La noosphère de Teilhard de Chardin, l’autre gnose transhumaniste

Auteur Eric LEMAITRE

La noosphère de Teilhard de Chardin, l’autre gnose transhumaniste

fantasy-3341647_1920

 Teilhard de Chardin, scientifique théologien et philosophe français, insistait dans ses différents livres et notamment dans Le Phénomène humain sur le caractère inéluctable du progrès de l’évolution, celle-ci s’achèvera selon lui vers une transhumanité « lorsque les consciences, mises en réseau les unes avec les autres, créeront de facto, une sorte de super-être. ». Cette mise en réseau des consciences chez Teilhard s’appelle la noosphère mais le concept est également développé par le chimiste russe Vladimir Vernadsky comme nous l’avions déjà rappelé précédemment. Pour Teilhard la noosphère sera, le point ultime de l’humanité, la fin de cycles de développements, d’une succession de phases de développement de la création.

Le rapprochement osé et parfois contesté entre Teilhard et la gnose transhumaniste tient selon moi à l’idée que Teilhard se fait du progrès, il rejoint la pensée Gnostique lorsque notamment il considère que le monde est inachevé, que la création du monde résulte d’un processus continu. Cette création ou la création plus exactement pour Teilhard est un devenir, la création est inachevée et ceci est bien la thèse soutenue par les gnostiques du premier siècle. Teilhard n’écrira-t-il pas dans une de ses œuvres « Le milieu divin » ceci : « Nous nous imaginions peut-être que la Création est depuis longtemps finie. Erreur, elle se poursuit de plus belle, et dans les zones les plus élevées du monde… Et c’est à l’achever que nous servons, même par le travail le plus humble de nos mains »

Pour Teilhard l’achèvement de la création impliquera donc l’humanité qui sera la source de cette transformation [N’est-il pas écrit pas Teilhard que c’est à cela que nous servons]. Il est évident que Teilhard associe à cette transformation, une dimension spirituelle, et qu’il le fait en effet, en évoquant la figure du Christ. Christ l’auteur de l’achèvement de cette création, mais Teilhard occulte le message de l’évangile fondé sur la dimension du rachat et de la réconciliation du monde au travers de la dimension de la croix. Le mal est au cœur de l’évangile mais la restauration de l’homme ne résulte nullement d’un processus mécanique dont le progrès serait la matrice, le mal est effacé dans la dimension de la croix [Pour Teilhard dans le progrès moral et technique] ce qui suppose et de manière incontournable la réconciliation avec Christ qui prend sur lui le mal qui résulte du péché. La prétention de l’homme de réparer et d’être lui-même l’artisan moral, d’être co-responsable de l’achèvement de cette création constitue de fait le pendant de la gnose chrétienne. Ce qui renforce également le rapprochement entre Teilhard et la conception gnostique, c’est l’idée d’un mouvement, d’une évolution totalisante et universelle qui embrasse l’ensemble des êtres pour aller vers une idée de plénitude. Teilhard a en perspective la vision de l’unité humaine et ceci passe par l’idée d’une évolution continue, dont la matrice est le progrès.

« Le Monde matériel nous apparaît comme suspendu, aujourd’hui, à la conscience spirituelle des hommes. Que nous apprend l’Union créatrice sur l’équilibre et l’avenir de ce système ? – Elle nous avertit formellement que le monde que nous voyons est encore profondément instable et inachevé : instable parce que les millions d’âmes (vivantes ou disparues) incluses aujourd’hui dans le Cosmos forment un multiple branlant qui a besoin, mécaniquement, d’un Centre pour « tenir » ; inachevé, parce que leur pluralité même, en même temps qu’elle représente une faiblesse, est une puissance et une espérance d’avenir, – l’exigence ou l’attente d’une unification ultérieure dans l’esprit […].

 Si le Monde infra-humain est consolidé par nos âmes à nous, le Monde humain, à son tour, n’est concevable que supporté par des centres conscients plus vastes et plus puissants que les nôtres. Et ainsi, de proche en proche (de plus multiple en moins multiple), nous sommes amenés à concevoir un Centre premier et suprême, un oméga, en qui se relient toutes les fibres, les fils, les génératrices de l’Univers, – Centre encore en formation (virtuel), si on envisage la complétion du mouvement qu’il dirige, mais Centre déjà réel aussi, puisque, sans son attraction actuelle, le flux général d’unification ne pourrait soulever le Multiple »

Ainsi la perspective pour les transhumanistes de métamorphoser dans son ensemble l’humanité en une conscience unique dont les éléments seront partagés et interconnectés comme de simples neurones, constitue le socle de la philosophie de Teilhard. Cette vision nie en réalité l’altérité des êtres et la vision biblique de la résurrection des corps. La vision de Teilhard n’est pas la vision biblique car dans l’épilogue Biblique, la création ancienne est anéantie, et Dieu crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre. La création actuelle ne sera pas achevée, mais Dieu ouvre une autre perspective en créant de nouveau, des cieux et une terre.

Pour Teilhard de Chardin, le christianisme est la religion du progrès, la religion de l’évolution. Toute son œuvre et son intuition seront marquées par le désir d’un progrès qui s’accomplit dans une figure qui se voudrait Christique (Nous employons ici figure, car la pensée de Teilhard nous semble très éloigné de celle que nous renvoie les évangiles, Christ nous est présenté plutôt comme celui qui s’incarne et épouse la finitude de l’homme pour manifester la grandeur de Dieu, l’église qui est son corps n’est pas l’humanité dans son ensemble mais le peuple de ceux qui ont accepté la dimension de la croix et ce qu’elle symbolise) .

Teilhard de Chardin, percevait l’évolution technique comme une démarche qui doit conduire au « bien général de tous les hommes » et « rendre communément les hommes plus sages et plus habiles. »

Pour le théologien la planète est destinée immanquablement à s’unifier : « Il est inévitable qu’un processus d’unification se trouve amorcé, marqué de proche en proche par les étapes suivantes : totalisation de chaque opération par rapport à l’individu ; totalisation de l’individu par rapport à lui-même ; totalisation enfin des individus dans le collectif humain. »

N’est-ce pas ce que l’on perçoit de nos jours, de ce processus de maillage, totalisant, mis en œuvre via le WEB, même si Teilhard de Chardin évoquait un processus harmonieux qui relève plutôt de l’amour, il n’en demeure pas moins que l’intuition du Théologien est intéressante dans l’optique d’un univers numérique fondé sur les connexions multiples, et le projet d’un égrégore numérique, forme de ruche humaine.

Teilhard de Chardin percevait enfin la technique comme le facteur ultime de l’ascension vers le « Point Oméga », le point ou s’achève le développement de la complexité et de la conscience vers lequel se dirige l’univers, pour imager un cerveau unique amalgamant les consciences, ce qui est en soi aux antipodes du projet initial de la création qui est celui de générer des êtres semblables mais distincts de soi.   Par analogie avec la pensée de Teilhard, la conception transhumaniste défendue par la société Google, devrait de facto nous rendre capable de communiquer entre nous. Ce qui sera rendu possible avec les outils numériques ou quantiques de la techno science nous reliant désormais à l’intelligence artificielle. Nous sommes sur le point de fait par les réseaux de connexions de former un seul et même esprit. C’est un peu ce que Teilhard de Chardin tentait d’expliquer, en évoquant le point Oméga qui représente, selon le théologien, le point ultime du développement de la conscience, vers lequel se dirige l’univers en assemblant la totalité des consciences humaines.

Le transhumanisme de Teilhard est dès lors une idéologie corrélée à la puissance technicienne, cette puissance technicienne est liée aux avancées fulgurantes et à la convergence des NBIC nous faisant en fait entrer dans une forme de totalisation du monde, nourrie par la capacité d’absorber toutes les données associées à la vie sociale des être humains., c’est la fameuse noosphère imaginée par Teilhard et Vladimir Vernadsky c’est-à-dire le déploiement de la technologie la plus sophistiquée capable de concevoir  la sphère de la pensée humaine.

Matrix, Transhumanisme, monisme et pensée matérialiste

La conception purement matérialiste de l’être humain défait ainsi la dimension ontologique, déconstruit cette part de sacré consacré à l’existence humaine. Il s’agit ainsi pour le transhumaniste comme finalement une forme de point d’orgue, résultant d’une succession de thèses philosophiques, d’abolir la notion de finitude qui caractérise l’homme, il convient dès lors de prendre en main un destin qui ne l’enferme plus dans les limites du corps biologique. Comprenons bien ici que le transhumanisme, ne vient pas de nulle part, il se fait finalement l’écho d’une conception ontologique réduite à la seule matière qui prévalait plusieurs siècles plus tôt et dès l’antiquité.

Auteur Eric LEMAITRE 

La thèse matérialiste qui a pleinement prévalu au XIXème siècle mais également présente dans la philosophie grecque notamment chez Thalès, Démocrite, Épicure, Lucrèce, prétend que tout ce qui existe, est une manifestation « mécanique » et physique, que tout phénomène est le résultat d’interactions matérielles. Pour tous ces philosophes, tous les phénomènes associés à notre environnement naturel ou humain résultent d’interactions, de mouvements et de combinaisons d’atomes matériels. Au XVIIème siècle le philosophe Hobbes contemporain de Descartes, contribuera à l’avancement des idées matérialistes et mécanistes, pour Hobbes, tous les phénomènes se ramènent à des réactions purement mécaniques entre les corps et de facto ces phénomènes, embrassent le vivant et par conséquent l’être humain.

Cette approche matérialiste est d’autant plus intéressante que déjà chez Hobbes, la problématique était d’imaginer comment gérer, et contenir la multitude des individus, cette conception matérialiste devra être lue à l’aune des avancées de l’intelligence artificielle, forme de léviathan mécanique, de logiciel codé, la matrice de Matrix[1] qui gouvernera et régulera les individus « matière » qui seront mus et contrôlés par la force mécanique, manipulés par les instruments logiciels fruits du génie humain, fabriqués par l’homme. L’intelligence artificielle offre d’ores et déjà les prémices de ce monde virtuel, artificiel, du futur dystopique où l’homme a déjà pris l’initiative de déléguer à sa machine, le soin d’organiser, d’arbitrer, de nous conduire vers la vie rationnelle pour régler la folie déraisonnable de l’homme émotif, conduit par la seule dimension passionnelle.

Cette conception purement matérialiste de l’être humain défait ainsi la dimension ontologique, déconstruit cette part de sacré consacré à l’existence humaine. Il s’agit ainsi pour le transhumaniste comme finalement une forme de point d’orgue, résultant d’une succession de thèses philosophiques ou théologiques, d’abolir la notion de finitude qui caractérise l’homme, il convient dès lors de prendre en main un destin qui ne l’enferme plus dans les limites du corps biologique. Comprenons bien ici que le transhumanisme, ne vient pas de nulle part, il se fait finalement et de manière tout à fait cohérente, l’écho d’une conception ontologique réduite à la seule matière qui prévalait plusieurs siècles plus tôt et ce dès l’antiquité. Le film Matrix est de fait extrêmement intéressant, riche d’enseignements car au-delà de la science-fiction, le film nous fait entrer dans l’ère des machines ou les êtres humains en sont réduits à n’être que des sources d’énergie, des êtres sans âmes, manipulables. Substantiellement, l’univers  des objets sophistiqués et interactifs à la fois captif et ensorcelant  peut finalement devenir un monde toxique pour l’âme.

Dans cette vision matérialiste, le monisme pose une seule réalité, une seule substance, une forme de totalisation de l’être ne faisant de lui qu’une et même substance biologique ou tout est un ! C’est la mort du libre arbitre, l’homme ne choisit pas, il est déterminé par son auto alchimie, ce que plaide le penseur Yuval Noah Harari, auteur des livres « Sapiens : une brève histoire de l’humanité » et « Homo Deus: Brève histoire de l’avenir » . Yuval Noah Harari, s’appuie sur les découvertes des généticiens et des spécialistes du fonctionnement cognitif associé à l’activité cérébrale, l’analyse de tous nos « choix » serait selon l’écrivain Israélien, réductible aux seuls processus cérébraux électrochimiques dans lesquels la « liberté » n’aurait strictement aucune part, comme chez le reste du règne animal. « Quand une réaction biochimique en chaîne me fait désirer d’actionner l’interrupteur de droite, j’ai le sentiment d’avoir réellement envie d’appuyer sur ce bouton-là. (…) Je ne choisis pas mes désirs. Je ne fais que les sentir, et agir en conséquence. ». C’est ici encore le règne de la matrice, un monde désincarné qui devient l’environnement de l’être humain sans âme.  

Ainsi le réel chez les matérialistes est un tout non dissociable, c’est la vision de Teilhard, celle de sa conception philosophique du monde qui rejoint la vision partagée par l’idéologie transhumaniste. Hobbes se serait finalement émerveillé de son intuition du monde et de l’aboutissement de l’Etat-Léviathan qui tire sa légitimité de cette toute-puissance mécanique, résultant de la capacité de la machine, de réguler le monde, de réguler, de contrôler, d’organiser, de tracer la multitude des individus. Le léviathan est associé dans la bible à une force qui n’a pas de pareil dans la nature, d’équivalent dans le monde, c’est bel et bien la fameuse matrice décrite dans cette saga de science-fiction que nous relations précédemment. La bête que décrit l’évangéliste Jean n’aura de fait aucun équivalent, l’homme sera sous son emprise, soumis en quelque sorte à une forme d’esclavage docile, marquée et fascinée par la toute puissance de cette créature, fruit de ses aspirations idéologiques et résultat de ses inventions prométhéennes.

Mais pour nous Chrétiens, l’origine de la conscience est extérieure à notre monde et à cette matrice virtuelle qui nous enferme, de fait la compréhension de la conscience, de  son fonctionnement est hors de notre portée, nous comprenons de fait que l’enjeu titanesque qui se livre à travers ce combat matérialiste est d’anéantir toute vie intérieure reliée à celle de l’esprit, nous comprenons mieux ce que nous écrivions dans le prologue de ce livre, l’importance de l’amour relationnel, le fait de prendre soin de l’autre, le fait de s’émouvoir de la beauté que nous offre la nature, dont tout nous rappelle que le monde visible a été créé et qu’il émane de l’invisible. Cet invisible que nous pouvons voir avec nos yeux, que nous pouvons seulement voir avec notre cœur, que nous pouvons voir avec la foi.  Pour revenir à nouveau au Film Matrix, nous comprenons ainsi et in fine la dimension sous-jacente du film qui évoque une humanité sous le pouvoir d’un univers virtuel qui artificialise le réel dans lequel les humains sont devenus les prisonniers. Dans ce fil Matrix, la terre est en ruine, c’est un monde sombre, le soleil est caché, la nature est voilée, l’homme a été humilié par ses machines, ces machines qui empêchent l’homme de prendre conscience de son état et lui font simuler une liberté factice.

Le monisme transhumaniste, cette philosophie de la Matrix, s’appuie sur une conception entièrement matérialiste et mécanique, Le monisme transhumaniste perçoit la conscience comme un phénomène émergent, dont le support s’appuie exclusivement sur les atomes de notre corps, le cerveau support de la conscience en est réduit à une suite de contacts fonctionnels, par une série de signaux, d’informations déclenchés dans les neurones présynaptiques. L’information est transmise au moyen des neurotransmetteurs constituant le cerveau, De fait la conscience pourrait être réplicable en recopiant matériellement le cerveau humain. L’homme est ainsi une machine comme l’écrivait en 1748 Julien Offroy de La Mettrie dans son livre « l’homme machine « Le corps humain est une Machine qui monte elle-même ses ressorts ; vivante image du mouvement perpétuel » ,

Julien Offray de La Mettrie, précurseur du transhumanisme considérait ainsi que l’esprit devait être vu comme une suite déterminée et mécaniste de l’organisation sophistiquée de la matière dans le cerveau humain, Cette représentation de l’homme rejoint celle des transhumanistes et la vision des tenants d’une intelligence artificielle consciente

Il ajoutait également que l’« l’âme n’est qu’un principe de mouvement, ou une partie matérielle sensible du cerveau, qu’on peut, sans craindre l’erreur, regarder comme un ressort principal de toute la machine, qui a une influence visible sur tous les autres, et même paraît avoir été fait le premier ; en sorte que tous les autres n’en seraient qu’une émanation… ».

Comme l’écrit[1] Thierry Magnin Physicien et théologien, le problème du matérialisme est qu’il est mis à mal par la physique quantique, la physique quantique tendrait à montrer que « la matière n’est pas  chosifiable » que le réel échappe au physicien, le réel est voilé finalement au physicien, le réel ajoute à nouveau Thierry Magnin « est le magnifique signe de liberté qui devrait nous conduire à ne pas nous approprier le réel mais à le recevoir et l’écouter », le réel reste comme voilé aux scientifiques qui expérimentent alors une forme « d’incomplétude » devant celui-ci, le réel est en soi inatteignable, inaccessible par le scientifique, c’est cette réalité que ce monde de l’immanence matérialiste entend finalement nous cacher, comme dans la « matrix », l’homme crée sa propre machine pour nous empêcher de connaitre Dieu au moyen du cœur, le cœur aliéné par cette conception matérialiste que le transhumaniste s’est forgée.

[1] Je fais référence au livre de Thierry Magnin Théologien et Philosophe « Penser l’humain au temps de l’homme augmenté », la référence de cette réflexion est tirée de son livre publié par Albin Michel page 196.

[1] Dans cette série de films de science fiction, Matrix, les machines ont pris le contrôle du monde, les machines utilisent les êtres humains comme source d’énergie. Les machines se promenant dans le monde réel afin de tuer toute forme de vie non autorisée. Elles sont contrôlées par Deus Ex Machina (interface centrale de la ville des machines).

[2] Je fais référence au livre de Thierry Magnin Théologien et Philosophe « Penser l’humain au temps de l’homme augmenté », la référence de cette réflexion est tirée de son livre publié par Albin Michel page 196.

L’épopée transhumaniste de Gilgamesh

Entre Gilgamesh vieux récit de Mésopotamie et les transhumanistes, il serait sans doute judicieux de s’interroger de la pertinence de cet étrange rapprochement. Au fond sans tourner autour du pot, le rapprochement s’inscrit bien dans la quête de l’immortalité, l’obsession des transhumanistes mais qui était aussi celle de l’épopée de Gilgamesh. Cette épopée  est un des plus anciens et vieux récits épiques de Mésopotamie, récit écrit sur une tablette cunéiforme par le scribe Mésopotamien Unini vers 2650 av. J.-C

Gilgamesh est finalement et en quelque sorte l’avatar contemporain de ces nouveaux apôtres de la Silicon Valley en quête d’immortalité, une quête technologique de la reconquête de l’arbre de vie. Une quête sans conscience, sans conscience qu’au bout de ce voyage, comme le relate le récit sumérien, le serpent s’emparera de la plante et plongera l’homme dans le désarroi, le désespoir, rendant ainsi vain toute tentative de vaincre la mort. La légende sumérienne illustre cette vanité en quelque sorte de l’homme de vouloir s’extraire de sa condition et de modifier ainsi sa destinée en prétendant retrouver le chemin de l’éternité.

La légende sumérienne nous relate donc la quête de l’immortalité de Gilgamesh. Gilgamesh est le cinquième roi de la première dynastie d’Uruk. Le récit nous relate la colère des Dieux et notamment d’un Dieu contre la totalité de l’humanité, le Dieu Enlil qui fit le projet de détruire tout le genre humain en provoquant un déluge. Ce vieux récit antérieur à la Bible n’est pas sans nous rappeler l’épisode du même déluge relaté dans le premier livre du pentateuque.

Le Dieu Enlil prit soin d’avertir Utanapishtim (Noé dans le récit biblique) de son projet fomentant de faire disparaître toute trace de vie humaine. La divinité chargea Utanapishtim [Noé] d’amener sa famille et ses proches, ainsi qu’une partie des animaux de la terre. L’inondation atteindrait tous les animaux et les humains qui n’avaient pas  été abrités dans le navire, un récit identique à celui rapporté dans le livre de genèse dont les similitudes avec le texte sumérien sont fascinantes.

Uta-Napishtim [Noé] qui fut épargné par le déluge en raison de sa fidélité envers les Dieux, reçut de leur part la vie éternelle. Entre temps Gilgamesh traumatisé par la mort de son ami Enkidu décide de ne pas mourir et se met en quête de rechercher l’éternité. Gilgamesh entame alors un voyage pour rencontrer celui qui fut épargné par le déluge et qui reçut des dieux, la faveur de devenir immortel, Gilgamesh rencontrant Uta-Napishtim, l’interrogea et lui demande les secrets de la vie éternelle. Uta-Napishtim [Noé] tout en conseillant Gilgamesh le mit en garde de cette quête vaine et dangereuse mais cependant révèle alors l’existence d’une plante mystérieuse capable de répondre à ce besoin d’immortalité éprouvé par Gilgamesh. Gilgamesh, reprit alors espoir, partit à la conquête de la plante au péril de sa vie et l’emporte avec lui dans son voyage de retour à Uruk… Mais à son retour, la plante lui est subtilisé par un serpent.

Le serpent est ici et finalement le symbole de la condition humaine, la condition de l’homme déchu relaté dans le livre de la Genèse. La mort est l’épilogue de l’homme déchu, son salaire en quelque sorte. De fait l’arbre de vie devient inaccessible comme le rapporte le livre de la genèse. Lorsque il prend conscience de l’impair, Gilgamesh désespère et se déplore de cette situation existentielle. Il louvoie et hésite à reprendre le chemin pour se mettre à nouveau en quête de trouver cette plante, finalement il abandonne apprenant que son rêve d’immortalité n’est qu’une vaine illusion.

Il y a là comme une forme d’analogie étonnante avec l’épilogue du livre de la genèse qui évoque cette rupture entre l’homme et son créateur, chassé du Paradis, deux chérubins s’interposent et interdisent l’accès à l’arbre de vie [La plante qui procure la vie éternelle] « Il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie » (Genèse 3, 24). Le récit de Gilgamesh est certainement l’évocation de cette aspiration à retrouver sa condition initiale de l’Adam non déchu et nourri par l’arbre de vie, lui assurant si possible son éternité.

Le transhumanisme est de fait l’aspiration trouble de l’homme déchu, désireux de revenir en Eden tout en s’affranchissant de tout accès par Dieu. L’homme errant devenu démiurgique se faisant ainsi l’égal de Dieu, auteur de son projet d’homme augmenté mais désespéré de lui, ne pas réaliser son fantasme car au bout de ce voyage, de cette frénétique quête d’immortalité, il rencontre le serpent qui s’empare de sa trouvaille, son arbre technologique, la connaissance sans l’éternité.

Le transhumanisme, la nouvelle Gnose

Le transhumanisme en tant que courant idéologique a cette particularité de ne pas être un mouvement philosophique. Les philosophes le discernent bien, le transhumanisme n’est en réalité qu’une nouvelle théologie, une doctrine à la fois anthropologique et religieuse soutenu par des « néoprophètes » mais débarrassé d’un Dieu créateur. Pour autant, le transhumanisme n’est pas strictement une religion : il est bien trop divers, bien trop flou et bien trop subtil pour se laisser enfermer dans cette catégorie. Il est le dernier avatar d’une religion bien connue de l’histoire de l’église, mais qui en réalité se retrouve dans toutes les autres, comme un parasite se trouve dans bien des corps. Les païens le connaissaient comme « culte à mystère », les juifs sous le nom de kabbale, les musulmans sous le nom de druze, les bouddhistes sous le nom de tantrisme, les athées sous le nom de franc-maçonnerie. Quant à nous, les chrétiens, nous l’appelons une gnose.

Auteur

Etienne Omnes

son Blog https://phileosophiablog.wordpress.com/

 

Le transhumanisme en tant que courant « philosophique » a cette particularité de ne pas être un mouvement philosophique. Les philosophes le discernent bien, le transhumanisme n’est en réalité qu’une nouvelle théologie, une doctrine à la fois anthropologique et religieuse soutenu par des « néo-prophètes » mais débarrassé d’un Dieu créateur. Pour autant, le transhumanisme n’est pas strictement une religion : il est bien trop divers, bien trop flou et bien trop subtil pour se laisser enfermer dans cette catégorie. Il est le dernier avatar d’une religion bien connue de l’histoire de l’église, mais qui en réalité se retrouve dans toutes les autres, comme un parasite se trouve dans bien des corps. Les païens le connaissaient comme « culte à mystère », les juifs sous le nom de kabbale, les musulmans sous le nom de druze, les bouddhistes sous le nom de tantrisme, les athées sous le nom de franc-maçonnerie. Quant à nous, les chrétiens, nous l’appelons une gnose.

Le transhumanisme est une gnose quant à la doctrine

  1. Le rejet de la matière comme base

Techniquement, on appelle cela le dualisme – l’opposition d’un monde spirituel à un monde matériel. Toutes les gnoses anciennes se retrouvaient dans cette opposition entre le monde de l’esprit, pur, lumière et le monde de la matière, souillé, ténébreux. Mani et Marcion en déduisaient même qu’il y avait un Dieu du mal, le créateur, et le Dieu du bien, père de Jésus Christ.

Le transhumanisme est prudent sur la nature de « l’autre monde ». Tout au plus vous aurez des envolées lyriques autour du monde de l’informatique, où le web devient l’équivalent du plérôme ou du monde des formes platoniques. Mais en dehors de quelques évocations plus poétiques que scientifiques, ils ne développent que rarement cette doctrine et pour cause : elle ne tient généralement pas la critique.

En revanche, il y a un domaine sur lequel ils sont sûr d’eux : le rejet de la matière et du monde sensuel –accessible aux sens. Rien ne trouve grâce à leurs yeux : nos sens sont trop peu développés, notre cerveau est trop sensible aux phéromones, notre potentiel trop freiné par cette masse de chair mal adaptée. Le salut qu’ils proposent est alors d’échapper aux limites matérielles par un ajout –puis un remplacement- technologique. La chair et le sang sont méprisables. Mieux vaut le titane et le silicium. Notre matière humaine sera bientôt dépassée par la technologie ? C’est normal diront-ils : cette matière est vicieuse et mal conçue, indigne de nos hautes capacités et de notre grand appel.

Les transhumanistes sont des gnostiques en ce qui concerne le mépris et l’arrogance vis-à-vis de la Matière.

  1. La conception de la création comme un accident

Cette conception du corps comme « mal conçu », comme une « prison pour notre véritable nature » est ancrée dans une idée très spécifique. L’idée que la création entière est un accident, un arrangement certes ordonné mais sans grand soin, une excroissance imprévue de la réalité qui ne mérite donc pas tant de considération que cela.

Valentin (en latin : Valentinius), au deuxième siècle enseignait que du Dieu insondable avait émané plusieurs Aeons –êtres divins- et que l’un d’entre eux –Sophia ou Sagesse- avait voulu transcender sa nature et communier avec son Père l’Insondable. Dans sa tentative d’ascension elle avait chuté horriblement et avait sombré dans un état de chaos immonde. De l’impact de sa chute était née la terre, et des larmes de sa souffrance était né l’eau, de ses soupirs de regrets était né l’air et de ses spasmes étaient nés les êtres animés. Ainsi le monde matériel n’était pas spécialement conçu ni calculé, il était un accident : une chose qui se trouve être, mais qui peut très bien ne pas exister.

Mani avait une autre version. Au commencement, le Royaume des Ténèbres donna l’assaut au Royaume de la Lumière. Celui-ci supporta fort bien l’assaut, mais il se créa alors une zone grise à la frontière entre les deux : une empreinte ténébreuse de matière qui emprisonne des étincelles de lumière. Ainsi la création est l’équivalent d’un champ de Verdun encore rempli d’obus, qui est progressivement décontaminé par la Lumière.

La cosmogonie transhumaniste est moins colorée, mais tout aussi improbable. Au commencement l’univers vint à l’existence, et sous l’effet des forces aveugles de la nature il s’organisa en astres, planètes et satellites. Par un accident une planète fut en état d’accueillir la vie, et sans volonté la vie apparut sur Terre. Et ainsi naquirent toutes les autres formes de vies, qui avaient les modifications spontanées comme père et la sélection naturelle comme mère. La création dans son ensemble est un théâtre sans spectateurs, un arrangement accidentel qui ne mérite pas d’admiration ni de respect. Elle n’est que l’occasion de notre grandeur.

Les transhumanistes sont des gnostiques en ce qui concerne la conception de la création comme un accident.

  1. La Connaissance comme moyen de salut

C’est un autre point universel de la Gnose : le seul moyen de s’arracher de ces matières ténébreuses est de progresser vers la pure Lumière, au moyen de la Connaissance (gnosis). Pour Valentin, il s’agissait de prendre conscience de notre nature spirituelle et de transcender notre corps de chair pour enfin redevenir l’étincelle de divin que nous sommes, et être réunis au plérôme –l’assemblée des êtres divins. Sur ce canevas, tout un bestiaire d’enseignants proposait chacun sa façon différente d’accéder à cette « naissance d’en haut ».

La Connaissance en question était généralement :

  • Mystique : elle était secrète, cachée aux yeux de tous.
  • Ésotérique : Accessible seulement à des initiés, formés par le Maître
  • Métaphysique : Au-delà du monde physique, et des formes communes de la nature.

Cela n’empêchait pas les gnostiques de prêcher largement, et d’avoir un enseignement pour les « non-initiés » -exotérique. Ainsi Mani prêchait publiquement l’incompatibilité entre le Dieu créateur et Jésus Christ, et l’opposition entre évangile et grâce. Cela ne l’empêchait pas de garder pour ses disciples initiés sa vraie doctrine mystique, ésotérique et métaphysique.

Le transhumanisme a lui aussi un double discours, exotérique et ésotérique. Pour les gens du dehors, il parle de fabuleux progrès, de guérisons miracles et de capacités inouïes pour quiconque s’engagera dans la Voie de la Technique. Mais il y a une autre doctrine, enseignée dans des séminaires privés, pour ceux qui sont déjà engagés dans les Voies de la Technique. Il ne s’agit plus d’apprendre à jouer de la guitare en deux heures. Il ne s’agit plus de guérir des cancers sans douleur. Qu’ils se détournent donc de ces friandises pour le tout-venant, et contemplent la possibilité de l’immortalité, du Contrôle, de l’Indépendance Suprême.  

Nous retrouvons là les caractéristiques de la doctrine gnostique : mystique, ésotérique, métaphysique.

Les transhumanistes sont des gnostiques quant au rôle de la Connaissance.

  1. La classification de l’humanité en différents degrés.

Valentin divisait l’humanité entre trois classes : 1. Les « matériels » plèbe glaiseuse qui n’a pour horizon que ses passions. 2. Les « psychiques » en qui on trouve quelques éléments de connaissance, mais qui restent à la frange de la vraie Connaissance. 3. Les « spirituels » qui sont les Fils de la Lumière, ceux qui sont promis au Salut.  Cette distinction n’était pas selon la volonté : elle était de nature. On ne pouvait pas se convertir à la Gnose : c’était déterminé dès la naissance. Mani au IVe siècle admettait ce genre de distinction entre les extérieurs, les « auditeurs » – partiellement soumis au code religieux du manichéisme- et les « élus » pleinement soumis et pleinement lumineux. Pas de conversion entre ces catégories : un auditeur ne pouvait pas devenir un « élu », mais tout au plus le servir assidûment en attendant sa réincarnation.

Le transhumanisme accepte aussi cette catégorisation. D’abord il y a les « archaïques », les « ennemis de la Science » qui ne méritent que mépris et ignorance. On ne doit pas interagir avec eux, seulement les ignorer et les éviter, les faire taire au plus. Ensuite il y a les « auditeurs ». A ceux-là, on fait miroiter quelques joujoux techniques, on les fait rêver par des enfantillages. Enfin, les « initiés ». Ce sont ceux-là qui sont spécialement repérés par les Maîtres, à qui l’on enseigne toute la doctrine.

Cette distinction est de naissance : Il n’y a pas d’efforts pour faire passer les archaïques au statut d’auditeur, et peu d’effort pour faire passer du statut d’auditeur à celui d’initié. Seuls les riches et prometteurs peuvent être des initiés.

Les transhumanistes sont des gnostiques quant à leur classification.

  1. La promesse de la transformation

Les gnostiques antiques attendaient tous un salut qui serait une délivrance de la matière, un passage de l’être humain à l’être divin. Ils attendaient une trans-formation : le passage d’une forme (celle d’être humain) à une autre.

Les transhumanistes visent aussi à ce but, le plus connu d’entre eux étant Ray Kurzweil, qui propose la transformation d’humain à « AHI » Artificial Human Intelligence par un « upload » aussi grotesque qu’acclamé. Plus couramment, ils proposent à l’usage des simples mortels le remplacement d’une partie de leur forme humaine par une forme technologique. « Jetez donc cette rétine biologique et équipez-vous d’une rétine bionique, plus puissante ».

Les transhumanistes sont des gnostiques quant à leur visée de transformation.

Le transhumanisme est une gnose quant à son fonctionnement

  1. Elitisme

Au IVe siècle, en Mésopotamie, un chrétien riche pris de compassion racheta tout un convoi de prisonniers de guerre. Ce geste lui assura un succès immédiat. Cette renommée atteignit Mani en Perse, qui se dépêcha d’envoyer une lettre qui portait ces mots : « J’ai été extrêmement réjoui de voir l’amour chéri par toi, qui est vraiment de la plus grande mesure. Mais je suis inquiet pour ta foi, qui n’est pas en accord avec le vrai standard. Ainsi donc, élu comme je suis pour rechercher l’élévation de la race des hommes, et épargnant comme je le fais, ceux qui s’abandonnent à la tromperie et l’erreur, j’ai considéré utile de t’envoyer cette lettre dans le but premièrement du salut de ton âme, et deuxièmement les âmes de ceux qui sont avec toi, afin de te sauver des opinions douteuses, et spécialement des notions des guides de plus simples d’esprit qui endoctrinent leurs sujets ». Cet appel à l’arrogance était la première étape qui déboucha sur un débat public à Carchar, entre Mani et Archelaüs l’évêque local. L’hérésiarque y fut démasqué et profondément humilié.

Cet incident montre bien une constante chez les gnostiques : celle de cibler des hommes riches et influents pour les convertir à leur secte et assurer par leur intermédiaire une influence immense. Les gnostiques ne cherchaient pas à faire un mouvement de masse : ils avaient plutôt une mentalité de sniper quand il s’agissait de choisir ses adeptes. Dans la même catégorie, on reconnaît la stratégie de recrutement de la franc-maçonnerie.

Le transhumanisme est lui aussi élitiste en son recrutement, comme en témoigne Wolframe Klinger dans son article « A genoux devant le Dieu-Machine » sur Motherboard. En cela il montre bien le fonctionnement d’une gnose.

  1. Parasitisme religieux

En début d’article, je mentionnais que cette gnose se retrouvait dans des religions très différentes, selon des formes très semblables. Je reprends la formule de tout à l’heure : comme un parasite se retrouve dans bien des corps différents.

Valentin avait piraté des éléments de platonisme et de christianisme, et formé ainsi une religion composite. Mani avait syncrétisé du zoroastrisme, du christianisme et du bouddhisme, et prétendu ensuite apporter le « vrai message » de chacune de ces religions. En réalité, ils n’ont fait que récupérer et habiter la coquille extérieure de ces religions, comme un pagure au ventre mou. A ma connaissance, seul le christianisme a su se prémunir contre la gnose à travers un processus de confessionnalisation qui a interdit les ambiguïtés dans lesquelles se réfugient les gnostiques.

Le transhumanisme aussi fonctionne en parasite : il récupère à son compte l’héritage technique et scientifique de l’occident, en fait une religion, et habite ensuite cette religion. Que sa coque soit de l’ivoire du christianisme ou du silicium de la Technique, ce pagure n’a pas plus à voir avec la Science que la Religion, et ce sont des scientifiques qui le disent.

Sur ce point, le transhumanisme a bien le fonctionnement d’une gnose.

  1. Abandon du monde

Dans un empire romain rempli de grands maux, dans une Mésopotamie gorgée de sang, les gnostiques antiques n’ont jamais pris à cœur les douleurs de leurs époques. Au contraire, ils encouragaient leur fidèles à se détourner de ces apparences matérielles et se concentrer sur leur futur glorieux. Là où les évêques chrétiens courraient après les convois de prisonniers pour les racheter, les manichéens laissaient leur disciples manquer de mourir en mission (comme Mani pour Turbon) ou se servaient de leurs disciples femmes pour piéger des pasteurs chrétiens et acquérir en influence.

Le transhumanisme ne se préoccupe pas plus de la marche du monde, ni de la montée des inégalités et de l’injustice économique. Alors que notre monde gronde contre les marchands, les marchands eux-même sont invités à réfléchir à la cryogénisation de leur corps jusqu’à ce que la Science les fasse vivre mille ans. Un tel décalage est grinçant d’ironie.

Sur ce point, le transhumanisme a bien le fonctionnement d’une gnose.

  1. Division

Irénée de Lyon se moquait déjà des divisions infinies de la gnose : « Dès qu’ils sont deux ou trois, non contents de ne pouvoir dire les mêmes choses à propos des mêmes objets, ils se contredisent les uns les autres dans la pensée comme dans les mots »

Le monde transhumaniste est aussi éclaté aujourd’hui, et il y a environ un transhumanisme par prophète. Dans le (tout) petit monde transhumaniste français, il y a un effort d’unifier à travers l’association transhumaniste française. Mais même lorsqu’ils veulent être unis et que les acteurs sont  très peu nombreux, ils se distinguent de Laurent Alexandre, qui de son côté fait cavalier seul.

Sur ce point, le transhumanisme a bien le fonctionnement d’une gnose.

  1. La dévotion du prophète

Simon le Magicien et Mani sont allés jusqu’à autoriser et organiser un culte à leur propre gloire, Mani allant même jusqu’à proclamer être la Paraclet envoyé par Jésus. D’autres gnostiques antiques, plus prudents, laissaient simplement croître une dévotion toute naturelle à leur égard.

De même, pour les transhumanistes on retrouve régulièrement le qualificatif de « prophètes » qui leur sont accolés. Même en admettant que ce soit une exagération médiatique, il y a un réel culte de la personnalité autour des différents « maîtres du transhumanisme ». Soit ils l’encouragent, soit ils en profitent tacitement, mais jamais on ne les voit refuser cette gloire.

Sur ce point, sur tous les points, le transhumanisme est une gnose.

Note de l’éditeur : « Pourquoi rapprocher Gnose et Transhumanisme » 

Pourquoi rapprocher Gnose et transhumanisme …

Il existe une quasi convergence partagée entre nombreux penseurs ou philosophes qui au cours de cette décennie ont rapproché le transhumanisme et la gnose et je vous incite ici à vous procurer le livre de Stephane B auteur du livre  » de la gnose au transhumanisme » qui résume parfaitement cette proximité quasi idéologique entre les transhumanistes et les gnostiques des premiers siècles.

Pour résumer la gnose notamment la gnose dite dualiste, celle-ci se définit comme une façon  d’appréhender le corps, la vie humaine, l’environnement terrestre pareillement à une prison dont l’homme devrait se libérer pour y trouver son salut .

C’est le Philosophe Jean-Michel BESNIER qui souligne finalement l’aspiration des transhumanistes semblablement à celle des gnostiques  à cette volonté prégnante de s’échapper de l’enfermement que constitue le monde réel qui cadenasse en quelque sorte l’homme, le séquestre dans une forme de prison  :

« Pourquoi le corps est-il maltraité dans nombre de traditions philosophiques  ? Essentiellement parce qu’il est le signe de la passivité en l’humain. Il représente ce que le hasard de la naissance nous impose comme un donné non négociable et avec lequel il nous faut composer, l’existence durant. Ceux qu’on nomme aujourd’hui les transhumanistes ne veulent pas se résoudre à cette fatalité : convaincus que les sciences et les techniques peuvent satisfaire toutes nos aspirations, ses propagandistes multiplient les annonces d’une mutation de l’humain. »

Ainsi la gnose issue du christianisme, jugeait le corps comme une création loupée, le cosmos à la fois inachevé  et  manqué  car soumise à une irrésistible dégradation. Les humains selon cette théologie dérivée d’une pensée chrétienne mal comprise, en sont réduits à n’être  que des créatures précaires et mortels.

Seule la connaissance c’est-à-dire la gnose  peut révéler à l’homme sa nature spirituelle  et le délivrer du corps façonné par un Dieu imparfait, et lui permettre de le libérer de la chair et de l’âme,

Pour les gnostiques notre salut tient de fait au refus de ce monde ce qui les rapproche de facto à cette conception transhumaniste qui refuse elle aussi l’encerclement du corps, la finitude ontologique.

Le transhumanisme prend dès lors inévitablement sa filiation et sa source dans l’imaginaire gnostique. Ainsi le transhumanisme, nouvelle gnose moderne, est un combat contre l’altérité sous ses formes dérivées, le vieillissement et la mort, la finitude et l’encerclement du corps, la sexualité et la dialectique des identités du genre.

Pour poursuivre et approfondir prochainement cette réflexion sur la gnose et le transhumanisme, nous avons sollicité Etienne OMNES pour approfondir les origines de la gnose et ses similitudes avec le mouvement transhumaniste.. ce sera donc à suivre …. et à lire sur ce site :

https://deconstructionhomme.com/2019/03/26/le-transhumanisme-la-nouvelle-gnose/

 

 

Le transhumanisme : une entreprise de déconstruction spirituelle

L’idéologie transhumaniste comporte plusieurs dimensions qui sont l’expression d’un déni spirituel et d’un déni du monde réel ou naturel.

 La première dimension de ce déni est le rêve de l’immortalité, il convient de casser l’ADN qui nous enferme dans la mortalité, il faut ainsi dépasser la mort et gommer toute aspiration à un au-delà. Ray Kurzweil (https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Kurzweil), directeur de l’ingénierie à Google affirme, en toute bonne foi, que les progrès prodigieux de la technologie, nous feront atteindre bientôt l’immortalité !

Le deuxième déni spirituel s’inscrit dans l’affranchissement lié à l’encerclement du corps ; c’est la valorisation de l’individu, un individu libre de son corps qui se modifie lui-même, n’appartient à personne et pourtant absorbé par le monde collectif avec lequel il interagit.   

La troisième dimension de ce déni se traduit par l’addiction aux objets techniques qui conduisent l’homme à une servitude sociale. La vie numérique (les réseaux sociaux) qui devient finalement une forme de régulateur de la vie sociale, modalisant puis interagissant avec les habitudes et les attitudes des consommateurs de ces réseaux sociaux, voir demain pilotant les comportements consuméristes (la Babylone est marchande).

La quatrième dimension d’un déni spirituel et réel est celui d’une anti incarnation. Dieu s’incarne dans notre chair, nous invite à vivre des relations en face à face. Or l’humanité évolue dans des univers de dématérialisation, dématérialisation des produits et des services, dans des relations de plus en plus virtuelles ou nous échappons au réel, à une vie d’entraide faite de gestes et de rencontres, de vécus et de mains tendues.  Nous arrivons dans un univers ou l’atrophie des interactions sociales est devenue plus prégnante

Auteur Eric LEMAITRE

Le transhumanisme la manifestation d’un déni

L’idéologie transhumaniste comporte plusieurs dimensions qui sont l’expression d’un déni spirituel et d’un déni du monde réel ou naturel.

La première dimension de ce déni est le rêve de l’immortalité, il convient de casser l’ADN qui nous enferme dans la mortalité, il faut ainsi dépasser la mort et gommer toute aspiration à un au-delà. Ray Kurzweil (https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Kurzweil), directeur de l’ingénierie à Google affirme, en toute bonne foi, que les progrès prodigieux de la technologie, nous feront atteindre bientôt l’immortalité !

Le deuxième déni spirituel s’inscrit dans l’affranchissement lié à l’encerclement du corps ; c’est la valorisation de l’individu, un individu libre de son corps qui se modifie lui-même, n’appartient à personne et pourtant absorbé par le monde collectif avec lequel il interagit.

La troisième dimension de ce déni se traduit par l‘illusion de l’autonomie mais une autonomie contrariée par l’addiction aux objets techniques qui conduisent l’homme à une servitude sociale. La vie numérique (les réseaux sociaux) qui devient finalement une forme de régulateur de la vie sociale, modélisant puis interagissant avec les habitudes et les attitudes des consommateurs de ces réseaux sociaux, voir demain pilotant les comportements consuméristes.

La quatrième dimension d’un déni est celui de l’incarnation. Dieu s’incarne dans notre chair, nous invite à vivre des relations en face à face. Or l’humanité évolue dans des univers de dématérialisation, dématérialisation des produits et des services, dans des relations de plus en plus virtuelles ou nous échappons au réel, à une vie d’entraide faite de gestes et de rencontres, de vécus et de mains tendues.  Nous arrivons dans un univers ou l’atrophie des interactions sociales est devenue plus prégnante

Faut-il avoir peur du courant transhumaniste ?

Je ne sais s’il faut en avoir peur du courant transhumaniste, il faut surtout s’en inquiéter et c’est notre rôle d’éveiller les consciences.

« Ce n’est pas l’homme qui doit « s’augmenter » artificiellement mais bien les sociétés humaines qui doivent décroître jusqu’à rejoindre la mesure de l’homme »

Dans notre propos nous reprenons une réflexion de Tugdual Derville Directeur Général d’Alliance Vita  qui a longuement réfléchi sur les questions d’écologie et de transhumanisme.

Tugdual évoque La « barrière de complexité » du réel qui vient contredire les fantasmes prométhéens simplistes. La « mécanique » humaine est infiniment plus complexe que celle d’un ordinateur. L’intelligence artificielle a certes accompli des prouesses… Mais l’homme n’est pas qu’un cerveau, il est aussi un corps, en relation avec son environnement, un souffle de vie et un mystère…

En témoigne la complexité de ce qui se joue entre la mère et celui qu’elle porte : transmissions épigénétiques, interactions biologiques et psychologiques…

Dans la même idée si certes le philosophe Hegel[1] parle de l’art et non de la prouesse technologique, le philosophe montre la présomption de l’homme de vouloir copier et imiter la nature. Pour le philosophe cette tentative de copier la nature « ressemble à un ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant » ainsi selon HEGEL l’art ne peut pas rivaliser avec la nature.

En effet, l’ambition d’imiter la nature est vouée à l’échec. Les moyens dont dispose l’artiste ne lui permettront jamais de reproduire fidèlement la nature, dont le principe essentiel est celui de la vie. L’art ne pourra jamais que proposer une caricature de la vie.

 « …ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en-deçà de la nature. Car l’art est limité par ses moyens d’expression, et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu’un seul sens. En fait, quand l’art s’en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie… »

Hegel donne d’autres exemples à des fins de montrer « la prétention futile de ceux qui font de l’imitation de la nature la fin suprême de l’art : dans les deux cas, la valeur de l’œuvre est proclamée parce que des animaux se sont laissés tromper par la ressemblance de l’œuvre à l’objet nature ».

« En fait, quand l’art s’en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie. On sait que les Turcs, comme tous les mahométans, ne tolèrent qu’on peigne ou reproduise l’homme ou toute autre créature vivante. J.Bruce au cours de son voyage en Abyssinie, ayant montré à un Turc un poisson peint le plongea d’abord dans l’étonnement, mais bientôt après, en reçu la réponse suivante:  » Si ce poisson, au Jugement Dernier, se lève contre toi et te dit: tu m’as bien fait un corps, mais point d’âme vivante, comment te justifieras-tu de cette accusation? « . Le Prophète lui-aussi, comme il est dit dans la Sunna répondit à ses deux femmes, Ommi Habida et Ommi Selma, qui lui parlaient des peintures des temples éthiopiens :  » Ces peintures accuseront leurs auteurs au jour du Jugement. « .

 Ce texte d’Hegel, illustre notre propos concernant l’IA, l’intelligence artificielle ne sera qu’une pâle copie, une imitation artificielle et ne saura rivaliser avec l’esprit de l’homme et son âme vivante. Il manquera à l’intelligence artificielle justement l’âme vivante.

 Dans ce livre nous avons également sollicité la lecture de plusieurs philosophes, et notamment d’un ami Philosophe, Chrétien lui-même engagé dans ce combat contre les idéologies ambiantes, contre les formes de régression engagées, de déconstruction de l’homme tel qu’il est.

Nous avons posé cette question à cet Ami que nous appellerons Philippe Nicodème et nous l’avons sollicité sur cette dimension transhumaniste touchant l’intelligence artificielle, ce qu’il pensait de cette distinction entre « Intelligence artificielle Faible et intelligence Forte »

Nous reprenons ici les propos de Philippe qui nous partage sa lecture sur la distinction entre intelligence artificielle et forte « Une réserve de fond sur la distinction « intelligence artificielle faible » et « intelligence artificielle forte ». La première est un état de fait et elle existe depuis longtemps ; elle est infiniment plus puissance que la puissance de calcul d’un cerveau biologique humain ; la seconde (intelligence artificielle forte) est un postulat. Rien ne dit ni ne montre qu’une machine puisse accéder à la conscience.

Matière, Intelligence Amour

Philippe affine son propos et ajoute  : « Avec de la matière, on ne fait pas de l’intelligence, pas une once ; avec toute l’intelligence du monde, on ne peut pas faire un peu d’amour, pas une once non plus ». Tout comme Blaise Pascal, Henri Bergson dans un essai, l’énergie spirituelle, le philosophe montre la dissymétrie matière pensée en soulignant que, s’il y a un lien entre cérébral et mental, depuis la cartographie du premier, on ne peut redessiner les pensées mentales.

Autrement dit, l’hétérogénéité radicale matière-esprit ne permet pas d’espérer l’émergence de la pensée consciente, contrairement à ce que prétendent les sorciers transhumanistes. Certes les algorithmes dans les prochaines générations seront capables d’automatismes hallucinants et conforteront les rêves transhumanistes qui se persuadent que l’on aura un jour de l’intelligence artificielle forte. Je ne dis pas qu’on n’y arrivera jamais ; ce que je veux dire, c’est que, comme pour le vivant, il faut déjà de la vie pour répéter du vivant ; de même pour la pensée, il faudra déjà de la pensée consciente pour espérer l’augmenter. Mais de la matière seule, on ne pourra pas générer un souffle de pensée consciente : ça, c’est dans l’imagination des scientifiques qui devrait faire un peu plus de métaphysique plutôt que de rêver comme des gamins à une immortalité qui n’aurait aucun sens…. »

Malgré les réserves formulées par le Philosophe, il n’est pourtant pas contestable que nous sommes « en route pour la démesure » avec cette volonté de redresser, de corriger notre sortie du Jardin de l’Eden, comme s’il fallait retrouver le chemin de l’éternité mais dans cette course folle vers un progrès sans conscience, n’est-ce pas la figure de la Bête qui se dessine subrepticement …. ! L’homme prométhéen devenu son propre Dieu. « Saurons-nous entendre ces signaux qui nous alertent sur les formes extravagantes du « progrès » ? » Propos du sociologue Yves Darcourt Lézat.

J’aime également ce propos partagé par Jean Michel BESSOU artiste et pianiste, un ami « l’Informatique ne peut améliorer ni créer la Vie, parce que le Numérique relève du rationnel et du Discontinu, tandis que la Vie dépasse le rationnel et relève du Continu. La technique tend vers le Zéro parce qu’elle est vide comme l’espace entre les particules, entre les étoiles ou entre les décimales de Pi. La Vie au contraire tend vers l’Infini car l’Infini c’est l’Un : étant continue, elle est pleine et substantielle. La tentative de l’ingénieur qui veut s’égaler à Dieu, de la Technique qui veut égaler la Vie, est aussi vaine que celle d’un miroir qui voudrait rayonner plus fort que le soleil qu’il reflète : cette illusion ressemble à celle du Mouvement Perpétuel, et le Rendement Égal À Un est un objectif inatteignable car c’est la projection symbolique de la prétention de l’Homme à égaler le Créateur. » Les logiciels vont s’approcher asymptotiquement de l’intelligence ou de la création musicale, la Chimie va se rapprocher indéfiniment de la création de la Vie qu’on nous annonce tous les cinq ans, ces buts ne seront jamais atteints ! On savait déjà qu’on ne soumet la Nature qu’en lui obéissant »

[1] HEGEL: Esthétique Collection PUF page 13.

De l’Eden à la refonte de l’homme ! Gender et transhumanisme, une vision totalitaire de l’homme

artificial-intelligence-3382507_1920 (1).jpgDe l’Eden à la refonte de l’homme ! Gender et transhumanisme, une vision totalitaire de l’homme

10 février 2014

La conquête contemporaine de l’Eden « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ». Le récit du livre de la genèse relate un événement qui semblerait bien à ce jour transcender la dimension de la légende ou du mythe dans laquelle, la bien-pensance matérialiste et conformiste aimerait enfermer ce passage qui fait sans doute partie d’une des dramaturgies mémorables et liée à la culture de l’humanité.

« Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que le SEIGNEUR Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »
Livre de la Genèse chapitre 3.

Nous sommes frappés à l’aune des changements, des bouleversements traversés par l’humanité, d’un changement radical de paradigme, d’une conquête effrénée, accentuée de l’éden perdue. L’homme vit une forme de soif inexorable de ce paradis perdu, cherchant à atténuer sa souffrance, à gommer une forme de fêlure associée à cette rupture avec son créateur. Comment ne pas être frappé à la lecture des transformations sociétales, comment ne pas être étonné à l’aune des mutations technologiques, de cet appétit de l’homme à devenir Dieu.

Fabrice Hadjadj mentionne dans son livre la foi des démons ou l’athéisme dépassé que « Changer de nature fût-ce pour une nature supérieure, équivaut à une destruction de soi » ajoutant que le péché n’est pas de convoiter une absurde égalité avec Dieu, mais de vouloir une certaine similitude avec lui de manière désordonnée ».

La chute de l’homme s’exprime ainsi et également à travers ce comportement déraisonnable de transgresser tous les interdits en consommant jusqu’à la lie ce fruit de la connaissance du Bien et du Mal, de rechercher avec vanité la mémoire de cette éternité, de ce paradis dont l’accès lui a été fermé.

Toutes les idéologies se sont fondées sur ce besoin obsessionnel d’égalité, d’accès absurde à un bonheur sans douleur, en repoussant autant que possible les injustices insupportables ou celles qui même dans l’aberrante méprise pourraient être jugées comme telles, touchant la vie sociale, le corps, le milieu de l’homme.

L’homme a été créé fini, sexué, vulnérable. La chute précipite l’homme hors de l’éden, hors de cette identité qui l’avait conduit dans cette union avec Dieu. Le voici séparé depuis la chute, le voici éloigné en distance à la conquête d’un désir de similitude avec son créateur mais tout en feignant de l’ignorer, de le mettre en distance.

Lire la suite ici sur Info Chrétienne.

via Actualités

La « bible » du transhumanisme face au Livre (la Genèse)

 

L’anthropologie transhumaniste est une manière de renverser un monde ancien 

Dans ses principes ontologiques, l’anthropologie transhumaniste est une inversion théologique de l’anthropologie Chrétienne…

Ainsi le livre de Job au chapitre 33.4 rappelle que L’esprit de Dieu a créé l’homme, et le souffle du Tout-Puissant anime tout son être, ce que rappelle le livre de la Genèse au chapitre  2 verset 7
« L’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant ».

Or le transhumanisme contredit cette dimension ontologique de l’âme humaine dont l’essence est insufflée par Dieu. Pour les transhumanistes a contrario l’âme n’est plus une entité ontologique intégrée dans l’homme. Ainsi la seule réalité ontologique de l’homme naturel se réduit à sa composante dite «animale » comme le rappelle dans le chapitre suivant Gérald Pech (cf Transhumanisme et doctrine de la création).

Le transhumanisme ne renoue-t-il pas avec les hérésies gnostiques des premiers siècles de la chrétienté ?

Les gnostiques en appelaient au savoir (la Gnose) pour parachever la Création que Dieu n’avait pu mener à son terme.

Dans cette hétérodoxie chrétienne, l’homme est en effet prisonnier du temps, de son corps, de son âme inférieure et du monde. A l’époque hellénistique (la Grèce Antique), les gnostiques considéraient le corps comme ipso facto mauvais, parce qu’il appartenait au monde de la matière

Le résultat de cette présupposition est qu’ils croient que tout ce qui se fait dans le corps n’a pas d’importance, puisque la vie réelle existe seulement dans le royaume de l’esprit autrement dit et pour sourire dans un monde virtuel, la réalité chez les transhumanistes devient virtuelle et permet de facto de s’affranchir du monde incarné.

Ce qui oppose fondamentalement, différencie les conceptions transhumanistes et les représentations que nous renvoient la Bible à propos de l’homme ?  

Si les écritures bibliques déclarent la finitude de l’homme en raison de son éloignement de Dieu, le transhumanisme nie la dimension du pêché, jusqu’à considérer le judéo-christianisme comme une aliénation du progrès et de facto ce courant idéologique entend transgresser les limites. Le transhumanisme aspire ainsi et inversement à modifier l’ADN, briser les barrières du génome. C’est également dans la finitude, dans la chair que Dieu nous rencontre, que Dieu se fait à l’échelle de l’homme partageant nos souffrances, nos angoisses, nos peurs, nos besoins, nos infirmités physiques.

Or l’homme fait en quelque sorte le chemin inverse aspirant à la divinité, à se désincarner et se libérer de son corps biologique ou le réparer via des prothèses bioniques, pourtant la notion de vivant selon l’anthropologie biblique est liée à cette dimension du corps naturel.

Nous relevons aujourd’hui toutes ces tentatives de dénaturation de l’homme, de déconstruction de l’homme, cette volonté de le suppléer ou d’aboutir à un homme bionique démembrant l’homme naturel pour palier à ces infirmités physiques, ce qui est en soi louable mais questionne sur le mariage du corps vivant et de la matière inanimée, animée de façon factice. Jusqu’où ira-t-on, dans cette conception robotique mariant l’homme et la machine qui de facto pourrait être envisageable et pas impossible dans un très proche avenir.

Nous pensons en revanche qu’une machine aussi sophistiquée serait-elle, ne sera jamais vivante, car la vie ou le vivant sont profondément et intrinsèquement associés à la dimension moléculaire (nous savons que les sciences naturelles ne donnent pas ici de définition du vivant, elles s’inscrivent dans une négation de la spécificité du vivant, qui se veut matérialiste, de plus elle confond le matérialisme épistémologique et les sciences de la matière).

Ainsi les objets inanimés et les machines y compris celles dotées d’une intelligence artificielle dite forte ne seront nullement habités par le souffle de vie, ne pourront avoir la prétention d’incarner le vivant.

Le retour à une dimension et une vision matérialiste de l’humain conduira l’humanité à sa plus grande folie, à un « système » est hégémonique qui transforme les manques en besoins, se nourrit des besoins qu’il fabrique et se légitime par une idéologie techniciste sans âme.

La tentation du transhumanisme concernant la redéfinition de l’homme, n’était-elle pas finalement prévisible dans l’histoire de l’humanité ? 

La Bible nous enseigne à la lecture de cette célèbre citation de l’ecclésiaste que rien n’est nouveau sous le soleil. La bible nous décrit qu’à l’origine de l’humanité, les hommes formaient déjà entre eux le projet de s’attaquer au ciel en construisant une tour qui devait être le symbole de leur toute puissance.

La Tour de Babel dans sa dimension symbolique va faire alors figure d’une forme de tour de guerre

Pour réaliser leur projet, les hommes opposèrent à la puissance de Dieu, une puissance qui se veut équivalente, la « force collective », l’entre-nous : « Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons, faisons des briques et cuisons-les au feu. […] Ainsi nous nous ferons un nom (une marque : Apocalypse 13) , de peur d’être dispersés sur toute la face de la terre… ».

Ces quelques mots extraits des livres de Genèse et Apocalypse soulignent de manière prégnante cette dimension collective. L’homme expose sa crainte, celle de ses limites, de sa finitude, il prend conscience de la nécessité de former un projet ou les hommes doivent être reliés entre eux, ce rêve d’agglomérer l’humanité n’est pas abandonnée. (web :  la toile d’araignée mondiale, un maillage mondial des données, reliant également les hommes entre eux ).

Cette dimension collective est également l’aliénation de l’altérité, la singularité de chaque homme disparaît dans le nous…

Notez que virtuellement aujourd’hui c’est le cas, comme en témoigne les plus grandes mégapoles mondiales ou ce nouveau continent numérique (le maillage du web) assurant la connexion et l’interaction universelle des hommes.

Les mondes numériques et virtuels deviendront-ils demain des univers occultes ?

Nous souhaitons aborder une nouvelle fois avec nos lecteurs un thème qui ne peut pas nous laisser indifférent.  Ce sujet touche aux développements des sciences cognitives, des technologies numériques et digitales. L’ensemble des économistes, chercheurs, sociologues, pronostique un développement fabuleux de l’économie numérique et du monde virtuel dans lequel nous sommes en effet entrés en moins de deux décennies. Les évolutions technologiques liées au monde numérique si elles nous fascinent ne sont pas sans dangers notamment celles liées à leurs pouvoirs, leurs nouvelles capacités à tracer nos faits et gestes. Nous souhaitions donc aborder deux menaces occultes que font peser ces technologies sur l’homme, l’une touchant à son esprit, l’autre affectant ses ressources. Ce sont ces propensions de captation de la machine sur l’être humain que nous souhaitions dès lors débusquer en quelque sorte, mettre en lumière pour éveiller notre prudence.

ev-623589-unsplash

Nous souhaitons aborder une nouvelle fois avec nos lecteurs un thème qui ne peut pas nous laisser indifférent.  Ce sujet touche aux développements des sciences cognitives, des technologies numériques et digitales. L’ensemble des économistes, chercheurs, sociologues, pronostique un développement fabuleux de l’économie numérique et du monde virtuel dans lequel nous sommes en effet entrés en moins de deux décennies. Les évolutions technologiques liées au monde numérique si elles nous fascinent ne sont pas sans dangers notamment celles liées à leurs pouvoirs, leurs nouvelles capacités à tracer nos faits et gestes. Nous souhaitions donc aborder deux menaces occultes que font peser ces technologies sur l’homme, l’une touchant à son esprit, l’autre affectant ses ressources. Ce sont ces propensions de captation de la machine sur l’être humain que nous souhaitions dès lors débusquer en quelque sorte, mettre en lumière pour éveiller notre prudence.

L’envoûtement du monde numérique s’impose-t-il aujourd’hui comme une réalité ?

Le monde numérique comme le monde virtuel pourraient-ils demain, s’apparenter à un monde occulte dont nous aurions accepté les univers de divertissement, de contrôle et la prédiction concernant les orientations données à notre vie… ? Les data, les banques de données des principaux sites web utilisent, exploitent et mobilisent ainsi une quantité d’informations qui permettent d’affiner les corrélations entre nos activités et l’environnement dans lequel nous évoluons et ce à des échelles bien plus massives et plus détaillées que nous pourrions l’imaginer. Le monde virtuel qui se confond avec le réel, nous promet également de nous déconnecter de notre quotidien. Ce monde virtuel n’ouvre-t-il pas également des portes à un monde magique mais sans doute demain cauchemardesque ?

Ainsi avec les nouveaux objets du monde numérique, nous pouvons planifier et organiser notre vie en relation ou en fonction des données concernant le temps qu’il fera à partir de notre smartphone et identifier les amis que nous pourrions rencontrer, amis qui ont pris soin de laisser des informations permettant de les géolocaliser. Au cours de notre trajet nous nous laissons tenter de nous rendre dans un restaurant, où nous pouvons régler avec notre compte bancaire de notre smartphone. Lequel restaurant sachant que nous sommes dans les parages nous adresse une info promotionnelle sur notre smartphone pour nous inviter à prendre un menu à un tarif très spécial et ne pas nous laisser dérouter par le concurrent voisin dont le menu est si séduisant.

Pour nous y rendre, notre GPS nous conseille une autre voie en raison de travaux réalisés à proximité de ce restaurant. Puis après avoir dîné et commandé sur un grand écran numérique notre repas, nous décidons de finir notre soirée dans les mondes virtuels en nous plongeant dans celui des écrans, de la réalité augmentée pour nous divertir et nous plonger dans les univers imaginaires. Ces univers qui mobilisent tous nos sens, où nous nous sentons comme dans la réalité mais transportés dans un autre monde où nos sens, tous nos sens vibrent et semblent interagir. Ces univers virtuels nous font vivre des émotions supra naturelles, des relations connectées, des vies ‘par contumace’. Notre imagination se prend à croire que nous touchons là, un autre monde, que nous sommes en quelque sorte passés de l’autre côté comme dans l’armoire magique de Narnia. Un monde ‘magique’ mais qui peut être aussi terrifiant lorsque nous sommes ramenés à notre réalité.

Nous voilà ainsi séduits par le monde virtuel. Nous voilà ainsi organisés et gérés par le monde numérique. C’est bien ce monde « fascinant » qui se dessine et dont nous acceptons peu à peu de lui livrer sans y réfléchir, ni même apprécier toutes les conséquences induites. C’est également à ce monde envoûtant que nous livrons notre conscience voulant vivre de nouvelles sensations sans discerner les effets funestes. Ces « data » prennent au fur et à mesure possession de nous-même, ces mondes virtuels vus comme la quintessence du progrès envahissent notre monde intime un peu comme le monde occulte…

Nos gestes, nos usages, nos pratiques et nos actions dans ce monde virtuel comme dans le monde numérique sont susceptibles de participer à la construction de connaissances sans notre consentement et de dépendances sans que notre conscience l’ait réellement souhaitée. Peu à peu les data nous enferment dans des « segments et des ensembles comportementaux » liés aux traces que nous laissons suite à nos passages sur Internet. Peu à peu les mondes virtuels finiront par hypnotiser nos esprits car il est à parier que les télévisions de demain seront des objets qui nous projetteront dans les mondes irréels affichant des spectacles quasi surnaturels. Soyons assurés avec regret que nous passerons demain bien plus de temps dans ces mondes-là que d’aller prendre du temps pour boire une bonne bière ou partager une tasse de café avec un ami malade.

Des mondes virtuels et des « data » qui au fur et à mesure, développent leur emprise, envahissent notre monde intime un peu comme le monde occulte…

Le monde moderne ne nous entraînerait-il  pas vers ce monde occulte, celui des objets magiques et fantastiques. Tels que ces objets de la modernité se dessinent aujourd’hui, ces derniers nous renvoient de façon très étonnante, j’en conviens, au Nouveau Testament  duquel peuvent être tirés des enseignements riches.

Ainsi dans le récit des Actes, Luc l’évangéliste s’attarde sur le voyage missionnaire de Paul et son ministère auprès des éphésiens. La ville d’Ephèse  au premier siècle préfigure en miniature la civilisation Babylonienne décrite par l’apôtre Jean comme une civilisation devenue une habitation de démons, le « repaire » de tout esprit impur » . Pour revenir à Éphèse la ville au cours de ce premier siècle se caractérise par des pratiques occultes, les sciences touchant aux secrets de la nature. Les Actes nous disent qu’un grand nombre parmi les habitants d’Éphèse, pratiquait la magie, Actes XIX.17, une ville où plusieurs habitants étaient eux-mêmes et apparemment liés par des pratiques démoniaques, « entrainés et dévoyés » comme l’écrira[1] l’apôtre Paul aux corinthiens, « vers les idoles muettes ».

Le monde numérique contemporain et ses objets virtuels, semble dans l’apparence loin de cet univers occulte décrit dans les Actes des apôtres, tout du moins en apparence. Pourtant le monde numérique poussé à ses extrêmes entraîne bien une forme de dépendance et de contrôle sur les sujets qui en sont consommateurs, certains jeux virtuels qui provoquent une sensation de plaisir, de relaxation, de bien-être, voire d’euphorie sont également reconnus comme pouvant susciter de l’hostilité, des troubles de l’humeur, des phobies sociales, des désorientations, des perturbations et des troubles psychiques[2] importants similaires à des personnes dites possédées.

Or, nous prenons conscience que cet univers numérique est de nature à créer une forme finalement de fascination et de vampirisation sur la vie des humains en les rendant addictifs , dépendants. La vie des objets numériques, des écrans augmentant la réalité, s’apparente finalement à des « idoles muettes », ces objets occultes qui avaient cours dans cette période de l’antiquité où les livres de magie abondaient. Livres de magie qui fascinaient et ouvraient à des espaces offrant des promesses de vie meilleure. Or nous voyons bien que la technologie numérique dans certains cas, s’avère opérer comme un livre de magie. Un livre de magie qui a subi une forme de mutation se transformant en objet moderne de contenance sympathique et d’apparence inoffensive. Ce livre de magie est aujourd’hui cet écran virtuel augmentant la réalité, conduisant ses sujets dans l’expérience de déréalisation « spatio-temporel » .

Rappelons à nos lecteurs que la magie se définit comme une pratique fondée sur « la croyance en l’existence d’êtres ou de pouvoirs surnaturels et de lois naturelles occultes permettant ainsi d’agir sur le monde matériel ». En définissant ainsi la magie, nous prenons alors conscience que ce monde numérique et virtuel plein de séduction et d’enchantement nous promet de vivre dans un autre monde qui s’apparente bien à une forme d’envoûtement. Celui-ci suscite chez bon nombre de ses sujets, de réelles crises psychiques. Ces troubles de la personnalité liés à la pratique de jeux virtuels sont rapportés par de nombreux experts qui se sont intéressés à ces formes de divertissements désincarnés et aux conséquences touchant à l’addiction de ces mêmes pratiques.

Le monde matérialiste dans lequel nous sommes immergés n’échappe pas ainsi à l’attrait d’une forme de tentation de divination. Ce monde pourrait bien se laisser séduire par les univers occultes que produisent en quelque sorte la fascination et l’usage d’objets numériques et virtuels dont nous acceptons qu’ils puissent divertir, contrôler finalement notre existence et même la prédire. Aujourd’hui et pour conforter notre propos relatif à cette tentation de divination, certains n’hésitent pas , pour trouver leur alter ego  à s’en remettre à la machine, à une forme de IA (intelligence artificielle) pour se rapprocher de l’âme sœur. Cette pratique moderne de confier son destin à une machine s’apparente aux livres divinatoires que consultaient les habitants d’Éphèse (le livre des Actes chapitre XIX) et qui souhaitaient ainsi lire l’avenir ou avoir un meilleur sort. L’âme sœur qui pourrait être également rencontrée dans un artefact, un monde virtuel et paradisiaque promettant de vivre des sensations amplifiées si nos rencontres , dans le réel, n’ont pu finalement se réaliser.

Nous voyons ainsi la fascination opérée par cette nouvelle magie, l’emprise également que peut exercer l’IA, devenant une forme de troisième conscience, une sorte de surmoi. Ce surmoi doté d’un savoir inégalé ou tout au moins une capacité de calcul qui dépasse l’entendement humain. Cette IA qui est en mesure en un instant T, d’apporter à l’homme les bonnes décisions, les bonnes orientations. Ce surmoi qui, réduisant la part de risque en engrangeant de façon systématique toutes les données possibles, prédirait les conséquences possibles de ses choix.

C’est là où nous rapprochons l’IA d’une forme mécanisée et prédictive de la divination, c’est finalement un dispositif qui est de nature à réduire la liberté, la part impalpable et mystérieuse de l’existence humaine face à son avenir.

Il faut également voir l’addiction au monde virtuel comme un autre changement de niveau de conscience, livrant la conscience à un monde susceptible en l’enivrant, de l’enfermer, de la posséder. Cette magie-là pourrait bien ressembler à ce monde que décrit l’apôtre Jean dans le livre de l’apocalypse, un monde qu’il assimile à un repaire de démons.

Il faut bien divertir l’humanité et s’enrichir

Dans cette partie de notre texte, après avoir analysé les dangers auxquels conduit l’enchantement de l’innovation d’un monde numérique sans curseur, nous voulons susciter une prise de conscience : cette fascination n’a finalement pas d’autres objets que d’enrichir les auteurs de ces algorithmes.

En quelque sorte le monde numérique en effet est en train effet en train  de mettre au pas notre monde. C’est bien la dimension totalisante, tout en donnant l’apparence de l’innocence des objets qui nous environnent, véritables capteurs d’informations, senseurs de données et de pratiques touchant notre quotidien. Les ressources des marchands du monde numérique tirent en effet leurs bénéfices de nos comportements qu’ils ont rendus dépendants, de notre étrange fascination pour le divertissement du monde virtuel.

Aujourd’hui, les sociétés à la plus grosse capitalisation boursière  au monde sont des entreprises qui vivent principalement de nos usages numériques (Apple, Alphabet (Google), Microsoft, Facebook, Amzon.com), les entreprises citées sont classées parmi les premières au monde. Gageons que plusieurs entreprises de l’économie numérique les rejoindront.

Nous assistons de fait et dans notre monde contemporain à une marchandisation totale de la vie, à une intensification consumériste touchant à la chosification même de la vie. La numérisation du monde rend ainsi possible la cartographie de chaque existence, nous assistons massivement et passivement à l’émergence d’un monstre ‘doux’ qui nous place sous le sceau de ses prothèses technologiques et financières. Nous rentrons dans une forme d’asservissement pernicieux et malveillant de la société babylonienne… Notre culte est celui de la société marchande qui nous donne l’illusion de la fertilité et de l’abondance, nous dispensant de tout autre culte rendu au Dieu créateur des cieux et de la terre.

Cette visibilité continue de notre vie est une forme de diktat doux mais s’avère être en réalité un véritable asservissement, une subordination à un monde invisible, finalement ce qui est qualifié dans les Ecritures comme une forme d’empire occulte, de tentation divine, touchant à un monde invisible et virtuel, se rapportant à la connaissance de ce qui est caché.

Prenons ici pour exemple le ‘bitcoin’ crypto monnaie créée par un pseudo connu sous le nom de Satoshi Nakamoto, parmi les 600 et quelques monnaies virtuelles. De nombreux articles ont été publiés à son sujet et pourtant, elle reste toujours une énigme, sans que le commun des mortels dont je fais partie, ne sache très bien qui en sont les réels initiateurs et qui en tient les manettes aujourd’hui… Monero, une de ses ‘concurrentes’ caracole pourtant en tête des crypto monnaies, une des dernières nées réputée ‘sécurisée, privée, non traçable’… Tout est dit sur le bitcoin, il servirait à des exercices financiers occultes sur le ‘darknet’, trafics et règlements de compte en tout genre, car inviolable là encore… A qui profite cette monnaie sinon à un monde occulte déjà bien réel ?

Tout comme cela a déjà été le cas pour le bitcoin, des pirates informatiques peuvent traquer les failles de tout système et ainsi « voler » des données, voler vos biens ‘virtuellement protégés’ et s’approprier votre identité, votre ‘mémoire’ dans le nuage, votre signature électronique pour toutes sortes de raisons, peu reluisantes, on s’en doute. Quelle sécurité nous offre ce monde dans lequel nous nous  engouffrons tant il est en apparence, vecteur d’avenir ? Un miroir aux alouettes qui égare l’homme de ce 21e siècle dans le seul univers jamais exploré par un homo sapiens.

Nous reprenons ici les propos du philosophe Éric SADIN qui affirme que « que nous sommes en train de réaliser une dystopie, mais nous y allons enthousiastes, émerveillés, dans un état de somnambulisme béat. Il y a parfois des prises de conscience, comme celle qui a été déclenchée par Edward Snowden. Ce qu’il a révélé au sujet des agences de renseignement est éminemment répréhensible, mais aujourd’hui on est bien au-delà de la surveillance qu’il a mis au jour. Par nos comportements, par l’usage croissant d’objets connectés, nous participons à instaurer une visibilité continue de notre vie ».

La visibilité continue de notre vie sur Internet, via l’économie numérique, la dépendance à des promesses virtuelles nous met sous l’emprise d’un monstre doux et à terme cauchemardesque 

Selon le philosophe Éric Sadin et rejoint par de nombreux chrétiens, beaucoup de nos concitoyens, de nos hommes politiques restent particulièrement aveugles quant à l’étendue des graves conséquences civilisationnelles induites par l’industrie du numérique.

Nous devrions ainsi particulièrement nous méfier de l’infiltration quasi sauvage des objets numériques qui envahissent notre quotidien et notre habitat. Une infiltration sauvage qui , de façon insidieuse , promet monts et merveilles , voulant enchanter notre monde. Cet enchantement  forme d’artefact qui entend réparer notre monde réel, mais qui reste un monde profondément virtuel. L’univers numérique est ainsi une société finalement cachée, occultant l’emprise qu’elle veut exercer sur chacun, en contrôlant, auscultant, surveillant et répondant aux moindres de nos besoins artificiels.

Comment également avec l’émergence du monde virtuel, s’étonner alors des frustrations grandissantes de cette génération baignée dans le divertissement des écrans. Une génération qui à regret confond la vraie vie et la vie virtuelle, les symboles et le réel, une génération qui se déconnecte de tout rapport à la transcendance, qui magnifie une forme d’écologie sans avoir de contact avec la nature. Nous comprenons alors les termes employés par l’apôtre Jean quand ce dernier parle de la Babylone comme un repère de marchands et un repaire où se niche les esprits impurs. Ce monde-là pourrait bien être associé à un lieu de démonologie, puisque l’homme absorbé, fasciné, hypnotisé par la magie numérique a fini par lui livrer son âme et sa conscience. Un homme potentiellement connecté au monde occulte, s’il ne sait pas utiliser le monde numérique à des fins bonnes en maîtrisant  son usage, pourrait laisser ainsi, la porte ouverte à des démons.

Un monde numérique raisonné et bienveillant existe pourtant 

Pour autant en tant que chrétiens , nous ne pouvons pas mépriser et jeter aux orties la puissance numérique qui s’affranchit des frontières qui se dressent contre l’Evangile , dans les mondes des pays totalitaires où notamment, les chrétiens sont persécutés, nous portons jusqu’à eux un message magnifique à travers un outil qui finalement n’obéit pas aux frontières administratives…

Nous ne souhaitons pas non plus conclure sur une note négative concernant Internet, sur ce « sixième continent ». Notre propos vise plutôt à lancer un message d’alerte sur le souhait d’identifier un curseur sur nos usages, de lancer un travail sur l’éthique à engager autour de l’innovation numérique, d’identifier les enjeux et d’analyser les problématiques que pourraient amener le mauvais emploi des algorithmes. Il serait ainsi temps d’exiger des sociétés web de créer des ponts et des passerelles avec le monde des boutiques, des enseignes de proximité afin qu’elles ne disparaissent pas, de favoriser autant que possible les rencontres incarnées, l’entraide ou l’information citoyenne qui mobilise lorsque l’urgence a pris rendez-vous.

Nous voulons enfin autant qu’il est possible valoriser la dimension de contacts qui peuvent se traduire en véritables relations, rapprochant ceux qui nous sont éloignés. Nous voyons aussi dans cet univers la possibilité de toucher ceux qui sont isolés, ceux qui n’ont pas la possibilité de sortir des murs, pour de nombreux malades et personnes handicapées, personnes très isolées, l’outil Internet peut s’avérer comme un lieu d’évasion et de réassurance et provoquer les relations et enfin les visites espérées. Nous voulons également pour terminer notre propos, souligner la facilité d’accéder à la connaissance, au savoir, et à travers l’usage raisonné de l’outil numérique, approfondir la connaissance des sujets qui mobilisent notre intérêt.

 

A