L’homme et l’humanoïde, « Homonculus[1] » le nouveau golem
Bien avant les techniques de procréation, la fécondation in vitro, l’ectogenèse terme inventé par le généticien britannique Haldane en 1923, Faust met en scène dans cette pièce de théâtre publiée dans sa version définitive en 1808, la conception artificielle d’un être apparemment humain sans l’intervention d’un couple homme et femme, l’embryon est né « dans une fiole » un flacon, dans une forme d’enveloppe en cristal où un mélange précis fit éclore le germe humain, l’homunculus[2] le premier être né hors du corps de la femme. Le premier a avoir évoqué cette forme de fécondation est le médecin suisse Paracelse dans un essai « De Natura Rerum » en 1572 mais livre dont l’origine est contesté quant à l’auteur. Le terme de fécondation artificielle, [l’ectogenèse] a été repris par Aldous Huxley dans son livre Le Meilleur des mondes publié en 1932 c’est-à-dire la procréation d’un être humain qui « permettrait » le développement de l’embryon et du fœtus dans un utérus artificiel, une forme d’écrin et d’utérus devant ainsi assurer les fonctions vitales nécessaires à la vie humaine. Goethe l’homme de théâtre, imagine alors dans sa pièce ce dialogue saisissant avec l’émissaire du diable Méphistophélès.
Au second acte, en effet, Faust se réveille et rejoint son élève Vagner, ce dernier est comblé d’honneurs académiques. Vagner prétend ne plus avoir besoin de l’enseignement du docteur Faust, ne plus rien recevoir du docteur Faust, mais ce n’est cependant qu’avec l’aide de Faust qu’il parviendra à ses fins, concevoir dans son laboratoire, un être totalement artificiel l’Homunculus, une sorte de golem, mais c’est fois-ci, le golem humanisé ou l’humain artificiel est né dans une fiole, une éprouvette de notre savant alchimiste, un écrin de cristal, doté d’une matière cérébrale et d’un esprit, qu’il avait en vain jusqu’alors tenté de concevoir.
Créer le golem est le vieux fantasme de l’humanité. Avec Vagner, le docteur Faust crée l’Homunculus mais ce n’est pas un être vivant qu’il fabrique mais un être artificiel. Homunculus n’a pas de corps, mais un esprit, le cousin du diable. L’esprit de Homunculus se montre alerte, vif, ouvert, lucide, Il comprend d’emblée les lubies, la folie de Faust et conçoit ses fantasmes.
Ce qui est frappant dans cette pièce de théâtre, c’est la réponse prémonitoire formulée dans la parole exprimée par l’agent du diable, Méphistophélès, en effet Méphistophélès, déclare que la procréation du genre humain via le recours d’un homme et d’une femme appartient à un temps aujourd’hui dépassé, il scande à propos de la conception naturelle que c’est là, l’ancienne méthode. Méphistophélès déclare que nous avons trouvé mieux, Méphistophélès proclame en quelque sorte que la vie intra utérine est « un système vaincu, dépassé », obsolète. L’homme selon l’émissaire de Satan doit songer à « de plus nobles facultés, une plus noble et plus pure origine ». Le docteur Faust se fait ici le précurseur des nouvelles transgressions, le pionnier d’un monde entré dans les zones grises de fantasmes diaboliques, la conception d’êtres artificiels à mi-chemin d’être androïdes ou de robots humanisés. Voilà le rêve de la nouvelle humanité concevoir l’enfant sans l’altérité sexuée, sans le rapport amoureux, hors les murs de la vie naturelle et biologique. Cette orientation prise par l’humanité gouvernée par je ne sais quel mauvais génie, sera aussi une façon de se réapproprier son destin darwiniste et de se renouveler, en la dégageant des contraintes liées à la survie de son espèce, des fatalités organiques. L’humain transhumaniste qui rêve la protection de la nature mais entend aussi s’en échapper et sortir de ses déterminants, est un être finalement déviant qui est sur le point de déconstruire en réalité la nature.
Nous reproduisons ici cette scène que nous avons commentée, décrite dans la pièce de Goethe : « La scène se passe ensuite au laboratoire de Vagner, qui, las de la chimie et de la physique expérimentale, a imaginé de dérober le secret de la création. A force de combiner les gaz, les fluides et les plus purs éléments de la matière, il est parvenu à concentrer dans une fiole le mélange précis où doit éclore le germe humain. De ce moment, la femme devient inutile ; la science est maîtresse du monde. Mais au moment où déjà la flamme reluit au fond de la fiole, Méphistophélès entre brusquement. « Silence ! Arrêtez-vous, dit Vagner. – Qu’a-t-il ? Un homme va se faire. Un homme ? Vous avez donc enfermé des amants quelque part ? Bon dit Vagner une femme et un homme, n’est-ce pas ? C’était là l’ancienne méthode ; mais nous avons trouvé mieux. Le point délicat d’où jaillissait la vie, la douce puissance qui s’élançait de l’intérieur des êtres confondus, qui prenait et donnait, destinée à se former d’elle-même, s’alimentant des substances voisines d’abord, et ensuite des substances étrangères, tout ce système est vaincu /dépassé et si la brute s’y plonge encore avec délices l’homme doué de plus nobles facultés doit rêver une plus noble et plus pure origine. »
En effet cela monte et bouillonne la lueur devient plus vive, la fiole tinte et vibre, un petit être se dessine et se forme dans la liqueur épaisse et blanchâtre ; ce qui tintait prend une voix. Homonculus, dans sa fiole, salue son père scientifique. Il se réjouit de vivre, et craint seulement que le père en l’embrassant ne brise trop tôt son enveloppe de cristal c’est là la loi des choses. Ce qui est naturel s’étend dans toute la nature ; mais le produit de l’art n’occupe qu’un espace borné. Homonculus salue aussi le Diable, qu’il appelle son cousin, et lui demande sa protection pour vivre dans le monde. Le Diable lui conseille de donner tout de suite une preuve de sa vitalité. Homonculus s’échappe des mains de Vagner, et s’en va voltiger sur le front de Faust, endormi. Là il semble prendre part au rêve que fait le docteur dans ses aspirations vers la beauté antique il assiste avec lui à l’image de la naissance d’Hélène.
À la suite de cet être artificiel, l’Homonculus, comment ne pas alors évoquer l’autre création de l’homme, le Golem, sa naissance est plus archaïque, non né dans une fiole, une éprouvette, un flacon de verre, mais pur produit de la glèbe façonné par la main de l’homme, mais l’homme y souffle ses lettres, le « code[3] » en quelque sorte pour lui donner le mouvement, la vie.
Ainsi le Golem dans la mythologie talmudique (XVIème siècle) un être fait d’argile, artificiel et premier humanoïde codé via l’usage de lettres hébraïques, façonné afin d’assister l’homme est le pendant de l’homonculus …
[1] Le texte de Faust : http://musicontempo.free.fr/deux_faust_nerval.pdf
[2] Un homoncule est la version d’un être humain que certains alchimistes cherchaient, prétendument à créer. http://www.aether.be/articles-aether/99-homunculus-fr Le médecin suisse Paracelse fut le premier à écrire sur ce sujet, en 1537 et évoquait une substance vaguement humaine soumise à une température biologique et combinée à des conditions autorisant l’émergence d’un être capable de se mouvoir.
[3] Coder ou programmer en informatique, ce qui permet l’écriture des programmes pour développer des logiciels
Je vois bien l’aspect »critique » de vos articles mais je ne vois pas la »sortie » du truc. Un oubli ? ou un défaut ?
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Une erreur de ma part ?
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Bonjour, il s’agit et j’aurais dû le préciser, un extrait de mon prochain livre… et de fait avec sourire je n’ai pas livré le reste de cette réflexion vous laissant sur votre faim (sourire).. mais votre remarque dans ce contexte est fort pertinente… mais vous pouvez soupçonner ici ce que je pourrais en dire.. puisque vous lisez la plupart de mes articles. Je vous félicite d’ailleurs pour cette critique utile……
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Donc je suis alléché… 😉
Eh bien je vais attendre le déroulement de votre ouvrage….
A bientôt….
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