Le son du silence

Dans ces temps où la nature reprend ces droits, où gazouillent les oiseaux au dehors ; dans nos cités et villages et qu’étrangement nous écoutons, il nous faut aujourd’hui reprendre et reposséder le temps d’exprimer de ce qui semble échapper aux sons divertissants ou lancinants qui émanent de nos écrans, de nos postes de télévisions, il nous faut questionner le silence intérieur pour comprendre ce qu’il est, écouter le vide en forme de Dieu, à l’intérieur de chacun. Il nous faut imposer le silence pour retrouver aussi le sens de l’autre, le rapport aux autres comme le bruissement, doux et léger de la parole divine. Le silence n’est pas nécessairement une négation de la parole, je pense que le silence est comme une suspension, un temps d’arrêt, une pause pour retrouver un chemin de réflexion, nous évitant l’égarement ou bien de nous perdre. Je vous invite au travers de ce texte à une forme finalement de méditation, une suspension, une trêve parmi tous les bavardages qui nous sont déclinés à longueur de nos journées par nos médias abasourdis par la tempête et le chaos qui viennent de frapper notre monde.

Auteur : Eric LEMAITRE nik-shuliahin-JhDuakb_-uQ-unsplash

Dans ces temps où la nature reprend ces droits, où gazouillent les oiseaux au dehors ; dans nos cités et villages et qu’étrangement nous écoutons, il nous faut aujourd’hui reprendre et reposséder le temps d’exprimer de ce qui semble échapper aux sons divertissants ou lancinants qui émanent de nos écrans, de nos postes de télévisions, il nous faut questionner le silence intérieur pour comprendre ce qu’il est, écouter le vide en forme de Dieu, à l’intérieur de chacun. Il nous faut imposer le silence pour retrouver aussi le sens de l’autre, le rapport aux autres comme le bruissement, doux et léger de la parole divine. Le silence n’est pas nécessairement une négation de la parole, je pense que le silence est comme une suspension, un temps d’arrêt, une pause pour retrouver un chemin de réflexion, nous évitant l’égarement ou bien de nous perdre. Je vous invite au travers de ce texte à une forme finalement de méditation, une suspension, une trêve parmi tous les bavardages qui nous sont déclinés à longueur de nos journées par nos médias abasourdis par la tempête et le chaos qui viennent de frapper notre monde.

Le titre de cette nouvelle [1] peut vous paraître bien étrange, « Sound of silence », un titre énigmatique pour cette nouvelle chronique. Ceux de ma génération, se souviennent probablement de ce chant aux sonorités à la fois sombres, mornes et tristes entonnées par le duo du folk rock américain Simon et Garfunkel. Combien de fois j’ai écouté ce chant, ce somptueux chef d’œuvre musical, sans vraiment comprendre les paroles, le sens de ce qui était partagé. La mélodie en revanche percutait et agitait mon âme, touchait émotionnellement le for intérieur de mon cœur et je sais que pour beaucoup, les mêmes émotions ont été partagées. Sans doute éprouviez-vous, comme un sentiment étrange d’entendre comme un appel qui émanait de ce chant, l’appel de revenir comme à l’essence de l’âme humaine, à l’essentiel, le sens des autres.

Je ne sais combien de fois j’ai émorfilé mon âme en souhaitant me débarrasser de toutes ces noirceurs, à l’époque où je passais une période difficile, éprouvante, une séparation douloureuse !  Ce chant que je passais en boucle, m’émouvait, provoquait une peine intense. Ce chant que je repassais sans cesse lors de mes différents déplacements professionnels, perçait et pénétrait mon cœur comme si ce dernier comprenait indiciblement, ineffablement le sens de ce qui était partagé dans ces paroles qui jusqu’alors étaient inaccessibles à mon entendement. Nous traversons parfois des périodes de notre existence ou soudainement ce que nous ne comprenions pas hier ou que nous préférions enfouir, prend un nouveau sens aujourd’hui, comme une révélation, un nouvel éclairage non celui d’une lumière tamisée du « néon », ou le « halo d’un   lampadaire », mais l’éclairage d’une vision que nous décrit Paul Simon dans son chant, « le son du silence ».

Je veux ici vous reproduire quelques extraits de ce texte, les paroles de ce chant pour en mesurer à la fois toute la profondeur, toute la densité de cette narration mélodieuse écrite en 1964. Le thème décliné dans cette célèbre composition est celui de l’absence de partages entre les hommes, ce thème prend une densité et une nouvelle dimension à l’heure du confinement et de toutes les contingences matérielles qui nous détournent de cette relation aux autres. Nos oreilles et nos yeux sont aujourd’hui submergés, absorbés, avalés, à la fois par les bruits artificiels et les flots d’image de ce monde, le confinement imposé nous réapprend le silence si nous acceptons de couper le son artificiel de nos smartphones et les torrents de pixels de nos écrans cathodiques. Il nous faut donc saisir la subtilité de cette mélodie, de cette complainte, peut-être que le terme de complainte me semble tellement plus approprié pour ce chant dans les contextes d’un monde claquemuré, acculé parfois à une forme de peur et d’habituation au repli chez soi.  Le chant « Sound of silence » débute par une salutation aux ténèbres, étrange en effet l’emploi du mot ténèbres, comme si le temps s’assombrissait et conduisait notre monde dans des frayeurs qu’il voulait ou pensait éviter.

Puis l’auteur du chant évoque une vision qui a semé une graine durant le sommeil, dans son rêve agité, un personnage [Le narrateur] arpente les rues étroites de sa ville, lorsque ses yeux furent comme assaillis comme « poignardés » par le flash d’un néon, un flash qui a fendu la nuit et a imposé une forme de mutisme conduisant le personnage à être plongé comme touché par un mur de silence. Le personnage ou l’auteur de « Sound of silence » évoque une lumière pure, où il vit des milliers de personnes, « qui discutaient sans parler », des « personnes qui entendaient sans écouter ». Nous sommes comme frappés par la lecture de ces paroles[2], qui préfigurent comme une ombre des choses à venir, les temps modernes caractérisés par l’univers des réseaux sociaux, monde des silences, de l’hyper individualisme, où chacun interpelle sans voix, sans émotions vécues, incarnées, où chacun est dominé par son égotisme. Nous sommes tous comme environnés d’univers de bruits, d’ambiances, d’informations mais ici point de recueillements, de méditations, de plénitudes

Le personnage interpella ses congénères, en tentant de les sortir de leurs torpeurs, et prononça tel un prophète biblique ces paroles prémonitoires « Idiots, dis-je ignorez-vous, que le Silence évolue comme un cancer » puis dans une forme de cri, une métaphore de désespoir, il tenta de les bousculer à nouveau « Prenez mes bras que je puisse vous apprendre, prenez mes bras que je puisse vous atteindre, mais mes paroles tombèrent comme des gouttes de pluie silencieuses, dans les puits du silence ». Le chant poursuit sa description, nous enfonçant dans le monde artificiel du « Dieu Néon » qu’ils avaient créé », ce qui me fit songer aux vieux tubes cathodiques de nos écrans de télévision, ces artefacts de pacotilles, créés par la main des hommes. Je ne suis pas sûr que j’aurais écrit ces lignes, il y a quelques décennies de cela avec ce même éclairage qui ne vient pas de la lumière factice d’un néon mais encore une fois de la vision de ce chant qui vient toucher notre âme, à l’heure, où le pathogène comme une peste, se propage.

La chanson de Sound of Silence finit par une forme de désespérance, les cœurs sont irrésolus, ils ne semblent pas vouloir écouter la parole du narrateur, ils s’enferment finalement dans leur monde préférant adorer « le Dieu Néon », le Dieu artificiel, l’artefact idolâtré, l’objet apocryphe qu’ils avaient inventé de leurs propres mains.  Comme l’écrit Jonathan Halley lui-même compositeur, « Simon et Garfunkel ont la perspicacité de voir que la grand-messe de la société ne va pas livrer les bienfaits attendus. Les enseignes immenses, les publicités clinquantes et le brouhaha de la parole publique ne sont que les accoutrements d’une divinité de pacotille : un dieu de néon [3]»

Nous comprenons maintenant la profondeur, toute la résonnance émotionnelle de ce chant d’une très étrange modernité. Peu avant d’écouter ce chant et plusieurs jours avant, mon ami Christian me parlait de jeûne mais non d’un jeûne de nourritures mais bien d’un moment de rupture avec le monde des écrans qui habitent notre chez moi comme nous emmurant dans l’artifice d’un univers qui n’existe pas et par procuration nous produit des images plus angoissantes que jamais de notre monde. Je ressentais alors le besoin de partager mes amis de dédier une journée consacrée aux autres, hélas nos contacts étaient rendus impossibles, mais au lieu de rester passifs, comme immobilisés devant nos écrans, cela devait être un jour où nous le consacrions soit à notre famille, nos enfants, ou bien d’appeler nos amis isolés, en souffrance en raison de leurs solitudes. Un ami ; Pascal me partagea une vidéo, de jeunes gens tout à fait talentueux qui firent une reprise de la chanson « Sound of Silence ».

Cette chanson réveilla alors, en moi, toute cette réflexion, sans doute en raison de la mise en scène d’une jeune femme en proie aux démons de la société moderne, l’envahissement de ces messages mails, SMS, les épistolaires factices qui envahissent le monde des réseaux sociaux. Cette reprise du « Monde du silence », comme pour nous dire, que rien n’a changé, que ce message de Paul Simon n’a pas pris une seule ride. Il nous faut ainsi faire silence. Comme l’écrit Jean-Luc Solère dans la revue philosophique de Louvain[4] « Il n’y a rien à. faire pour établir le silence ; il faut au contraire s’abstenir de tout faire, suspendre toute activité. Le silence s’établira de lui-même, lors de l’ultime cessation de l’agitation. Loin d’être un effet, il est la manifestation en creux de l’absence de toute cause ».

Ce chant nous invite finalement comme l’illustre parfaitement ces jeunes juifs à une forme de shabbat, trop souvent les chrétiens ont une vision très légaliste du shabbat, s’imagine qu’il s’agit d’une somme d’interdits, « de ne pas faire et de ne pas toucher », mais il nous faut aujourd’hui entrevoir l’autre sens du mot shabbat, qui est finalement le temps de pause, de rupture, un temps de repos, loin des corvéabilités et contingences matérielles, de l’esclavagisme des temps modernes. Le shabbat avait été instauré dès la sortie d’Égypte, Dieu nourrissait les hébreux par la manne, invitant le peuple élu, à ne pas vaquer à leurs sempiternelles occupations.  Dans le livre d’Exode[5], le Shabbat illustrait le jour du repos, lorsque Dieu acheva sa création, l’ouvrage de ses mains.  « Le septième jour est un shabbat pour l’Éternel, ton Dieu ; tu n’y effectueras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail et ni l’étranger qui est dans tes murs. Car [en] six jours Dieu a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, et Il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi Dieu a béni le jour du shabbat et l’a sanctifié. ». Or le temps de Shabbat est non seulement consacré à Dieu, nous imposant finalement une forme de silence avec toutes les sollicitations de ce monde, une forme de cessation avec les contingences matérielles, une mise en pause avec tous les objets de ce siècle. C’est le temps d’un repos, une forme de décompression finalement. En décompressant, finalement je suis invité à la quiétude et non à l’inquiétude proposé par le monde, je suis invité à remplir mon âme de la présence de Dieu, en ne cherchant pas à être présent au monde. En demeurant chez soi auprès de moi-même, j’évacue une part de cet étranger envahissant qui phagocyte mon âme, ma paix. Cet étranger est évidemment une métaphore, et cet étranger ne vaut que pour l’artifice, l’objet soi-disant interactif. Le chant Sound of silence oppose finalement deux mondes le silence d’un néant qui s’exprime dans le tumulte bruyant émanant du « Dieu Néon », et ce silence spirituel qui m’invite à me retrouver dans la relation à l’autre et entendre la voix de l’Eternel. Dans le monde musical, il y a des temps de silence, ce temps de silence n’est pas un défaut d’être, un défaut d’existence, c’est une respiration, qui procure à l’âme un moment de contemplation, de repos, d’apaisement. Alors dans ce temps de confinement qui est aussi un temps de silence, prenons soin de soi et des autres, prenons soin d’écouter Dieu. Je conclurai ce texte par le livre de Job[6] : « Sois attentif, Job, écoute-moi ! Tais-toi, et je parlerai ! Si tu as quelque chose à dire, réponds-moi ! Parle, car je voudrais te donner raison. Si tu n’as rien à dire, écoute-moi ! Tais-toi, et je t’enseignerai la sagesse ».

[1] Chronique écrite le 25 Avril alors que nous entamons bientôt quelques semaines de confinement en France.

[2] Les paroles de Sound of silence ont été écrites en 1964

[3] Extrait d’un article paru sur le site de Christianisme aujourd’hui publié le 24 juillet 2017 http://www.christianismeaujourdhui.info/articles.php/the-sound-of-silence-paul-simon-16439.html

[4] Extrait du texte en PDF page 614 : https://www.persee.fr/docAsPDF/phlou_0035-3841_2005_num_103_4_7634.pdf

[5] Bible le livre d’Exode 19 : 17 – 20 ; 20 : 8-11

[6] Bible livre de Job : Job 33 : 31-33

Auteur : Eric Lemaître

Passionné par les questions économiques, sociales ... engagé dans la vie de sa cité et marqué par le désir d'incarner sa foi chrétienne... Egalement Essayiste et Blogueur https://deconstructionhomme.com/category/actualites/

2 réflexions sur « Le son du silence »

  1. Je me demandais où avais-je donc vu cette vidéo ? Tu me donnes là un indice plutôt amusant … Nous concluons sur le même thème, un thème mis en scène par ces chanteurs talentueux et qui nous invitent forcément à une rupture et à nous de retrouver le sens véritable du mot shabbat …

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