mot guerre laissera des traces dans les esprits. Aujourd’hui je crains qu’une forme de conditionnement, d’apprentissage à la peur se soit distillée, répandu dans nos cerveaux malléables. Cet apprentissage nous l’avions appris avec et après les actes terroristes notamment ces attaques meurtrières de janvier 2015, puis du 13 novembre 2015 en France, qui ont touché notre pays, même si notre pays semblait avoir fait acte de résilience depuis.

Malgré ces réserves exprimées, je crois pourtant et sincèrement que les mesures de confinement ont été bonnes et nécessaires, même si ces mesures révélaient par ailleurs le désastre d’un manque de vigilance, de prévention, d’anticipation et la pesanteur d’une administration jacobine inopérante, mal à l’aise avec cette pandémie à gérer et avec ses conséquences les plus dramatiques pour les plus âgés.

Pour revenir au discours, martial, solennel, la dramaturgie présidentielle a opéré dans tous les esprits les contours d’une sidération collective, une forme de stupeur émotive au sein de l’ensemble de la population générant à la fois une situation stressante et d’hébétude, généré par une réponse émotionnelle liée au discours qui nous a été tenu. Encore une fois, je ne remets pas en cause les mesures prises, car il fallait selon moi les prendre et si elles n’avaient pas été prises, le nombre de décès aurait été certainement bien plus important. Beaucoup d’états auraient certainement et ainsi évité l’enchainement de personnes hospitalisées, s’ils avaient su anticiper les fermetures des frontières, les mises en quarantaine et les dispositifs de confinement immédiatement n’écoutant pas ou n’anticipant pas, pour beaucoup les messages des ambassades basées en Chine, celles des premiers avertissements, messages d’alerte lancés dès le mois de janvier. Pourtant le discours du 16 mars 2020, du Président de la République fondé finalement sur la peur et non la responsabilisation de tout à chacun ; avait une autre caisse de résonance, celle des flux continuels d’informations qui en s’enchainant conditionnait en quelque sorte l’esprit de notre nation, et rendait notre conscience léthargique. L’apathie de notre conscience tétanisée se laissait enserrer par ces notions répétées de communications de risques, de menaces, de dangers impérieux. C’est à renfort de discours relayés par les experts, discours enfilés comme des « perles », effilochés en brume, éteignant nos raisonnements apeurés et sinon éplorés. Nous absorbions leurs mots, sans aucune précaution, aucune distanciation, nous devions les croire, nous n’avions aucune expertise pour contredire, pour contester, nous n’avions ni la formation, ni la connaissance et nous buvions les prescriptions sanitaires sans nécessairement les discuter, les comprendre. Nous fûmes unanimes pour comprendre que la « Reine Corona » est un pathogène dangereux et que nous avions affaire à une crise sanitaire sans pareil. Sur le constat, concernant la seule propriété agressive du virus, il n’y a aucune discussion possible, mais en revanche le traitement et l’administration parfois péremptoire d’une gouvernance toute puissante, allait ensuite laisser un goût de suspicion et chez beaucoup la volonté de discerner le monde que l’on nous prépare.

Le caractère dangereux de « Corona » ne fait ainsi aucun doute. Si nous avons dans notre entourage des amis qui en ont été atteints, nous savons bien après les avoir écoutés, que ce virus n’a rien d’une « gripette ». Je relève ainsi auprès de mon entourage et de tous les discours entendus, une convergence associée aux symptômes vécus et notamment aux effets ressentis qui ne ressemblent en rien à une grippe même virulente. Nous avons affaire à un virus inédit qui peut rapidement conduire à l’épuisement comme à l’essoufflement physique et bien pire qu’une grippe qui nous met parfois chaos. Je l’avais moi-même expérimenté au retour d’un voyage en Italie, il y a quelques années cela, j’étais atteint d’une grande fatigue et une fièvre importante, mais je m’en suis remis après une dizaine de jours sans aucun autre symptôme. Mais les descriptions que m’ont faites ses amis à propos de l’infection du Covid19, me semblaient bien plus douloureuses que le souvenir de cette grippe passagère, beaucoup parmi eux exprimaient comme une forme d’étreinte, de lames qui perçaient le corps.

Mais au-delà du caractère dangereux et incontestable du virus, il y a manifestement quelque chose de bien plus nocif que ce virus, c’est la forme de conditionnement qui s’opère dans nos esprits. Ma propre pensée a encore du mal à s’extraire de cette forme de Chappe, d’enveloppe médiatique, de discours entendu à longueur de journée, puis d’accepter aujourd’hui sans vergogne que nous allons sortir du confinement ; confinement ordonné depuis plusieurs semaines. Après des jours et des jours de champs lexicaux égrenés autour des mots morbidité, co-morbidité, dangerosité, menaces, nous avons désormais un tout autre discours qui nous est tenu autour de ces cartes tricolores « Le rouge, l’orange et le vert ». La population jusqu’à présent tenue en laisse, paralysée dans ses appartements et figée par les causeries médiatiques, est invitée à nouveau à rester dans ses murs, à pratiquer le télétravail et pour les autres a minima à sortir de ses murs.  Les clignotants tricolores des cartes déclinées quotidiennement, visent à nous balancer d’autres sons de cloches plus rassurants. En vert tout va bien, mais en fait, gardez toujours vos distances, restez très prudents.

Il nous faudra apprendre maintenant à vivre avec cette menace pandémique, la redouter, mais ne plus en avoir peur grâce à nos fragiles masques et oui nous apprenons qu’à défaut, c’est quand même mieux que de ne pas en porter, alors le doigt sur la couture du masque, nous obtempérons. Ce que je perçois dans tous ces discours qui sont tenus, où sont convoqués chroniqueurs politiques et spécialistes de tout poil, c’est une forme de paternalisme qui se dessine subrepticement, d’apprivoisement de toute la société. Ramolli par l’effet d’annonce, nous buvons l’autre breuvage, où devrais-je écrire tranquillisant, que l’on veuille bien nous administrer pour nous remettre en selle guidée par la parole médiatique, parole manquant d’humilité surtout chez les chroniqueurs politiques qui s’inventent en nouveaux sachants et discutent d’épidémiologie en sortant leur nouveau chapelet des concepts médicaux appris comme de bons élèves, la veille. Ils causent bien et c’est pour ça qu’ils sont à l’antenne, mais ces nouveaux sages sont aussi devenus les nouveaux fous de notre société encartés par la parole publique et gare à eux s’ils s’écartent de la doxa de la parole publique, la fake news veille sur eux. Il faut tirer les boulets rouges sur le Professeur Raoult et compagnie puisque la parole des experts n’aime guère que l’on discute la pensée admise. Le débat intelligent, contradictoire, bienveillant n’est pas de mise, mais moquer, remettre en cause est permis. Il est ainsi curieux que nos médias n’aient jamais invité, l’anthropologue et expert en santé publique suisse Jean-Dominique Michel sur l’épidémie de Coronavirus, dont le discours nuance le catastrophisme qui plonge la société dans un état de quasi-sidération apocalyptique. Moi-même, je n’ai pas été épargné par cette pensée, mais de cette pandémie, je tiens également un autre message qui est celui de la remise en cause des orientations prises par une société mondialiste et hyper techniciste. Mais pour revenir à Jean-Dominique Michel[2], son propos doit être entendu et notamment celui-ci :

« J’y vois une déliquescence éthique, mais aussi intellectuelle et philosophique de nos civilisations. De ce point de vue, je dirais que le Covid est un révélateur de nos incohérences ; incohérences fatales […] Une fois qu’on a généré un état de panique […], c’est très difficile pour nous de changer une cognition erronée […] On a vu un embrayage s’actionner, allant vers la stérilisation de la pensée et un déni de réalité […] L’exposition massive de la population aux vrais facteurs de risque que sont la malbouffe, la pollution, le stress et la sédentarité […] s’est retrouvée dans le Covid {…] On a laissé la responsabilité de gouverner à une cohorte de mathématiciens-modélisateurs – des geeks – qui passent leur vie devant des ordinateurs à construire des mondes qui n’existent pas […] Les interventions sur le lien social sont plus efficaces que les réponses sanitaires. Et là on a isolé des centaines de milliers de personnes de manière durable »

C’est ce propos tenu par l’anthropologue qui m’interpelle « Les interventions sur le lien social sont plus efficaces que les réponses sanitaires. Et là on a isolé des centaines de milliers de personnes de manière durable ». En effet avec l’avènement du Covid-19 qui a fait son entrée dans le monde nous sommes face à un tsunami terrifiant de désocialisation de la société prolongée par ces vagues répétées liées aux mesures de confinement.  Mais pour sortir, du confinement se met en place un ensemble de réflexions devant conduire au maintien des distanciations et à la régulation de la vie sociale légitimée par la crise sanitaire. Là aussi n’allons-nous pas nous habituer à une forme de conditionnement autoritaire des esprits, une domestication et l’apprentissage de tous, puis en fin de compte à accepter demain la victoire de la Reine Corona, le couronnement de la cité cybernétique, celle d’une gouvernance hyper technicisée au moyen d’algorithmes gérant toutes les activités humaines, les pistant, autorisant ou non nos bons de sorties[3], limitant nos rassemblements et prescrivant de manière autoritaire qui il sera permis de rencontrer.  Vais-je donc pouvoir manger une grillade avec Didier ? Me rendre librement à notre culte sans être suspecté ? Visiter ma famille librement et quand je veux ? En décrétant un état d’urgence Covid19, ne sommes-nous pas là en train d’ouvrir tout simplement la boite de Pandore ?

Cette réflexion peut vous paraitre exagérée, mais je note qu’elle me semble être partagée par de nombreux penseurs, sociologues, théologiens, rarement invités par ailleurs par nos caisses de résonnance cathodique. J’en veux pour preuve, cette longue lettre publiée sur le site de la revue « Terrestres », publié le 20 avril 2020 et signé par un collectif qui dénonce cette vie par procuration totalement désincarnée. Cette lettre fait écho aux derniers livres que j’ai publié « La déconstruction de l’homme » puis « la mécanisation de la conscience », je retrouve là ma propre plaidoirie « la vie connectée ne peut durablement se substituer à la vie vécue, et les succédanés de débats par Internet ne remplaceront jamais la présence en chair et en os ».

L’inquiétude de ce collectif est à nouveau et largement soulignée et pressent l’avènement d’une société digitalisée, technocratique pratiquant la distanciation sociale et la vie soumise à ces artefacts, ces nouveaux applicatifs qui réguleront les activités:

« […], ce que nous sentons très clairement, c’est que la crise sanitaire a des chances importantes de précipiter l’avènement d’un nouveau régime social : un régime basé sur une peur et une séparation, accrues, encore plus inégalitaire et étouffant pour la liberté. Si nous prenons la peine de lancer cet appel, c’est que nous pensons que cela n’est pas joué d’avance et que des possibilités vont se présenter, pour les populations, de l’empêcher. Mais alors que nous, simples citoyens, ressentons violemment la fragilité de nos existences face à la menace du virus et d’un confinement long, l’ordre politique et économique en vigueur semble, lui, à la fois ébranlé et renforcé par la secousse en cours. Il parait en même temps fragile, et très solide sur ses bases les plus « modernes », c’est-à-dire les plus destructrices socialement. ».

Puis la lettre rédigée par le collectif exprime l’état de tétanisation et se moque de ces mondes factices qui se construisent via Zoom, YouTube et ce monde des réseaux sociaux qui prétendent à l’existence de liens qui n’en sont pas, une forme de médiation par défaut, de fenêtre qui donne à voir, mais qui nous masque la réalité et la présence à l’autre. Ainsi les auteurs poursuivent et invectivent ce futur monde que l’on veut nous construire, mais que nos commentateurs se gardent bien de décrire en donnant audience à ceux qui divergent, apportent une parole contradictoire.

« Bien sûr, il n’a pas échappé à grand-monde que la situation présente a permis aux gouvernements de nombreux pays de tétaniser, pour un temps indéterminé, les contestations parfois extrêmement vives dont ils faisaient l’objet depuis plusieurs mois. Mais ce qui est tout aussi frappant, c’est que les mesures de distanciation interpersonnelle et la peur du contact avec l’autre générées par l’épidémie entrent puissamment en résonance avec des tendances lourdes de la société contemporaine. La possibilité que nous soyons en train de basculer vers un nouveau régime social, sans contact humain, ou avec le moins de contacts possible et régulés par la bureaucratie, est notamment décelable dans deux évolutions précipitées par la crise sanitaire : l’aggravation effrayante de l’emprise des Technologies de l’information et de la communication (TIC) sur nos vies ; et son corollaire, les projets de traçage électronique des populations au nom de la nécessité de limiter la contagion du Covid-19. [4]»

[1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/05/07/le-president-evoque-l-apres-confinement-et-appelle-a-enfourcher-le-tigre_6038951_823448.html

[2] Anthropologue et expert en santé publique de nationalité suisse, a travaillé pendant quinze ans en santé mentale et santé publique, enseignant dans divers programmes universitaires et de hautes écoles spécialisées.

[3] Cette réflexion est étayée dans une autre chronique concernant l’applicatif Stop-Covid19

[4] Publié sur le site de la revue Terrestres le 27 avril 2020 https://www.terrestres.org/2020/04/27/ne-laissons-pas-sinstaller-le-monde-sans-contact/

L’égalité

Comme l’écrivait brillamment une amie[1] à propos du covid19, « Le virus est une conséquence de notre état dégradé et, surtout pas une cause comme certains le disent. Un virus c’est un messager, un veilleur, un éboueur. Il faudrait le remercier de nous faire des signaux au lieu de le fustiger ! »

Ce pathogène surgit ainsi dans ce monde tel un messager et sa mission résonne comme un avertissement quasi prophétique, nous oblige à veiller et nous convie à méditer. Le covid19 agit comme un éboueur se chargeant de nous rappeler la salubrité et l’hygiène. Ce virus s’organise comme le révélateur de nos toxicités de nos addictions de nos dépendances, il nous rappelle les fondements mêmes de l’écologie en nous montrant notre ingratitude face à la biodiversité. Enfin cette contagion pandémique démontre l’impuissance de notre gouvernance, nos appareils technocratiques et notre bureaucratie, en peine à agir avec efficacité pour endiguer le mal.

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Auteur 

Eric LEMAITRE 

Comme l’écrivait brillamment une amie[1] à propos du covid19, « Le virus est une conséquence de notre état dégradé et, surtout pas une cause comme certains le disent. Un virus c’est un messager, un veilleur, un éboueur. Il faudrait le remercier de nous faire des signaux au lieu de le fustiger ! »

Ce germe pathogène surgit ainsi dans le monde tel un messager et sa mission résonne comme un avertissement quasi prophétique, nous oblige à veiller et nous convie à méditer. Le covid19 agit comme un éboueur se chargeant de nous rappeler la salubrité et l’hygiène. Ce virus s’organise comme le révélateur de nos toxicités de nos addictions de nos dépendances, il nous rappelle les fondements mêmes de l’écologie en nous montrant notre ingratitude face à la biodiversité. Enfin cette contagion pandémique démontre l’impuissance de notre gouvernance, nos appareils technocratiques et notre bureaucratie, en peine à agir avec efficacité pour endiguer le mal.

C’est ce contexte de bureaucratie qui me poussa à méditer la réflexion de l’anthropologue Philippe d’Iribarne[2] publié par le site Presslib[3]. Ce texte sobre est d’une très grande acuité, rétablit notamment une dimension oubliée par la bureaucratie jacobine, comme celle de la diversité humaine qui est un élément crucial de ce que nous vivons. De l’examen attentif de ce texte j’ai également relevé ce point très sage, concernant les lectures de l’égalité sociale qui peuvent hélas, conduire à des mesures inadaptées selon les territoires. Comme le rappelle fort bien l’auteur, aucun territoire ne semble avoir été traité en soi de la même manière par l’épidémie du coronavirus. Pour Philippe d’Iribarne « La conception de l’égalité qui fait référence dans le monde anglo-saxon est avant tout l’égalité des citoyens devant la loi », l’auteur rappelle également que « Dans le monde germanique, c’est une égalité de voix au chapitre dans les orientations prises par une communauté. En France, c’est d’abord une égalité sociale »[4]. L’analyse de Philippe d’Iribarne est pertinente et tend à montrer également que les options politiques peuvent être [parfois ou finalement] inadaptées aux réalités sanitaires qui résultant d’une inégalité liée à la diffusion même de la pandémie. La pandémie ne nous a-t-elle pas prouvé toutes les failles de l’état jacobin, bureaucrate et centralisateur, une administration en peine à agir et à réaliser que le virus n’a pas nécessairement de conséquences homogènes à l’échelle d’un pays.  La vision jacobine révèle ainsi son incompétence, son inaptitude, à tous les échelons géographiques et à tous les domaines de la vie sociale et le Premier ministre dans une récente allocution devant l’assemblée nationale a dû en convenir, confesser l’impuissance de l’état. L’impuissance jacobine est ainsi largement mise en relief avec la fameuse gestion des masques, dont on découvre aujourd’hui que la grande distribution a su s’organiser et faire face avec une efficacité certaine. Le modèle étatique, bureaucratique qui caractérise l’administration française, est un malade lui-même en souffrance et victime du covid19.

Mais pour revenir aux contextes locaux[5] de la pandémie qui touche à ce jour le quart Nord Est, cette « inégalité » de l’intensité et de l’étendue de l’épidémie tient notamment et pour l’essentiel à des notions de géographies sociales, sociologiques et aux spécificités urbaines qui caractérisent nos territoires. Les brassages en Lozère, région profondément rurale ne sont pas celles des régions métropolitaines et urbaines comme en Île-de-France, Strasbourg, Lyon, ou Lille.  Chaque territoire est différent avec ses particularismes, dues essentiellement aux identités propres et la construction des rapports sociaux, de la densité des populations, des relations sociales au sein des sociétés régionales, de nos sociétés humaines propres à nos territoires [Plus de deux siècles de jacobinismes n’effacent pas les identités des territoires].

Ce jacobinisme qui aimerait tant mettre les mentalités, les esprits et les religions au pas aimerait sans doute avoir à terme un droit de regard sur les rassemblements.  Nonobstant, n’entrons pas demain dans une forme de stigmatisation systématique des fêtes, des rassemblements à caractère séculier ou religieux, cela fait finalement partie du comportement grégaire et relationnel qui caractérise l’être humain.  Il serait redoutable demain de mettre sous cloche les proximités sociales pour favoriser et encourager à l’inverse les distanciations interpersonnelles et nous réfugier sous la cloche d’un monde numérique qui nous rendrait dépendants de ses objets artificiels.

Or le courage en effet, est bien de protéger et de faire les choix circonspects, en adaptant la décision, mais surtout en la déléguant auprès de ceux qui sont en proximité avec les réalités locales, les réalités des territoires administrés. En fonction de la dangerosité de l’épidémie et notamment de la circulation du virus, il conviendra ou non de revenir à une vie sociale normalisée. Je renvoie chaque lecteur à la découverte du livre « Le lévitique », un des livres bibliques qui forme le Pentateuque, la thora pour découvrir l’immense sagesse pour organiser la prudence, la discrétion, touchant à la vie sanitaire, et sociale, l’immunisation collective et l’hygiène. Ce livre très étonnant mêle à la fois les mesures de confinement et les grandes fêtes et notamment la fête des tentes et bien d’autres grandes fêtes comme le Jubilé. À la fois Dieu dans sa sagesse entend protéger les israélites pour éviter la diffusion de l’infection, mais en aucun cas ne décourage les grands rassemblements collectifs si en amont toutes les précautions et les bonnes mesures préventives ont été prises.

Depuis plusieurs jours, je me suis ainsi plongé dans la lecture de ce livre le lévitique ; j’ai noté les consignes de sagesses répétées, déclinées dans les premiers chapitres, notamment toutes ces mesures de mise en quarantaine des israélites infectées par la lèpre, ces mesures sont avant tout des dispositifs de protection, d’immunisation et non des mécanismes sociaux visant à condamner ou à exclure, à rejeter les personnes infectées. Dans ces lois mosaïques, Il s’agit avant tout de protéger et de sauvegarder la vie sociale, les relations interpersonnelles. En conséquence en effet il ne semble pas sage de conduire une systématisation de l’égalité de tous et pour tous les territoires. Uniformiser à l’échelle d’un pays une décision peut inversement avoir pour effet suspect de mettre en camisole l’ensemble de la population. Or la bureaucratie jacobine peut avoir des effets profondément pervers du fait de son éloignement des réalités régionales. Les effets de cette bureaucratie peuvent être sulfureux, quand cette dernière appréhende le monde comme devant être parfaitement homogène, uniforme, identique. Le jacobinisme est une doctrine opposée aux singularités, aux altérités, aux réalités locales, aux libertés naturellement, et ces libertés sont forcément inégalitaires.

L’histoire moderne ne nous a-t-elle pas apprise, que le régime jacobin non seulement fut un régime répressif imposé par les « circonstances de la terreur », mais par essence, un régime politique qui conduit à une nécessaire restriction des libertés, un contrôle social de tous ses sujets, en raison de son essence idéologique fondée sur le traitement égalitariste de tous ses sujets, visant « la restauration morale à l’aune d’une seule religion citoyenne », et l’uniformité, de la société. En deux siècles et avec l’arrivée de la Reine Corona, « Jacobin » le républicain s’incline et invite tous ses sujets à en faire de même, à plier le genou, mais il faut dire que la Reine Corona a de tels arguments et sait utiliser l’affolement pour arriver à ses fins, d’ailleurs je me demande si parfois, elle n’a pas cette « reine corona » utiliser les codes de la « terreur » pour paralyser toute velléité de manifestation, franchement je vous le confesse, je m’interroge.

Nous les juilletistes de 1789, nous étions si fiers, le jacobinisme avait pris valeur de modèle pour toutes les nations, nous avions la meilleure administration du monde, la plus qualifiée et nous étions de facto, en capacité à gérer la crise, à passer le test en quelque sort, à surmonter n’importe quel krach. Or l’état jacobin est en passe d’abdiquer et de renoncer, comprenant que son système ne repose ni sur la sagesse ni sur un ancrage dans les réalités sociologiques.  L’intelligence n’est pas en effet de gérer dans une tour d’ivoire, ni de gérer le monde du côté d’un château, d’une bureaucratie, mais d’apprendre avec humilité, d’organiser avec discernement en faisant appel à l’intelligence collective comme à celle également des collectivités qui ne pratiquent pas la « distanciation[6] » et demeure au plus proche de leurs administrés.

Je pense qu’il importe pour un état très jacobin comme le nôtre de revenir à une dimension de subsidiarité [ce qui semble se faire par ailleurs ; il faut s’en féliciter]. La subsidiarité est en soi, une dimension parfaitement adaptée aux circonstances, aux caractéristiques locales. Il s’agit donc de déconcentrer la gouvernance, de délocaliser la décision. Il s’agit en fin de compte de décentraliser, le pouvoir discrétionnaire d’un état excessivement rationnel, afin que l’on prenne en considération les lectures et les échelles des régions plus ou moins infectées par le virus, en renforçant les mesures ou en les allégeant.

Dans ce contexte, le modèle allemand est souvent cité en exemple, mais la gestion réussie de la politique sanitaire allemande pour endiguer la pandémie, ne tient pas au fédéralisme ou à la régionalisation comme le rappelle Philippe d’Iribarne, en tant que tel, mais à l’ensemble des mécanismes qu’ils comportent dont à nouveau le principe de subsidiarité, incluant une « échelle de décision, d’administration et d’autonomie locale ».  À l’heure où la vie sociale est en crise du fait de la crise épidémique, il serait sans doute temps de remettre à plat la vision de nos institutions, fondées sur cette volonté jacobine de renouveler totalement la société, en aspirant à une unité abstraite d’un peuple, alors que la biodiversité de nos terroirs est profondément diverse et ne subit pas de façon égale les désordres infligés par la pandémie. La vision jacobine en revanche, nous entraine à tort et en toute aberration dans le cours d’événements qui ne s’accordent pas entre cette réalité d’une contagion dangereuse et d’une gestion émotionnelle et anxiogène de l’État.

Cette gestion de la pandémie peut s’avérer tout aussi dangereuse, nous conduire à une forme de mollesse morale, d’atonie des populations et une incapacité à nous responsabiliser par nous-mêmes.  Les idéologies mènent souvent le monde, mais elles ne naissent pas ex nihilo, les idéologies sont nées de crises et puisent leur dynamisme dans les tragédies de l’histoire, la grande peste noire a eu un effet de bascule incontestablement dans les mentalités et l’émergence de la renaissance. L’histoire est sans aucun doute bien plus qu’un enchaînement d’idéologies, quand bien même les idéologies ont contribué à façonner les orientations souvent tragiques, puis ont eu une incidence significative sur la gestion proprement dite de la vie humaine. Qu’en sera-t-il demain, de la gestion de la crise après le coronavirus, quels effets durables cette crise pandémique va avoir sur les mentalités, les esprits, les intelligences ? Que va-t-on construire comme société et quels seront les nouveaux modèles qui vont être déclinés ? Le modèle chinois, le paradigme de l’uniforme va-t-il enfin s’imposer à tous, modèle social fondé sur la surveillance des populations, craignant que certains sortent du rang et n’entrainent les autres … ? Je mesure que la gouvernance actuelle se questionne elle-même pour éviter de tomber dans de tels travers, le pourra-t-elle et jusque quand ?  J’en conviens que de questions, ce sont celles d’un messager, d’un veilleur, d’un éboueur, d’un lambda insignifiant, d’un petit caillou dans la chaussure de l’état Jacobin.

[1] Françoise Blériot : « Le virus est une conséquence de notre état dégradé et, surtout pas une cause comme certains le disent. Un virus c’est un messager, un veilleur, un éboueur. Il faudrait le remercier de nous faire des signaux au lieu de le fustiger ! »

[2] Ingénieur diplômé de l’École polytechnique (promotion 1955), de l’École des mines de Paris (1960) et de l’Institut d’études politiques de Paris (1960), Philippe d’Iribarne est directeur de recherches au CNRS.

[3] https://presselib.com/

[4] Extrait de l’article ; https://presselib.com/philippe-diribarne-originaire-dici-est-un-specialiste-repute-de-la-diversite-des-cultures-et-de-leur-effet-sur-la-vie-politique-et-sociale-il-nous-livre-un-regard-tres-pointu-sur/

[5]  La France

[6] Le terme « distanciation » est utilisé à des fins ironiques