La société iconoclaste, la nouvelle culture numérique

L’organisation sociale dans cet univers numérique dessine subtilement une forme d’idolâtrie de l’image. Dans ce monde virtuel, la relation à l’autre et aux autres, devient si compliquée que l’on se réfugie dans un ersatz, un paradis artificiel, dans un monde parallèle qui se substitue à un autre monde, le monde virtuel et son empire « spirituel » nous conduit à l’autosatisfaction d’avoir une quantité d’amis, une quantité de contacts, « de gens qui me suivent », les fameux followers (les suiveurs).

Nous sommes dans ce monde de l’image, monde envahi par une foule d’icônes désacralisées, d’écrans ou autant d’écrans qui deviennent des lieux de fascination, oserai-je l’écrire des lieux de cultes, les nouveaux médiums, les nouvelles idoles des temps modernes. Nous sommes passés d’un monde de lieux de rencontres, de relations et d’écrits à un monde des images et des écrans sans rencontres avec le réel, la société transhumaniste nous persuade qu’il s’agira incontestablement d’un nouveau progrès ouvrant de nouvelles connaissances, de nouvelles perspectives culturelles, de nouveaux plaisirs cognitifs. Comme l’écrit Jacques Ellul avec lequel nous partageons pleinement ce point de vue « Il n’y a pas vraiment d’informations à la télévision, il n’y a que la télévision dont seul émerge l’écran lui-même de l’appareil, il n’y a aucune information sur le réel 

karl-fredrickson-27504-unsplash.jpg

Une société iconoclaste rivée sur l’image qui aliène le rapport à l’autre

L’organisation sociale dans cet univers numérique dessine subtilement une forme d’idolâtrie de l’image. Dans ce monde virtuel, la relation à l’autre et aux autres, devient si compliquée que l’on se réfugie dans un ersatz, un paradis artificiel, dans un monde parallèle qui se substitue à un autre monde, le monde virtuel et son empire « spirituel » nous conduit à l’autosatisfaction d’avoir une quantité d’amis, une quantité de contacts, « de gens qui me suivent », les fameux followers (les suiveurs).

Nous sommes dans ce monde de l’image, monde envahi par une foule d’icônes désacralisées, d’écrans ou autant d’écrans qui deviennent des lieux de fascination, oserai-je l’écrire des lieux de cultes, les nouveaux médiums, les nouvelles idoles des temps modernes. Nous sommes passés d’un monde de lieux de rencontres, de relations et d’écrits à un monde des images et des écrans sans rencontres avec le réel, la société transhumaniste nous persuade qu’il s’agira incontestablement d’un nouveau progrès ouvrant de nouvelles connaissances, de nouvelles perspectives culturelles, de nouveaux plaisirs cognitifs. Comme l’écrit Jacques Ellul avec lequel nous partageons pleinement ce point de vue « Il n’y a pas vraiment d’informations à la télévision, il n’y a que la télévision dont seul émerge l’écran lui-même de l’appareil, il n’y a aucune information sur le réel »[1].

Michel Henry n’écrit pas autre chose sur la télévision et sur le monde des images artificielles, en dressant un jugement sans appel sur ce média, la télévision selon le philosophe est « la fuite sous forme d’une projection de l’extériorité, c’est ce qu’on exprime en disant qu’elle noie le spectateur dans un flot d’images… »[2]

Comment ne pas imaginer une forme de dépendance, relativement à l’usage quasi addictif d’Internet qui est devenu artificiellement le nouvel Ersatz, en réalité une drogue nocive. Comment ne pas sourire à ceux qui vous déclarent « je ne regarde désormais plus la télévision » mais sont rivés sur l’usage des réseaux sociaux, consultent systématiquement l’information véhiculée par le médium web.  Pourtant je ne jetterai nullement la pierre, j’en ai fait usage mais un usage qui a été jusqu’à une forme de dépendance.

J’ai pris conscience que le monde de l’image instaure un nouveau culte des temps modernes. Ne voyons-nous pas ainsi ces nouveaux prêtres de l’image, ces nouveaux dieux de la téléréalité qui sont adulés, ces nouveaux officiants du monde cathodique qui sont admirés. Ces vicaires médiatiques mutent en nouveaux confesseurs du monde contemporain.

Ces commentateurs de notre petit écran, occupent l’espace virtuel de notre maisonnée et sont devenus les nouveaux sages, installés dans un nouveau pouvoir édictant la norme, décrétant la façon dont il convient aujourd’hui de penser la réalité. En réalité ces vicaires de l’information ne pensent pas, ils sont les sujets de l’égrégore, cette masse informe de paroissiens auditeurs dont nous évoquions la figure au début de ce livre. Ces ministres du culte commentent en pensant être les consciences intellectuelles du monde contemporain mais en réalité ne sont que le reflet, le miroir d’une opinion qu’il faut tenir en laisse pour ne pas la laisser dériver dans la rébellion.

Dans ce monde de l’image nous sommes également devenus, des sujets passifs, des consommateurs d’informations en prise avec une information, une image, autant que possible dramatique mais en distance souvent avec sa réalité, ses contextes. Nous sommes abreuvés par des flots d’images continus, des vagues parfois déferlantes émanant des mondes cathodiques et numériques. Or pour ces pouvoirs de la finance, de la consommation, ou ces pouvoirs idéologiques, il faut bien créer, ces messes cathodiques pour nous tenir en dépendance, loin des lieux qui rassemblent et des lieux qui nous feraient prendre conscience de cette indolente passivité qui nous font adorer l’image, qui nous font adorer l’image plutôt que le créateur.

En écrivant ces lignes nous pensons à l’évocation de la figure de la bête et de son image. Le mot image est sans cesse répété dans le dernier livre de Saint Jean, comme si l’apôtre Jean fut frappé par cette dimension iconoclaste. Nous sommes ainsi convaincus que la modernité ne nous conduit pas à adorer des statues de bois, de pierre ou de terre, mais la modernité nous convie à adorer de nouveaux dieux et ces dieux sont numériques ou cathodiques nous privant de la relation verticale et horizontale, nous privant de communion avec Dieu et de communion avec le prochain.

Dans un monde totalitaire, la dimension iconoclaste sera à son paroxysme, Saint Jean, décrit cette puissance totalitaire, l’apôtre évoque l’image terrifiante de la bête qui exerce son pouvoir et sa marque sur l’ensemble de l’humanité devenue corvéable et adoratrice de l’image de la bête. Sans doute que le propos que nous tenons sera jugé exagéré par nos lecteurs ou extrême, nonobstant comment ne pas imaginer qu’il ne soit pas impossible pour une dictature de dominer les médias, de les utiliser pour exercer une totale emprise sur les individus. Il est évident que le monde d’aujourd’hui nous familiarise subrepticement et par capillarité à un tel pouvoir mortifère de l’image sur les âmes et les esprits.

Le dernier livre de la Bible l’Apocalypse décrit une forme de fascination totalitaire de l’image de la bête. Dans ce texte visionnaire et prophétique, il est intéressant de noter et en regard du sujet que nous traitons (le transhumanisme) qu’animer l’image signifie également « devenir un être en grec » en latin animer c’est donner le souffle, en réalité il s’agira de donner l’illusion du souffle de vie dans ces concepts d’intelligence      artificielle promus par le transhumanisme. Comme si l’ultime rêve fut de donner un corps animé, puisqu’il sera impossible de doter cette intelligence forte d’une âme.

Sur ce point le co-auteur Gérard Pech de cet ouvrage collectif appréhendera également cette dimension.

Apocalypse 13.15 « Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués. »

La dépendance numérique chez les plus jeunes et leurs conséquences sur le développement psychique.

« Il n’y a pas de lieu qui ne soit exempté, ou pour tenir tranquille l’enfant, on lui donne de consommer un objet numérique, un biberon numérique ou à défaut une tétine … » Voilà ce que partageait une amie, stupéfaite de constater une forme de démission des parents, des parents s’abandonnant à un recours à l’objet numérique pour obtenir un peu de paix ou de calme, les livrant demain à une addiction, à une dépendance atrophiant la qualité relationnelle et la dimension affective de l’enfant au lieu de l’occuper par des activités ludiques et manuelles.

Sans doute que cette assertion pourrait être perçue comme un peu rapide, un raccourci hâtif, convenons-en, mais combien de situations semblables à celles-ci, n’ai-je pas constater lors de mes entretiens avec des habitants dans leurs appartements où la télévision exerçait une véritable emprise sur les esprits et les âmes. La télévision devenant le docile compagnon, la présence comblant le vide, berçant l’ennui de ses auditeurs et de leurs enfants.

La télévision qui devient très tôt une forme de biberon numérique ou de tétine cathodique, les temps d’écran dans les familles phagocytent les esprits et ne sont pas sans conséquences sur une forme de lobotomisation des intelligences relationnelles.

Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste, auteur du livre « Les Dangers de la télé pour les bébés »[3], fait valoir que l’exposition à la télévision retarde le développement de l’enfant ; plusieurs études américaines soulignent les problématiques des usages de la télévision chez les très jeunes enfants. En effet ce médium chez l’enfant de moins de 3 ans ne favorise pas selon ces études son développement et serait même de nature à freiner ses facultés cognitives.

D’autres études[4] corroborent qu’une trop grande exposition de l’enfant aux écrans (tablettes, ordinateurs, télévision…) nuit au développement du langage, de l’attention, mais également génère des troubles du comportement.

Si effectivement la télévision peut présenter de magnifiques opportunités pour découvrir le monde, nous ne pouvons occulter que la télévision peut concourir à annihiler l’esprit critique et décourager la capacité d’apprendre y compris chez les adultes.

L’écran façonnerait-il alors une société docile, obéissante peu à peu soumise, voilà sans doute un aspect de la réflexion à engager sur le devenir même de la société transhumaniste, une forme d’idole paganiste.  Psaume 97 : 7 « Ils sont confus, tous ceux qui servent les images, Qui se font gloire des idoles. Tous les dieux se prosternent devant lui ».

De l’empire cathodique à celui du numérique

Nous sommes sans doute nombreux à utiliser les réseaux sociaux, à poster photos, textes, images et vidéos. Par paresse ou bien par facilité, nous sommes nombreux à relayer, à avoir recours à des visuels, ces nouvelles icônes, ces nouvelles représentations du monde qui viennent refléter l’opinion, l’humeur, du moment.

Nous sommes aujourd’hui devenus les sujets de la « culture de l’image », une culture de l’image qui laisserait penser que nous en partageons les codes, les usages, les termes, mais en réalité cette culture de l’image est une culture sauvage, celle de la plasticité hétérogène, floue. Sans méfiance parfois nous subissons le diktat de cette nouvelle culture du numérique jetable, de l’image furtive. Le plus souvent nous ne prenons pas la distance nécessaire pour comprendre ses effets qui peuvent s’avérer néfastes ou désastreux.

Nous prenons conscience que les guerres sont aussi des batailles d’image, les guerres de l’image pour conquérir les esprits, les assujettir parfois. Dans ces batailles, les chaines de divertissement, les réseaux sociaux font de nos cerveaux, les lieux de prospection, les lieux de soumission des âmes, il s’agit en effet pour ces empires cathodiques ou numériques de mobiliser notre attention, toute notre attention, déplaçant ainsi le sens de la relation à l’autre, pour n’être captif que d’un écran qui assouvit, domine notre esprit.

Notre civilisation longtemps baignée dans l’écriture ou la parole, est entrée dans la civilisation de l’image. Cette culture de l’image nous conduit souvent à des postures pleines de contradictions, tour à tour nous dénonçons la transgression de l’image, le simulacre, l’artificiel, l’enfermement narcissique iconoclaste d’un reflet, d’une représentation, pour en louer paradoxalement la valeur descriptive, pédagogique, la capacité à reproduire le réel, à l’incarner, à partager la beauté, à sublimer, la valeur de l’existence.

Surtout ne pas apercevoir le réel

Jacques Ellul le grand penseur Chrétien ne dit pas autre chose dans son livre magistral « La parole Humiliée » avec une acuité saisissante, une vision pénétrante, il dénonce de façon quasi prémonitoire dans un livre écrit en 1979, oui écrit en 1979, le devenir de la parole qui serait supplantée par l’image. Ainsi pour Jacques Ellul, l’image vient se substituer au réel, vient en quelque sorte, désosser, stéréotyper la parole « La parole (qui) ne ferait qu’augmenter mon angoisse et mes incertitudes. Elle me ferait prendre conscience davantage de mon vide, de mon impuissance, de l’insignifiance de ma situation, tout est heureusement effacé, garni par le charme des images et leur scintillement. Surtout ne pas apercevoir le réel. Elles substituent un autre réel ». Pour Jacques Ellul nous entrons immanquablement dans un monde qui est sur le point de dévaluer l’écrit et la parole.

De façon sublime Jacques Ellul toujours dans ce livre « La parole Humiliée » que nous vous recommandons indique à propos de cette actualité saturée par l’image qu’elle « … implique la réalisation actuelle et sans délai de nos désirs. Un gouvernement qui dit qu’il faudra deux ans pour résoudre une crise est un gouvernement condamné. Une morale qui apprend à attendre et agir patiemment vers un objectif est une morale rejetée. Une promesse pour demain fait considérer comme un menteur celui qui la formule. Tout et tout de suite, c’est l’expression de la présence des images qui en effet nous accoutument à voir tout et d’un seul coup d’œil ».

Je pense que la lecture de ces mots, montre à quel point cette dimension que décrit ce grand théologien Chrétien est quasi prémonitoire relativement à une actualité assaillie par le tout numérique, le petit et le grande écran, la puissance de l’image cathodique qui installe dans tous les foyers le monde qu’elle regarde, qu’elle visualise pour nous, en prenant soin de trier, de sélectionner ce qui fait événement au risque même d’abîmer, de blesser l’âme, l’esprit, la conscience de tout à chacun.

Nous interagissons ainsi avec l’image sans avoir toujours le recul nécessaire, la distance qui devrait être nécessaire. Nous réagissons de façon abrupte soit en rejetant l’artificiel, soit en la relayant et en participant à l’émotion du moment. Nous nous servons alors de l’image pour interpeller nos contacts, nos amis, notre réseau. Nous voulons créer un effet pour participer à l’émotion du moment, vivre un moment collectif, partager la même opinion face à l’événement qui nous a affecté ou touché.

Les auteurs de ce livre n’ont pas échappé eux-mêmes à cette mode du petit ou du grand écran et reconnaissent fort volontiers avoir cédé parfois légèrement à cette nouvelle culture de l’image que l’on diffuse, que l’on distribue épisodiquement avec trop de docilité, de légèreté sans prendre conscience du pouvoir de la culture de l’image. Cette image qui n’est pas toujours ou jamais totalement neutre, une image qui a pu être instrumentalisée, manipulée à des fins de toucher l’opinion.

Dans cette culture de l’image, massivement nous nous laissons contaminer finalement par cette communication désincarnée qui peut échapper parfois à tout contrôle, à toute réalité. Le monde virtuel symbolisé par nos réseaux sociaux montre un affichage d’images idylliques qui ne reflètent pas nécessairement les réalités que nous vivons qui donnent à nos interventions narcissiques l’illusion d’exister. Nous sommes en effet loin de cette dimension illustrée par ce verset des écritures « l’homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur. » (1 Samuel 16 : 7)

Nous nous donnons ainsi en spectacle dans une forme proche de la télé réalité en prenant soin de maquiller, de corriger l’image que l’on veut bien renvoyer de nous. Notre rapport au monde et à autrui passe aujourd’hui non par la relation mais par des connexions. Nous sommes connectés au monde mais non plus reliés à notre village, à nos voisins, à nos amis, à ceux qui nous sont proches.

De la parole à l’écrit de l’écrit à l’écran numérisé :

La société moderne, celle que nous connaissons, que nous appréhendons dans notre quotidien est ainsi envahie par l’image. Nous sommes ainsi passés en quelques décennies d’une société dominée par l’écrit à une société de l’écran numérisé, de l’image.

Jamais de nos jours, l’image n’a été si prolifique, si envahissante. Nous recevons une quantité d’informations numérisées et cette quantité, cette déferlante d’informations dématérialisées est le plus souvent véhiculée par un flux de pixels, de photos, de films, de vidéos.

Notre société est imprégnée ou immergée voire submergée dans la culture du visuel, amplifiée par le règne des grands et des petits écrans, dans les foyers ou la puissance de l’image cathodique façonne nos modèles de vie en société, nous conduisant même à une culture d’addictions.

Nous vivons une forme de changement radical, de mutation finalement sociale ou le papier, la plume, l’écriture ont aujourd’hui une bien moindre emprise pour porter les idées du monde et l’impacter, mais l’image aujourd’hui en a pris le relais pour façonner le monde. Nous préférons le plus souvent utiliser les images plutôt que les mots, ces images qui deviennent nos icônes. Pourquoi au fond ce besoin existentiel d’avoir ce rapport à l’image qui nous éloigne d’un rapport à la transcendance. Cette phrase de Jésus qui indique que « le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité » est à mille lieux d’un monde qui vénère et adore les images, a besoin de se raccrocher à des représentations pour croire, pour fonder une émotion qui s’incarne, car « l’image m’a impressionné ».

Longtemps en effet l’écriture a influencé de manière parfois déterminante la formation des sociétés.

Il y a immanquablement dans le rapport au texte, une dimension réflexive à l’envers d’une image qui relève davantage d’un discours forcément réducteur, voulant refléter une réalité mais une réalité qui peut aussi être tronquée, bien entendu l’écriture peut aussi être mensongère et trahir le réel. Mais l’image par sa dimension fugace peut être, manipulatrice quand elle est au service de l’émotion que l’on veut atteindre.

Mais il est aussi vrai que l’image reportage peut être au service du bien quand celle-ci n’est pas tronquée, mais se veut un parti pris pour aider, pour influencer, pour toucher, pour émouvoir. Ma propre fille qui est photographe, s’inscrit totalement dans cette démarche pour illustrer l’étonnement, la beauté, l’émerveillement.

Nous pouvons ainsi tous convenir que l’impact émotif de l’image est puissante (beaucoup plus que dans un texte écrit, plus qu’une parole qui s’envole) et parfois même plus agressive, ce qui nous fait parfois dire qu’« une image vaut plus que milles paroles », « qu’une image résume un discours », « qu’une image parle mieux qu’un long plaidoyer ».

Dans cette société de postmodernité qui est la nôtre, force est de reconnaitre que les images tendent à se substituer à l’écriture, aux textes, les images deviennent les icones dans lesquelles se reflètent les opinions, les idées, l’image est devenue la culture dominante.

Sa profusion atteint des sommets tant dans les domaines de l’information, de la consommation. Notre esprit, notre conscience, notre pensée est imprégnée par un déferlement d’affiches, d’annonces, de messages, de photos, de vidéos, d’illustrations. Les images prennent des formes multiples tour à tour accrocheuses ou racoleuses, provocantes ou émouvantes, sensibles ou rébarbatives.

Si l’image a été au service de l’art, elle est aussi au service de la mémoire. Mais l’image est aussi le message consumériste, l’image peut aussi être propagande politique, la religion est-elle même influencée par le monde de l’image. Cette culture visuelle, a besoin de voir, de se représenter, finalement pour croire.

Les images jouent de nos jours un rôle central dans la fabrication des opinions, des émotions, la construction de la vie sociale, dans la construction de nos repères. Mais l’image est parfois biaisée, déformée, instrumentalisée, utilisée à des fins de susciter une réaction de l’opinion.

L’image est forcément ambiguë, par nature, une image ne devrait pas être le seul vecteur de communication mais force est de reconnaitre une dérive de nos univers sociaux entrainés par le flot d’un monde de moins en moins incarné.

Nous sommes ainsi entrés dans une nouvelle ère, celle de la visualisation du monde : elle suppose que les images ne soient pas la réalité ni même sa représentation. La retouche photographique et le montage d’une vidéo s’inscrivent comme un exposé rapide, une construction et une interprétation de la réalité, entretenant un rapport arrangé ou s’accommodant avec le réel.

Ainsi dans la récente actualité et dans un contexte de dramaturgie qui touche la Syrie, le monde occidental dans sa torpeur fut secoué violemment par une image, celle d’un enfant gisant «retrouvé » sur une plage. L’image était bel et bien tronquée, le drame syrien lui bien réel. Mais il fallait provoquer l’électro choc pour créer une émotion massive au sein d’une Europe qui n’avait sans doute pas pris la mesure d’une dramaturgie qui pourtant, inlassablement lui fut rapportée, y compris d’enfants pris dans les filets de pêches.

Dans ce dernier contexte et comme d’ailleurs l’histoire de l’image l’a montré jadis, nous prenons conscience de la puissance manipulatrice que l’image que revêt son pouvoir.

La puissance manipulatrice de l’image tient aussi à la dimension manipulatrice inhérente à l’argumentation par le pathos. Le pathos est en effet l’une des techniques d’argumentation destinées à produire la persuasion, à produire de l’émotion. L’image mieux que la parole, mieux que l’écriture est dotée de cette faculté de toucher, d’impacter, de résumer la pensée. Elle peut donc être dangereuse dans son aspect propagande, pointer l’ennemi, dénoncer l’étranger, ou pire idolâtrer l’homme providentiel.

L’homme providentiel pourrait ainsi avoir cette capacité d’utiliser l’image, de l’employer à ses desseins pour imposer sa figure, son icône au monde. Si Dieu se rencontre en Esprit, le livre de l’apocalypse rapporte que le bête se sert de son image pour l’imposer à la face de ce monde.

Apocalypse 13 verset 14-15 « Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui était donné d’opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l’épée et qui vivait. Et il lui fut donné d’animer l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât, et qu’elle fît que tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la bête fussent tués … »

Nous prenons aussi conscience que dans cette culture de l’image, nos sociétés du numérique comme l’écrivait une amie Chrétienne, que celles-ci veulent nier Le verbe, le verbe incarné. Il s’agit de gommer, d’effacer Dieu dans nos représentations mentales, faire en quelque sorte l’éviction de toute référence à un Dieu Créateur que l’on ne peut connaître qu’en Esprit… Je cite là un de ses propos « L’image devient icône, et en adorant « l’image » on en vient à ignorer Dieu, à haïr Dieu. Ce qu’on ne montre pas n’existe pas… » Oui ce que l’on ne montre pas, n’existe pas. Notre société de l’image puisqu’elle ne peut pas montrer Dieu, forcément nie Dieu, montre qu’il ne peut exister puisque son image ne peut être produite, ne peut nous être restituée.

L’amour de l’image

Il me semble que l’amour de notre image mise en scène dans les mondes numériques, traduit au fond une forme de caprice d’adolescent, d’infantilisation, d’insensibilité et d’indifférence à l’autre comme l’est l’avarice. L’amour du reflet de son image sur le petit ou le grand écran surpasse ainsi l’intérêt que l’on devrait porter à autrui. Seule son image compte et celle que l’on veut donner à voir aux autres.

Se théâtraliser, se mettre en scène, finit par nous faire perdre tout sens et tout contact avec le réel, avec la vraie vie, les vrais gens. Dès le moment où nous voulons médiatiser un événement, est-ce vraiment la réalité, la médiatisation ne procède-t-elle pas le plus d’une démarche à la fois sélective et biaisée d’images, ce que l’on veut faire absolument voir, ce que l’on veut donner à voir de soi ?

Avec cette forme de télé réalité, le monde des pixels, l’image numérisée, cette société de l’écran, nous construisons dans ce rapport au monde de l’image : une vision du bonheur factice pour se donner à voir, une vitrine de la misère humaine valorisant l’artifice des connexions plutôt que la relation discrète.

Nous cédons en quelque sorte à l’abrutissement de la mode cathodique qui dénude les gens en les accoutrant d’un vernis qui masque une forme de frustration, le vrai visage d’hommes et de femmes en quête de bonheur mais n’étant que des acteurs d’une mauvaise comédie.

C’est ce que m’inspire la lecture du monde des réseaux sociaux et d’une certaine façon You tube pour ces hommes et ces femmes qui se mettent en scène. Mais ne jetons pas trop facilement la pierre. Nous aussi, nous sommes parfois les sujets de cette surexposition à laquelle nous sommes familiers depuis que la télé réalité et les réseaux sociaux sont venus inonder les écrans cathodiques et s’imposer parfois à nous.

Le succès sans doute de la télé réalité comme des réseaux sociaux repose essentiellement sur deux fictions : l’apparence d’un accès facile à la notoriété, l’illusion que nous renvoient nos images qui deviennent en quelque sorte nos avatars. Nous nous identifions à eux, nous sommes eux.

La télé réalité est le reflet symptomatique de la post modernité, d’individus narcissiques heureux de gagner en notoriété mais au fond des individus fragiles, incapables de vivre dans ce monde dans la durée, car la télé réalité est forcément éphémère, un jour dans la lumière, demain dans l’ombre qui vous congédie à un triste vous-même sans miroir.

Nous devrions en conclusion de ce chapitre nous inspirer de la conduite de Jésus qui n’a pas cherché à attirer l’attention sur lui, refusant les pouvoirs que lui donne la notoriété immédiate, appelant à la discrétion de chacun afin que lui-même ne soit pas idolâtré. Car le risque est bien l’idolâtrie de la créature et non l’adoration du créateur. Ce rapport à la télé réalité est également une manière artificielle de construire une représentation de soi

Ainsi le rapport narcissique de la société à la consommation, ce rapport à la télé réalité est également une manière artificielle de construire une représentation de soi, une idéalisation de l’égo, comme l’écrit Alain LEDAIN dans son livre Regard d’un Chrétien sur la société « …mais d’un soi déraciné, arraché à sa réalité. C’est comme si le monde cherchait à créer, non l’identité par ce que l’on est, mais « d’être » par ce que l’on possède. »

[1] Citation extraite du livre de Jacques ELLUL, le bluff technologique. Page 597 Pluriel.

[2] Citation extraite du livre de Michel Henry La barbarie page 190 : PUF

[3] http://www.lemonde.fr/vous/chat/2009/11/17/faut-il-interdire-la-tele-aux-tout-petits_1268448_3238.html#4mvGfc49XfsvK6mF.99

[4] Lire à ce propos l’article Naitre et grandir : http://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/jeux/fiche.aspx?doc=ecrans-jeunes-enfants-television-ordinateur-tablette

Auteur : La Lumière du monde

Éclairer le monde

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :