Auteur Eric LEMAITRE
Sur l’agora d’une place publique où les veilleurs ont pris l’habitude de se rencontrer, Edmond entame la lecture d’un texte de Luis Segura brillant universitaire espagnol, à propos d’une théorie politique nommée la fenêtre d’Overton. Une théorie développée par Joseph P. Overton diplômé en génie électrique de la Michigan Technological University.
Joseph P.Overton était également un essayiste du courant libéral membre particulièrement investi dans divers think tanks libéraux comme l’Institute for Justice et le centre Makinac. La théorie développée par Overton a été conçue comme un outil pédagogique postulant que toute idée politique comprend « une gamme de mesures » considérées comme politiquement plus ou moins acceptables dans le climat qui caractérise l’opinion publique à un instant T.
La fenêtre d’Overton illustre également ce que l’on appelle la fenêtre d’un discours, un mécanisme « par paliers », une série étagée d’idées que le public sera à même d’accepter au fil de l’eau et des contextes sociétaux susceptibles de s’ajuster ou d’évoluer. Selon la théorie développée par l’essayiste, la « fenêtre » comprend une gamme d’idées en cinq étapes, considérées comme politiquement irrecevables, puis radicales, irrémédiablement raisonnables enfin convenables et finalement populaire. La fenêtre d’Overton est ainsi une évolution non figée mais ajustée de l’opinion publique existante. Ainsi au regard de l’opinion évolutive, un politicien peut donc proposer une idée sans être considéré comme trop extrême, pour gagner demain la faveur des suffrages alors que préalablement cette idée était tout à fait révoltante. L’idée de l’Euthanasie était ainsi rejetée par toutes les opinions publiques après la seconde guerre mondiale, or dans les faits aujourd’hui il n’en est rien, sans être populaire, l’idée d’euthanasier n’est plus une idée radicale, mais relativement acceptée par l’opinion publique notamment dans le cas des grandes souffrances, mais le passage d’une idée raisonnable au politique dans le cas de l’euthanasie n’est pas encore d’actualité, mais cela ne saurait tarder selon la théorie d’Overton. Nous pourrions également citer l’eugénisme, idée inacceptable mais bel et bien légalisée quand il s’agit d’avorter les êtres humains atteints de trisomie 21.
Il existe de fait socialement et dans les contextes de fabrication d’une opinion, une forme de graduation d’une idée, à l’origine inacceptable, dans un temps donné selon les situations culturelles du moment, pouvant ensuite évoluer pour devenir plus ou moins politiquement recevable au regard de l’opinion forcément changeante.
Dans les contextes quasi Orwellien qui touchant aux mutations de notre époque, la fenêtre d’Overton me fait également songer à une stratégie des petits pas ou à la fable de la grenouille qui s’accoutumant à l’eau douce, n’a su prendre conscience et à temps que cette dernière était tout simplement entrain de bouillir.
Pour revenir sur l’un de nos textes …:
[ https://deconstructionhomme.com/2018/09/08/serons-nous-demain-biopuces/ ], … l’approbation d’un contrôle aujourd’hui massif, de la population est une idée en soi, parfaitement inacceptable, inadmissible. La pratique qui consisterait à surveiller les citoyens via une technologie sophistiquée est une idée a priori qui révulserait la plupart des citoyens occidentaux bien que cette pratique de surveillance soit déjà diffusée et répandue dans les pays totalitaires comme la chine. Or cette fenêtre, c’est à dire l’idée même de surveiller les citoyens européens reste encore une fenêtre étroite, pour ne pas dire verrouillée en l’état par nos Institutions étant donné que la société considère cette action de surveillance comme contraire à l’éthique, à nos normes sociales actuelles, à la morale publique.
La fenêtre semble donc verrouillée, mais elle n’est qu’apparemment fermée, car à ce jour cette fenêtre est en réalité entrebâillée et l’idée de surveillance généralisée de la population a trouvé l’aubaine de s’engouffrer subtilement, dans les habitudes sociales, du fait même de cette domestication à grande échelle qu’exerce les technologies en cours; œuvrant à la fois dans le monde numérique et l’intelligence artificielle. Nous nous sommes ainsi familiarisés à des objets qui ont pris en réalité un relatif contrôle sur nos vies à commencer par la géolocalisation de nos usages et pratiques en termes de vie sociale.
Cette fenêtre d’Overton, concernant l’idée d’une main mise de nos données personnelles est apparemment fermée, mais subrepticement et par capillarité, l’idée de disposer de nos données est devenue acceptable, la banque ne vous effeuille-t-elle pas ainsi sur vos pratiques concernant vos usages en matière de dépenses, vos données de santé ne sont-elles pas aujourd’hui numérisées, ne laissez-vous pas des empreintes et des traces concernant vos achats chez les distributeurs du NET.
Or dans cette dernière étape, le mécanisme législatif de légalisation du phénomène est en cours de préparation. Il est évident que les lobbies exerceront une forme de pression morale pour mieux vous identifier et cela l’est déjà pour bon nombre d’entre vous, alors vous patcher il n’y aura demain qu’un pas, dans cette stratégie des petits pas.
Ainsi, une idée qui, en principe, était hier invraisemblable et inimaginable dans tous ses aspects est devenue socialement tolérable dans la conscience collective ! A partir d’un simple postulat qui se résume à activer dans un contexte orwellien, une « fenêtre d’Overton » il est devenu ainsi possible de modifier la perception publique d’une idée révulsive au départ et finir par conquérir et séduire le public, tant et si bien que ce dernier ne soit plus en mesure de réagir. Un exemple ici : nous l’illustrons avec la biométrie dans nos cantines parfaitement acceptée par les parents et demain d’une griffe « une marque » imposée ou naturellement acceptée par tous… la fenêtre d’Overton est un outil de compréhension, nous permettant de mieux appréhender les mécanismes de manipulation publique, mécanisme peu connu et qui méritait cette réflexion que nous vous partageons…
Très intéressant ! Merci Eric, pour cette réflexion !
Fraternellement,
Pep’s
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J’ai lu ce texte et les exemples ne manquent pas de l’évolution et manipulations des idées, des concepts pour faire accepter l’inacceptable depuis les temps les plus reculés.
L’expérience de Milgram est un des aspects de la soumission à une soi -disant autorité qu’on peut retrouver dans les systèmes de gouvernance, autoritaires ou pseudo démocratiques.
Des groupes humains ont souvent résisté à la manipulation, à la force des dominants, à l’exploitation de l’ignorance. Peut-être après ou même avant la mise en œuvre.
Les fenêtres se sont ouvertes ( pas en totalité) et ont en partie cédé après de longs siècles de réflexion pour faire émerger du neuf et renverser l’inacceptable ( par exemple ) l’égalité homme -femme, les droits sociaux, le fin de l’esclavage, l’égalité des droits, la laïcité, la peine de mort …..
D’autres sont imposées par des personnes qui ont la puissance financière et politique, et l’avidité insatiable du profit: la pollution, les productions et les moyens de les produire, la mondialisation des échanges, les produits agricoles en bourse, les pesticides,; les choix de société … Le manque d’informations justes , d’éducation , de connaissances sont la source de la manipulation , de l’acceptation, de la soumission à ce que d’autres ont l’arrogance d’imposer sans attendre l’acceptation.
Les religions sont imposées par la force et les guerres, pas besoin de la fenêtre d’Overton.
Il est vrai aussi que des nouveautés arrivent lorsque l’opinion est prête , surtout dans notre période de fascination des nouvelles technologies, sensées apporter le progrès humain. Et la fenêtre d’overton est une base de réflexion utile.
– l’état d’urgence permanent
– la surveillance généralisée acceptée par les propagandes de peur
– les puces
– la reconnaissance électronique testée dans les camps de réfugiées
– les recherches à la pointe dans les domaines électroniques et de l’intelligence artificielle des services israéliens
– ……
Pour généraliser à l’ensemble du monde, oui, je suis d’accord que la fenêtre d’overton est un des moyens de compréhension de cette avancée en catimini de ces idées confortées par les technologies nouvelles,
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> Déborah
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Merci infiniment pour votre lecture et votre retour construit, très réfléchi qui nourrit aussi ma propre réflexion sur les manipulations de l’opinion à grande échelle lorsque ces opinions ne sont plus habitées par le discernement, le sens de la mesure et du bien ….Ils appelleront ainsi bien ce qui est mal et mal ce qui est bien….N’hésitez pas à partager ce texte comme votre propre réflexion autour de vous…
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